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mercredi 4 septembre 2019

Revolution du stockage par batteries stationnaires




Sous la plume de Vincent Collen, le quotidien « Les Echos » a publié le 20 août 2019 un article intitulé :

« La révolution du stockage de l’électricité est en marche »


Notre conclusion

Le développement, nullement improbable, des batteries de stockage de l’énergie électrique de réseau, sera à inscrire dans la liste des erreurs stratégiques majeures, en concurrence avec le véhicule tout-électrique. Ces erreurs auront pour effet de retarder l’indispensable et urgente baisse des émissions de CO2, car l’allocation des ressources publiques ou privées disponibles aura été loin de l’optimum.


Message

Notre blog avait largement traité ce sujet dans 16 messages publiés en 2014 et figurant dans le sommaire « Energie ». Notamment, l’utilisation ou la réutilisation des batteries Li-Ion de l’automobile pour le stockage de l’énergie de réseau a été traité dans un message qui a conservé toute sa pertinence. 
Le texte intégral des « Echos » qui prévoit une très forte croissance du marché des batteries stationnaires d’énergie électrique, figure ci-dessous sans les photos, est résumé en bleu ci-après, avec nos commentaires :

Abréviations :
  • K pour kilo (000)
  • M pour méga (000 000)
  • G pour Giga (000 000 000)

 A. Progression du marché de 16% par an pour atteindre 27 G$/an en 2030 et 58 G$/an en 2050.
Le marché actuel n’est pas mentionné. Les croissances ne sont pas cohérentes avec les montants :
  • La progression annoncée de 2030 à 2050 ne correspond qu’à une croissance en valeur de 4% par an.
  • Une progression de 16% sur cette même période amènerait le marché à 525 G$ en 2050, invraisemblable.
  • Ces chiffres sont donc peu crédible…
 B. Progression de la capacité de stockage d’un facteur 100, de 10 GW à 1 000 GW en 2040.
  • Il s’agit en réalité de GWh (énergie) et non de GW (puissance).
  • Une progression d’un facteur 100 en 21 ans correspond à une croissance en volume de 26% par an, à nouveau incohérente avec les 4% et les 16% en valeur du paragraphe précédent, même en tenant compte d’une baisse de prix.

 C. Les éoliennes et PPV sont indispensables à la réduction des gaz à effet de serre, mais leur production est intermittente.
  • Les éoliennes et PPV peuvent en effet contribuer à la réduction des GES, notamment aux basses latitudes, mais ne sont nullement indispensables, car d’autres solutions décarbonées existent : le nucléaire, l’hydraulique, le biogaz, capables de produire en continu ou à la demande aux prix de marché actuels.
  • Le simple passage du charbon au gaz à cycle combiné réduit l’émission de CO2 des deux tiers, et est possible à court terme (essentiel, car il y a urgence) à un prix raisonnable.
  • Le recours aux énergie intermittentes restituées après stockage, n’a donc de sens que si elles restent compétitives après coût de stockage.
D. Le marché se développe parce que l’écart de prix de marché du MWh entre les périodes de production insuffisante (crêtes) et excédentaires (étiage) ne cesse d’augmenter.

L’affirmation est exacte, mais doit être explicitée et complétée :
  • La production des PPV sous les latitudes moyennes (Europe, USA) est contracyclique : élevée pendant l’étiage de consommation des journées d’été, et nulle pendant les pointes de consommation qui se situent toujours la nuit en hiver. Il en va différemment dans les pays tropicaux, où les pointes de consommations dues aux climatisations coïncident avec la production des PPV. Ces derniers  n’ont donc aucun intérêt sous nos latitudes.
  • Il est possible de réduire les pointes de consommation par un tarif dynamique (« yield management ») qui réduit alors la demande par augmentation du prix.

