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samedi 2 février 2019

VE 11 - Conclusion sur le VE


Le VE : Innovation pérenne ou rêve écologiste ?
« Dans un monde inondé d’informations sans pertinence, le pouvoir appartient à la clarté. »  Yuval Noah Harari



VE 11- Conclusion sur le VE

A court terme : les distorsions de concurrence seront maintenues, avec peu de changement de l’image des VT :

  • On assistera à un développement assez rapide du VE dans les grandes métropoles et leur périphérie, en tant que seconde voiture d’utilisateurs « CSP+ » et d’entreprises, tous disposant d’emplacements de parking à leur domicile ou sur leur lieu de travail. Ces clients seront souvent les actuels utilisateurs de VT hybrides.
  • Malgré un habitat assez favorable, le développement du VE sera plus lent dans les villes de province où les revenus sont moins élevés.
  • En dépit d’un habitat très favorable, il sera très lent dans les villages et les campagnes, en raison de revenus bas, mais aussi des distances plus élevées indispensables, car un VE permet parfois un aller et retour sans recharge à la préfecture, mais pas à la capitale régionale.
  • Il sera exceptionnel chez les locataires d’HLM, dans les centres-villes sans parking privatif, et chez ceux qui ne peuvent pas accéder à la multi-motorisation, car le VE ne remplace pas le VT pour partir en vacances…
A plus long terme, au-delà de 10 ans

Des évolutions plus lourdes, mais contradictoires, se produiront, qui modifieront probablement les règles du jeu.

Evolutions favorables au VE :

  • La taxe carbone (TVA incluse) augmentera progressivement jusque vers 100 €/T de CO2, soit 0,27 €/litre de gazole.
  •  L’opinion publique se montrera de plus en plus intolérante aux nuisances réelles ou supposées dues aux VT.
  •  Les batteries suivront leur courbe d’expérience qui en fera baisser leur coût de 10% à 20% pour chaque doublement de la qualité cumulée produite (courbe d’expérience du Boston Consulting Group), tout en améliorant leur longévité et leur densité énergétique dans des proportions difficiles à évaluer.
  •  Une réglementation routière coercitive réduira l’agrément de conduite à bien peu de chose, ne justifiant plus la puissance surabondante des moteurs actuels, qui baissera donc.
  •  Les véhicules autonomes parachèveront cette évolution avec des puissances limitées à 30 KW largement suffisantes pour assurer leur fonction.
  •  Le nombre de bornes de recharge publiques et privées augmentera progressivement.
  •  Une Tarification variable de l’électricité par tranche horaire en « yield management » serait favorable aux recharges nocturnes.
Evolutions défavorables au VE :
  • Au prix d’une architecture bien différente, des VT hybrides légers, aux antipodes des SUV actuels, capables de circuler aux vitesse licites en toutes circonstance avec une motorisation hybride (thermique + électrique) limitée à  35 KW, aboutissant à limiter leur consommation à 3 litres d’essence aux 100 km sur autoroute, et  leur trace carbone de fabrication à moins de la moitié d’un VE.
  • La fin en 2022 de la double pondération des VE dans le calcul de la moyenne des émissions selon les normes UE réduira quelque peu la distorsion de concurrence :
    •  « L’évasion fiscale » du VE en matière de TICPE finira par prendre fin : En France aucun gouvernement n’acceptera de perdre 37 G€ par an (hors TVA sur le produit).
    •  La pérennité du Bonus / Malus est incertaine, mais sa neutralité budgétaire reste assurée. Si la part du VE augmente au détriment du VT, son bonus ne pourra que devenir dérisoire,
  • Après quelques années, les usagers comprendront qu’une batterie n’est pas éternelle, et que son remplacement vers 1 500 cycles (200 000 km) est très coûteux.  Si les batteries louées, selon la pratique de Renault, se répand, elle aboutit à répartir le risque avec un coût qui se rapproche d’un budget carburant.
  • Le problème complexe du recyclage des batteries restera problématique et pourra altérer l’image verte du VE.
  • Une forte croissance de VE posera inévitablement la question de nouveaux moyens de production électrique décarbonée, faute desquels le VE perdrait son caractère écologique. L’opinion publique et les militants écologistes comprendront-il que le nucléaire est préférable au CO2 ?
  • L’indispensable développement de la comptabilité carbone mettra en évidence la trace carbone élevé des VE ce qui altérera leur image et réduira leur préconisation.
  • Cette comptabilité carbone mettra aussi en évidence qu’il est plus simple et moins cher de réduire le CO2 en commençant par la production électrique et le chauffage, et qu’il vaut mieux utiliser les hydrocarbures là où ils sont :
    • Irremplaçables : la pétrochimie 
    • Presque irremplaçables : les avions
    • Extrêmement difficiles à remplacer : les poids lourds et les bateaux
    • Difficiles à remplacer : les véhicules particuliers.





