vendredi 2 janvier 2015

Véhicules alternatifs : Quels scénarios pour le futur?

Table des matières du blog www.8-e.fr

Résumé

La transformation du parc routier actuel en véhicules alternatifs, à hydrogène, batterie ou caténaire, tous basés sur l’énergie électrique, aboutirait à un énorme besoin supplémentaire. Or les évolutions  prévisibles relatives à l’énergie, sont pour la plupart défavorables :
  • Raréfaction des hydrocarbures fossiles et restrictions d’émissions de CO2, donc substituts à trouver pour les carburants, le chauffage et la production électrothermique.
  • Stagnation probable de l’énergie hydraulique, et faible développement des énergies éoliennes et photovoltaïque du fait de leur intermittence.
  • Améliorations de l’efficacité énergétique  des véhicules, et du bâtiment (isolation et apports thermiques solaires).
  • Probable introduction de tarifs variables et de réseaux intelligents pour gérer les pointes de consommation
Dans ce contexte, l’abandon de l’énergie électronucléaire poserait des problèmes difficilement surmontables. Un EPR produit autant que 4 000 éoliennes de 2 MW ou que les 4 départements 75, 92, 93, 94 entièrement recouverts de panneaux solaires, dont les productions sont par surcroît intermittentes !
  • La création de stations de stations de recharge est  simple dans les parkings préexistants (habitation, entreprise, urbain, commerciaux) mais assez onéreuse sur les autoroutes (puissance élevée pour limiter de très grandes surfaces de recharge).
  • La production d’hydrogène serait plutôt décentralisée dans chaque station qui pourrait assurer la production selon la demande et le prix (variable) de l’électricité grâce à un stock aval.
  • D’éventuelles caténaires constitueraient un investissement lourd, mais bien inférieur au génie civil d’une autoroute, et éviterait les stations de recharge.
  • La perception de la TICPE assujettie à la TVA, qui est la contrepartie des infrastructures de transport et non un impôt écologique, amènerait quelques complications, notamment pour les stations de recharge privatives.
  • L'autonomie est un paramètre critique des véhicules alternatifs, sauf s’ils sont alimentés par caténaires. Sauf progrès imprévisible, les véhicules à batterie resteront urbains, et l’autonomie des véhicules routiers à hydrogène n’excéderait pas 400 Km au prix d’un alourdissement de 200 à 300 Kg.
  • Les véhicules conventionnels continueront à s’améliorer à se différencier selon leur usage. Des solutions intermédiaires se développeront avant les véhicules alternatifs, notamment des hybrides série et/ou des véhicules au gaz naturel qui apporte, à masse égale réservoir inclus, 3 fois plus d’énergie que l’hydrogène.
  • Dans une évolution aussi complexe et techniquement incertaine, le législateur doit s’abstenir de faire des choix appuyés par des mesures fiscales ou incitatives, et laisser le marché juger de la pertinence des solutions proposées par les acteurs, constructeurs et équipementiers.



5 . Comparaison des architectures

Le tableau ci-dessous reprend et complète les éléments des trois messages précédents pour tenter une synthèse des avantages et inconvénients des six architectures de véhicules alternatifs sans émission locale ni carburants fossiles envisagés précédemment. Toutes sont basés sur l’énergie électrique utilisée soit directement, soit via le vecteur hydrogène produit par électrolyse.



5.1. Infrastructures d’énergie électrique – Situation générale

5.1.1. Selon l’architecture utilisée, le besoin énergétique du parc routier national est donné ci-dessous. Ses ordres de grandeur monstrueux parlant peu, il est préférable de les exprimer de façon plus concrète :
  • En 3ème ligne, en pourcentage d’augmentation de la production électrique nationale actuelle. Selon les cas, elle est susceptible de doubler.
  • En dernière ligne, en nombre de réacteurs nucléaires EPR de 1,9 Gw (à construire) utilisés à 80% sur une année complète. 