E. Le prix des grosses batteries Li-Ion va baisser de 360 $/KWh actuellement à 170 $ en 2030. Des projets sont lancés :
  • 1,8 GWh en Californie en 2020
  • 3 GWh à New-York en 2030
  • Remplacement de centrales de pointe à charbon ou gaz
  • 100 MWh d’ici 2 ans
  • Et jusqu’à 1 GWh
  • Ils aboutiront à 80 % d’énergies renouvelables dans certains états ou pays.
Tous ces belles prévisions doivent être évaluées économiquement.
  • Le coût d’un MWh solaire produit par PPV est au minimum de 80 $ 
  • Une batterie perd 30% de sa capacité en environ 1 500 cycles. Si on la réforme quand sa capacité tombe au tiers de sa valeur initiale, elle aura stocké environ 3 000 fois sa capacité initiale. Le seul prix de l’usure de la batterie est donc 360 M$ / 3000 cycles = 120 $ 
  • Son rendement (Energie restituée / énergie reçue) est d’environ 80%.
  • Le prix du MWh restitué est donc : (80 $ +120 $) / 80% = 250 $/MWh
  • Or le prix de marché se situe entre 40 et 200 $/MWh
Une autre comparaison est éclairante : Sur leurs durées de vie :
  • Une batterie de 1 MWh coûte 360 K$ et restitue 3 000 MWh
  • Un EPR coûte 4 000 K$ par MW (11 fois plus) et restitue 240 000 MWh (80 fois plus) en 40 ans à 70% de sa capacité, avec un coût marginal extrêmement bas.
  • Il est donc 7 fois moins cher, et finalement plus écologique, de produire de l’électricité décarbonée que de la stocker, même si le facteur de charge des EPR devait ainsi baisser quelque peu.
La prévision d’une baisse de prix de 360 $ à 170 M€/MWh en 2030 est contestable. La « courbe d’expérience » qui sert de base au Boston Consulting Group, reconnue comme très pertinente, prévoit une baisse de 10% à 20% du prix de revient de n’importe quel produit ou service industriel pour chaque doublement de la quantité cumulée produite. Partant du prix actuel, et en se basant sur 15% appliqué aux batteries Li-Ion, et sur l’une ou l’autre des lois de croissance envisagées en A. ci-dessus, on arrive aux alentours de 320 $/MWh, soit pas loin du double du prix annoncé, sans baisse massive du prix de revient du MWh restitué.

En plus, la production diurne d’une ferme solaire varie d’un facteur 10 entre le solstice d'été et le solstice d'hiver : ceci signifie que de novembre à février le stockage diurne de  ne sera pas possible faute de production suffisante en journée, car il n’est évidemment pas envisageable de stocker l’énergie sur une demi-année au lieu d’une demi-journée, pour un prix 365 fois plus élevé ! Le stockage d’énergie PPV ne se développera donc pas sans subventions :
  • Par défaut de production de novembre à février
  • Par coût excessif, même aux périodes favorables


F. Le stockage à domicile est promis à un bel avenir grâce à des ménages prêts à faire des sacrifices pour participer à la révolution énergétique.

C’est probablement exact, quoique difficilement prévisible. Le « Green washing » par les médias est tellement intense que de nombreux citoyens éco-responsables seront tentés d’investir dans des batteries domestiques stationnaires pour ne consommer que de l’électricité supposée verte, en ne se préoccupant ni de leur pertinence économique, ni de leur durée de vie, ni de leur caractère intrinsèquement polluant, émetteur de CO2 et consommateur de matières premières rares importées. Si en plus, des politiciens bien-pensants, mais mal informés, y ajoutent quelques aides publiques, alors le succès est probable pour ce marché, ce qui sera un échec pour la planète !


Annexe: 

Notre analyse des marchés, prix et quantités des batteries stationnaires Li-Ion basée sur les chiffres publiés par Les Echos.
  • Cellules vertes : données "Les Echos"
  • Cellules rouges : conclusions discordantes
  • Cellules bleues : hypothèses de calcul réduisant les discordances



 ______________________________________________

Texte intégral des « Echos »
Vincent Collen @VincentCollen

Stocker l’électricité pour compenser l’intermittence de la production des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est l’un des grands défis à relever pour réussir la transition énergétique. Ce marché du stockage est encore balbutiant mais devrait progresser de 16 % par an en moyenne pour atteindre 27 milliards de dollars en 2030, estime Bank of America-Merrill Lynch, qui vient de publier une étude sur ce sujet. Il atteindrait 58 milliards en 2040. A cet horizon, pas moins de 6 % de la production électrique mondiale pourrait être stockée dans des batteries, prévoient les experts de la banque américaine. Pour Bloomberg NEF, on passerait des capacités très modestes installées aujourd’hui sur la planète (moins de dix gigawatts, l’équivalent de dix réacteurs nucléaires) à plus de 1.000 gigawatts en 2040.

Les moteurs de cette expansion sont puissants et ils s’alimentent les uns les autres. Le premier, c’est l’essor des énergies renouvelables, indispensable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or les éoliennes ne produisent pas d’électricité quand le vent ne souffle pas. Idem pour les panneaux photovoltaïques lorsqu’il n’y a pas de lumière. Bref, les renouvelables produisent parfois trop lorsque la demande est faible, et pas assez lorsqu’elle est forte. Le stockage de l’électricité permet de lisser ces pics et ces creux. Avec une capacité de stockage de quatre heures, une ferme solaire générant de l’électricité pendant huit heures verrait ainsi sa production effective portée à douze heures, soit un gain de 50 %.