dimanche 2 février 2014

Problématique du stockage de l'énergie électrique


Consommation et production électriques

La consommation électrique varie constamment selon :
  • la température (chauffage ou climatisation),
  • la luminosité naturelle (éclairage),
  • l’activité professionnelle humaine (consommation agricole, industrielle ou tertiaire),
  • l’activité domestique (électroménager, numérique).
Les variations sont de période annuelle (climat, vacances), hebdomadaires, quotidiennes, ou aléatoires, et pas totalement prévisibles. Les crêtes résultent d’une conjonction de facteurs de consommation élevée, survenant avant le lever ou après le coucher du soleil, un jour ouvrable très froid. Elles sont relativement brèves, de l’ordre de 1 à 4 heures, mais conditionnent (à l’importation près) la puissance nécessaire des moyens de production installés, fussent-ils le plus souvent inutilisés. La puissance consommée en France  varie ainsi de 30 Gw à plus de 100 Gw. Les variations peuvent être relativement rapides au cours d’une même journée.

La disponibilité de la production varie du tout au tout selon les filières de production. Par ordre de disponibilité décroissante :
  • Les centrales thermiques, même utilisées un faible pourcentage du temps, sont néanmoins capables de produire leur puissance nominale en continu, et présentent peu d’inertie, notamment les centrales à gaz capables de monter en puissance en quelques minutes.
  • Les réacteurs nucléaires PWR sont capables de produire à leur puissance nominale de façon continue, sauf arrêts de maintenance, et de moduler leur puissance au cours de la journée au prix d'une baisse de rendement du combustible, mais leur forte inertie ne leur permet pas de suivre les  variations les plus rapides de la  puissance consommée.
  • Les centrales hydrauliques sont de disponibilité très variable, entre l’optimum de la centrale de haute chute avec lac disponible à tout moment pour une durée limitée, à la centrale au fil de l’eau ou marémotrice, dont l’énergie est « fatale » (= on ne maîtrise pas sa production).
  • Les nouvelles énergies vertes (éolien et photovoltaïque) sont totalement fatales et ne produisent en moyenne que 15% (photovoltaïque) à 25% (éolien offshore) de leur puissance nominale. En outre elles ne sont pas totalement prévisibles (vent, nébulosité).
Equilibrage du réseau

L’opérateur de réseau doit utiliser les sources disponibles pour satisfaire exactement la consommation à chaque instant. Par surcroît, il doit le faire en respectant la réglementation qui prévoit l’écoulement prioritaire des productions éoliennes et photovoltaïques, et en recherchant l’optimum économique et écologique, c’est à dire le moins possible de thermique, coûteux et émetteur de CO2 et de polluants atmosphériques.

Rappelons que le réseau français est interconnecté, et qu’en conséquence il n’y a pas de lien direct entre le lieu de production et le consommateur. Pour autant, contrairement à une idée courante, le transport de l’énergie électrique est coûteux (pertes en ligne) et limité (capacité de lignes).

Pratiquement, l’opérateur :
  • utilise constamment la production verte à tarif administré, ainsi que l’énergie hydraulique au fil de l’eau (non modulable), quand elles existent, car ces énergies fatales sont en France loin de satisfaire même la demande la plus basse qui se situe vers 30 GW,
  • répond au plus gros de la demande par la production électronucléaire, en mettant en service le nombre de réacteurs voulu,
  • complète ensuite la puissance (pour pallier aux variations erratiques de la demande et des productions fatales) par la production hydraulique, qui a très peu d’inertie et est facilement modulable, dans les régions pas trop éloignées des reliefs où sont les centrales,
  • ne recourt au thermique que dans les régions où il n’y a pas d’autre choix (Bretagne, PACA) ou pendant les pointes de consommation, où tous les moyens disponibles sont mobilisés
  • exporte et recourt au pompage quand la consommation est faible, et importe pendant les crêtes (75 Gw).