5.1.2. De tels ordres de grandeur posent beaucoup de questions sur l’avenir général de l’énergie. Sans traiter ici ce sujet beaucoup trop vaste et complexe, rappelons les principales évolutions probables en France, positives ou négatives :
  • Raréfaction des hydrocarbures fossiles, liquides et gazeux, par épuisement et renchérissement progressif.
  • Selon le GIEC, nécessité de réduire les émissions de CO2 conduisant à des restrictions d’usage de tous les combustibles fossiles carbonés, charbon et lignite en tête.
  • En conséquence des précédents, substituts à trouver, non seulement pour carburants routiers, mais aussi pour le chauffage domestique et industriel, et pour la production électrique par centrales à gaz ou à vapeur.
  • Croissance de la population,  du parc de logements et de la demande de transport de personnes et de marchandises.
  • Possible réduction des biocarburants en concurrence avec l’alimentation humaine qui est en croissance qualitative et quantitative
  • Peu de développement significatif de l’énergie hydraulique et de sa variante réversible (STEP), faute de sites équipables. Les moyens de stockage énergétique resteront donc limités et locaux.
  • Amélioration de l‘efficacité énergétique dans tous les domaines : chauffage (isolation, pompes à chaleur actuellement méconnues), éclairage (technologies), moteurs (aimants et commutation électronique).
  • Apports thermiques solaires directs dans le bâtiment (chauffe-eau en toiture, baies au sud)
  • Développement limité des énergies éoliennes et photovoltaïques, malheureusement fatales et plus ou moins prévisibles, contra-cyclique pour le photovoltaïque, qui nécessitent des centrales hydrauliques ou thermiques en veille, prêtes à prendre le relais.
  • Développement de la biomasse, du biogaz, pour une part limitée et en partie fatale.
  • Les  tarifs variables, selon les principes du « yield management » couramment appliqués notamment aux  transports aériens, s’imposeront : ils incitent à la réduction des pointes de consommation, et évitent l’installation de moyens de production de  pointe, impossibles à amortir.
  • Les réseaux intelligents, compléments nécessaires de la tarification variable, pourront contribuer à réguler la consommation en la liant au tarif et à la production. Mais ils ne produiront rien, et l’intérêt de moyens de production électrique décentralisés ne saute pas aux yeux : la variabilité diminue, les coûts baissent et les rendements s’améliorent quand la puissance croît. par mutualisation des moyens de production.
Avant de statuer sur l’évolution de l’énergie électronucléaire, dont les inconvénients et risques sont connus, mais qui demeure la seule marge de manœuvre significative,  les décideurs seraient bien inspirés d’analyser attentivement les évolutions ci-dessus en dépit d’une minorité militante… Une décision positive suppose de trouver des sites, très probablement au bord de la mer, compte tenu de la puissance thermique à évacuer des condenseurs, et de la saturation des fleuves et notamment de la Loire. Quel gouvernement osera relancer le projet de centrale à Plogoff (Sud-Finistère), site naturel idéal ? Quel site pourra éviter de se transformer en ZAD ? Mais les faits sont têtus : un EPR produit autant que 4 000 éoliennes de 2 MW, ou que toute la surface de la ville de Paris et de ses trois départements limitrophes, couverte de panneaux solaires, avec l’avantage énorme d’une production continue.



5.2. Réseau de distribution d’hydrogène

La production centralisée d’hydrogène n’offrirait probablement pas d’effet d’échelle pouvant la justifier en compensant des prix élevés de transport, soit par « hydroducs » haute pression à créer, soit par camions citernes haute pression dont la capacité énergétique, limitée par le poids du réservoir, n’atteindrait que le 1/5 de celle d’un camion de gazole. Il est donc probable que chaque station de recharge disposerait de ses propres moyens de production raccordés au réseau ERDF.

Pour chaque station,  une optimisation sera à réaliser entre :
  • La puissance d’électrolyse installée
  • La capacité de stockage
  • Le prix (variable) de l’énergie électrique
On peut ainsi envisager trois tendances, entre lesquelles le marché tranchera :
  • à un extrême, une production tirée par la demande, donc avec très peu de stock, mais nécessitant une puissance d’électrolyse capable de suivre les pointes de consommation, et nécessitant l’énergie électrique au moment voulu, sans tenir compte de sa disponibilité, ni de son coût,
  • au milieu, une production continue, donc de puissance optimisée, avec stockage aval permettant de filtrer les pointes de consommation,
  • à l’autre extrême, une production poussée par l’offre d’énergie électrique en heures creuses, au meilleur coût énergétique, mais requérant une puissance d’électrolyse supérieure, puisque discontinue, et un stockage aval plus important qui doit faire face à la fois aux fluctuations de l’offre et à celles de la demande.

5.3. Infrastructure de recharge des batteries et caténaires

Elle est très simple dans les pavillons individuels, plus complexe, mais aisément soluble, dans les immeubles locatifs ou en copropriété, parkings d’entreprises, et parkings urbains ou commerciaux, car toutes ces aires de stationnement préexistent, et seule une ligne basique 2,5 mm² alimentant une prise standard 16 A (3 Kw) est à créer pour chaque emplacement de parking intérieur ou extérieur. La recharge peut s’effectuer pendant le temps de stationnement, et donc être relativement lente. Elle peut, si nécessaire, être facturée par de nombreux moyens automatisés, avec ou sans marge du distributeur sur le coût de l’énergie selon les cas. Ce n’est pas nouveau : les scandinaves ont coutume de connecter leurs véhicules conventionnels stationnant à l’extérieur en hiver, aux fins de préchauffage matinal.