Le marché est appelé à se développer parce que l’écart de prix entre les périodes de pic de la demande et celles où les capacités sont excédentaires ne cesse d’augmenter. Les acteurs du stockage peuvent donc saisir un créneau qui devient rentable. Dans l’idéal, il faudrait réussir à stocker l’énergie pendant quatre à six heures, explique l’étude de Bank of America. Mais, même en la conservant deux à trois heures seulement dans des batteries, on pourrait augmenter la part des renouvelables dans la production d’électricité de 10 à 15 %, ce qui la porterait de 10 % aujourd’hui au-delà de 60 % au milieu du siècle, estime la banque.

Le stockage prendra plusieurs formes. L’essentiel sera réalisé par les compagnies d’électricité, grâce à des batteries disposées à proximité d’un champ d’éoliennes ou d’une ferme solaire, par exemple. En complément, les foyers participeront eux aussi au mouvement, en installant une batterie dans leur cave ou en déchargeant l’énergie stockée dans leur véhicule électrique lorsque ce dernier n’est pas utilisé.

Autre atout indispensable pour le stockage des énergies vertes, la baisse indispensable du prix des batteries. Entre 2010 et 2018, le coût d’une batterie lithium-ion a déjà décliné de 85 %, selon Bloomberg NEF. Il devrait encore baisser de moitié d’ici à 2025, notamment grâce aux économies d’échelle réalisées avec l’essor du parc de véhicules électriques. « Le prix des grosses batteries pour les compagnies d’électricité va passer de 360 dollars par kilowattheure aujourd’hui à 170 dollars en 2030 », calcule Yayoi Sekine, analyste chez Bloomberg NEF.

Des projets ambitieux
Malgré cette chute, le développement du stockage nécessitera des investissements massifs : 662 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années, toujours selon Bloomberg NEF. Certaines régions sont en avance, à commencer par quelques Etats américains, dont les politiques énergétiques mettent l’accent sur le stockage, poursuit Bank of America. La Californie vise ainsi 1,8 gigawatt de capacités installées dès 2020, New Yor k 3 gigawatts en 2030. Des compagnies d’électricité comme XCel en Floride ont déjà proposé de remplacer des centrales à gaz ou au charbon par des batteries géantes associées à des capacités de production solaire ou éolienne. L’Europe et l’Asie sont moins avancées, mais le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie, la Corée et la Chine développent aussi des projets ambitieux. « Des projets à 100 mégawatts permettant de stocker l’électricité pendant quatre heures se multiplient, confirme Yayoi Sekine. D’ici à deux ans, nous verrons émerger de très gros projets de stockage qui atteindront jusqu’au gigawatt [1.000 mégawatts, NDLR]. » Alors les équilibres de la planète énergie pourront être bouleversés, souligne Bank of America. Grâce au stockage, certains Etats américains ou pays européens pourraient voir la part du renouvelable dans leur production d’électricité dépasser 80% dès 2030.

Le stockage à domicile promis à un bel avenir

Tiré par, le marché du stockage résidentiel de l’électricité est appelé à quintupler au cours des cinq prochaines années en Europe, prévoit Wood Mackenzie

Le stockage de l’électricité à la maison, grâce à une batterie installée à la cave ou dans le garage, s’annonce comme un complément intéressant à l’essor des énergies renouvelables. Le marché mondial est encore très modeste, mais il commence à atteindre une taille significative dans les pays où s’est développée la production d’électricité à domicile, le plus souvent grâce à des panneaux photovoltaïques fixés sur les toits. En Europe, le stockage résidentiel de l’électricité sera multiplié par cinq au cours des cinq prochaines années, atteignant 6,6 gigawatts heures en 2024, prévoit le cabinet Wood Mackenzie.

Le marché est aujourd’hui concentré en Allemagne, où le gouvernement a encouragé l’essor du solaire résidentiel dès 2013. Les pouvoirs publics ont pris en charge jusqu’à 30 % du coût de l’installation les premières années. Cette part est tombée à 10 % l’an dernier et à zéro depuis le 1 er janvier. Mais l’impulsion a été suffisante pour que 125.000 foyers s’équipent, d’autant que le prix des panneaux et des batteries a chuté dans le même temps.

Participer à la révolution énergétique
 « Après ce succès en Allemagne, le stockage résidentiel commence à gagner d’autres pays d’Europe, en particulier en Italie et en Espagne », explique Rory McCarthy, analyste chez Wood Mackenzie. Selon lui, le marché peut désormais se développer sans subventions, car le prix de l’électricité générée à domicile se rapproche de celui qui est commercialisé par les fournisseurs. « On s’approche de la parité dans ces trois pays européens », constate l’expert.

« Le stockage à domicile était jusqu’à présent tiré par des ménages prêts à faire un sacrifice financier pour participer à la révolution énergétique », poursuit l’expert. C’est en train de changer. Au fur et à mesure que les tarifs de l’électricité augmentent en Europe, la production et le stockage à domicile seront adoptés, de plus en plus, comme une protection contre les hausses de prix des fournisseurs.

