vendredi 24 octobre 2014

Stockage thermique de l'énergie électrique





Résumé

Le stockage thermique par absorption et restitution d’énergie électrique, théoriquement possible, conduit le plus souvent à une double application du principe de Carnot, et donc à un rendement déplorable aggravant un coût élevé. Il n’est donc pas utilisé, mais connaît deux substituts qui évitent cet écueil:
  • Le stockage thermique aval pour utilisation directe est très pertinent et très répandu. Il consiste à chauffer naturellement ou par voie électrique un corps plus ou moins isolé (bâtiment, eau chaude, briques réfractaires, sels fondus, matériaux à changement de phase) qui stockent la chaleur sous forme sensible ou latente, et le restituent, avec un retard choisi ou subi, sous forme de chaleur à basse température, disponible quand la source ne l’est plus (soleil, électricité excédentaire).
  • Le stockage thermique amont n’a d’intérêt que pour des centrales solaires thermiques, car les autres sources de chaleur (nucléaire, fossiles) sont permanentes. Il consiste à stocker de la chaleur à haute température sous forme sensible dans des sels fondus, et à la restituer pour prolonger la période de production pendant les pointes de soirée.


Stockage électrique sous forme thermique

Il part de l’idée, incontestable, que l’énergie électrique excédentaire peut aisément être transformée en chaleur par effet joule, que la température du stockage n’est pas limitée (sinon par des contraintes technologique liées aux matériaux utilisés), et que l’on peut restituer l’énergie au cours des pointes de consommation par une nouvelle transformation en énergie mécanique, puis électrique. C’est l’adjonction cerclée en rouge ci-dessous.



Ce schéma, tout à fait réalisable, présente néanmoins de sérieux inconvénients :
  • La transformation finale d’énergie thermique en énergie électrique est soumise au principe de Carnot-Clausius, c’est-à-dire à un rendement d’autant plus médiocre que la « source chaude » ne l’est pas assez.
  • Or, dans la plupart des cas, l’énergie électrique amont provient d’énergie thermique (nucléaire, fossile…) qui a été convertie en énergie mécanique, puis électrique par une transformation déjà  régie par le principe de Carnot-Clausius qui s’appliquerait ainsi deux fois, et déboucherait donc sur des rendements inacceptables de l’ordre de 14% par rapport aux énergies primaires.
  • Et ce résultat déplorable serait obtenu par deux centrales électriques travaillant en série et additionnant leurs coûts, pour parvenir  un coût extravagant de l’énergie électrique restituée, à savoir 7 fois (=1/14%) le coût de l’énergie primaire, plus le coût du stockage et deux fois le coût de production…
Inutile d’insister : ce schéma n’est pas, et ne sera jamais utilisé. 

Mais il connaît deux substituts qui contournent les écueils ci-dessus, le stockage thermique amont, d’intérêt limité, et surtout le stockage thermique aval, très courant et tout à fait pertinent, décrits ci-dessous.