Elle est beaucoup plus onéreuse s’il est nécessaire de créer les surfaces correspondantes, par exemple sur autoroutes, où elles devront être capables d’accueillir TOUS les véhicules qui se présentent et qui ne disposeront pas de marge d’autonomie résiduelle, sous peine de les voir tomber en « panne sèche » sur l’autoroute en provoquant des ralentissements désastreux. Afin de réduire le temps de recharge qui rallonge le voyage et augmente les surfaces dédiées, les postes de recharge seront beaucoup plus puissants, de l’ordre de 20 à 30 KW. L’équilibre économique d’unités dimensionnées en surface et en puissance pour les pointes de trafic, mais le plus souvent largement sous-utilisées, risque d’être problématique, et de conduire à des tarifs très supérieurs à ceux d’ERDF, d’autant qu’elles devront rester disponibles aux heures de pointe électrique.

La création sur autoroute ou voie rapide d’une ou deux voies dans chaque sens munies de caténaires, nécessiterait un investissement important, mais manifestement très inférieur à celui du foncier et du génie civil d’une autoroute. La meilleure efficacité énergétique (trains de véhicules + rendement) compenserait plus ou moins la vitesse plus élevée. Pour un trajet long, la puissance installée serait donc du même ordre de grandeur que celle nécessaire à l’ensemble des stations de recharge sur ce même trajet. Les moyens de production (centrales, lignes HT, transformateurs et distribution seraient donc comparables. Seules les caténaires proprement dites constitueraient un supplément, mais elles permettraient de réduire la taille des batteries et de supprimer les aires de recharge. Nous manquons d’éléments pour conclure sur un éventuel équilibre.

5.4. Fiscalité

Rappelons que la TICPE assujettie à la TVA n’est en rien un impôt écologique, mais, depuis toujours, la contrepartie du coût pour la collectivité des infrastructures routières et des services attachés. Il n’y a donc aucune raison pour que les véhicules alternatifs en soient exemptés. L’Etat ne peut d’ailleurs pas se passer d’une telle ressource.

Il est relativement simple d’assujettir les stations de charge dédiées et les caténaires à la TICPE et de l’intégrer dans le paiement. On peut le faire également chaque fois que le distributeur (parking urbain, commercial ou d’entreprise) qui facture est distinct de l’utilisateur. Mais ça devient très compliqué pour une copropriété ou un pavillon individuel, où il suffirait de changer de prise pour échapper à la taxe. Un compteur scellé sur les véhicules, avec relevé en ligne ? Bon courage !

La production d’hydrogène par électrolyse, tout comme la production de gazole par distillation du pétrole dans une raffinerie, devrait également être soumise à la TICPE. Toutefois, les stations d’électrolyse seront beaucoup plus nombreuses, en fait probablement une par station-service, ce qui risque de compliquer sérieusement le travail des Douanes chargées de collecter cet impôt, actuellement versé par les raffineries. Ajoutons que, contrairement au gazole non routier détaxé, dit « GNR » qui est rose, il ne sera pas possible de colorer en rose l’hydrogène destiné à des applications non routières : difficile d’éviter les fraudes !

Mais ne désespérons pas : le Législateur a largement démontré sa créativité en matière de nouvelles taxes, pas nécessairement très simples !

5.5. Autonomie

C’est le paramètre le plus critique des véhicules alternatifs : comment se passer des 12 KWh/Kg des hydrocarbures qui sont en plus liquides à température et pression ambiantes ?

L’hydrogène comprimé à haute pression requiert des réservoirs lourds en encombrants, en forme de cylindre à calottes hémisphériques, bien loin de la docilité des réservoirs actuels non pressurisés qui peuvent utiliser les espaces perdus ou de formes bizarres. Nous avons analysé ce problème dans notre message sur le stockage stationnaire de l’hydrogène, et admis une puissance spécifique, réservoir allongé inclus, de 0,7 KWh/Kg. Ce chiffre correspond à de l’acier dur sous contrainte effective de 760 GP, très élevée, avec une marge de sécurité réduite. Les composites, aramide/époxy et carbone/époxy,  peuvent augmenter la marge de sécurité, peut-être réduire un peu la masse, mais à un prix beaucoup plus élevé, qui semble peu compatible avec l’automobile. Leurs prix baisseront ils, et de combien ? L’avenir le dira ! Une  percée technologique majeure est peu probable dans ces techniques largement à maturité. Les volumes sont aussi en cause, avec des coffres fortement réduits.