Le phénomène devrait moins toucher la France, car l’incitation y est moindre, l’électricité vendue par EDF et ses concurrents étant parmi les moins chères du continent, explique Rory McCarthy. Le développement devrait être également moins rapide au Royaume-Uni, où le pouvoir d’achat des ménages est sous pression. — V. C.



samedi 2 février 2019

VE 11 - Conclusion sur le VE


Le VE : Innovation pérenne ou rêve écologiste ?
« Dans un monde inondé d’informations sans pertinence, le pouvoir appartient à la clarté. »  Yuval Noah Harari



VE 11- Conclusion sur le VE

A court terme : les distorsions de concurrence seront maintenues, avec peu de changement de l’image des VT :

  • On assistera à un développement assez rapide du VE dans les grandes métropoles et leur périphérie, en tant que seconde voiture d’utilisateurs « CSP+ » et d’entreprises, tous disposant d’emplacements de parking à leur domicile ou sur leur lieu de travail. Ces clients seront souvent les actuels utilisateurs de VT hybrides.
  • Malgré un habitat assez favorable, le développement du VE sera plus lent dans les villes de province où les revenus sont moins élevés.
  • En dépit d’un habitat très favorable, il sera très lent dans les villages et les campagnes, en raison de revenus bas, mais aussi des distances plus élevées indispensables, car un VE permet parfois un aller et retour sans recharge à la préfecture, mais pas à la capitale régionale.
  • Il sera exceptionnel chez les locataires d’HLM, dans les centres-villes sans parking privatif, et chez ceux qui ne peuvent pas accéder à la multi-motorisation, car le VE ne remplace pas le VT pour partir en vacances…
A plus long terme, au-delà de 10 ans

Des évolutions plus lourdes, mais contradictoires, se produiront, qui modifieront probablement les règles du jeu.

Evolutions favorables au VE :

  • La taxe carbone (TVA incluse) augmentera progressivement jusque vers 100 €/T de CO2, soit 0,27 €/litre de gazole.
  •  L’opinion publique se montrera de plus en plus intolérante aux nuisances réelles ou supposées dues aux VT.
  •  Les batteries suivront leur courbe d’expérience qui en fera baisser leur coût de 10% à 20% pour chaque doublement de la qualité cumulée produite (courbe d’expérience du Boston Consulting Group), tout en améliorant leur longévité et leur densité énergétique dans des proportions difficiles à évaluer.
  •  Une réglementation routière coercitive réduira l’agrément de conduite à bien peu de chose, ne justifiant plus la puissance surabondante des moteurs actuels, qui baissera donc.
  •  Les véhicules autonomes parachèveront cette évolution avec des puissances limitées à 30 KW largement suffisantes pour assurer leur fonction.
  •  Le nombre de bornes de recharge publiques et privées augmentera progressivement.
  •  Une Tarification variable de l’électricité par tranche horaire en « yield management » serait favorable aux recharges nocturnes.
Evolutions défavorables au VE :
  • Au prix d’une architecture bien différente, des VT hybrides légers, aux antipodes des SUV actuels, capables de circuler aux vitesse licites en toutes circonstance avec une motorisation hybride (thermique + électrique) limitée à  35 KW, aboutissant à limiter leur consommation à 3 litres d’essence aux 100 km sur autoroute, et  leur trace carbone de fabrication à moins de la moitié d’un VE.
  • La fin en 2022 de la double pondération des VE dans le calcul de la moyenne des émissions selon les normes UE réduira quelque peu la distorsion de concurrence :
    •  « L’évasion fiscale » du VE en matière de TICPE finira par prendre fin : En France aucun gouvernement n’acceptera de perdre 37 G€ par an (hors TVA sur le produit).
    •  La pérennité du Bonus / Malus est incertaine, mais sa neutralité budgétaire reste assurée. Si la part du VE augmente au détriment du VT, son bonus ne pourra que devenir dérisoire,
  • Après quelques années, les usagers comprendront qu’une batterie n’est pas éternelle, et que son remplacement vers 1 500 cycles (200 000 km) est très coûteux.  Si les batteries louées, selon la pratique de Renault, se répand, elle aboutit à répartir le risque avec un coût qui se rapproche d’un budget carburant.
  • Le problème complexe du recyclage des batteries restera problématique et pourra altérer l’image verte du VE.
  • Une forte croissance de VE posera inévitablement la question de nouveaux moyens de production électrique décarbonée, faute desquels le VE perdrait son caractère écologique. L’opinion publique et les militants écologistes comprendront-il que le nucléaire est préférable au CO2 ?
  • L’indispensable développement de la comptabilité carbone mettra en évidence la trace carbone élevé des VE ce qui altérera leur image et réduira leur préconisation.
  • Cette comptabilité carbone mettra aussi en évidence qu’il est plus simple et moins cher de réduire le CO2 en commençant par la production électrique et le chauffage, et qu’il vaut mieux utiliser les hydrocarbures là où ils sont :
    • Irremplaçables : la pétrochimie 
    • Presque irremplaçables : les avions
    • Extrêmement difficiles à remplacer : les poids lourds et les bateaux
    • Difficiles à remplacer : les véhicules particuliers.