Le diagramme ci-dessus résulte de ce qui précède. Il donne l’origine de la production selon la puissance totale consommée, et l’occurrence de cette dernière. Ainsi, pendant 4 600 heures par an (en abscisses), la puissance consommée (en ordonnées) est supérieure ou égale à 60 Gw. Cette dernière est équilibrée par l'adition 45 Gw de nucléaire, 54 – 45 = 9 Gw d’hydraulique, et 60 – 45 - 9 = 6 Gw de thermique. EDF ne publiant pas ce niveau de détails, il s’agit d’ordres de grandeur interpolés par l’auteur et cohérents avec les chiffres 2010 publiés (occurrence vs. puissance, production moyenne et maximum par filière, importations, exportations…). La courbe (ocre) de consommation du chauffage électrique y figure, avec un maximum de 30 Gw qui contribue largement à l’amplitude de variation, propre à la France. A titre indicatif, le chauffage thermique (courbe bleu ciel) culmine à 50 Gw.


Intérêt du stockage

Il ressort de ce qui précède que :
  • La capacité de production nucléaire, dont le coût marginal est extrêmement bas, n’est pas utilisée à son maximum. Une capacité de stockage permettrait de produire plus d’énergie avec les mêmes investissements, au moindre coût (sous réserve du prix et du rendement du stockage) et sans émissions atmosphériques.
  • Si l’on continue à développer les nouvelles énergies renouvelables fatales, il arrivera que leur production excède la consommation à son étiage. Sauf à la revendre à un prix négatif (c’est arrivé un dimanche matin de l’été 2013 en Allemagne), il sera nécessaire de la stocker.
  • La présence d’énergie électrique en stock permettrait de réduire, et à la limite de supprimer, le recours aux filières thermiques dont les combustibles fossiles verront leur prix augmenter fortement avec leur raréfaction.
  • Si, selon la thèse politique écologiste, on renonce à la fois au nucléaire et au thermique, le stockage des énergies fatales devient le problème critique, et ce, à une échelle gigantesque.
Rendement et coût du stockage

Nous nous plaçons ici dans le cas d’un vrai stockage partant de l’énergie électrique et y retournant. Une installation de stockage est dimensionnée par :
  • Une capacité de stockage en mégajoules ou kilowattheures (1 Mj = 3,6 Kwh)
  • Une puissance d’entrée, dont dépend le temps d’entrée = capacité / puissance d’entrée
  • Une puissance de restitution, en kilowatts, pas nécessairement identiqueà la précédente, dont dépend le temps de restitution = capacité résiduelle après dissipation / puissance de restitution.

 Le stockage nécessite :
  • Une entrée en stock correspondant à une transformation dont le rendement est  ηe
  • Un stockage dans le temps qui peut s’accompagner ou non, selon le procédé, d’une dissipation de l’énergie en stock (électrique, mécanique, chimique ou thermique) plus ou moins rapide, aboutissant à un rendement ηs qui dépend du temps de stockage.
  • Une restitution qui nécessite une nouvelle transformation dont le rendement est ηr
Ces opérations ont aussi des coûts,
  • d’amortissement des installations, d’autant plus élevés que le taux d’utilisation sera faible, et que la durée de vie sera courte,
  • et d’exploitation, comme pour toute installation, notamment de maintenance,
  • que l’on peut considérer globalement.
Il s’en suit un calcul simple du prix du Mwh restitué, somme de deux termes :
  • Prix « énergie » du Mwh restitué  = Prix du Mwh entré / ( ηe ηs ηr)
  • Prix du stockage par Mwh restitué = Coût du traitement + Amortissement
Ce résultat est loin d’être neutre, car il vient toujours augmenter fortement le prix de l’énergie restituée. Par exemple, ordres de grandeur pour 1 Mwh :
  • Pour un stockage simple (genre STEP) de l’énergie nucléaire existante : 
    • 30 € / [(pompage = 90%) x (pas de dissipation = 100%) x (turbinage = 90%)] + 50 € = 87 €, qui peut être actuellement compétitif par rapport à du thermique, et est vendable en pointe.
  • Pour un stockage complexe (genre hydrogène) de l’énergie éolienne :
    • 200 € / [(électrolyse = 60%) x (pas de dissipation = 100%) x (Pile à combustible = 50%)] + 300 € = 967 €, qui n’a aucune chance d’être compétitif à un horizon prévisible.
Il va de soi que le stockage n’a d’intérêt que si le coût de l’énergie restituée (qui dépend du coût de l’énergie d’entrée) reste inférieur à celui d’autres moyens de production directe également pénalisés par leur taux d’utilisation bas.