Stockage d'énergie à bord :
  • Dans le véhicule-type actuel, 50 Kg (59 litres) de gazole passant à zéro, soit une masse moyenne de 25 Kg, assurent 1 000 Km d’autonomie. 
  • Dans la version la plus plausible du véhicule alternatif avec pile à combustible et batterie tampon, un réservoir de 140 kg assure 200 Km d’autonomie : c’est peu pour un véhicule routier. Si on double l’autonomie à 400 Km, acceptable, on arrive à 280 Kg : c’est lourd, et reste-t-il un coffre ? Les chiffres communiqués par GM à propos de leur parc de 30 Opel HydroGen4 semblent conformes à la première version. Peu enthousiasmant ! 
  • Dans la version à batterie seule du véhicule alternatif, 280 Kg de batteries assurent seulement 200 Km d’autonomie selon le trajet-type : c’est lourd et cher. Si on revient à l’autonomie moitié,  soit 100 Km, on allège les batteries à 140 Kg : c’est un véhicule urbain qui peut avoir un sens. Ajoutons que les batteries au lithium étant une technologie récente, la probabilité d’un progrès majeur y est plus élevée que pour les réservoirs pressurisés.
  • Un véhicule hybride batterie-caténaires permettait tout à la fois :
    • Une autonomie urbaine identique à la version « moitié » précédente,
    • Une recharge en temps masqué au stationnement et en circulation sous caténaire
    • Une autonomie illimitée et une vitesse élevée sur les voies équipées
    • Ces avantages évidents persuaderont-ils l’utilisateur d’adopter les disgracieux trolleys ? On pourrait imaginer que ce trolley ne soit qu’une option usine, ou même une option après-vente (prévue par le concepteur), permettant de convertir des véhicules électriques existants.
5.6. Conclusion…oh combien provisoire !

Compte tenu des sérieux inconvénients et du prix des véhicules alternatifs, il faudra que le prix des carburants augmente de façon colossale, ou que les restrictions d’émissions deviennent drastiques, pour que ces véhicules  puissent devenir compétitifs sans subvention massive (telle que le bonus écolo) ou biais fiscal majeur (TICPE et TVA par exemple).

Encore faudrait-t-il que l’infrastructure électrique le permette, ce qui impose pratiquement le développement de l’électronucléaire, très controversé. A défaut, on aboutira à faire rouler des véhicules « zéro émission » avec l’électricité produite par des centrales au charbon ou au lignite : l’Allemagne est en bonne voie sur la route de l’absurdité!

Face à ces difficultés majeures, il est probable que les véhicules basés sur les carburants fossiles n’ont pas dit leur dernier mot. La réduction des cylindrées, l’optimisation du point de fonctionnement par l’hybridation, une segmentation accrue du marché des VP par type d’utilisation, l’allègement et la récupération d’énergie cinétique des véhicules urbains, la réduction de la section des véhicules routiers, la conduite automatisée de trains de véhicules très proches les uns des autres pour réduire leur traînée, etc. peuvent encore réduire largement les consommations au prix d’inconvénients mineurs par rapport à ceux des véhicules alternatifs, et à moindre coût d’investissement et d’utilisation.

L’utilisation transitoire du gaz naturel comprimé, plus pérenne que le pétrole, comme carburant, est envisageable selon des architectures proches de l’hydrogène (moteur thermique ou pile à combustible avec reformage), avec le double avantage d’une énergie spécifique 3 fois supérieure due à sa masse volumique 8 fois supérieure, et d’un prix actuellement beaucoup plus bas.

Les hybrides rechargeables, parallèles, puis série (prolongateur), pourraient évoluer simultanément.

Des avancées technologiques majeures sont possibles dans tous les domaines, mais surtout, l’addition dans la culture automobile de la conception, des méthodes de production, de l’analyse de la valeur, de la production d’équipements en grande série, peut encore changer la donne, sans que l’on puisse deviner si ce sera au profit ou au détriment des véhicules alternatifs.

Il est essentiel que la pertinence des innovations technologiques soit jugée par le marché, et non par le Législateur. L’expérience a montré que ses décisions techniques ont presque toujours été erronées. Les choix relatifs à l’énergie et à son application aux transports routiers sont trop complexes et importants pour être laissés à des politiques !


Architecture et énergie des véhicules alternatifs

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Résumé
Nous prenons en compte 6 architectures alternatives, strictement dépourvues d’émissions locales, ayant une autonomie de l’ordre de 200 Km selon l’utilisation-type :
  1. Réservoir d’hydrogène électrolytique alimentant un moteur thermique
  2. Réservoir d’hydrogène électrolytique alimentant un moteur électrique via une pile à combustible
  3. Comme ci-dessus avec petite batterie tampon (12 KWh) filtrant les besoins variables en énergie finale
  4. Grosse batterie (48 KWh) et moteur électrique
  5. Moyenne batterie (24 KWh) et moteur électrique, avec trolley pour caténaires sur autoroute
  6. Trolley sur caténaires uniquement, pour réseau entièrement électrifié (théorique !)
Similitudes et différences avec le véhicule-type diesel
  • Outre leur architecture, la masse (réservoir haute pression et/ou batterie), la présence ou non d’une récupération d’énergie cinétique, l’alimentation des auxiliaires.
  • L’utilisation-type est inchangée.
  • Les rendements varient fortement, la filière hydrogène étant pénalisée par le rendement cumulé de l’électrolyse et de la pile à combustible qui n’excède pas 37%, encore aggravé si un moteur thermique est utilisé. Les architectures à batteries ont un bon rendement, encore amélioré par l’utilisation de trolleys sur caténaires.
  • Les énergies primaires, ici électriques, traduisent ces différences de rendements.
Pour permettre la conversion de l’ensemble du parc, la production électrique nationale devrait être accrue d’environ 140% pour des véhicules thermiques à hydrogène, de 80% pour des véhicules à PàC et batterie, et de 30% pour des véhicules à caténaire et batterie