dimanche 1 juin 2014

Batteries stationnaires pour le stockage de l'énergie de réseau


L’équilibrage du réseau

Nous avons vu dans le message « Problématique du stockage de l’énergie » que l’équilibrage du réseau électrique entre :
  • une consommation très variable
  • et une production dont une pour part croissante est « fatale », c’est-à-dire intermittente et plus ou moins prévisible (énergies hydraulique au fil de l’eau, marémotrice, éolienne, photovoltaïque)
  • aboutira à poser le problème du stockage de l’énergie électrique excédentaire produite par les filières fatales en période de faible consommation.
Les applications des batteries

L’idée de stocker de l’énergie électrique excédentaire dans une batterie d’accumulateurs est évidente et très ancienne, puisque c’est la raison d’être des batteries. Mais cette idée néglige l’énorme différence de coût entre l’énergie électrique produite par un alternateur et l’énergie électrique d’origine électrochimique.

Nous rencontrons des batteries partout. Citons les principales applications :
  • batteries de démarrage pour automobile : plomb / acide sulfurique,
  • batteries de traction, notamment pour véhicules de manutention, le plus souvent nickel / cadmium
  • batteries assurant la mobilité d’appareils électroniques (téléphones, smartphones, tablettes, ordinateurs, appareils photo), d’éclairage, d’outillage électroportatif (visseuses, perceuses…) ou de jardinage (tronçonneuses, taille-haies…), médical (prothèse auditives, pacemakers, analyseurs)...
  • batteries stationnaires utilisées en sécurité en cas de coupure du réseau
  • batteries stationnaires complémentaires d’alimentations hors réseau par des panneaux solaires : horodateurs, balises maritimes ou aériennes, signalisation…
  • batteries de véhicules de tourisme hybrides ou électriques.
L’utilisation de batteries en tampon pour absorber les énergies fatales excédentaires et les restituer pendant les pointes de consommation apparaît évidente, et a été maintes fois annoncée comme promise à un grand avenir. Cependant, elle  n’a jamais été utilisée actuellement à une échelle significative. Pourquoi ? Cette situation peut-elle évoluer à court  ou moyen terme ?

Energie excédentaire et batteries

Le réseau de distribution électrique français est entièrement interconnecté, ce qui est un avantage évident de souplesse, de sécurité et d’optimisation du transport. En conséquence,  l’énergie excédentaire ou manquante doit être considérée globalement. Il s’agit donc d’énergie disponible, ou à restituer, en triphasé haute tension. Eventuellement, si le stockage est voisin de l’unité de production excédentaire, il s’agira de moyenne tension, celle de l’unité, ou du groupe d’unités, de production.

Son stockage par des batteries nécessite préalablement sa transformation en basse tension, son redressement, son filtrage et sa régulation car il n’est envisageable :
  • ni de mettre des batteries en série jusqu’à des hautes tensions, en raison de leur masse et de leur encombrement qui les rendent difficiles à isoler,
  • ni de les charger par un courant fortement ondulé, ou excessif, au détriment de la longévité de ces batteries,
  • ni de charger des batteries à tension contante.
La mise en stock proprement dite pourrait être effectuée par une charge assez lente de l’ordre de 6 heures.

La restitution serait généralement plus rapide car les pointes extrêmes sont en général relativement brèves, de l’ordre de 2 ou 3 heures. Elle s’effectuerait à travers un onduleur transformant le courant continu en courant alternatif triphasé basse tension, suivi d’un transformateur BT/HT.

Il y aurait donc nécessairement deux transformations de type AC/DC et DC/AC, en plus de deux transformations de tensions au stockage et à la restitution par le même transformateur, avec leurs coûts et leurs rendements, inférieurs à 1 quoiqu’assez bons, selon le schéma ci-dessous, établi pour un stockage de 1 Mwh, ce qui est extrêmement peu à l'échelle d'un réseau, de l'ordre de 4 secondes de la production d'une grosse centrale de 1 000 Mw:


Les organes auxiliaires (transformateur, redresseur, onduleur) ne posent pas de problème particulier, sinon le fait que leur temps d'utilisation utile, c'est à dire le temps de restitution, n'excéderait pas 2 heures par jour par temps froid, c'est à dire quelques % du temps sur l'année. Leur coût d'utilisation serait donc fortement grevé par le montant très élevé des amortissements, malgré une durée de vie a priori assez longue.

