lundi 25 novembre 2013

STEP - Station de Transfert d'Energie par pompage

STEPs de montagne
Principe

Le principe est fort simple : sur un site géographique approprié comportant un lac inférieur et un lac supérieur ayant une grande différence d’altitude, on établit au niveau du lac inférieur une station réversible reliée au lac supérieur par une conduite forcée (tuyau de gros diamètre résistant à la pression). Cette station comporte un ou plusieurs groupes constitués chacun d’une machine électrique synchrone couplée à une turbine hydraulique, toutes deux réversibles, pouvant fonctionner de deux manières :
  • en production, l’eau descend par la conduite forcée et fait tourner la turbine qui entraîne la machine. Celle-ci est alors un alternateur produisant l’énergie électrique écoulée par le réseau de transport.
  • en pompage, la machine utilisée en moteur synchrone consomme l’énergie électrique provenant du réseau et entraîne la turbine qui refoule l’eau du lac inférieur vers le lac supérieur via la conduite forcée.

Caractéristiques

Les paramètres caractéristiques d’une STEP sont donc :
  • Sa dénivellation h, aussi élevée que possible, typiquement plusieurs centaines de mètres déterminant une pression de plusieurs dizaines de bars.
  • La capacité Vs du lac supérieur, aussi élevée que possible, de l’ordre de plusieurs hectares de surface avec une profondeur moyenne de plusieurs dizaines de mètres. 1 million de m3 est assez typique.
  • La capacité Vi du lac inférieur, de préférence au moins égale à celle du lac supérieur (faute de quoi le lac supérieur ne pourrait  pas être rempli par pompage). A défaut, c’est la capacité du lac inférieur qui détermine le stockage maximum.
  • La longueur de la conduite forcée, aussi courte que possible, idéalement peu supérieure à h, pratiquement jusqu’à 10 fois h ou plus.
  • Le débit d’eau maximum qv, qui détermine :
    • la puissance maximum de la station, proportionnelle à débit x dénivellation,
    • la durée maximum de fonctionnement en production, égale à Vs / qv, qui doit atteindre 1 à 3 heures.
  • Les pertes qui ne permettent pas d’atteindre un rendement de 100%, dues :
    • à la turbine / pompe hydraulique qui ne dépasse pas 90%, voire moins si la dénivellation est faible.
    • aux pertes de charge dans la conduite forcée, d’autant plus importantes qu’elle est longue,
    • mais fort peu à l’alternateur/moteur dont le rendement dépasse souvent 99% pour les puissances élevées.

Le prix de stockage du Mwh 
  • décroit si dénivellation croît : Plus de pression, donc moins de débit dans une turbine aussi puissante mais plus petite et moins chère, conduite forcée de moindre section, et capacités des lacs plus réduites.
  • croît avec la puissance de crête en raison de:
    • la taille accrue de la conduite forcée, de la turbine et de la machine électrique,
    • la moindre durée d’utilisation annuelle des investissements, limitée par la capacité du plus petit des deux lacs.
Le rendement croît avec la dénivellation h, car les « pertes de charge » (pertes d’énergie dans un tuyau) sont indépendantes de la pression, mais croissent avec le débit.

Si  sa puissance maximum est élevée, la station peut, être constituée de plusieurs groupes (turbine + machine électrique) utilisés en parallèle, simultanément ou non selon la puissance électrique disponible ou recherchée.
Une STEP peut aussi produire de l’énergie électrique indépendamment du pompage préalable, selon le débit naturel du bassin versant du lac supérieur. C’est un cas très fréquent dans les STEP de montagne qui sont aussi des centrales naturelles de haute chute, également spécialisées dans la production aux heures de pointe, quand le prix de marché du Mwh est élevé.

A titre d’exemple réel, la plus grosse STEP française est à Grand’maison, dans l’Isère :
  • Dénivellé : h = 920 m
  • Conduite forcée : 8 km, soit environ 9 fois h
  • Capacité limitée par le lac inférieur à 15,4  millions de m3 correspondant à 35 Gwh.
  • Elle produit annuellement 1,4 Twh en heures de pointe.



Ci-dessous, à titre indicatif, le tableau de calcul d’une STEP en fonction de ses paramètres caractéristiques :







STEPs suisses et STEPs littorales


La Suisse, un bel exemple

 
                           Barrage de l’Oberaar 
  • La Suisse est pays très montagneux bénéficiant de nombreux lacs d’altitude favorables à l’installation de STEP et de centrales hydroélectriques de pointe.
  • La France, limitrophe de la Suisse, dispose d’un parc nucléaire très important, capable de fournir en heures creuses de l’énergie électrique produite en continu, dont le coût marginal est extrêmement bas.
  • Ces particularités sont utilisées dans l'intérêt commun par les opérateurs : la Suisse :
    • Importe, en heures creuses et à bas prix, de l’énergie électrique nucléaire française, qu’elle utilise pour ses besoins propres et pour remplir ses lacs de barrage d’altitude,
    • puis, aux heures de pointe, exporte au prix fort de l’électricité hydraulique vers la France.
  • Ainsi, les deux pays sont exportateurs nets :
    • en valeur pour la Suisse,
    • en énergie pour la France.