Ce message traite des sujets en bleu dans le synoptique ci-dessous :

De nombreux articles et communiqués de presse mettent en relief les progrès indéniables réalisés en matière d’architectures automobiles alternatives exemptes d’énergie fossile, sans émission locale, basées sur les batteries, notamment lithium-ion, ou sur l’hydrogène. Beaucoup d’entre eux sont néanmoins à prendre en compte avec prudence, étant motivés par la recherche de crédits publics et/ou d’apports en capital. Très peu cherchent  à faire une synthèse, qui est l’objet du présent message.

Nous comparerons 6 architectures envisageables :

3.1. Véhicule avec réservoir d’hydrogène comprimé obtenu par électrolyse (faute de quoi il devrait être considéré comme fossile) alimentant un moteur thermique et sa chaîne cinématique conventionnelle. Ce véhicule est très proche d’un véhicule actuel à GPL, sauf en ce que l’hydrogène ne peut être stocké sous forme liquide, ce qui amène à utiliser un réservoir sous haute pression pour parvenir à une masse suffisante de ce gaz très léger. Cette architecture, qui ne recourt pas à des technologies sophistiquées, souffre du rendement médiocre des moteurs thermiques conventionnels, selon le principe de Carnot-Clausius.
3.2. Véhicules avec le même réservoir d’hydrogène qu’en en 3.1. ci-dessus, mais disposant d’une pile à combustible convertissant l’hydrogène en énergie  électrique qui alimente un ou plusieurs moteurs électriques. La pile à combustible doit ici être dimensionnée pour la puissance maximum, mais sera utilisée à une puissance très variable. Cette architecture ne permet pas la récupération d’énergie cinétique au ralentissement, car, dans l’état actuel de la technologie, une pile à combustible ne peut pas se transformer en électrolyseur.


3.3. Véhicule à pile à combustible analogue au 3.2. ci-dessus, mais comportant en plus une batterie qui permet de fournir un supplément d’énergie électrique en accélération, en côte ou ou en vitesse de pointe, et de récupérer l’énergie cinétique au ralentissement. Elle réduit la variabilité du débit de la pile à combustible, et permet de la dimensionner pour la seule vitesse de croisière maximum.

3.4. Véhicule électrique à batteries et moteur électrique, genre GM Ampera ou Renault Zoé, sans prolongateur, faute de quoi il ne serait pas à zéro émission locale.

Les architectures suivantes utilisent des caténaires. Cette méthode rustique, très répandue en ferroviaire qui a l’avantage d’utiliser les rails métalliques comme conducteur neutre, n’a été utilisée sur le route que pour des trolleybus. Des tramways les ont souvent remplacés, non pas en raison de leur alimentation électrique mono-fil, mais simplement parce que l’on privilégie les transports en commun en site propre, qui, dès lors, peuvent disposer de rails. Ses avantages ont été décrits dans un message de notre blog. Elle nécessiterait la pose de caténaires électriques, par exemple sur la file de gauche des autoroutes, et pratiquement, la mise en place du pilotage automatique de chacun des véhicules composant le « train ».

3.5. Véhicules à batterie comportant en plus une paire de perches (trolley) frottant sur les conducteurs de la caténaire bifilaire. Un tel véhicule est autonome partout dans les limites de sa batterie, et dispose en plus d’une autonomie illimitée sur les autoroutes ou trajets munis de caténaires. Leur recharge peut être effectuée non seulement dans une station de charge publique ou privée de véhicules électriques, mais aussi, en temps masqué, pendant les trajets sur voie électrifiée. Une telle architecture peut se justifier dès l’équipement électrique des premiers tronçons d’autoroutes, sans nécessiter une couverture généralisée, pour des véhicules dont l’itinéraire est répétitif.


3.6. Véhicules électriques à caténaire seulement. Toutes les voies publiques ou privées ne pouvant pas être électrifiées à un horizon prévisible, cette solution est considérée à titre purement théorique, comme l’aboutissement extrême de l’architecture précédente. Elle pourrait aussi, comme ce fut le cas de nombreux trolleybus, être hybride avec moteur thermique, mais sortirait alors du cadre de la présente comparaison. Nous avons considéré que cette architecture n’aurait pas la possibilité de récupération d’énergie qui poserait sans doute problème à travers un contact glissant sujet à microcoupures.