Stockage thermique aval pour utilisation directe

Le stockage thermique aval consiste à utiliser de l’énergie électrique en heures creuses pour chauffer de l’eau ou toute autre matière de chaleur latente  ou sensible  suffisante en vue de la restituer sous forme de chaleur. Ce stockage est très courant, et peut même être involontaire. Citons, par sophistication croissante :
  • L’inertie thermique naturelle d’une caverne, d’une habitation troglodyte ou d’une vieille bâtisse aux murs très épais, assure un lissage des variations diurnes de la température extérieure. La masse assure à la fois un stockage important et une très relative isolation.
  • L’isolation thermique extérieure, rare en France, sinon dans les locaux d’activité, mais courante en Europe du Nord, agit de la même manière, mais a été optimisée en séparant clairement l’isolation extérieure et le stockage dans la structure intérieure.
  • Le stockage d’eau chaude dans un ballon classique, le plus souvent à chauffage électrique, mais aussi à chauffage par panneaux solaires thermiques, notamment dans le midi et dans les DOM-TOM, permet une utilisation différée. Il est utilisé dans les radiateurs électriques intelligents Lancey.
  • Le chauffage par résistances placées dans un matériau pondéreux et de chaleur spécifique élevée, le plus souvent des briques réfractaires, permet un chauffage quasi-continu avec une alimentation discontinue, évidemment sans miracle énergétique : l’énergie restituée est la moyenne de l’énergie absorbée, contrairement à ce que certaines publicités pourraient laisser croire ! On utilise ici la chaleur sensible, c’est-à-dire liée à une variation de température.
  • Le stockage de chaleur à basse température, quelle qu’en soit l’origine, par des sels fondus qui l’absorbent sous forme de chaleur latente. On utilise à cet effet des combinaisons chimiques choisies en fonction de leur point de fusion, qui doit être d’au moins 40°C mais pas trop élevée, tels que l’acide dodécanoïque (42°C) et l’acétate trihydrate de sodium (57°C).
  • Enfin, on voit néanmoins apparaître des matériaux à changement de phase (MCP) dont la température de fusion/solidification est aux alentours de  21°C : ils restituent de la chaleur latente si leur température dépasse 21°C, et en absorbent en dessous de cette température, dans la limite de leur masse fusible. 
    • Installés en quantité suffisante dans une pièce bien isolée, ils constituent une climatisation passive, qui ne consomme rien, mais qui ne fonctionne que si les températures extrêmes quotidiennes sont équilibrées de part et d’autre de leur température de fusion. 
    • Utilisés en complément d’apports thermiques, ils peuvent filtrer les variations quotidiennes de température, et donc différer l’utilisation des compléments thermiques au moment opportun.





Mais tous ces exemples, au demeurant  tout à fait pertinents, ne constituent en rien un mode de stockage de l’énergie électrique, puisqu’ils ne restituent pas d’énergie électrique, mais seulement de la chaleur à une température trop basse pour pouvoir être transformée en énergie mécanique selon le principe de Carnot-Clausius. Ils tirent leur pertinence du fait qu’ils permettent d’absorber de l’énergie (électrique, solaire thermique, ou autre), quand elle est disponible dans de bonnes conditions (faible demande sur le réseau électrique, soleil en journée, etc.) pour la restituer sous la forme thermique à laquelle elle était destinée, lorsqu’on en a besoin (chauffage en heures de pointe, eau chaude sanitaire, etc.).


Stockage thermique amont pour production électrique

Ce scénario, théoriquement possible, consisterait à stocker la chaleur résultant de la source d’énergie primaire intermittente, solaire thermique par exemple, ou d’origine électrique excédentaire en heures creuses, pour la restituer en la convertissant en électricité pendant les heures de pointe. Bien entendu, cette conversion est soumise au principe de Carnot-Clausius, exactement comme si la chaleur avait été utilisée dès da production.

Circonstance aggravante, le stockage suppose un premier transfert de chaleur depuis l’énergie primaire jusqu’au stockage (chaleur latente de sels fondus par exemple) puis un deuxième transfert du stockage vers le fluide thermodynamique (l’eau par exemple), chacun de ces transferts nécessitant une baisse de température. Les inévitables pertes thermiques de stockage se traduiraient par une baisse de température supplémentaire. Il s’en suit que la « source chaude » le serait nettement moins, amenant un rendement de conversion significativement inférieur à celui de production directe à partir de l’énergie primaire.