Ceci illustre parfaitement que :
  • le prix de marché du Mwh n’est en rien  constant, contrairement à ce que la plupart des tarifs grand public (sauf « EJP », devenu « Tempo », puis « Bleu ») pourrait laisser croire,
  • un Mwh produit quand on n’en n’a pas besoin (énergies fatales) ne vaut pas grand-chose, voire rien du tout.

 Compléments d’information :

STEP littorale

Il est possible d’utiliser un relief littoral élevé au relief naturel adapté, pour constituer une STEP entièrement artificielle en établissant un lac supérieur sur le plateau ou la montagne, la mer constituant un lac inférieur inépuisable.

Un bel exemple, ci-dessous, existe au Japon sur l’île d’Okinawa :


                                 STEP d’Okinawa au Japon  

Le littoral français est malheureusement dans l’ensemble peu élevé. Les zones ayant une dénivellation supérieure à 100 m (valeur très basse pour une STEP) sont restreintes :
  • La Haute Normandie du Tréport à Antifer, mais le niveau du lac (qui nécessite une vallée) atteindrait difficilement 100 mètres,
  • Hendaye,  à l’ouest de la frontière  pyrénéenne, sur l’Atlantique,
  • Cerbère, à l’est de la frontière pyrénéenne, sur la Méditerranée,
  • La côte méditerranéenne de Marseille à Menton, mais tout le littoral est fortement urbanisé et protégé.
Il est donc peu probable que la France métropolitaine établisse à moyen terme des STEP littorales. Il pourrait en aller différemment :
  • en Guadeloupe où la côte nord-ouest de Grande-Terre est tout à fait favorable,
  • en Corse, et notamment au Cap Corse
mais avec une autre difficulté : dans ces îles non connectées à la Métropole, il n’y a, ni actuellement, ni à un horizon prévisible, d’énergie électrique excédentaire renouvelable ou à bas prix qui puisse être stockée dans une STEP…




Avant projet de STEP offshore en Begique


A l’extrême opposé de la Suisse, la Belgique ne dispose d’aucun relief permettant l’installation de centrales hydroélectriques de haute chute. Sa production électrique est principalement électrothermique, accessoirement électronucléaire. Elle a développé l’éolien, notamment maritime, mais le caractère fatal de cette énergie limite son intérêt en l’absence de stockage énergétique, d’où l’idée ci-dessous.

Une île artificielle

L’idée, qui n’est pas encore un projet, est de créer une île artificielle de 2,5 km de diamètre, dont la périphérie aurait 10 m d’altitude, située en mer du Nord au large de Wenduine près de Zeebruge, non loin de 3 parcs d’éoliennes devant comporter à terme respectivement 54, 55 et 72 éoliennes, soit au total 181 éoliennes. Son centre serait creusé jusqu’à 40 m en dessous du niveau de la mer, et constituerait le « lac » inférieur, la mer étant le lac supérieur. Par principe, les stations devraient être situées au niveau du lac inférieur, c'est-à-dire très en dessous du niveau de la mer.



Une telle réalisation est possible, mais demande une première analyse d’évaluation à partir de l’hypothèse plutôt optimiste d’un rendement de 80% par transfert, malgré la très faible dénivellation et la longue conduite forcée de plus d’un kilomètre, soit 50 fois la dénivellation moyenne. A partir du communiqué de presse, l’auteur a établi le schéma probable ci-dessus et a procédé aux calculs analogues au tableur figurant dans le message précédente, pour aboutir aux chiffres ci-dessous :
  • Energie absorbée par pompage : 3 600 Mwh, soit 9 heures de production de 181 éoliennes de  2 Mw par vent permettant de produire à leur puissance nominale.
  • Energie restituée : 2 700 Mwh, soit environ 64% de l’énergie absorbée. Les chiffres du communiqué de presse sont donc techniquement cohérents.
Incidence des marées