4.     Rendement et énergie primaire des véhicules alternatifs

4.1. Paramètres pris en compte pour les véhicules alternatifs
  • Supplément de masse, se répercutant sur les énergies de roulement et cinétique, calculé pour assurer une autonomie maximum  (jusqu’à épuisement du réservoir ou de la  batterie) de 200 Km selon l'utilisation-type. (Elle peut être considérée comme 350 Km dans les conditions idéales d’une vitesse constante de 60 Km/h déconnectée des conditions réelles actuelles) 
    • Energie spécifique (hydrogène + réservoir) : 0,7 KWh/Kg
    • Energie spécifique batterie Li-Ion : 0,18 KWh/Kg
      • Hydrogène thermique : 160 KWh, soit 230 Kg
      • Hydrogène et PàC : 90 KWh, soit 130 Kg
      • Batteries uniquement 48 KWh, soit 280 Kg
      • Hydrogène et PàC comme ci-dessus+batterie 12 Kwh : 130  Kg +70 Kg = 200 Kg
      • Hybride Batterie 24 KWh + caténaire : 140 Kg
      • Caténaire seul : aucun supplément


  • Consommation moyenne d’auxiliaires :
    • Mécanique (compresseur de climatisation…)  1 KW
    • Electrique (éclairage, servomoteurs, désembuage...) 0,7 KW après rendement d’alternateur éventuel, soit 1 KW avant.
    • Chauffage d’habitacle électrique : nulle pour moteurs thermiques, 0,5 KW si PàC, 1 KW pour véhicules à batterie sans PàC
A noter que la comparaison avec un véhicule diesel ayant près de 1 000 Km d’autonomie est biaisée, mais cette autonomie conduirait à des véhicules alternatifs aberrants, sauf … le véhicule à caténaire.

4.2. Energie finale des véhicules alternatifs

L’analyse est faite sur l’utilisation-type déjà utilisée pour le véhicule diesel-type. Elle est résumée dans le tableau ci-dessous, qui reprend pour mémoire les chiffres du véhicule-type diesel.


Les énergies finales requises pour les véhicules alternatifs ne sont pas fondamentalement différentes de celle du véhicule thermique conventionnel. On observe cependant :
  • Un petit supplément en énergie de roulement, dû au poids de la batterie et/ou du réservoir.
  • Pour les véhicules ayant une batterie, et en dépit de leur masse, un avantage important en énergie cinétique,  dû à la récupération de la majeure partie de cette énergie au ralentissement.
  • Un très petit avantage en énergie pour les auxiliaires, en dépit du chauffage qui est assuré partiellement (PàC) ou totalement (batterie seule ou caténaire) par effet joule, grâce à la suppression de la consommation au ralenti (sauf hydrogène thermique).
4.3. Energie primaire des véhicules alternatifs

La détermination de l’énergie primaire requiert l’évaluation préalable des rendements, comme suit :
  • Electrolyse : 70%
  • Pile à combustible : 53%
  • Moteur électrique : 90%
  • Récupération d’énergie cinétique sur batterie (uniquement) : 66%
Partant du tableau ci-dessus des énergies finales, on calcule évalue les énergies primaires requises compte tenu des rendements évalués ci-dessus. Par simplification, dans les véhicules hybrides, le rendement de batterie a été pris en compte en produit des autres :
  • Uniquement en urbain et périurbain pour les véhicules à batterie-PàC en raison des puissances qui y sont très variables
  • Idem mais aussi sur routes supposées non électrifiées pour les véhicules à batterie-caténaire 

Les énergies primaires (ici électriques) requises sont très différentes selon les architectures utilisées :
La famille à hydrogène n’apporte que peu de réduction par rapport à un diesel:
  • -23% en PàC seule,
  • -13% en PàC avec batterie,
  • augmentation de 53% avec moteur thermique.
La famille sans hydrogène apporte une réduction très importante :
  • -62% avec batterie seule,
  • -66% en hybride caténaires,
  • -68% en caténaires uniquement, théorique mais quand même instructif.
Rappelons que ces « réductions » résultent d’une comparaison entre une future énergie électrique (après rendement de Carnot-Clausius en production thermique ou nucléaire), remplaçant l’actuelle énergie thermique du carburant, qui est une véritable énergie primaire. Elles sont donc toutes relatives !