Filières de stockage


Chacune de ces filières fait  ou fera l’objet d’un message dédié, accessible par l'un des liens ci-dessous:

Conclusion

Seules les STEPS actuellement envisageables dans le cas général, parfois les volants d’inertie dans certains cas très particuliers.

La réduction des crêtes est plus efficace et plus écologique que le stockage, avec 3 solutions principales :
  • L’efficacité énergétique (rendement des appareils, pompes à chaleur, isolation thermique)
  • Le chauffage biénergie recourant au thermique pendant la seule durée des pointes
  • Une tarification en « yield management » basée sur les coûts réels de production et pénalisant ainsi la consommation pendant les crêtes.
Table des matières du blog www.8-e.fr


samedi 11 février 2012

Rapport de la Cour des Comptes sur l'énergie nucléaire

Sitôt le rapport de la Cour des Comptes publié le 1er février 2012, chacune des parties prenantes y trouve matière à renforcer ses thèses.
·        Les uns disent que le coût de l’énergie nucléaire étant plus élevé que prévu, il est urgent d’abandonner cette filière au plus vite.
·        D’autres y voient une confirmation de la compétitivité de cette énergie, et donc la nécessité de développer cette filière sans attendre.

Les sages de la rue Cambon auraient-ils été à ce point ambigus ? Surprenant ! Ceci nous a interpellés, et nous avons procédé à notre propre lecture du rapport de synthèse, que nous vous livrons ci-dessous.





La synthèse du rapport de synthèse
Principaux chiffres (Montants en euros actualisés 2010 )
Abréviations : K= milliers, M= Millions, G=milliards, T=Trillions)
Numérotation des paragraphes : Partie.Page - Titre
Avec nos commentaires en vert.

1      Dépenses de production étalées sur une longue période

Les coûts supportés par AREVA ne sont pas pris en compte, car cette société facture ses produits et prestations à ses clients, les producteurs d’électricité dont EDF, et jamais au client final.
C’est un truisme !

1.7 - Un investissement initial lourd 
Le montant total des investissements réalisés par EDF sur ses 58 réacteurs à eau pressurisée, s’élève à 121 G€. Leur puissance installée totale est de 62,5 Gw.
Investissement : 1,94 M€ par Mw installé

1.8 - Un coût de construction au Mw qui progresse dans le temps
1978 Fessenheim                          1,07 M€/Mw
2000 Chooz 1 et 2                        2,06 M€/Mw
2002 Civaux                                 1,37 M€/Mw
2013 Flamanville                          3,70 M€/Mw
20xx Suite de série EPR               3,10 M€/Mw
Cette hausse des coûts peut s’expliquer en partie par le niveau considérablement croissant de la sûreté requise.
Selon une loi économique quasi universelle, le coût d’un produit (ici le MW€ installé) décroît de 10 à 20%  pour chaque doublement de la quantité cumulée produite. Il faut donc s’interroger :
  • Jusqu’où faut-il augmenter cette sécurité par rapport à un parc de 58 réacteurs qui n’a jamais provoqué d’incident majeur ? L’augmenter indéfiniment équivaudrait à y renoncer sans motif rationnel au profit d’autres solutions qui ont toutes leurs risques, notamment climatique.
  • Comment expliquer le manque de compétitivité des acteurs français qui perdent de nombreux marchés à l’export face à de nouveaux concurrents, en dépit de leurs excellentes références ?
  • Ces acteurs français, publics ou parapublics peu habitués à la concurrence, ont-ils fait autant d’efforts sur les coûts que sur la sûreté, lesquels ne sont nullement incompatibles (automobile, aéronautique…)

Nous n’avons pas d’éléments décisifs de réponse, mais soupçonnons que l’optimum coût – sûreté est loin d’être atteint…

1.8 - Des charges d’exploitation bien cernées
En M€ : total : 8 950 M€ répartis comme suit en haut, qui aboutissent à 22€/Mwh
Leur évolution 2008 à 2010 est en bas.


