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L’équilibrage du réseau
Nous avons vu dans le message « Problématique du stockage de l’énergie » que l’équilibrage du réseau
électrique entre :
- une consommation très variable
- et une production dont une pour part croissante est « fatale », c’est-à-dire intermittente et plus ou moins prévisible (énergies hydraulique au fil de l’eau, marémotrice, éolienne, photovoltaïque)
- aboutira à poser le problème du stockage de l’énergie électrique excédentaire produite par les filières fatales en période de faible consommation.
L’idée de
stocker de l’énergie électrique excédentaire dans une batterie d’accumulateurs
est évidente et très ancienne, puisque c’est la raison d’être des batteries. Mais cette idée néglige l’énorme
différence de coût entre l’énergie électrique produite par un alternateur et
l’énergie électrique d’origine électrochimique.
Nous rencontrons des batteries partout.
Citons les principales applications :
- batteries de démarrage pour automobile : plomb / acide sulfurique,
- batteries de traction, notamment pour véhicules de manutention, le plus souvent nickel / cadmium
- batteries assurant la mobilité d’appareils électroniques (téléphones, smartphones, tablettes, ordinateurs, appareils photo), d’éclairage, d’outillage électroportatif (visseuses, perceuses…) ou de jardinage (tronçonneuses, taille-haies…), médical (prothèse auditives, pacemakers, analyseurs)...
- batteries stationnaires utilisées en sécurité en cas de coupure du réseau
- batteries stationnaires complémentaires d’alimentations hors réseau par des panneaux solaires : horodateurs, balises maritimes ou aériennes, signalisation…
- batteries de véhicules de tourisme hybrides ou électriques.
Energie
excédentaire et batteries
Le réseau de distribution électrique
français est entièrement interconnecté, ce qui est un avantage évident de
souplesse, de sécurité et d’optimisation du transport. En conséquence, l’énergie excédentaire ou manquante doit être
considérée globalement. Il s’agit donc d’énergie disponible, ou à restituer, en
triphasé haute tension. Eventuellement, si le stockage est voisin de l’unité de
production excédentaire, il s’agira de moyenne tension, celle de l’unité, ou du
groupe d’unités, de production.
Son stockage par des batteries nécessite
préalablement sa transformation en
basse tension, son redressement, son filtrage et sa régulation car il n’est
envisageable :
- ni de mettre des batteries en série jusqu’à des hautes tensions, en raison de leur masse et de leur encombrement qui les rendent difficiles à isoler,
- ni de les charger par un courant fortement ondulé, ou excessif, au détriment de la longévité de ces batteries,
- ni de charger des batteries à tension contante.
La
mise en stock proprement dite pourrait
être effectuée par une charge assez lente de l’ordre de 6 heures.
La
restitution serait généralement plus
rapide car les pointes extrêmes sont en général relativement brèves, de l’ordre
de 2 ou 3 heures. Elle s’effectuerait à travers un onduleur transformant le
courant continu en courant alternatif triphasé basse tension, suivi d’un
transformateur BT/HT.
Il y aurait donc nécessairement deux
transformations de type AC/DC et DC/AC, en plus de deux transformations de
tensions au stockage et à la restitution par le même transformateur, avec leurs coûts et leurs rendements, inférieurs à 1 quoiqu’assez
bons, selon le schéma ci-dessous, établi pour un stockage de 1 Mwh, ce qui est extrêmement peu à l'échelle d'un réseau, de l'ordre de 4 secondes de la production d'une grosse centrale de 1 000 Mw:
Les organes auxiliaires (transformateur, redresseur, onduleur) ne posent pas de problème particulier, sinon le fait que leur temps d'utilisation utile, c'est à dire le temps de restitution, n'excéderait pas 2 heures par jour par temps froid, c'est à dire quelques % du temps sur l'année. Leur coût d'utilisation serait donc fortement grevé par le montant très élevé des amortissements, malgré une durée de vie a priori assez longue.
La batterie est déjà monstrueuse: en se basant sur 2 volts et 200 Ah, soit 400 watt-heures par élément, il faut mettre en parallèle 10 lignes (2000 Ah) ayant chacune de 250 éléments en série (500 V), soit 2500 éléments de l'odre de 20 Kg chacun, ce qui aboutit à 50 tonnes! La remarque ci-dessus sur les amortissements est encore valable, mais nous verrons ci-dessous que le vrai problème est ailleurs, dans a durée de vie.
.
Choix
d’une technologie de batteries
Pour justifier de telles installations,
un cycle quotidien serait économiquement souhaitable, avec charge en général
la nuit, et décharge en début de matinée ou en fin d’après-midi. Les batteries
subiraient en général un cycle par jour. Une grande longévité, facteur
essentiel de réduction de la valeur ajoutée de stockage, est requise, alors que leur énergie massique
ou volumique est secondaire, situation très différente d’un véhicule électrique.
La technologie Ni-Cd est appropriée.