Quelles que soient les incertitudes et les approximations inévitables dans  ce genre d’analyse, la conclusion s’impose :
  • La famille à hydrogène est lourdement handicapée par le rendement de l’électrolyse cumulé avec celui de PàC, qui ne dépasse pas 53% x 70% = 37%, en dépit du bon rendement du moteur électrique et d’une éventuelle batterie auxiliaire. Sa version à moteur thermique, qui a l’avantage de la simplicité et de la continuité industrielle, est évidemment encore pire puisqu’elle cumule le rendement d’électrolyse avec celui du  moteur thermique à hydrogène soumis au principe de Carnot-Clausius, et donc inférieur à celui d’une pile à combustible.
  •  La famille sans hydrogène bénéficie à plein du bon rendement du moteur électrique, et de celui de la batterie dans la mesure de son utilisation, qui est réduite pour un véhicule à caténaires.
4.4.    Consommation énergétique du parc routier alternatif

Le tableau ci-dessous donne en deuxième ligne le produit du kilométrage annuel du parc, soit 636 milliards de kilomètres,  par la consommation d’énergie électrique primaire des véhicules alternatifs par kilomètre. Cette énergie globale est chiffrée en TWh (trillions de Wh).


Le résultat est percutant :
  • pour transformer le parc routier existant en véhicules à hydrogène, il faut disposer d’énergie électrique dans une quantité comparable à l’énergie thermique (523 TWh) des carburants utilisés, malgré le principe de Carnot-Clausius qui pénalise beaucoup ces derniers :
    • 153% pour l’architecture à moteur thermique
    • 77% à 87%  pour les architectures à pile à combustible 
  • Pour transformer le parc routier existant en véhicules purement électriques, le résultat est nettement meilleur :
    • 39% pour le véhicule à batteries
    • 34% à 32%  pour le véhicule à caténaires, hybride ou non 
Conclusion :

Le rendement cumulé électrolyse + pile à combustible est presque aussi mauvais (70% x 53% = 37%) que le rendement de Carnot- Clausius.

Nous verrons dans le message suivant que ceci ne serait pas sans conséquence sur les infrastructures électriques.

Modélisation du véhicule-type


Résumé
  • Le véhicule-type est défini comme un véhicule de tourisme diesel de milieu de gamme âgé de 6 ans. Les autres (essence, poids lourds, autocars) s’y ramènent par un jeu de coefficients.
  • L’utilisation-type est un trajet portant sur des parcours de mêmes longueurs sur des voies limitées respectivement à 130, 110, 90, 70 et 50 Km/h, incluant des ralentissements de 40 Km/h à intervalles d’autant plus courts que la voie est plus lente, et auxquels s’ajoutent un temps d’arrêt de 18 minutes par 100 km parcourus.
  • Nous avons vu précédemment que la consommation de ce véhicule type est de 8,5 litres d’essence ou 7,6 lires de gazole, soit une moyenne pondérée de 7,8 litres de gazole aux 100 Km.
  • L’utilisation-type du véhicule-type permet de calculer l’énergie finale nécessaire pour vaincre les forces de roulement, aérodynamiques, d’inertie et des auxiliaires. Elle est de 92 mégajoules (23 Kilowattheures) par 100 km moyens, qui se répartissant à parts presque égales entre les 5 types de voies pris en compte, la baisse de force aérodynamique en ville étant compensée par la fréquence des accélérations et la part croissante des auxiliaires.
  • L’évaluation du rendement, beaucoup moins bon en ville en raison de la faible puissance requise et du temps  des arrêts, permet de recalculer la consommation moyenne, son égalité (après itérations) avec la consommation réelle constatée validant globalement les hypothèses de calcul

Dans le message suivant, la même modélisation pratiquée sur 6 architectures de véhicules (hydrogène, batterie, caténaires et leurs hybrides) selon la même utilisation-type, aboutira au besoin d’énergie finale de chacune. L’évaluation des rendements, assez bien connus, permettra ensuite le retour à l’énergie primaire, ici toujours électrique, afin de quantifier la production électrique nationale supplémentaire.


 Le présent message traite des sujets en jaune dans le synoptique ci-dessous.


2.1. Le véhicule-type

Il est défini comme suit :
  • Diesel
  • Masse avec 1,4 passager et un demi plein : 1 450 Kg
  • Force de roulement = 2% de son poids
  • Accélérations et décélérations à 2 m/sec²
  • Section x Cx = SCx = 0,60 m²
  • Puissances ne participant pas à la propulsion
    • Mécanique (Compresseur de climatisation, alternateur, en moyenne 1 Kw chacun, en permanence)
    • Thermique (ralenti 5 Kw, à l’arrêt seulement)