Il est à noter que les marées, dont les amplitudes extrêmes diurnes sont comprises entre 1,8 m et 5,4 m dans cette région, interviendraient dans le rendement de cette STEP :
  • Si la production électrique a lieu autour de la haute mer, son rendement est amélioré, ou inversement à basse mer. Toutefois, les heures de production en pointes étant totalement déconnectées des heures de marées, on peut considérer que ce facteur serait en moyenne égal à 1, donc sans influence.
  • Il en va un peu différemment du pompage : les heures creuses étant plus fréquentes et plus longues que les heures de pointe, l’opérateur aurait une petite latitude de choix pour pomper (vider le lac inférieur) plutôt à basse mer.
  • Mais l’incidence de ce facteur n’excéderait pas une hauteur moyenne de l’ordre de 1 mètre, à comparer à une dénivellation moyenne de 21 mètres, soit une amélioration du rendement de l’ordre de 5%, ce qui n’est pas négligeable, mais ne change pas l’économie générale de l’ensemble.
Un désastre économique annoncé

Mais l’aspect économique du dossier est entièrement passé sous silence, en dehors du premier point :
  • Le prix de l’ile est évalué à 90% du prix de l’avant-projet. En d’autres termes, son prix sera 10 fois le prix d’une STEP de montagne de même puissance.
  • Son rendement énergétique global ne sera que de 64% au mieux.
  • L’énergie éolienne est rachetée en France au tarif très élevé de 130 €/Mwh. Supposons que ce prix soit le même en Belgique.
  • Son coût après stockage et restitution avec un rendement de 64% aboutit à : 200 €/Mwh
  • Il faut y ajouter les frais d’exploitation et d’amortissement de l’île artificielle et de ses stations réversibles. Compte tenu des paramètres très défavorables (faible chute, eau de mer…) ces frais seront probablement de l’ordre de 10 fois ceux d’une STEP de montagne, voire plus. Une évaluation à 200 €/Mwh est plausible.
  • L’ordre de grandeur total pourrait être proche de 400 €/Mwh. Les pointes extrêmes au cours desquelles le prix de marché du MWh dépasse ce prix sont très rares, tout au plus quelques heures par an.

Au plan économique, cet avant-projet ne mérite pas de se transformer en projet !

Un bilan écologique plus qu’incertain

Cet avant-projet nécessite un trou de 2 km de diamètre et environ 40 m de profondeur, soit 300 millions de tonnes de sable ou de calcaire à déplacer. Une telle quantité représente 10 cm de remblai sur une surface de 1 500 km². Un désastre écologique… Le  coût extrêmement élevé de l’investissement serait évidemment accompagné d’une empreinte carbone proportionnelle, qui rendrait le temps de retour sur CO2 investi extrêmement long, si ce n’est impossible…

Sa durée de vie est incertaine : le sable est sujet à érosion rapide par les vagues et les courants de marée. On imagine les dégâts causés par une tempête séculaire au cours d’une marée d’équinoxe… On imagine la corrosion par l’eau salée. Et aussi le « fouling » : les algues et les coquillages se développent sur tous les organes immergés hors de l’obscurité totale, problème bien connu de l’usine marémotrice de la Rance, qui ne lui a jamais permis d’être compétitive malgré des marées presque 3 fois plus fortes et un site naturel bien plus favorable dans l’estuaire de la Rance.

Rester raisonnable pour être efficace

Réduire notre dépendance à des combustibles fossiles est une nécessité évidente. Réduire nos émissions de CO2 est nécessaire si l’on s’en tient aux prévisions du GIEC. Mais pour être efficace, il faut que chaque Euro dépensé le soit à bon escient, c’est à dire en commençant par l’utilisation qui aboutit à la plus importante réduction des émissions, et/ou à la plus grande économie de ressources fossiles. Les STEPs de montagne, selon leur profil, peuvent satisfaire à ce principe. L’avant–projet belge en est très loin, et les STEPs littorales en France n’y parviendraient probablement pas non plus.

Les belges devraient donc réfléchir longuement avant d’envisager l’arrêt de leur centrales nucléaires existantes, dont le bilan carbone et écologique est incontestablement bien meilleur que celui de l'avant-projet…





lundi 4 novembre 2013

5 - Climat et CO2 anthropique



Table des matières du blog :

Plan du chapitre « La Taxe Carbone »

Notre blog a jusqu’ici été basé sur les prémisses suivantes, issues du GIEC, et généralement admises par les médias et la classe politique :
  1. Le taux de CO2 dans l’atmosphère augmente fortement depuis un siècle et s’accélère.
  2. Cette augmentation résulte principalement de la combustion des combustibles fossiles exploités par l’homme, et de la déforestation.
  3. Un léger réchauffement climatique est perceptible depuis 30 ans.
  4. Il y a une corrélation entre le taux de CO2 et l’élévation de température.
  5. Le CO2 est la cause de l’élévation de température car il augmente l’effet de serre.
Nous avions néanmoins émis quelques réserves sur la confiance à accorder au GIEC, mais jusqu’en août 2013, la note de 70% sur l’échelle ci-dessous traduisait bien notre confiance.