La batterie est déjà monstrueuse: en se basant sur 2 volts et 200 Ah, soit 400 watt-heures par élément, il faut mettre en parallèle 10 lignes (2000 Ah) ayant chacune de 250 éléments en série (500 V), soit 2500 éléments de l'odre de 20 Kg chacun, ce qui aboutit à 50 tonnes! La remarque ci-dessus sur les amortissements est encore valable, mais nous verrons ci-dessous que le vrai problème est ailleurs, dans a durée de vie.

.
Choix d’une technologie de batteries

Pour justifier de telles installations, un cycle quotidien serait économiquement souhaitable, avec charge en général la nuit, et décharge en début de matinée ou en fin d’après-midi. Les batteries subiraient en général un cycle par jour. Une grande longévité, facteur essentiel de réduction de la valeur ajoutée de stockage,  est requise, alors que leur énergie massique ou volumique est secondaire, situation très différente d’un véhicule électrique. La technologie Ni-Cd est appropriée.

La SAFT résume sa gamme de batteries stationnaires Ni-Cd dans le tableau ci-dessous :


Manifestement, la gamme « Uptimax M » serait adaptée.

Ce choix est confirmé par un graphique présenté ci-dessous par J.F Fauvarque (CNAM) sur la longévité comparée des différentes technologies de batteries, selon lequel les batteries Ni-Cd ont de loin la meilleure longévité.

Coût (ou valeur ajoutée) de batterie par cycle

La construction du tableau des valeurs ajoutées ci-dessous, essentiel à l’analyse, pose deux problèmes :
  • L’incertitude sur la durée de vie, qui nécessite les définitions du cycle (vitesse et profondeur de décharge) et de la fin de vie (perte de capacité ou de puissance), définitions à notre connaissance actuellement inexistantes. On trouve les évaluations les plus fantaisistes, notamment de la part de fabricants un peu trop optimistes sur les qualités de leurs produits futurs, à des fins commerciales, financières ou stratégiques.
  • L’incertitude sur les prix actuels, confidentiels pour des raisons commerciales, et plus encore sur les prix futurs. Il semble que les technologies récentes soient, à capacité égale,  5 fois plus chères que les batteries au plomb, et un peu plus chères que les batteries Ni-Cd. Nous adopterons par hypothèse provisoire le prix de 500 €/kwh pour toutes les technologies nouvelles, et 400 €/Kwh pour le Nickel Cadmium, mais nous verrons aussi plus loin qu’une meilleure précision n’est nullement indispensable à la conclusion.

Technologie
Ni - Cd
Ni - MH
Li - Ion
LMP
Cycles sur durée de vie
1 000
750
400
600
Prix / Kwh de capacité
400 €
500 €
500 €
500 €
Coût / Mwh restitué
400 €
670 €
1 250 €
830 €

La dernière ligne du tableau donne la valeur ajoutée par le stockage par  Mwh restitué, calculée par : 
Coût du Kwh de capacité x 1 000 / Nombre de cycles dans la vie de la batterie.
Soulignons que cette valeur ajoutée est calculée sans aucun coût de process, ni de maintenance, ni d’amortissement autre que celui des batteries. Cette valeur ajoutée  atteint 400 € (Ni-Cd) à plus de 1 200 € (Li-Ion).

Prenant en compte un rendement de batterie de 80% dans tous les cas, et en considérant le cas le plus favorable des batteries Ni-Cd, le coût du Mwh restitué est donc :
  •  Partant du nucléaire  existant à 40 €/Mwh
    • 40 € / 80% + 400 € = 450 €/Mwh 
  • Partant de l’éolien  à 200 €/Mwh
    • 200 € / 80% + 400 € = 650 €/Mwh
Ces coûts arrivent à des niveaux inenvisageables. La technologie Ni-Cd est mature : pas d’amélioration spectaculaire à attendre. Même si, en étant optimiste, en envisage pour l’avenir que les prix des batteries Li-Ion soit divisé par 2 et leur duréede vie multipliée par 2, on arrive à des prix qui restent prohibitifs :
  • Nucléaire :      350 €/Mwh
  • Eolien :            550 €/Mwh
Rappelons que les prix de marché, actuellement facturés, se situent en HT vers :
  • 50 à 70 €/Mwh pour les clients industriels en haute tension
  • 60 €/Mwh  (suivi d’un coefficient 2 pour marge et frais de distribution) pour le grand public et les clients résidentiels et tertiaires livrés en BT.
Conclusion

Le prix élevé, de l’ordre de 400 €/Kwh, des batteries Ni-Cd dont l’espérance de vie est limitée à environ 1 000 cycles, et dont le rendement est au mieux de 80%, aboutit à un prix de l’énergie restituée de l’ordre de 450 €/Mwh à partir du nucléaire, ou de 650 € à partir de l’éolien intermittent, incompatible avec un marché qui est en moyenne de l’ordre de 50 à 70 €HT/Mwh, même en doublant ou quadruplant le prix de marché pendant les pointes.