2.2. Profil d’utilisation-type

  • L’utilisation-type est un trajet portant sur des parcours de 100 Km sur cinq types de des voies usuelles répertoriées ci-dessous, limitées respectivement à 130, 110, 90, 70 et 50 Km/h.
  • Chaque parcours  inclut des ralentissements de 40 Km/h à intervalles d’autant plus courts que la voie est plus lente, à raison d’un division par deux de l’intervalle en distance pour chaque passage à la voie plus lente.
  • S’y ajoutent des arrêts dont le cumul est de 1,5 heure pour 500 Km, soit encore 18 minutes par 100 km parcourus.
Type de circulation
Distance
parcourue
Vitesse croisière
Vitesse ralentie
Intervalle ralentisst.
Autoroute
100 Km
130 Km/h
90 Km/h
8,00 Km
Voie rapide 2 x 2
100 Km
110 Km/h
70 Km/h
4,00 Km
Routes principales
100 Km
90 Km/h
50 Km/h
2,00 Km
Secondaire et périurb.
100 Km
70 Km/h
10 Km/h
1,00 Km
Urbaine
100 Km
50 Km/k
0 Km/h
0,50 Km
Arrêts
0 Km
Arrêt
1,5 heure

Total / Moyenne
500 Km
62 Km/h

390 ralent



2.3. Détermination du besoin en énergie finale (mécanique)

Elle est faite, pour chacun des 6 types de circulation ou d’arrêt, par l’addition des énergies nécessaires à l’avancement :

2.3.1. Roulement = masse x g x coefficient 2% x distance

2.3.2. Aérodynamique = masse volumique de l’air x carré de la vitesse x SCx x distance / 2

2.3.3. Accélération  = masse x écart des carrés des vitesses x nombre d’accélérations / 2

2.3.4. Auxiliaires = puissance x temps

2.3.5. Gravité : En termes d’énergie mécanique finale, les montées et les descentes finissent toujours par se compenser. En outre, les montées augmentent la puissance requise, mais aussi le couple moteur et donc son rendement, et inversement dans les descentes, aboutissant à un rendement moyen pondéré un peu amélioré. L’énergie consommée n’augmente donc que s’il y a freinage en descente, qui est une occurrence très basse par rapport au freinage pour décélération. Sa modélisation serait très aléatoire. Elle ne sera donc pas prise en compte.


2.3.5. Besoin total par addition des 4 premiers besoins ci-dessus.

Le résultat est le suivant, en MJ et en KWh :


On observe sans surprise que pour 100 Km parcourus  sur les diverses voies :
  • L’énergie de roulement est constante
  • L’énergie aérodynamique croît fortement (loi en carré) avec la vitesse
  • L’énergie cinétique croît fortement en circulation lente, en conséquence de la fréquence des ralentissements.
  • Les auxiliaires, dont la puissance est supposée constante, impactent davantage les circulations lentes.
  • Le besoin en énergie finale ressort à 82 MJ, soit 23 KWh, aux 100 Km pour le véhicule-type utilisé selon le profil-type.

 2.4. Besoin en énergie primaire (carburant) et validation

2.4.1. En partant de l’énergie mécanique finale ci-dessus, pour parvenir à l’énergie primaire thermique (carburant) il faut introduire le rendement du moteur thermique, dont le graphe ci-dessous est un exemple typique d’un moteur diesel moderne, sans doute un peu meilleur que la moyenne du parc roulant. Sans chercher une précision illusoire, nous adopterons une  loi simple variant de 35% à 23% par décréments de 3 points d’un type de voie à la suivante moins rapide. La précision viendra ultérieurement par la réconciliation de l’énergie primaire ainsi évaluée avec la consommation effective de carburant.


2.4.2. Le tableau ci-dessous donne les résultats. A noter que la consommation du moteur au ralenti pendant l’arrêt du véhicule, et hors auxiliaires, ne débouche sur aucune énergie finale. Elle ne figure donc pas dans le tableau précédent, mais il convient de la rajouter après impact des rendements.



2.4.3. Le tableau ci-dessous permet de valider les hypothèses utilisées précédemment :
  • En première ligne, on constate (évidemment après itérations) la coïncidence entre la consommation calculée ci-dessus (296 MJ = 7,78 litres de gazole) et la consommation moyenne du parc d’après les chiffres URF.
  • En variante, un voyage rapide sans arrêts (mais avec des ralentissements) effectué sur autoroutes, voies rapides et  routes principales, et une consommation calculé de 6,8 litres aux 100 Km
  • En autre variante, des déplacements lents sur voies péri-urbaines et urbaines, avec ralentissements et  arrêts, et une consommation calculée de 8,7 litres aux 100 Km
  • A titre théorique, les consommations calculées à vitesse constante de 70 Km/h à 110 Km/h varient de 4,3 à 6,0 l/100 Km qui correspondent bien à des valeurs usuelles.

Sans aucun risque, on peut admettre que les hypothèses de modélisation, qui aboutissent à des résultats conformes à la réalité, sont validées. Nous disposons ainsi d’un outil applicable à toute architecture de véhicule non conventionnel dès l’instant où l’on connaît les rendements de leurs organes, ce qui est généralement le cas.