Adhésion aux thèses du GIEC                                                                              Climato-scepticisme
Avant
100%


70%






0%
Après
100%





40%



0%

Après un travail de documentation, de lectures et de réflexion qui est loin d’être achevé, notre position est en train d’évoluer fortement. Notre confiance actuelle régressé vers 40%, car il s’avère que, loin de faire l’unanimité des scientifiques, les thèses du GIEC sont fortement contestées par d’éminents physiciens, et ses synthèses pourraient parfois être orientées par des raisons d’intérêt, de clan, de crédits de recherche, ou de politique.

Dans cette controverse d’experts, il est difficile de s’y retrouver. Notre expérience de consultant en expertise judiciaire nous  quand même appris que certains experts aux CV impressionnants peuvent s’avérer très mauvais, surtout dès qu’ils sortent de leur domaine de spécialité, souvent très étroit. Or la climatologie fait appel à de nombreuses disciplines très différentes dont les interfaces apparaissent problématiques.

Dans les 5 prémisses ci-dessus, nous remettons en cause les deux  prémisse n° 2 et n° 5, et elles seules :
  • N° 2.
    • L’augmentation du taux de CO2 dans l’air pourrait être la conséquence, et non la cause, du réchauffement des océans qui serait périodique et lié notamment au soleil et à la gravitation.
    • L’analyse isotopique du carbone de ce CO2 (rapport 13C / 12C) montre que le taux de CO2 anthropique ne serait que de 5% du CO2 atmosphérique
  • N° 5.
    • L’effet de serre du CO2, limité à deux bandes de fréquence, serait déjà saturé dans ces fréquences (absorption des infrarouges à 100%), et donc indépendant des variations de sa concentration dans l’air. 
    • Le CO2 n’est pas le seul gaz à effet de serre. Le principal est la vapeur d’eau. De manière plus générale tous les gaz dont les molécules comportent au moins 2 atomes différents, contribuent à l’effet de serre.
Dans nos messages suivants, nous allons donc tenter de lister et d’analyser les principaux arguments pour et contre les thèses du GIEC, sans toutefois nécessairement conclure car l’auteur n’est ni physicien, ni chercheur en climatologie. Ce travail est évidemment susceptible de faire encore évoluer notre confiance au GIEC, dans un sens ou dans l’autre.

Table des matières du blog :

lundi 16 septembre 2013

L’électricité verte a-t-elle un sens en France ?


« Le cri d’alarme des énergéticiens européens »

Sous ce titre, le quotidien « Les Echos » rapporte dans son numéro du 12 septembre 2013 l’inquiétude des producteurs d’énergie électrique européens face à la politique européenne de subvention des énergies renouvelables au détriment du nucléaire. Selon eux, elle aboutit à :
  • une explosion des prix pour le consommateur qui prend les subventions en charge,
  • une fragilisation des réseaux pouvant conduire à des black out,
  • une augmentation des émissions de CO2 contraire aux engagements de Kyoto
  • la mise à l’arrêt de centrales au gaz performantes et relativement peu émettrices, concurrencées par des énergies subventionnées prioritaires et par le charbon importé à bas coût des USA où il est lui-même concurrencé par le gaz de schiste.

 Situation de la France

Examinons la situation de la France à ces égards : le tableau ci-dessous positionne les différentes filières de production dans un graphique :
  • En abscisses, par disponibilité décroissante
  • En ordonnées, par ordre de grandeur du coût croissant en €/MWh (échelle lograrithmique)
Les filières situées en bas et à gauche sont donc économiquement les meilleures. Toutefois, trois d’entre elles, sur fond gris à noir, sont émettrices de CO2.


Le second tableau, ci-dessous, donne l’occurrence des puissance requises par le réseau de distribution sur une année, ici l’année 2010, mais cette structure varie peu.

Rappelons qu’à l’échelle d’un réseau, le seul moyen de stockage de l’énergie électrique est dans les STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) qui sont des centrales hydrauliques de haute chute réversibles. En raison de la rareté des sites appropriés, leur capacité reste très limitée et leur apport se limite aux régions montagneuses. Les opérateurs (principalement EDF)  doivent donc produire à chaque instant exactement la puissance consommée par le réseau, laquelle varie rapidement et largement, entre 40 et 100 GW, aux échanges internationaux près.

Pour ce faire, l’opérateur utilise d’abord les énergies renouvelables fatales (éolien et photovoltaïque), dites « vertes », qu’il doit prioritairement racheter, qu’il en ait besoin ou non, à un tarif préférentiel totalement déconnecté du marché de gros de l’énergie. Le sucoût est répercuté par l’opérateur au consommateur par la CSPE en bas de facture.