Si l’on exclut le recours aux énergies fossiles, Il serait beaucoup moins coûteux :
  • de réduire les crêtes :
    • par le « yield managment » dans la tarification électrique variable comportant une augmentation brève, mais substantielle du prix du Mwh,
    • et par la promotion des chauffages par pompe à chaleur ou biénergie,
  • de construire des STEPs (centrales hydrauliques réversibles) dans des sites moins appropriés que ceux qui existent, notamment sur les reliefs du littoral,
  • et de construire des centrales nucléaires avec taux d’utilisation plus réduit : un taux d’utilisation réduit de moitié ne double pas tout à fait le prix de revient du Mwh, soit 100 €/Mwh pour du nucléaire à créer, largement inférieur à celui de la restitution par des batteries selon les technologies actuellement disponibles.


jeudi 18 juillet 2013

La Taxe Carbone : 2 - Application à la France

LA TAXE CARBONE : 2 – Application à la France



Eliminons d’abord la question de la déforestation : elle ne concerne pas la France dont la couverture forestière ne cesse de croître, comme en témoigne la carte ci-dessous issue de l’IGN. En dépit de l'urbanisation et des infrastructures, aucune région n’est en régression, toutes croissent, trois d’entre-elles de plus de 50%, depuis 1959. La raison principale en est l’abandon de nombreuses surfaces cultivables médiocres.


Le problème se situe au niveau des émissions. La dernière situation connue est l’année 2011, pour laquelle nous avons établi un synoptique de l’énergie en France, sans doute un peu dense, mais qui a le mérite de visualiser en une page tous les éléments importants avec leurs ordres de grandeur relatifs.



Energies primaires fossiles 2011

Toutes les énergies primaires sources de carbone sont réunies sous l’accolade « fossiles » en haut à gauche. Elles atteignent 128 MTEP. Toutes émettent des quantités massives de CO2 mais inégalement, comme le montrent les secteurs ci-dessous (ici 2010), respectivement en MTEP (énergie utile) en MT CO2 (émission nuisible) :


Si on attribue le qualificatif de « médiocre » au pétrole, alors le charbon est « très mauvais », et le gaz peut être qualifié de « moindre mal », mais pas de « vert ». Première conclusion : chaque fois que la substitution est possible, il faut préférer le gaz, à défaut le pétrole, et ne garder le charbon que si on ne peut pas l’éviter, ce qui est par exemple le cas du coke sidérurgique pour obtenir la fonte à partir du minerai de fer (5 MTEP). Le charbon est substituable dans ses applications thermiques, mais il y a un coût : le charbon est l’énergie fossile la moins chère, et aussi celle dont les ressources sont les plus abondantes, ce qui fera croître encore sa compétitivité. Le gaz naturel convient bien à toutes les applications thermiques, mais pas aux véhicules, car on ne peut pas le stocker facilement à l’état liquide. Attention : le GPL, aisément liquéfiable à température ambiante, est classé « pétrole » selon l’INSEE.

Un gain par substitution est donc possible au niveau des énergies primaires, mais il est limité, et il a un coût.

Energies finales : Résidentiel et tertiaire

Les applications résidentielles et tertiaires (bâtiments d’habitations, de bureaux, hôpitaux…) consomment près de 60 MTEP pour les seules applications de chauffage et d’eau chaude, auxquelles toutes les formes d’énergie primaire concourent : fioul, gaz naturel de réseau, GPL de citernes, biomasse (bois), solaire thermique, électricité, géothermie, pompes à chaleur. Elles sont pour la plupart assez faciles à substituer.

Parmi elles, l’électricité présente des particularités :
  • selon son mode de production, elle peut être exempte de CO2 (nucléaire, hydraulique, biomasse) ou au contraire chargée de CO2 (centrales thermiques, particulièrement au charbon),
  • le recours aux modes de production chargés de CO2, dont le coût marginal est le plus élevé,  se produit lorsque les autres moyens sont saturés ou indisponibles,
  • il s’en suit que le raisonnement en moyenne n’a pas de sens : l’énergie électrique est :
    • chargée en CO2, jusqu’à environ 50% de sa production lors des pointes de consommation assurées par les centrales thermiques, et selon les régions (Bretagne et PACA dépourvues de centrale nucléaire)
    • mais exempte la plus grande partie du temps et des lieux.
  • Pour réduire les émissions, il y a donc lieu de reporter toutes les consommations qui peuvent l’être (eau chaude, certaines activités industrielles, demain recharge de véhicules électriques) en dehors des périodes de pointe, ou de dissuader les consommations non indispensables grâce à une tarification et/ou une taxation appropriées.
Des réductions considérables peuvent aussi être faites par une meilleure efficacité énergétique. Voir à ce sujet le message « Négawatts ». Citons à titre d’exemples :
  • l’isolation des bâtiments : murs, portes, fenêtres, toits, VMC à double flux...
  • la modification de nombreux chauffages collectifs anciens  pour permettre la facturation des consommations individuelles réelles, en remplacement de leur répartition selon les millièmes de copropriété,
  • les pompes à chaleur dans les bâtiments neufs, notamment les pavillons individuels
  • les chauffages biénergie qui permettent de saturer les moyens de production exempts de CO2 en demi-saison ou plus, économisant autant de gaz ou de fioul.
Energies finales : Transports

