jeudi 18 juillet 2013

La Taxe Carbone : 3 - Dans un monde idéal, façon TVA



La meilleure taxe carbone possible permet de renchérir pour le consommateur, arbitre final, le prix des produits amenant une émission de CO2 en raison de :
  • leur élaboration (pétrochimie…),
  • leur utilisation par combustion (carburants, combustibles…),
  • leur destruction après utilisation (emballages…).
Tous les produits sont donc, peu ou prou, concernés.

Pour qu’une taxe n’ait pas d’effet pervers, elle doit :
  • en masse, ne pas s’ajouter, mais se substituer à une autre taxe, notamment la TVA, afin de ne pas être un frein pour l’économie
  • être neutre et ne pas introduire de distorsion de concurrence entre pays assujettis et non assujettis, à l’achat comme à la vente
  • être indépendante du nombre d’intermédiaires,

On peut à cet effet imaginer un système de Taxe au Carbone Ajouté (TCA), analogue à la TVA selon le schéma suivant qui explicite les échanges monétaires entre :
  • Les territoires non assujettis à la TCA (la plupart…) en gris
  • Les territoires assujettis à la TCA (France, peut-être UE plus tard…) en vert
  • Le Trésor Public, en rose

La taxe carbone serait définie par le Budget sous forme d’un montant par tonne de carbone, par exemple :
  • pour commencer 20 €/tonne, soit 73 €/tonne de CO2, soit encore 0,017 €/litre de gazole carburant ou de fuel de chauffage domestique
  • croissant ensuite de 20 €/tonne chaque année, jusqu’à concurrence de 200 €/tonne, soit 0,17 € par litre de gazole ou de fuel domestique, soit encore 1/3 de la TICPE (ex TIPP)

Dans cette hypothèse, à l’intérieur du territoire assujetti, chaque entreprise :
  • paye à son fournisseur la TCA supportée par le produit acheté,
  • facture à son client la TCA supportée par le produit vendu
Comme tout le carbone acheté par l’entreprise est soit émis sous forme de CO2, soit incorporé dans le produit vendu, le bilan carbone de l’entreprise est neutre, et, contrairement à la TVA,  elle n’a rien à verser au Trésor Public, ni à en recevoir.
Encore faut-il quelle puisse réattribuer de façon pertinente aux produits vendus, qui peuvent être très diversifiés, le carbone contenu dans les matières premières  et frais généraux (chauffage, carburants…) achetés. Toute entreprise serait donc contrainte à une comptabilité analytique carbone qui soit vérifiable par les services de l’Etat, ce qui est loin d’être simple.

Le problème se complique encore pour les échanges, importations ou exportations effectués hors TCA, comme hors TVA et pour les mêmes raisons, avec des entreprises situées en dehors du territoire :
·   A défaut de TCA facturée par son fournisseur hors du territoire assujetti, l’entreprise importatrice doit calculer, par application d’un barème et de règles fixées par le CGI,  la TCA Import qu’elle aurait du payer au fournisseur si celui-ci avait été assujetti.
·     Elle doit aussi calculer dans sa comptabilité carbone la répartition du carbone acheté ou importé entre les produits vendus ou exportés, et vérifier pour chaque période comptable cette égalité :
o   C Ventes + C Export = C Achats + C Import
et verser au (ou se faire rembourser par le) Trésor Public  le solde TCA Ventes – TCA Achats selon qu’il est positif ou négatif, comme pour la TVA.

Il se complique à nouveau par l’incidence des variations de stocks de matières premières, en-cours et produits finis pour lesquels elle n’a pas encore récupéré la TCA qui viendra charger les stocks. Si les variations de stocks de matières premières et de produits finis se traduisent respectivement par des corrections des achats et des ventes, en revanche les en-cours posent un problème complexe.

Cette TCA nécessiterait par surcroît une modification lourde  de tous les systèmes informatiques en introduisant une colonne TCA en plus de la colonne TVA sur toutes les lignes de facture.

La conclusion s’impose : bien que très séduisante par sa neutralité, son efficacité, et sa large assiette étendue à tous les produits ayant émis ou devant émettre du CO2, cette organisation nécessite une comptabilité carbone sophistiquée et analytique, beaucoup plus compliquée que la celle de la TVA qui s’exprime en pourcentage des achats et des ventes, dont la valeur ajoutée n’est que la différence, accessible par la seule comptabilité générale.
 Une telle TCA n’est donc malheureusement ni viable, ni même envisageable.