 Mais surtout, ce scénario manque singulièrement d’objet :
  • Les énergies fatales telles que éolien, photovoltaïque et hydraulique au fil de l’eau produisent de l’énergie électrique directement (photovoltaïque), ou via l’énergie mécanique (éolien et hydraulique au fil de l’eau). Reconvertir cette énergie électrique en chaleur aux fins de stockage serait une absurdité.
  • Les énergies fossiles (charbon, fioul, gaz naturel) sont aisément stockables en l’état, et les convertir en chaleur par anticipation n’aurait strictement aucun sens.
  • L’énergie nucléaire, dont la source chaude l’est un peu moins que celle des énergies fossiles, perdrait donc encore plus à un stockage thermique absorbant la chaleur de l’eau secondaire. Par surcroît, étant généralement disponible en permanence, elle est disponible aussi pendant les pointes.
L’avant-projet pharaonique Desertec, récemment abandonné, comme nous l’avions prévu, reposait sur ce principe. Il portait sur un parc de centrales solaires thermiques situées au Sahara, et destinées à alimenter l’Europe en énergie électrique. Comme les pointes de consommation européennes sont en début ou en fin de nuit, alors qu’une centrale solaire ne fonctionne qu’avec le soleil assez haut sur l’horizon, ses promoteurs envisageaient de résoudre le problème par de vastes stockages thermiques par sels fondus à haute température. On était vraiment en droit de s’interroger sur la pertinence d’un tel projet qui cumulait des difficultés majeures, et dont le but réel pouvait bien être la captation de crédits de recherche en provenance d’Europe !

Plus modestement, Areva cite cette solution pour prolonger en soirée la plage d’utilisation de centrales thermiques solaires par un stockage de chaleur à sels fondus dans deux réservoirs chaud et froid, et réchauffage de la vapeur d’eau par un échangeur sel / eau, selon le schéma ci-dessous :


Quoi qu’il en soit, à proprement parler, ce principe n’est pas non plus, un stockage d’énergie électrique sous forme thermique, puisqu’il n’absorbe pas d’énergie électrique en amont.






Principes de l'énergie thermique




Résumé
  • La chaleur est une des formes de l’énergie, et se mesure donc en joules. Mais elle n’est pas équivalente aux énergies mécanique et électrique. Celles-ci sont aisément convertibles entre elles dans les deux sens avec un très bon rendement et en chaleur avec un rendement de 100%. La conversion de chaleur en énergie mécanique est possible avec un rendement médiocre qui résulte du principe de Carnot, le plus souvent de 20% à 40% (moteurs conventionnels) et au mieux 60% (centrales à cycle combiné). Il s’améliore si la chaleur est disponible à une température élevée, et inversement.
  • Le stockage thermique dans un matériau se fait par sa chaleur sensible, liée à l’élévation de da température, ou par sa chaleur latente, liée à un changement d’état, pratiquement fusion ou solidification.
  • Un transfert thermique d’un corps à un autre nécessite un différentiel de température qui va toujours du plus chaud au plus froid, et réduit donc la température de cette chaleur.


Conversion des énergies

La chaleur est une des formes de l’énergie. L’unité était autrefois la calorie, qui est la quantité de chaleur nécessaire pour augmenter de 1°C la température de 1 gramme d’eau, donc très concrète. Elle est maintenant exprimée en joules, qui a l’avantage d’être l’unité rationnelle internationale, avec la relation : 1 calorie = 4,18 joules

Le joule est utilisée indifféremment pour l’énergie mécanique, l’énergie électrique ou l‘énergie thermique (chaleur), mais ceci ne signifie pas que ces énergies soient équivalentes, loin de là.
  • L’énergie mécanique et l’énergie électrique sont aisément convertibles de l’une à l’autre, dans les deux sens, avec un rendement qui peut approcher les 100  % avec des machines de fortes puissances et bien conçues.
  • L’énergie thermique, ou chaleur, est la forme la plus dégradée de l’énergie :
    • L’énergie mécanique, comme l’énergie électrique, peuvent très aisément être converties en chaleur (respectivement par frottements et effet joule) avec un rendement qui est naturellement de 100%.
    • La transformation directe de la chaleur en énergie électrique est extrêmement limitée et ne connaît aucune application énergétique, se limitant à la métrologie (thermocouples).
    • La transformation de chaleur en énergie mécanique est courante, mais délicate, car régie par les deux principes de la thermodynamique, qui sont de portée universelle (gaz parfait ou non) :
      • Le premier principe (conservation de l’énergie) indique que l’énergie mécanique produite par un fluide est égale à la chaleur Q1 reçue de la source chaude (amont) à la température T1 diminuée de l’énergie  Q2 restituée à la source froide (aval) à la température T2.
      • Le second principe (de Carnot-Clausius) stipule que Q1/Q2 = - T1/T2  (le signe - caractérise l’énergie restituée)
      • Le rendement, compris comme le rapport entre Q1 et l’énergie mécanique restituée a  un maximum théorique qui est : 1 - T2/T1.
    • La plupart des moteurs thermiques ont un rendement réel compris entre 20% et 45%, et les systèmes les plus sophistiqués (centrales à gaz à cycle combiné) plafonnent vers 60%.