               



Les augmentations constatées résultent de la maintenance et des impôts et taxes. Celles prévues sont relatives au personnel de la force d’action rapide à créer.
A juste raison, les amortissements, traités séparément, sont exclus. Les frais de personnel dans une industrie « high-tech » qui sous-traite beaucoup semble élevée. Le coût des fonctions centrales, à 10% et en très forte croissance est bien loin des ratios de l’industrie… Ce sont des indices de médiocre compétitivité…

1.9 - Des charges futures incertaines par nature

1.9 - Démantèlement
Elles sont actuellement estimées à 18,4 G€ pour les 58 réacteurs.
C’est 15% de l’investissement initial.

Il faut regarder ce chiffre avec précautions, car le manque d’expérience conduit généralement à sous-estimer les coûts. Les chiffres de l’étranger sont très dispersés, mais sont généralement supérieurs. La Cour fait 2 recommandations :
  • sur l’évaluation par la méthode « Dampierre 2009 »
  • sur un audit de cette méthode par des experts extérieurs


1.10 - Stockage
Coût cumulés actuels EDF :     23G€
Coût futurs pour déchets à longue durée de vie établis par l’ANDRA (agence d’Etat chargée du stockage géologique).
  • Devis 2005 à                                  16,5 G€
  • Revu en 2009 à                             36 MG€

Ce dernier pas accepté par EDF
Les MOX et URE comptabilisés comme relevant du stockage géologique. D’autres solutions pourraient exister dans les réacteurs de 4ème génération. La Cour fait 2 recommandations :
  • sur un devis réaliste de stockage par l’ANDRA conforme aux recommandation de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire),
  • sur l’estimation correcte des coûts géologiques relatifs aux MOX et URE.

C’est 40% de l’investissement initial (moyenne des deux devis).

Ces charges de démantèlement et de stockage, soit 55% de l’investissement initial, sont  en effet futures et incertaines, mais aussi engagées, et donc irréversibles, quelle que soit la politique énergétique future.

1-10 - Des investissements de maintenance qui vont augmenter
Pour maintenir le bon fonctionnement, améliorer la sûreté, et éventuellement augmenter la durée de vie des centrales. EDF les estima en 2010 à :
  • 50 G€ sur la période 2011 à 2025, soit 3,3 G€ par an.

Après prise en compte des enseignements de Fukushima, cette estimation est révisée à :
  • 55 G€ sur la période 2011 à 2025, soit 3,7 G€ par an

C’est 45% de l’investissement initial

1.12 - Un coût du capital très significatif aux estimations diverses selon l’objectif poursuivi
  • Industrie très capitalistique
  • Historique du financement complexe, incertain ou inaccessible
  • Valeur du parc d’occasion impossible à évaluer
  • Ratios boursiers inopérants faute d’opérateurs comparables
  • Approche par flux de trésorerie incertaine comme les tarifs de l’électricité et la durée du parc

Différentes approches ont été effectuées :
  • Coût comptable de la production pour une année donnée, incluant les amortissements, mais pas de la rémunération du capital, et ne corrige ni l’inflation, ni l’évolution technologique.
  • Approche Champsaur : coût de production des 15 prochaines années, incluant l’amortissement de 25% des actifs (75%  ayant déjà été amortis). La rémunération du capital est incluse comme un taux sur la valeur nette des actifs.
  • Coût courant économique (CCE) : Le coût du capital prend ici la forme d’un loyer annuel constant sur toute la durée, supporté par l’opérateur. Elle donne le coût en cas de reconstruction à l’identique.

En économie d’entreprise usuelle :
Les amortissements qui sont des coûts fixes, assurent le renouvellement des investissements, et donc la conservation du capital.
Les bénéfices d’exploitation ne font pas partie des coûts. Ils sont formés par l’écart entre le prix de vente et le prix de revient complet.
Il est surprenant que la Cour ait considéré la rémunération du capital comme un coût ! C’est une vision pessimiste et peu orthodoxe de ceux-ci.

