jeudi 30 août 2018

Nicolas Hulot vaincu par le principe de réalité


Table des matières du blog www.8-e.fr

Notre Ministre d’Etat, ministre de l’Ecologie et de la Transition énergétique et solidaire, vient de démissionner. Notre seule surprise est que cette démission inéluctable ne soit pas intervenue plus tôt !



L’écologie est un problème extrêmement complexe, avec des interactions multiples et contradictoires. Nous nous limiterons ci-dessous à notre domaine de compétence, celui de l’énergie.

La transformation des énergies primaires (charbon, pétrole, gaz, fission nucléaire, cours d’eau, soleil, vent, chaleur géothermique, biomasse, courants marins…) en énergies utilisables pour les besoins de l’homme (chauffage, éclairage, transport, électroménager, numérique…), souvent via l’énergie électrique, a toujours un coût et des effets négatifs sur l’environnement, dits « externalités », parmi lesquelles :
  • L’épuisement des ressources naturelles, notamment fossiles
  • L’émission de CO2 (qui n’est pas une pollution) et ses conséquences climatiques
  • La pollution de l’air et de l’eau et du sol
Pour améliorer la situation environnementale, il faut évidemment faire des choix et agir sur les externalités les plus critiques, et ce, au moindre coût, dans un souci d’efficacité.

En France, où la qualité de l’air est en constante amélioration, où la sécurité alimentaire n’a jamais été aussi bonne en dépit des phobies et de l’orthorexie croissantes, où les surfaces de forêts croissent, nous n’avons pas de problème environnemental critique, mais seulement des voies d’amélioration à poursuivre. Mais la France fait partie du monde qui fait face à un problème critique : le réchauffement climatique engendré principalement par les émissions mondiales de CO2. La situation des émissions françaises est assez bonne parmi les pays développés grâce à des véhicules relativement économes en carburant, au chauffage électrique exempt d’émissions, et à une énergie électrique dont 92% sont produits sans émissions de CO2. Elle reste toutefois intenable à long terme pour l’ensemble du monde, car la population mondiale augmente et son mode de vie se rapproche du nôtre. La réduction des émissions de CO2 est donc l’objectif majeur et urgent.

Pour ce faire, l’action du Gouvernement, et du Ministre concerné, ne doit surtout pas comporter de choix de moyens technologiques qu’il fait toujours sous la pression d’une opinion publique versatile et mal informée, et de lobbies contradictoires entre lesquels il n’a pas la compétence (technique et juridique) de trancher. Il doit se limiter à taxer fortement les émissions de CO2, aussi bien relatives à l’exploitation qu’à l’investissement (trop souvent oublié), ou à limiter des droits à émettre négociables, ce qui revient au même à fiscalité globale constante, comme l’a très bien montré notre Prix Nobel d’Economie Jean Tirole dans son excellent ouvrage « Economie du bien commun ».

Les gouvernements ne doivent en aucun cas subventionner des choix technologiques supposés verts. La liste des erreurs en la matière est longue et coûteuse. Quelques exemples :
  • Les producteurs d’électricité éolienne et solaire PV bénéficient de contrats avec prix garanti et priorité d’écoulement dans le réseau. Ils permettent des investissements massifs qui ne peuvent en aucun cas remplacer les autres filières sous nos latitudes en raison de leur intermittence, et de la production insignifiante du solaire PV autour du solstice d’hiver quand le besoin est élevé
  • L’Allemagne a investi 350 G€ en éolien et solaire PV et sort du nucléaire, pour aboutir à un MWh 10 fois plus chargé en CO2 et presque 2 fois plus cher qu’un MWh français !
  • La France n’a investi « que » 120 G€ dans ces mêmes éolien et PV, mais a eu la sagesse de ne pas sortir du nucléaire. Ouf ! Mais la CSPE en bas de facture a bien augmenté les charges de l’abonné, en pure perte.
  • Le bonus-malus automobile est absurde en ce qu’il taxe le véhicule neuf dont on ne connaît ni l’utilisation, ni la durée de vie, alors qu’en exploitation, le carbone (CO2) vient du carburant et non du véhicule.
  • Les primes à la casse (Type « Jupette ») : les véhicules supposés plus économes amortiront rarement la trace carbone de leur fabrication anticipée !
  • Le désastre « Autolib’ » est une caricature : consensus de la classe politique nationale et locale, subventions lourdes aux véhicules (Etat) et aux stations de charge (Collectivités locales), énergie détaxée (pas de TICPE ni de TVA afférente), avantages divers de circulation et de stationnement, pour aboutir fin juillet 2018 à un naufrage coûteux pour Bolloré comme pour la Ville de Paris qui devra bien honorer sa signature !
  • L’UE a imposé aux constructeurs d’automobiles le maintien à 95 g/km du plafond des émissions moyennes de leurs gammes, et ce, après durcissement des tests de consommation. Ceci aboutit à un dilemme entre une pénalité très lourde ou des solutions techniques déraisonnables, dont les coûts seront in fine supportés dans les deux cas par les clients. Or il existe des solutions énormément moins coûteuses pour réduire les émissions nationales de CO2.

La loi sur la transition énergétique est un non-sens qui cherche à faire plaisir à tout le monde en empilant des mesures antagonistes. Notamment, on ne peut pas à la fois sortir du nucléaire ET réduire les émissions de CO2.