La SAFT résume sa gamme de batteries
stationnaires Ni-Cd dans le tableau ci-dessous :
Manifestement, la gamme « Uptimax M »
serait adaptée.
Ce choix est confirmé par un graphique
présenté ci-dessous par J.F Fauvarque (CNAM) sur la longévité comparée des
différentes technologies de batteries, selon lequel les batteries Ni-Cd ont de
loin la meilleure longévité.
Coût
(ou valeur ajoutée) de batterie par cycle
La construction du tableau des valeurs
ajoutées ci-dessous, essentiel à l’analyse, pose deux problèmes :
- L’incertitude sur la durée de vie, qui nécessite les définitions du cycle (vitesse et profondeur de décharge) et de la fin de vie (perte de capacité ou de puissance), définitions à notre connaissance actuellement inexistantes. On trouve les évaluations les plus fantaisistes, notamment de la part de fabricants un peu trop optimistes sur les qualités de leurs produits futurs, à des fins commerciales, financières ou stratégiques.
- L’incertitude sur les prix actuels, confidentiels pour des raisons commerciales, et plus encore sur les prix futurs. Il semble que les technologies récentes soient, à capacité égale, 5 fois plus chères que les batteries au plomb, et un peu plus chères que les batteries Ni-Cd. Nous adopterons par hypothèse provisoire le prix de 500 €/kwh pour toutes les technologies nouvelles, et 400 €/Kwh pour le Nickel Cadmium, mais nous verrons aussi plus loin qu’une meilleure précision n’est nullement indispensable à la conclusion.
Technologie
|
Ni - Cd
|
Ni - MH
|
Li - Ion
|
LMP
|
Cycles sur durée de vie
|
1 000
|
750
|
400
|
600
|
Prix / Kwh de capacité
|
400 €
|
500 €
|
500 €
|
500 €
|
Coût / Mwh restitué
|
400 €
|
670 €
|
1 250 €
|
830 €
|
La dernière ligne du tableau donne la valeur
ajoutée par le stockage par Mwh restitué,
calculée par :
Coût du Kwh de capacité x 1 000 /
Nombre de cycles dans la vie de la batterie.
Soulignons que cette valeur ajoutée est
calculée sans aucun coût de process, ni de maintenance, ni d’amortissement
autre que celui des batteries. Cette valeur ajoutée atteint 400 € (Ni-Cd)
à plus de 1 200 € (Li-Ion).
Prenant en compte un rendement de batterie de 80% dans tous
les cas, et en considérant le cas le plus favorable des batteries Ni-Cd, le
coût du Mwh restitué est donc :
- Partant du nucléaire existant à 40 €/Mwh
- 40 € / 80% + 400 € = 450 €/Mwh
- Partant de l’éolien à 200 €/Mwh
- 200 € / 80% + 400 € = 650 €/Mwh
Ces coûts arrivent à des niveaux
inenvisageables. La technologie Ni-Cd est mature : pas d’amélioration spectaculaire
à attendre. Même si, en étant optimiste, en envisage pour l’avenir que les prix
des batteries Li-Ion soit divisé par 2 et leur duréede vie multipliée par 2, on arrive à des prix qui restent prohibitifs :
- Nucléaire : 350 €/Mwh
- Eolien : 550 €/Mwh
Rappelons que les prix de marché,
actuellement facturés, se situent en HT vers :
- 50 à 70 €/Mwh pour les clients industriels en haute tension
- 60 €/Mwh (suivi d’un coefficient 2 pour marge et frais de distribution) pour le grand public et les clients résidentiels et tertiaires livrés en BT.
Conclusion
Le prix élevé, de l’ordre de 400 €/Kwh,
des batteries Ni-Cd dont l’espérance de vie est limitée à environ 1 000
cycles, et dont le rendement est au mieux de 80%, aboutit à un prix de
l’énergie restituée de l’ordre de 450 €/Mwh à partir du nucléaire, ou de 650 €
à partir de l’éolien intermittent, incompatible avec un marché qui est en moyenne
de l’ordre de 50 à 70 €HT/Mwh, même en doublant ou quadruplant le prix de
marché pendant les pointes.
Si l’on exclut le recours aux énergies
fossiles, Il serait beaucoup moins coûteux :
- de réduire les crêtes :
- par le « yield managment » dans la tarification électrique variable comportant une augmentation brève, mais substantielle du prix du Mwh,
- et par la promotion des chauffages par pompe à chaleur ou biénergie,
- de construire des STEPs (centrales hydrauliques réversibles) dans des sites moins appropriés que ceux qui existent, notamment sur les reliefs du littoral,
- et de construire des centrales nucléaires avec taux d’utilisation plus réduit : un taux d’utilisation réduit de moitié ne double pas tout à fait le prix de revient du Mwh, soit 100 €/Mwh pour du nucléaire à créer, largement inférieur à celui de la restitution par des batteries selon les technologies actuellement disponibles.
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