Il s’en suit que, pour être exploitable ailleurs qu’en chauffage, la chaleur doit être disponible à une température élevée. Sa « qualité » est proportionnelle à sa température absolue. On note aussi l’importance de la source froide : Si, par exemple, T1 = 700°K et T2= 350°K, alors une baisse de 10°K de la source froide apporte autant qu’une élévation de 20°K de la source chaude.

C’est pour cette raison que les centrales thermiques, nucléaires ou conventionnelles, sont très souvent placées près d’un cours d’eau ou sur le littoral maritime, et comportent des tours (souvent hyperboloïdes de révolution) de réfrigération atmosphériques qui refroidissent par évaporation partielle (d’où leur panache blanc de condensation),  l’eau utilisée pour le refroidissement des condenseurs des turbines à vapeur.

Stockage thermique

L’absorption de chaleur est nécessairement due :
  • Soit à l’élévation de température d’un corps, et elle est alors dite « sensible »,
  • Soit au changement de l‘état solide vers l’état liquide (fusion) à température constante, et elle est alors dite « latente ».

Inversement, la restitution de chaleur est due :
  • Soit à la baisse de température d’un corps restituant la chaleur sensible,
  • Soit au changement de l‘état liquide vers l’état solide (solidification) à température constante, restituant la chaleur latente.

Notons qu’en application du 2ème principe, la chaleur circule toujours du corps le plus chaud vers le corps le plus froid.  S’il n’y a pas de différence de température il n’y a pas de transfert. Il s’en suit que :
  • La température de stockage est nécessairement un peu inférieure à celle de la source amont.
  • La température de restitution est nécessairement un peu inférieure à celle du stockage.

La chaleur latente de vaporisation, beaucoup plus élevée que la chaleur latente de fusion, ne peut pratiquement pas être exploitée en raison de la difficulté à stocker des gaz : très grand volume, ou pression élevée qui modifie la température de vaporisation.

Prenons  pour exemple le stockage de 93 Kwh = 335 Mj = 80 000 Kcalories dans 1 m3 d’eau :
  • sous forme de chaleur sensible, il faut élever la température de 80°C, par exemple de 10°C à 80°C (eau liquide)
  • sous forme de chaleur latente, il faut liquéfier 1 tonne de glace en 1 m3 d’eau à température constante de 0°C.

L’intérêt de la chaleur latente est évident, puisqu’elle permet d’opérer à température de stockage constante. Toutefois la température de stockage de 0°C est trop basse pour la plupart des applications.

On verra plus loin que les températures souhaitables pour le stockage de la chaleur sont, dans la pratique, dans deux plages très différenciées :
  • Stockage de chaleur  d’origine intermittente (thermique solaire, ou électrique éolienne ou photovoltaïque), en vue de sa transformation ultérieure en énergie mécanique, puis électrique : le stockage doit être fait à une température aussi élevée que possible, limitée seulement par la technologie du stockage. On peut utiliser :
    • La chaleur sensible de sels fondus choisis pour leur température de fusion appropriée et une chaleur latente élevée tels que le « HTS » (Heat Transfer Salt), aussi appelé HITEC®, un mélange de nitrate de potassium K NO3, de nitrite de sodium Na NO2 et de nitrate de sodium Na NO3, qui forme un eutectique liquide à 421°K, et utilisable jusqu’à 770°K. Ils ont l’avantage d’être liquides, ce qui permet de transporter la chaleur par circulation du liquide.
    • La chaleur sensible de revêtements en briques, ou autres matériaux, réfractaires, dont la température peut dépasser 1000 °K, avec l’inconvénient d’être solides : un autre fluide, l’air par exemple,  soit apporter la chaleur et venir la rechercher
  • Stockage de chaleur de toutes origines pour utilisation ultérieure sous forme de chauffage domestique ou tertiaire, ou d’eau chaude sanitaire. On peut utiliser les mêmes solutions que ci-dessus avec des matériaux appropriés aux températures plus basses, mais l’eau, qui est à la fois propice au stockage jusqu’à 100°C, au chauffage des locaux par radiateurs, et utilisée en l‘état (après mélange) pour l’eau sanitaire, est la solution la plus fréquente.