Il utilise ensuite, selon leurs disponibilités, les énergies par ordre de prix croissant pour parvenir à équilibrer la  consommation du réseau. Après une petite part constituée par l’hydraulique fatale (centrales au fil de l’eau), il fait appel aux centrales nucléaires. Il peut ainsi, au niveau national, couvrir jusqu’à 60 GW, ce qui est suffisant environ 50% du temps, et contribuera à couvrir les demandes supérieures à 60 GW, notamment par temps froid, pendant les 50% restants.


Le complément de production sera assuré par les énergies de pointe : centrales hydrauliques de haute chute et centrales thermiques à charbon ou à gaz.

Cette description nationale pourra être nuancée par régions en fonction des ressources régionales de production, et des coûts et pertes de transports. Ainsi, la Bretagne et PACA, dépourvues de centrales nucléaires, feront appel plus tôt aux centrales thermiques.

Ce graphique, établi sur des moyennes, ne doit pas faire oublier que, pour chaque niveau de consommmation nationale, la contribution des énergies fatales (éolienne, solaire, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau) n’interviendra qu’à hauteur de leur production effective, sans relation avec le besoin du réseau.

Il s’en suit que l’infrastructure de production hors énergies fatales doit être dimensionnée en fonction des crêtes de consommation au cours desquelles ces énergies peuvent être absentes : Le développement des énergies dites  « vertes », toutes fatales ne permet en aucun cas de réduire le parc énergétiques des autres filières, et notamment le parc nucléaire. Une énergie intermittente ne peut évidemment pas remplacer une énergie permanente !

Il s’en suit aussi que les énergies fatales, contractuellement absorbées en priorité par l’opérateur de réseau, ont principalement pour effet de réduire la production nucléaire. Or, si le coût complet de cette dernière est de l’ordre de 40 €/MWh, essentiellement composé de frais  fixes, son coût marginal est très bas, de l’ordre de  2 €/MWh ! Ceci resitue le véritable prix de marché des énergie fatales, 50 à 100 fois inférieur à leur prix de rachat administré ! Parler d’une proche compétitivité des énergies vertes n’est pas sérieux et oublie simplement que tous les MWh ne se valent pas, mais peuvent varier entre 0 €/MWh (ci-dessous) et plus de 1 000 €/MWh (crête française de février 2012).

Suivre l’Allemagne dans la voie du développement éolien et photovoltaïque accompagné d’une réduction du nucléaire amènera en France, et aggravera pour l’Allemagne, les problèmes actuellement rencontrés par ce pays frontalier et interconnecté :
  • Compensation quotidienne de la non-production des énergies vertes (nuit et air calme) par de l’importation, principalement en provenance de France.
  • Compensation de la baisse de production nucléaire par le développement des centrales au charbon avec accroissement massif des émissions de CO2.
  • Fragilité du réseau par la volatilité de la production d’énergies vertes.
  • En début d’été 2013, par un dimanche matin venteux et ensoleillé, le rachat obligatoire d'une énergie électrique verte fatale qui excédait les besoins du réseau, a contraint l’opérateur allemand à revendre l’excédent de cette énergie à un prix négatif (payer pour pouvoir l’écouler!) sur le marché international ! Même si cette configuration est rare, elle est symptomatique de l’inadaptation des énergies vertes à la satisfaction des besoins réels.
Les énergies vertes ne servent à rien

Le tableau en tête de ce message montre de façon criante que :
  • Le nucléaire, dont le coût intègre les lourdes normes « post-Fukushima », reste parfaitement compétitif. Mais son énorme coût d’investissement ne permet pas son utilisation en centrales de pointes dont le taux d’utilisation est faible, et la lenteur de ses réactions ne lui permet pas de  suivre les variations rapides du besoin.
  • Les centrales thermiques (en France : gaz ou charbon) justifient leur coût plus élevé par leur capacité de réaction quasi-immédiate, notamment pour le gaz, et sont indispensables pour faire face aux variations  rapides de la demande, ou de la production fatale.
  • On est bien contraint de conclure que les énergies vertes, situées  en haut (chères) et à droite (fatales) du le tableau, n’ont actuellement aucun intérêt, sinon de satisfaire les convictions d’une partie de l’opinion publique qui, faute d’informations pertinentes, n’a pas compris cette problématique, il est vrai, assez complexe.
Dans ce contexte, fixer un objectif à long terme de réduction de 80% à 50% de la part de nucléaire dans la production électrique française est une absurdité : même  si l’on admettait que l’énergie nucléaire en France présente un risque, celui-ci serait lié à la présence de centrales nucléaires en activité, et non à leur production. Au minimum, il faudrait donc exprimer cet objectif, non pas en énergie produite, mais en capacité installée. Ainsi redéfini, le ratio est actuellement de 55%. Cette « grosse moitié » n’est pas déraisonnable : contrairement a ce qui a parfois été affirmé, la France n’est pas dans le « tout nucléaire ».