Les applications aux transports routiers et aériens, exclusivement consommateurs de pétrole, se caractérisent à la fois par :
·    un rendement médiocre, dû à la fois au principe de Carnot-Clausius et aux mauvaises conditions d’utilisation des moteurs routiers à vitesse et couple très variables,
·        une extrême difficulté à substituer une autre énergie : les carburants actuels, liquides aux conditions usuelles de température et de pression, avec une densité énergétique de 44 MJ/kg, sont imbattables !

Dans l’état actuel des technologies des moteurs thermiques, des batteries et des piles à combustible, la voiture électrique, considérée hors taxes et subventions, est très loin d’être compétitive, principalement en raison des coûts élevés et des performances insuffisantes des batteries. Il faudrait une augmentation considérable du prix du pétrole pour qu’elle le devienne, et cette voiture électrique n’a de sens que si la production électrique supplémentaire ne fait appel ni au pétrole ou au gaz (rareté et CO2), ni au charbon (CO2).

Une importante évolution est quand même possible :
·    A court et moyen terme, par la réduction de la consommation des véhicules à moteur thermique par de nombreux procédés connus mais pas assez appliqués en raison de leurs coûts (sophistication des moteurs et des transmissions, hybridation) ou de leurs inconvénients commerciaux. Une division par 2 de la consommation actuelle est envisageable, mais avec un impact important sur le prix de revient et les caractéristiques (section et masse à réduire) du véhicule.
·      A plus long terme, par la mise en place d’infrastructures réduisant les inconvénients et les coûts liés aux batteries, maillon faible du véhicule électrique, et parmi elles l’électrification d’autoroutes permettant simultanément la propulsion des véhicules électriques et la recharge de leurs batteries par trolley.

Les applications pour lesquelles les produits pétroliers sont les plus difficiles à remplacer sont :
·    La pétrochimie (plastiques, fibres textiles, résines, solvants, lubrifiants, produits organiques de synthèse…), qui, par nature, ne dispose d’aucune alternative,
·   Les transports aériens, encore plus critiques que l’automobile. On peut envisager l’hydrogène liquide, très contraignant, ou plutôt les carburants biologiques.

Par quoi commencer ?

Le paragraphe précédent a brossé une peinture rapide de l’extrême complexité d’un problème qui évolue avec les prix des énergies primaires, avec de multiples solutions concurrentes ayant chacune ses avantages et ses inconvénients. Les choix sont difficiles, et peuvent à chaque instant être remis en cause.

C’est pourtant un enjeu stratégique majeur pour notre pays d’anticiper ce changement énergétique en réduisant nos émissions de CO2 sans perdre de compétitivité.

La méthode très française qui consiste à faire un choix technocratique des solutions, puis à leur apporter à coups de subventions des compétitivités artificielles qui sont obtenues au détriment de la compétitivité de ceux qui payent les subventions, est vouée à l’échec : elle a donné le plan calcul, le paquebot France, le Concorde, les excédents agricoles, le Rafale, le char Leclerc, et tant d’autres catastrophes économiques présentées comme des succès techniques.

Il existe pourtant une méthode neutre pour promouvoir la nécessaire réduction des émissions de CO2 : la taxe « carbone », ciblée exactement sur son objet, dont les modalités doivent être telles qu’elle dissuade, en la taxant, l’utilisation des énergies fossiles, et ce :
  • sans faire un choix a priori entre les solutions incertaines de remplacement
  • sans obérer la compétitivité des entreprises françaises à l’exportation
  • sans augmenter la pression fiscale, en la compensant par une baisse de la TVA
Il appartiendra évidemment à l’Etat d’en fixer le taux, qui devra au début être bas, puis croître progressivement par petits incréments selon un barème annoncé préalablement et respecté, afin d’éviter les ruptures qui pénalisent toujours l’économie et ruinent la confiance des acteurs économiques.

Elle fait l’objet des deux messages suivants 3 et 4 du présent blog.