1.13 - Des coûts qui diffèrent selon l’approche de calcul
Les différences résultent de l’évaluation et du financement des investissements
Tous les autres coûts, y compris démantèlement et stockage, sont inclus sur la base de l’année 2010, soit 408 Twh et d’une durée de vie de 40 ans. Ils aboutissent aux résultats suivants :
  • Coût comptable :                        33,4 €/Mwh
  • Coût Champsaur :                       33,1 €/Mwh
  • Coût CCE :                                      49,5 €/Mwh


Des approches différentes sont utilisées par :
L’Agence de l’énergie nucléaire de l’OCDE
La Direction Générale de l’Energie et du Climat (DGEC)
Qui considèrent le coût de l’énergie produit par un nouvel entrant. Dans le cas de l’EPR, on peut estimer :
  • Tête de série Flamanville : 80 €/MWh
  • Suite de série : 70M €/Wh


1.15 - Des résultats peu sensibles aux charges futures provisionnées
Ces charges étant lointaines, elles sont réduites par l’actualisation effectuée sur la base de 5% par an, soit 2,94% réel + 2% d’inflation de 79 G€ à 36 G€, selon le tableau ci-dessous :
G€
EDF
AREVA
CEA
TOTAL
Charges brutes
62,1
10,5
6,8
79,4
Provisions
28,3
5,6
4,5
38,4
Prov. / Ch. Br.
46%
54%
66%
48%
Le coût du Mwh l’énergie est sensible aux paramètres comme sui :
  • Taux d’actualisation :                 -1% à +0,8%
  •                                                      +1% à -0,6%
  • Devis ANDRA : dernier devis à+1%
  • Démantèlement : hypothèse d’école +50% à+2,5%

La sensibilité du coût du MWh aux opérations de fin de vie est limitée.

1.17 - Impact significatif de l’évolution des investissements de maintenance
Investissement de maintenance
Coût comptable
Champsaur
CCE
Valeur 2010 : 1,747 G€
33,4 €/Mwh
33,1 €/Mwh
49,5 €/Mwh
Valeur réactualisée : 3,7 G€
38,2 €/Mwh
37,9 €/Mwh
54,2 €/Mwh
Variation %
+14,5%
+14,5%
+9,5%

1.18 - Effet de la durée de vie des centrales sur leur rentabilité
Seule l’approche comptable est pertinente, puis que les deux autres n’en tiennent pas compte.
L’effet est très important pour deux raisons :
  • les recettes liées à l’investissement initial s’accroissent
  • les dépenses d fin de vie sont repoussées, et donc réduites par leur actualisation

2      - Des dépenses financées sur crédits publics

Les coûts supportés par l’exploitant doivent être complétés par les coûts supportés par la Collectivité, liés à la recherche et à la sûreté.

2.19 - En 2010, les dépenses récurrentes sur crédits publics sont d’un montant limité, roche de celui de la taxe sur les installations nucléaires de base.
Dépenses : Recherche publique (414 M€) + Sécurité et Sûreté (230 M€) = 414 M€
Taxe sur les installations nucléaires de base : 580 M€.

2.19 - Le développement de l’énergie nucléaire repose sur un fort investissement dans la recherche qui a été financé majoritairement sur crédits publics 
Le coût cumulé de la recherche depuis les années 50 est estimé à 55 G€, soit 1 G€ par an, dont 38 G€ pour la recherche publique, soit 0,69 G€ par an, soit encor 70% du total. Mais les 10 dernières années sont plus proches de 40%.
Les coûts publics de la sécurité et de la sûreté n’ont pu être chiffrés, mais sont probablement en augmentation par la création de l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire » et de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire).
On peut estimer que l’augmentation de la taxe de base, multipliée par 4,6 entre 2000 et 2010, ajoutée à la diminution des coûts de recherche publique, amène à ne situation d’équilibre.

2.20 - L’Etat devra financer les provisions du CEA
Les charge futures actualisées du CEA s’élèvent à 2,9 G€  pour le démantèlement et 1,5 G€ pour les déchets et combustibles usés, soit 4,5 G€, dont 3,1  G€ sont couverts par des créances sur l’Etat et des titres d’AREVA. L’Etat devra financer le solde. Le sérieux des estimation ne fait pas disparaître les incertitudes.
Le CEA, établissement public, a-t-il une comptabilité analytique permettant de suivre ses coûts par objet ? Comment imputer les coûts de recherche sur leurs différentes retombées ?