Les énergéticiens européens ont (presque) raison

Le cri d’alarme des énergéticiens européens (parmi lesquels EDF, moins concerné, était absent) est justifié. Il convient quand même de nuancer la dernière affirmation sur les centrales à gaz, qui sont concurrencées beaucoup plus par le charbon importé que par les énergies vertes. Ceci est très regrettable, car une centrale au charbon émet 3 à 4 fois plus de CO2 qu’une moderne centrale à gaz à cycle combiné, mais ceci est un problème mondial qui n’est pas lié à la politique européenne contestée par eux. Une taxe carbone pénalisant les centrales au charbon aurait pu être une solution si une telle taxe n'entraînait pas autant d'effets pervers, notamment en termes de compétitivité.

La Taxe Carbone : 1 - Nécessité

LA TAXE CARBONE : 1 - Nécessité


Plan du chapitre « LA TAXE CARBONE »

Situation du géopolitique problème

Le gaz carbonique, rebaptisé dioxyde de carbone, CO2, est à l’origine de la vie végétale à travers la photosynthèse. S’il était absent, la vie végétale, et donc toute vie animale et humaine disparaîtraient. A proprement parler, il n’est donc pas un polluant.

Pour autant, on observe une croissance continue du taux de CO2 dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle (vers 1850). Sur cette période, le taux de CO2 est passé de 0,028%  à 0,038%, soit une hausse importante et prouvée de 36%.

Il ne fait guère de doute que cette hausse résulte de l’augmentation massive des émissions de CO2 anthropiques (dues à l’homme), principalement dues à :
  • la combustion, pour usage thermique, énergétique ou chimique) du carbone fossile contenu dans le charbon, le pétrole et le gaz naturel
  • la déforestation pour des raisons variées, notamment l’extension des surfaces cultivées,  l’exploitation du bois en tant que matière première, et l’urbanisation.
Il existe d’autres facteurs non anthropiques démissions de CO2 : oxydation naturelle des résidus organiques, volcans…, mais ils n’ont pas connu d’augmentation significative.

Le résultat figure ci-dessous, en haut en stock, en bas en flux


Cette situation ne présente aucun danger direct immédiat pour la vie humaine, puisque les taux de CO2 actuels ou prévisibles dans l’atmosphère sont extrêmement  loin des seuils de toxicité. Elle a même pour effet d’accélérer la photosynthèse, et donc d’augmenter un peu la vitesse de croissance des végétaux et donc la production agricole.
La dissolution d’une partie de ce CO2 dans les océans réduit son accroissement dans l’atmosphère, mais aussi d’acidifie légèrement la mer par formation d’acide carbonique dans la réaction :
CO2 + H2O à 2 H+ + CO3--
sans que les conséquences de cette très lente réduction du pH (car la masse de l’océan représente environ 300 fois la masse de l’atmosphère) soient clairement établies à ce jour. L’évolution des espèces (établie par Darwin) montre leur remarquable capacité d’adaptation aux changements pour autant que ceux-ci-soient lents et laissent les mutations suivies de la sélection naturelle rétablir les équilibres initialement menacés. 

En revanche, un faisceau de présomptions fortes et convergentes basées sur plusieurs modèles mathématiques, explique l’augmentation de température, mesurable depuis l’an 2000, par un effet de serre (rétention des infrarouges réémis par la terre) principalement dû à l’augmentation du taux de CO2, et l’extrapole pour l’avenir. Cette augmentation de température aurait des effets catastrophiques, tels que la désertification de certains pays du sud, la fonte de glaciers notamment arctiques, l’élévation du niveau de l’océan, et une adaptation problématique d’un grand nombre d’espèces animales ou végétales. Un organisme international, le GIEC, a été créé par l’ONU pour en étudier les causes et les conséquences. C’est aussi sa limite : on imagine mal un organisme nier ce pour quoi il a été créé !

Récemment, de nouvelles études de carottes de glace antarctique montrent une corrélation entre le taux de CO2 des bulles d’air incluses, et les nouvelles évaluations des dates d’anciens réchauffements atmosphériques qui n’étaient évidemment pas anthropiques. Elles renforcent donc l’hypothèse d’une corrélation entre CO2 et réchauffement, le premier étant la cause du second.

Un consensus, notamment dans les pays de l’OCDE, s’est formé afin, sinon de réduire ces émissions, du moins de ralentir leur croissance. Il n’est que peu ou pas partagé par les USA et les pays émergeants dont le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).