mercredi 15 octobre 2014

Air-Energie : Conclusion



Sans aucun doute, il est possible d’absorber de l’énergie électrique excédentaire en heures creuses pour comprimer de l’air qui est ensuite stocké, puis réutilisé pour restituer cette énergie électrique pendant les pointes de consommation. Par surcroît, l’air est gratuit, disponible en quantité illimitée, et son rejet dans l’atmosphère n’est en rien polluant. Un vecteur d’énergie idéal ?

L’analyse des principes  met en évidence un problème fondamental : pour les puissances élevées requises  par le stockage de l’énergie, les compressions et détentes, assurant respectivement l’absorption et la restitution, sont naturellement adiabatiques. Or nous avons vu que seules les transformations isothermes peuvent apporter un bon rendement, théoriquement 100%.

Il est donc nécessaire, pour se rapprocher de l’isotherme, de comprimer l’air en plusieurs étages séparés par des refroidisseurs, et de même, de le détendre en plusieurs étages séparés par des réchauffeurs. Ceci réduit, mais ne supprime pas totalement, les pertes dues aux transformations adiabatiques. Les échanges thermiques très importants doivent être faits avec des différentiels de température aussi réduits que possible par rapport à l’air ambiant, ce qui requiert des architectures complexes et coûteuses, lesquelles introduisent à leur tour une consommation d’énergie et des pertes de charge dans le circuit de transformation. Pour ces raisons le rendement de cycle (absorption + restitution) risque fort de se situer entre 30 et 40%.

Le stockage peut être envisagé de deux manières :

  • Dans des réservoirs construits à cet effet. Devant résister à des pressions très élevées, (sous peine d’être trop volumineux, ils sont très lourds, ce qui limite leur énergie massique à des valeurs autour de 160 Kj/Kg, sans que l’augmentation de la pression ou le choix de matériaux performants n’amènent d’amélioration décisive. Leur densité énergétique reste :
    • 5 fois inférieure à celles des batteries, qui absorbent et restituent directement l’énergie électrique, et dont le rendement est de l’ordre de 80%, avec l’inconvénient d’une durée de vie limitée
    • 20 à 25 fois à celle de l’hydrogène, dont le rendement est du même ordre que l'air-énergie
    • 10 fois supérieure à celle d’une STEP  de 1600 m de dénivellation, mais dont le stockage dans un lac de montagne est très bon marché, avec un rendement de 80% et une durée de vie pratiquement illimitée
  • Dans des dans des cavités géologiques existantes (anciens gisements de gaz, mines désaffectées, cavités naturelles étanches…) qui évitent la construction de réservoirs là où ils se trouvent, mais ne permettront qu’une pression très réduite par rapport aux précédents ; leur l’étanchéité restera à vérifier. La restitution pourrait comporter une part de gaz indésirables. Le risque géologique (analogue aux affaissements miniers) doit être analysé. La part d’inconnue reste importante. Cette solution, si elle se confirme, réduit le coût de stockage, mais pas celui du traitement, impose le lieu, et n’améliore pas le rendement.


Conclusion :

En matière de stockage d’énergie, l’air-énergie souffre de nombreux inconvénients :
  • Médiocre rendement
  • Stockage pondéreux, coûteux, et non exempt de risque technique ou environnemental
  • Interfaces complexes pour l’absorption et la restitution

En l’absence d’avantage décisif par ailleurs, il est peu probable qu’il puisse être utilisé pour du stockage énergétique proprement dit.