2.20 - Le programme de 4ème génération augmente sensiblement les dépenses futures de recherche sur crédits publics
Le développement de la filière à neutrons rapides au sodium repose sur la création du réacteur de démonstration ASTRID dont lavant projet détaillé est évalué à 650 M€. La suite du développement ne peut être que majoritairement sur crédits publics.
De combien ces chiffres auraient-ils été réduits si le réacteur Superphénix de Creys-Malville n’avait pas été arrêté sur décision purement politique en 1981 ?

2.21 - L’Etat assure une partie du risque « responsabilité civile » en cas d’accident nucléaire.
Le risque nucléaire est très peu probable, mais s’il s’avérait, extrêmement coûteux, bien au delà des plafonds des garanties à la charge de l’exploitant. Au-delà de ces plafonds, l’Etat est l’assureur de fait. La Cour recommande :
  • que la France s’efforce de faire rentrer en vigueur les protocoles signés en 2004 et augmentant sensiblement ces plafonds
  • que le droit français soit appliqué avec rigueur dans l’agrément des garanties financières imposées aux exploitants.


3 - Les questions en suspens

3.23 - L’importance des coûts ne doit pas conduire à négliger les externalités, positives ou négatives, des différentes formes d’énergie.
Le coût, faible, des émissions de CO2 est le seul chiffrable. Il ressort à 90 M€ sur la base de 15€/T, soit 6 MT de CO2, soit encore 15 kg de CO2 /MWh, très bas.
La Cour recommande des études sur les éléments non chiffrables tels que santé, environnement, balance des paiements, économie, pour toutes les formes d’énergie.

3.23 - Le chiffrage des évaluations complémentaires de sûreté réalisées à la suite de l’accident de Fukushima doit être complété et affiné
A la suite de cet accident, l’ASN a publié de 3 janvier 2012 un rapport comportant un avis sur les installations prioritaires d’EDF, d’AREVA et du CEA.

3.24 – La situation d’EDF
Il entraîne deux types de coût :
  • Des investissements, estimés à 10 G€, en vue « d’augmenter la robustesse des installations face à des situations extrêmes », et la mise en place de la « force d’action rapide » évaluée à 300 M€ par ans.
  • Des facteurs sociaux, organisationnels et humains, qui impacterons les effectifs et l’organisation des travaux sous-traités.

3.24 – La situation d’AREVA
La diversité des installations d’AREVA nécessite une adaptation du cahier des charges ASN qui doit déboucher mi-2012 sur les mesures concrètes à prendre en cas de crise. Il y a lieu de constituer un noyau dur  pour chaque plateforme, et de rendre plus robuste le remplissage des piscines. AREVA estime que ces dispositions ne devraient augmenter que de quelques 100 M€ son programme d’investissements de 5 G€ sur 5 ans, mais la Cour n’a pas encore le moyen de valider ces chiffres qui restent à préciser.

3.24 – La situation du CEA
Ses installations sont encore plus diversifiées que celles d’AREVA, et 3 sur 5 des sites évalués sont en cours de démantèlement. L’examen prévu  en 2012 permettra de déterminer les investissements qui auront encore un sens. Le CEA estime les coûts correspondants dans une large fourchette de 50 à 500 M€ étalés sur 3 ou 4 ans.

De manière générale, il est encore trop tôt pour chiffrer les investissements et coûts résultants du retour d’expérience de Fukushima, qui, selon l’ASN, peut prendre un dizaine d’années, la robustesse aux situations extrêmes n’étant qu’une première étape.
La Cour, assez peu au fait de l’industrie et de la maîtrise de la qualité, semble considérer que la sûreté, qui est une forme de qualité, a nécessairement pour contrepartie des coûts. Ce n’est pas nécessairement le cas, beaucoup d’améliorations pouvant résulter d’une meilleure conception des installations et  d’une meilleure culture du personnel. Rappelons que, contrairement à Fukushima qui résulte d’abord d’un tsunami séculaire, l’accident sur un EBR à Three Miles Island, comme la catastrophe du RMBK de Tchernobyl résultent d’abord d’erreurs humaines.