Il va de soi que, contrairement à la plupart des pollutions souvent plus ou moins locales, l’augmentation du taux de CO2 et ses possibles conséquences sont strictement mondiales : le CO2 est un gaz stable, qui circule avec les masses d’air atmosphériques en ignorant les frontières et les océans. Il s’en suit que seuls les efforts de réduction partagés par tous peuvent aboutir à un résultat. Pour autant : 
  • Il n’est pas anormal que les nations ayant initié la révolution industrielle émettrice de CO2 prennent l’initiative de cet effort, même s’il reste très peu efficace en n’étant pas suivi par les USA et la majorité des pays émergents, et notamment par la Chine.
  • La mutation vers une économie moins carbonée s’imposera de toute façon, indépendamment du problème climatique, avec la raréfaction rapide et le renchérissement, du pétrole, puis du gaz, puis beaucoup plus tard du charbon. Il est donc certainement opportun au plan économique d’anticiper ce passage et de devenir un modèle qui exportera ses idées …et ses technologies.

 C’est pourquoi le présent message ne traitera que de la France, bien qu’elle n’émette qu’environ 1% du CO2 anthropique mondial.

Plan du chapitre « LA TAXE CARBONE »



jeudi 18 juillet 2013

La Taxe Carbone : 2 - Application à la France

LA TAXE CARBONE : 2 – Application à la France



Eliminons d’abord la question de la déforestation : elle ne concerne pas la France dont la couverture forestière ne cesse de croître, comme en témoigne la carte ci-dessous issue de l’IGN. En dépit de l'urbanisation et des infrastructures, aucune région n’est en régression, toutes croissent, trois d’entre-elles de plus de 50%, depuis 1959. La raison principale en est l’abandon de nombreuses surfaces cultivables médiocres.


Le problème se situe au niveau des émissions. La dernière situation connue est l’année 2011, pour laquelle nous avons établi un synoptique de l’énergie en France, sans doute un peu dense, mais qui a le mérite de visualiser en une page tous les éléments importants avec leurs ordres de grandeur relatifs.



Energies primaires fossiles 2011

Toutes les énergies primaires sources de carbone sont réunies sous l’accolade « fossiles » en haut à gauche. Elles atteignent 128 MTEP. Toutes émettent des quantités massives de CO2 mais inégalement, comme le montrent les secteurs ci-dessous (ici 2010), respectivement en MTEP (énergie utile) en MT CO2 (émission nuisible) :


Si on attribue le qualificatif de « médiocre » au pétrole, alors le charbon est « très mauvais », et le gaz peut être qualifié de « moindre mal », mais pas de « vert ». Première conclusion : chaque fois que la substitution est possible, il faut préférer le gaz, à défaut le pétrole, et ne garder le charbon que si on ne peut pas l’éviter, ce qui est par exemple le cas du coke sidérurgique pour obtenir la fonte à partir du minerai de fer (5 MTEP). Le charbon est substituable dans ses applications thermiques, mais il y a un coût : le charbon est l’énergie fossile la moins chère, et aussi celle dont les ressources sont les plus abondantes, ce qui fera croître encore sa compétitivité. Le gaz naturel convient bien à toutes les applications thermiques, mais pas aux véhicules, car on ne peut pas le stocker facilement à l’état liquide. Attention : le GPL, aisément liquéfiable à température ambiante, est classé « pétrole » selon l’INSEE.

Un gain par substitution est donc possible au niveau des énergies primaires, mais il est limité, et il a un coût.

Energies finales : Résidentiel et tertiaire

Les applications résidentielles et tertiaires (bâtiments d’habitations, de bureaux, hôpitaux…) consomment près de 60 MTEP pour les seules applications de chauffage et d’eau chaude, auxquelles toutes les formes d’énergie primaire concourent : fioul, gaz naturel de réseau, GPL de citernes, biomasse (bois), solaire thermique, électricité, géothermie, pompes à chaleur. Elles sont pour la plupart assez faciles à substituer.

Parmi elles, l’électricité présente des particularités :
  • selon son mode de production, elle peut être exempte de CO2 (nucléaire, hydraulique, biomasse) ou au contraire chargée de CO2 (centrales thermiques, particulièrement au charbon),
  • le recours aux modes de production chargés de CO2, dont le coût marginal est le plus élevé,  se produit lorsque les autres moyens sont saturés ou indisponibles,
  • il s’en suit que le raisonnement en moyenne n’a pas de sens : l’énergie électrique est :
    • chargée en CO2, jusqu’à environ 50% de sa production lors des pointes de consommation assurées par les centrales thermiques, et selon les régions (Bretagne et PACA dépourvues de centrale nucléaire)
    • mais exempte la plus grande partie du temps et des lieux.
  • Pour réduire les émissions, il y a donc lieu de reporter toutes les consommations qui peuvent l’être (eau chaude, certaines activités industrielles, demain recharge de véhicules électriques) en dehors des périodes de pointe, ou de dissuader les consommations non indispensables grâce à une tarification et/ou une taxation appropriées.
Des réductions considérables peuvent aussi être faites par une meilleure efficacité énergétique. Voir à ce sujet le message « Négawatts ». Citons à titre d’exemples :
  • l’isolation des bâtiments : murs, portes, fenêtres, toits, VMC à double flux...
  • la modification de nombreux chauffages collectifs anciens  pour permettre la facturation des consommations individuelles réelles, en remplacement de leur répartition selon les millièmes de copropriété,
  • les pompes à chaleur dans les bâtiments neufs, notamment les pavillons individuels
  • les chauffages biénergie qui permettent de saturer les moyens de production exempts de CO2 en demi-saison ou plus, économisant autant de gaz ou de fioul.
Energies finales : Transports