Au plan économique :
  • Le coût de traitement du cycle « air comprimé » dans une installation dont la complexité est au moins comparable à une éolienne,  dont le taux d’utilisation sera très bas, sans doute environ 10 % (éolienne terrestre 18%), sera grevé par des amortissements très lourds, et pourrait ainsi dépasser les 200 €/MWh.
  • Le rendement, avec une évaluation optimiste de 40%, conduit à multiplier par 2,5 le prix de l’énergie utilisée :
    • Si l’on part de l’énergie électronucléaire évaluée à 40 €/MWh, on arrive à un coût variable de 100 €/MWh, et à un coût complet de 300 €/MWh.
    • Si l’on part de l’énergie éolienne intermittente, qui est bien la principale motivation au stockage, à 100 €/Mwh, on aboutit à un coût variable de 250 €/MWh, et donc à un coût complet de 450 €/Mwh.

L’occurrence de prix atteignant ou dépassant ces niveaux sur la marché libre est rarissime, et n’atteint certainement pas 1%.

La filière air-énergie n’est donc pas viable pour le stockage de l’énergie.

Cette conclusion sans appel ne préjuge en rien de son intérêt dans d’autres applications de moindre puissance :
  • Nous avons souligné celui du véhicule PSA "Hybrid Air" en cours d’industrialisation
  • De nombreuses autres applications existent, notamment l’outillage pneumatique, et l’actionnement de vérins pour tous types d’asservissements…
  • Le véhicule à air comprimé (projet Tata Motors) fera prochainement l’objet d’une analyse dans ce blog. Nous n’anticiperons pas ses conclusions.




Air-Energie: Stockage



Air - Energie : Stockage

Résumé
Le stockage de l’air comprimé peut être envisagé de deux manières :

Dans des réservoirs métalliques ou stratifiés construits à cet effet. Ils sont très lourds, car ils doivent résister à des pressions élevées, autour de 700 bars. Leur capacité énergétique reste modeste, typiquement 1 Kwh en stock pour 25 kg, ou  1 Kwh effectivement restitué pour ou 35 kg. Le réservoir à mettre en place pour alimenter la turbine de 100 MW d’une centrale de pointe pendant 1 heure doit faire environ 15 000 m3 et pèse plus de  3 000 tonnes. Le risque d’explosion doit être envisagé.

Dans des cavités géologiques existantes (anciens gisements de gaz, mines désaffectées, cavités naturelles étanches…) qui évitent la construction de réservoirs là où ils se trouvent, mais ne permettront qu’une pression très réduite par rapport aux précédents ; leur l’étanchéité restera à vérifier. La restitution pourrait comporter une part de gaz indésirables. Le risque géologique (analogue aux affaissements miniers) doit être analysé. La part d’inconnue reste importante.

Le stockage d’air comprimé peut être effectué dans deux types de réservoirs très différents, que nous examinerons successivement :
  • Des réservoirs construits à cet effet, pratiquement sur le site des centrales d’absorption / restitution érigées près des gros consommateurs ou des grandes villes,
  • Des sites naturels appropriés existants : gisements de gaz naturel épuisés, mines désaffectée, formations géologiques assurant l’étanchéité, etc…


Stockage dans des réservoirs pressurisés construits à cet effet

Nous nous placerons dans les hypothèses suivantes :
  • Le réservoir est sphérique de rayon intérieur  r, ce qui est l’hypothèse la plus optimiste pour deux raisons :
  • La sphère est le volume qui offre le rapport : (volume V) / (surface s)  le plus élevé
  • La contrainte dans l’enveloppe y est uniforme et isotrope,

Le matériau de l’enveloppe, que nous ne définissons pas, est caractérisé par le paramètre w défini comme suit (en joule/Kg) : 
 w = σe / ρe = contrainte effective maximum / masse volumique

Le détail des calculs figure plus bas. L’épaisseur de l’enveloppe est définie en fonction de la pression K P0 de l’air pour atteindre exactement la contrainte maximum de travail  σe :
 e = (K -1) P0 r / (σe √2)
Dans ce qui suit, on suppose K >> 1, ce qui est pratiquement vrai en stockage de ce type, et qui simplifie la relation ci-dessus :
 e = K P0 r / (σe √2)