3.25 - La multiplication des dérogations à la loi de 2006 et les conséquences de la crise financière sur la gestion des actifs dédiés devraient conduire à un réexamen des conditions de mise en œuvre de ce mécanisme.
Cette loi sur la transparence et la sûreté nucléaires prévoyait la couverture des provisions (relatives au démantèlement et au stockage) par des actifs dédiés avant juin 2011, reportée à juin 2016. A fin 2010, la provision de 27,8 G€ était couverte par différents titres, notamment d’acteurs de la filière et de filiales, l’Etat restant en charge de 4,6 M€.
La crise financière aggrave l’incertitude sur l’évolution des actifs en couverture.
Les évolutions ont eu lieu sans que la CNEF (Approx : Commission du Financement du démantèlement et de gestion du stockage) ait été crée. Elle est désormais opérationnelle et doit réexaminer le dossier.
Curieuse approche du problème d’EDF, qui ne choque pas la Cour: une provision est une écriture comptable qui vient amputer le résultat pour prendre en compte une charge à venir. Pour financer ces coûts futurs, il semble plus simple de surveiller l’évolution de la liquidité des actifs qu’EDF devra réaliser, ou de sa capacité d’emprunt, sans chercher les couvrir par un actif dédié qui amène sa propre incertitude, bien loin du problème posé, et qui n’a rien à voir avec la production d’énergie. Une bonne gestion de trésorerie ne peut pas être faite par la loi à l’Assemblée Nationale : c’est trop rigide ! Il vaudrait mieux, à la rigueur, imposer des ratios de bilan à EDF, comme aux banques, pas les mêmes bien sûr.

3.26 – La durée de fonctionnement des centrales est une variable stratégique qui devrait faire l’objet d’orientations explicites.
La durée de fonctionnement d’une centrale fait l’objet d’un examen décennal par l’ASN. Seules les centrales du Tricastin et de Fessenheim ont reçu l’autorisation jusqu’à 40 ans, sous réserve de travaux.
Or la comptabilité EDF les amortit en 40 ans. La durée de vie impacte le prix de revient en réduisant l’amortissement annuel, et en reculant les dépense futures.
La Cour constate que fin 2020 22 réacteurs sur 58 auront atteint 40 ans. Le maintien de la production électronucléaire supposerait la construction de 11 EPR, ce qui semble presque impossible pour plusieurs raisons financières et industrielles. Ceci implique soit une prolongation de la duré  de vie des centrales, soit le recours à un mix énergétique différent, sans que ces orientations aient été communiquées.

3.27 – Des investissements importants à prévoir à court/moyen terme avec des conséquences significatives sur le coût de production
Les coûts réévalués des centrales actuelles ont été vus ci-dessus.
Si ces centrales actuelles, après prolongation jusqu’à 50 ans,  étaient remplacées par 11 EPR à 5 G€ l’unité, l’investissement correspondant serait de 55 G€ sur les 20 ans à venir. Ils s’ajoutent aux investissements dans la distribution et, éventuellement, dans la recherche pour les réacteurs de 4ème  génération dont les coûts, pas encore connus, seront plus élevés.
Compte tenu du délai entre la décision et les délais, particulièrement dans le nucléaire mais aussi dans les autres filières et les économies, la non-décision aboutit à faire le choix de prolonger le parc actuel au-delà de 40 ans.

3.28 – Un besoin de maintenir la transparence sur les chiffrages et d’actualiser régulièrement les données du présent rapport
La complexité du sujet, le nombre d’hypothèses et les incertitudes amènent la Cour à recommander de :
  • Revoir et approfondir régulièrement cette analyse
  • Préciser les méthodes d’évaluation d’incertitude, et l’analyse des probabilités d’accident
  • Suivre a posteriori les facteurs de coûts, notamment post Fukushima
  • Capitaliser les efforts faits par les différents acteurs.

Les décisions en matière de production électronucléaire devront être prises en fonction des couts, mais aussi des externalités non chiffrables tels que santé, environnement, balance des paiements, économie, pour toutes les formes d’énergie.
Conclusion très modeste et consensuelle, un tantinet pro domo !
L’ensemble du rapport montre la sagesse légèrement pessimiste qui sied en la matière.
Pour autant, la mise à disposition de chiffres difficilement contestables permet de tirer des conclusions qui font l’objet d’un autre message.

Quelles conclusion opérationnelles à en tirer ?
Voir le message du présent blog à ce sujet.