Les applications aux transports routiers et aériens, exclusivement consommateurs de pétrole, se caractérisent à la fois par :
·    un rendement médiocre, dû à la fois au principe de Carnot-Clausius et aux mauvaises conditions d’utilisation des moteurs routiers à vitesse et couple très variables,
·        une extrême difficulté à substituer une autre énergie : les carburants actuels, liquides aux conditions usuelles de température et de pression, avec une densité énergétique de 44 MJ/kg, sont imbattables !

Dans l’état actuel des technologies des moteurs thermiques, des batteries et des piles à combustible, la voiture électrique, considérée hors taxes et subventions, est très loin d’être compétitive, principalement en raison des coûts élevés et des performances insuffisantes des batteries. Il faudrait une augmentation considérable du prix du pétrole pour qu’elle le devienne, et cette voiture électrique n’a de sens que si la production électrique supplémentaire ne fait appel ni au pétrole ou au gaz (rareté et CO2), ni au charbon (CO2).

Une importante évolution est quand même possible :
·    A court et moyen terme, par la réduction de la consommation des véhicules à moteur thermique par de nombreux procédés connus mais pas assez appliqués en raison de leurs coûts (sophistication des moteurs et des transmissions, hybridation) ou de leurs inconvénients commerciaux. Une division par 2 de la consommation actuelle est envisageable, mais avec un impact important sur le prix de revient et les caractéristiques (section et masse à réduire) du véhicule.
·      A plus long terme, par la mise en place d’infrastructures réduisant les inconvénients et les coûts liés aux batteries, maillon faible du véhicule électrique, et parmi elles l’électrification d’autoroutes permettant simultanément la propulsion des véhicules électriques et la recharge de leurs batteries par trolley.

Les applications pour lesquelles les produits pétroliers sont les plus difficiles à remplacer sont :
·    La pétrochimie (plastiques, fibres textiles, résines, solvants, lubrifiants, produits organiques de synthèse…), qui, par nature, ne dispose d’aucune alternative,
·   Les transports aériens, encore plus critiques que l’automobile. On peut envisager l’hydrogène liquide, très contraignant, ou plutôt les carburants biologiques.

Par quoi commencer ?

Le paragraphe précédent a brossé une peinture rapide de l’extrême complexité d’un problème qui évolue avec les prix des énergies primaires, avec de multiples solutions concurrentes ayant chacune ses avantages et ses inconvénients. Les choix sont difficiles, et peuvent à chaque instant être remis en cause.

C’est pourtant un enjeu stratégique majeur pour notre pays d’anticiper ce changement énergétique en réduisant nos émissions de CO2 sans perdre de compétitivité.

La méthode très française qui consiste à faire un choix technocratique des solutions, puis à leur apporter à coups de subventions des compétitivités artificielles qui sont obtenues au détriment de la compétitivité de ceux qui payent les subventions, est vouée à l’échec : elle a donné le plan calcul, le paquebot France, le Concorde, les excédents agricoles, le Rafale, le char Leclerc, et tant d’autres catastrophes économiques présentées comme des succès techniques.

Il existe pourtant une méthode neutre pour promouvoir la nécessaire réduction des émissions de CO2 : la taxe « carbone », ciblée exactement sur son objet, dont les modalités doivent être telles qu’elle dissuade, en la taxant, l’utilisation des énergies fossiles, et ce :
  • sans faire un choix a priori entre les solutions incertaines de remplacement
  • sans obérer la compétitivité des entreprises françaises à l’exportation
  • sans augmenter la pression fiscale, en la compensant par une baisse de la TVA
Il appartiendra évidemment à l’Etat d’en fixer le taux, qui devra au début être bas, puis croître progressivement par petits incréments selon un barème annoncé préalablement et respecté, afin d’éviter les ruptures qui pénalisent toujours l’économie et ruinent la confiance des acteurs économiques.

Elle fait l’objet des deux messages suivants 3 et 4 du présent blog.