L’énergie massique (en J/Kg):
Em = [Log(K) - (1-1/K)] / (ρa/P0 + √4,5/w)

Ce résultat ne dépend que de K (rapport volumétrique) et de w défini plus haut, les autres termes étant des constantes. Il est explicité dans le réseau ci-dessous, en coordonnées semi-logarithmiques :



Il s’en suit que pour la courbe grise  w = 100 000 qui correspond à un acier dur (σe = 760 Gp et ρe = 7 600 kg/m3), l’énergie massique est de 160 Kj/Kg à k = 700, soit 700 atmosphères ou 71 Mp.
On constate aussi qu’elle est bien loin d’être proportionnelle à la pression : pour k = 700/2 = 350, elle se réduit seulement à 143 Kj/Kg, soit -11%. Ceci s’entend pour une masse de gaz donnée, et il ne faut pas perdre de vue que, à volume donné, cette masse est proportionnelle à la pression. Finalement :
  • L’énergie massique est proportionnelle à Log K
  • L’énergie volumique est proportionnelle à K Log K
  • Les pressions élevées restent donc nécessaires.
  • La part de l’air dans la masse totale se situe un peu au-dessus du tiers. Une variation de w ne porte donc que sur la masse de l’enveloppe, soit les 2/3.

 Pour un réservoir cylindrique très allongé (h >> r), l’énergie massique n’est réduite que d’environ 3%, ce qui permet d’envisager leur utilisation malgré cette petite pénalité, car un cylindre se prête mieux à une  production industrielle à moindre coût.

Reste à comparer ce résultat.  160 Kj/Kg permet d’escompter 100 Kj/Kg d’énergie mécanique ou électrique, à comparer avec les suivants :
  • L’hydrogène, selon la même problématique, permet d’obtenir 5 MJ/kg, qu’il convient d’affecter du rendement de transformation en énergie mécanique (moteur à hydrogène), éventuellement via  l’énergie électrique (pile à combustible + moteur électrique), de l’ordre de 40 à 50% au mieux, soit 2 à 2,5 MJ/kg. L‘air comprimé fait… 20 à 25 fois moins !
  • Les batteries modernes, genre Lithium-Ion ou LMP, aboutissent à 0,5 MJ/kg. L’air comprimé fait 5 fois moins ! Il est vrai que la longévité des batteries est limitée.
  • Un hydrocarbure fournit 42MJ/Kg thermiques, soit typiquement après 33% de rendement de Carnot,  14 Mj/Kg, c’est-à-dire 140 fois plus que l’air comprimé.

 Il est aussi intéressant d’en évaluer les possibilités d’application.

Supposons que ces réservoirs prennent la forme de cylindres de 1,40 m de diamètre intérieur et 10 m de longueur prévus pour 700 atmosphères (71 Gp), pesant environ 27 tonnes à vide (épaisseur 7,3 cm), donc accessible aux transports routiers normaux. Sa capacité est de 15 m3 en volume, et de 5,9 GJ dont, compte tenu du rendement de restitution estimé à 68%, 4,0 GJ seront effectivement obtenus. Une centrale de pointe de 100 Mw produit en une heure 360 Gj, et consomme donc, compte tenu d’un rendement de restitution de 2/3, consomme 540 Gw, c’est  dire … 135 réservoirs de ce type pesant au total 3 600 tonne à vide !

Les calculs littéraux ont montré qu’il n’y a pas d’effet d’échelle avec des réservoirs plus grands. Imaginons  une sphère de 15 x 135 = 2 025 m3 ayant donc un rayon intérieur de 7,9 m de rayon. Elle pèse 3100 tonnes et son épaisseur est de 52 cm. Mais est-il possible de souder de telles épaisseurs dans toutes les positions ?

Le passage à des stratifiés « exotiques », tels qu’aramide ou fibre de carbone améliorerait  le paramètre w = σe / ρe  , plus par réduction de la masse volumique que par augmentation de la contrainte, sauf pour le carbone qui améliorerait les deux, au prix d’un prix de stockage plus élevé… Il n’y a pas de solution miracle.