Politique énergétique

Le meilleur ministre de l’écologie et de la transition énergétique doit être :
  • Un scientifique ouvert aux technologies, capable de comprendre et de ne pas renouveler les erreurs citées plus haut. Exemple : Jean-Marc JANCOVICI
  • Un économiste qui fait confiance au marché pour obtenir les meilleurs résultats au moindre coût. : Exemple : Jean TIROLE
  • Un communicant capable de résister à l’opinion publique et de la faire bouger. Contre-exemple : Ségolène ROYAL et le désastre Ecomouv’
  • Tout le contraire d’un militant qui substitue les croyances aux savoirs. Contre-exemple : Corinne LEPAGE

 Nicolas HULOT n’est ni un technicien, ni un économiste. C’est un militant communicant qui suit ses croyances. Son honnêteté évidente n’y change rien : son action a été négative pour la planète. Sa démission est une bonne nouvelle !

A défaut de réunir personnellement toutes les qualités requises ci-dessus, son successeur pourra néanmoins les réunir au sein de son cabinet, ce que n’a pas fait Nicolas HULOT.

Que se passera-t-il si le Gouvernement se limite à appliquer une taxe de l’ordre de 100 €/T de CO2, (ou des droits à émettre limités et négociables aboutissant au même prix) croissant régulièrement chaque année, et à supprimer toutes les autres subventions, distorsions de concurrence, ou normes inapplicables, en laissant le marché faire ses choix ?

Hors transports :
  • La production électrique finira d’abandonner le charbon, et réduira le fioul au profit du gaz à cycle combiné (intrinsèquement moins de CO2 et meilleur rendement).
  • La filière électronucléaire sera renforcée. Ses externalités (surface de stockage des déchets ultimes) sont faibles et largement compensées par la faible surface des ses installations en comparaison de toutes les énergies vertes. Les vieilles centrales fermées seront remplacées. Le rapport d’experts sur le nucléaire, dévoilé le lendemain de la démission du Ministre d’Etat, arrive à point nommé, et en est peut-être une des causes.
  • Les onéreux chauffages au fioul et au GPL disparaîtront au profit du gaz de réseau ou de l’électricité devenue plus compétitive. L’isolation des locaux deviendra rentable.
  • Les pompes à chaleur géothermiques, ou à défaut aérothermiques, se développeront en compensant une partie de la production électrique supplémentaire dans le chauffage.
  • Les investissements en éolien et solaire PV cesseront, mais, l’Etat devant honorer sa signature, les producteurs actuels poursuivront leur activité jusqu’à l’échéance de leur contrat.
  • L’autorisation du « yield management » ("tarification dynamique" : élasticité forte et permanente du prix) déjà rendu techniquement possible par les compteurs Linky, permettra d’écrêter la demande au niveau de la capacité de production décarbonée).
  • Le prix de la fonte sidérurgique augmentera, car il n’est guère possible de moyen de réduire l’émission de CO2 résultant de la réaction entre le coke et le minerai de fer. Mais le recyclage des ferrailles et leur traitement en aciérie électrique se trouvera renforcé.


Transports routiers :
  • Le prix du carburant augmentera encore, réduisant l’usage non indispensable des véhicules des particuliers.
  • La mode des SUV et autres monospaces se trouvera contrariée. L’architecture évoluera vers des véhicules plus bas, plus étroits et plus légers, avec une puissance thermique réduite compensée par une hybridation raisonnable, consommant jusqu’à moitié moins.
  • Le diesel fera valoir son meilleur rendement sur les véhicules légers ou lourds destinés aux transports interurbains ou internationaux.
  • Les véhicules principalement urbains évolueront naturellement vers l’hybride rechargeable, d’autonomie limitée pour en réduire le coût.
  • Les véhicules exclusivement urbains (La Poste, taxis, véhicules de livraison au dernier kilomètre en plein développement pour la livraison des achats en ligne) évolueront vers le tout-électrique à batteries.
  • A long terme, on peut concevoir l’électrification par caténaires d’une voie  d’autoroute, sur laquelle circuleraient à vitesse autoroutière des véhicules, ou groupes de véhicules très rapprochés, hybrides en mode électrique : autonomie illimitée, recharge de la batterie en roulant, moindre énergie requise (aérodynamique), pas de perte dans la transmission électrique.
  • En dépit des annonces de Tesla, les poids lourds interurbains ou internationaux resteront diesel. Ni les batteries, ni l’hydrogène ne sont envisageables à un horizon prévisible. On peut seulement espérer que la taxation plus lourde des carburants restituera un peu de compétitivité aux voies ferrées et fluviales, mais il ne faut pas attendre de miracles. 

Transports aériens :
  • Un accord international est indispensable pour appliquer la taxe carbone au kérosène de toutes les compagnies aériennes, et pas seulement des françaises. La hausse du prix des carburants poussera :
    • les motoristes à améliorer encore les rendements, c’est-à-dire à augmenter les températures de combustion, mais il n’y aura pas de miracle,
    • les aéroports à remorquer les avions au sol par des tracteurs diesel qui consomment énormément moins qu’un réacteur à petite vitesse,
    • et les passagers à espacer et à réduire leurs voyages.


Transport fluvial et maritime
  • L’essentiel n’est pas de réduire la consommation des bateaux, mais plutôt de leur transférer une part importante du fret car ils constituent le moyen de transport pondéreux à grande distance le moins émetteur de CO2. Mais il y a là aussi des limites, et il n’y aura pas de miracles.