Le risque technologique d’explosion d’un réservoir peut  être quantifié sur les exemples ci-dessus. Remarquons d’abord que l’énergie résultant d’une explosion, qui est une détente adiabatique pure (car instantanée) à un seul étage,  est très inférieure à l’énergie en stock, conventionnellement chiffrée à partir des transformations isothermes. Ceci traduit le fait que l’air se refroidit pendant la détente. Le rendement  de détente figure dans le message sur les principes, et pour 700 atmosphères ; il est de 31%. L’explosion d’un des réservoirs ci-dessus dégagerait une énergie équivalente à une masse de TNT (TriNitroToluène) qui serait de :
  • Chacun des petits  réservoirs cylindriques de 1,4 x 10 m :5,9 MJ x 31% / 4,2 Mk/Kg = 0,44 Kg
  • Réservoir sphérique de 15,8 m de diamètres : 813 MJ x 31% /4,2 MJ/Kg = 60 Kg

Si le premier est gérable en disposant les réservoirs cylindriques horizontalement et en les séparant par des parois verticales en béton fortement armé, le second est plus problématique.

Cavités géologiques

Le stockage de l’énergie par l’air comprimé dans des cavités géologiques naturelles ou artificielles (mines désaffectées) est aussi envisagé. Il permettrait un stockage au prix d’un investissement réduit (colmatages, forage…) en évitant la fabrication de réservoirs ad hoc, mais n’améliorerait pas le rendement du cycle. Il est loin d’être acquis, pour plusieurs raisons :

  • Un stockage géologique serait-il exempt de fuites ? Si non, comment évaluer leur impact sur le rendement de stockage qui ne serait plus de 100% ?
  • Selon la nature du stockage, quelles seraient les taux en vapeur d’eau, méthane, hydrogène sulfuré, gaz carbonique… du gaz restitué ?
  • Comment gérer le givre résultant du refroidissement de la vapeur d’eau dû à la détente adiabatique ?
  • Quel est l’effet de serre de ces gaz indésirables (méthane)?
  • Quelle est leur toxicité (hydrogène sulfuré) ?
  • Quelle pression maximum serait envisageable pour ne pas augmenter les fuites ni prendre de risque géologique (soulèvement du plafond, l’inverse affaissement miniers)? La pression de stockage y serait certainement très inférieure, car 200 bars (= 2 000 mètres d’eau ou 1 200 m de minéraux solides moyens) ne sont pas envisageables. Un vaste problème pour les géologues…

A l’inverse des réservoirs qui peuvent être construits près des lieux de production (centrales électriques), ou mieux, de consommation (villes), le lieu de stockage est tributaire de sites préexistants, pas nécessairement bien placés,

 Variante : les CAES (Compressed Air Energy Storage)

Ce concept envisage de stocker en heures creuses de l’énergie électrique excédentaire sous forme d’air comprimé mis en stock, puis de réutiliser cet air comprimé pour alimenter une turbine à gaz fonctionnant pendant les pointes. Le rendement de la turbine est ainsi amélioré, puisqu’elle utilise moins, ou pas, d’énergie mécanique pour entraîne son compresseur.

Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un dispositif de stockage d’énergie, puisque celle-ci n’est pas restituée directement, mais plutôt d’un système d’amélioration des conditions économiques du fonctionnement d’une turbine à gaz, par utilisation pour la compression d’un différé de production excédentaire.

Les problèmes liés à l’échauffement par la compression adiabatique subsistent. Les tentatives de solution par refroidissement ou par stockage de la chaleur connaissent évidemment les limites que nous avons soulignées. Notamment, le réchauffage de l’air comprimé déstocké par recyclage de la chaleur en sortie de turbine n’est pas compatible avec le « cycle combiné » qu’utilisent les centrales à gaz modernes (2ème étage par turbine à vapeur).

Enfin, ce concept n’est évidemment pas viable dans un avenir lointain où il faudrait se passer d’énergie fossile, et donc de turbines à gaz.