vendredi 6 novembre 2015

Remplacement du charbon par le gaz

Table des matières du blog www.8-e.fr

Sous la plume d’Anne Feitz, le quotidien « Les Echos » nous annonce une bonne nouvelle, que cependant il sous-estime : le remplacement en cours du charbon par le gaz.

Notons d’abord qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que nos trois grands énergéticiens, EDF, GDF-Suez devenu ENGIE, et TOTAL cherchent à remplacer le pétrole par le gaz : aucun des trois n’est actif dans la production de charbon, tous ont le charbon comme concurrent « low cost », EDF exploite des centrales électrothermiques au charbon mais ne voit aucun inconvénient à lui substituer du gaz, ENGIE a le gaz pour métier principal, et donc tout intérêt à demander le relèvement du prix du carbone émis, afin de réduire la compétitivité du charbon.

Pour ne pas être désintéressée, leur position est néanmoins réellement écologique, même si ce n’est peut-être pas leur motivation première. La convergence entre l’économie et l’écologie est très importante, car elle permet de faire plus, plus vite et pour moins cher : c’est la première bonne nouvelle, même si elle n’est pas vraiment nouvelle.

Quand la journaliste écrit que « une tonne de charbon consommée émet 3,5 tonnes de CO2, contre 2,3 pour le gaz et 2,7 pour le pétrole », son appréciation, quoique exacte et favorable, laisse croire que le gain en émissions de CO2 n’est que de :
  • 1 – 2,7 / 3,5 = 23% pour le pétrole.
  • 1 – 2,3 / 3,5 = 34% pour le gaz
Ses comparaisons sont effectuées à masse primaire constante, alors qu’elles devraient être effectuées à énergie calorifique constante, à savoir, typiquement :
  • Charbon :            25 MJ/Kg
  • Pétrole :              42 MJ/Kg
  • Gaz naturel :      50 MJ/Kg
Nous  introduisons dans le tableau comparatif ci-dessous :
  • Colonne 2 : les émissions de CO2 par masse de combustible (Source « Enerdata » citée par Les Echos)
  • Colonne 3 : l’énergie calorifique (enthalpie) des différents combustibles
  • D’où en colonne 4 l’énergie calorifique obtenue par Kg de CO2 émis, et en colonne 5 leur comparaison, charbon base 100%. Le gaz émet presque 3 fois moins que le charbon pour les applications thermiques !
  • En colonne 6, le rendement (selon Carnot Clausius) de la conversion de l’énergie thermique en énergie électrique, la ligne gaz étant relative à une centrale à gaz à cycle combiné, ce qui est le cas de toutes les centrales récentes, mais pas de toutes les centrales existantes en France.
  • D’où, en colonne 7, l’énergie électrique obtenue par Kg de CO2 émis.
  • Et en colonne 8, la comparaison, toujours charbon base 100%. Le gaz émet presque 4 fois moins que le charbon pour les applications électrothermiques !





Energie thermique
Energie électrothermique
Combustible
CO2 Kg/Kg
EnergieMJ/Kg
MJ/ Kg de CO2
Comparais. émiss. CO2
Rendemt. conversion
MJ/Kg de CO2
Comparais. émiss. CO2
Charbon
3,5
25
7,1
100%
45%
3,2
100%
Pétrole
2,7
44
16,3
44%
45%
7,3
44%
Gaz naturel
2,3
50
21,7
34%
58%
12,6
26%

En termes d’émissions de CO2, le passage au gaz est une amélioration énorme  par rapport au charbon, et très significative par rapport au pétrole, dans toutes les applications thermiques, et plus encore dans les centrales électrothermiques au gaz.

     Centrale à gaz à cycle combiné –Photo Engie
 

Ces dernières ont des avantages propres :
  • Beaucoup moins chères que des centrales nucléaires, beaucoup plus vite construites, beaucoup moins contestées, ayant une trace carbone d’investissement limitée, elles ont aussi très peu d’inertie, avec une capacité à passer de 0 à 100% en quelques minutes, et une disponibilité totale, 24 heures par jour, 365 jours par an. Ce sont les centrales de pointes idéales, et sont tout à la fois capable de produire en continu.
  • Plus souples, capables de travailler à puissance réduite, elles les complètent très bien les centrales nucléaires qui doivent éviter les puissances réduites (usure hétérogène des barres de combustible) et dont les variations de puissance sont lentes.
  • En outre, elles complètent bien les énergies « fatales » qui produisent de façon aléatoire (éolienne, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau), voire contra-cyclique (photovoltaïque). Elles sont préférables aux solutions de stockage envisagées à tort pour stocker les énergies vertes, solutions toutes très coûteuses et souvent de médiocre rendement (avec l’exception notables des STEPS, stations hydrauliques de haute chute, malheureusement limitées par la géographie).
Comme toutes solutions industrielles, elles ont aussi leurs contraintes et leurs limites :
  • Raccordement indispensable à un réseau gaz de gros débit, mais il est plus simple de transporter de l’énergie sous forme du gaz (par gazoduc) que sous forme électrique (par lignes THT).
  • Proximité d’un fleuve ou de la mer pour le refroidissement des condenseurs, comme toute autre centrale électrothermique ou électronucléaire.
  • Les hauts-fourneaux ne peuvent se passer de coke sidérurgique, obtenu par distillation du charbon, pour produire la fonte, base de l’acier, selon un procédé très émetteur de CO2, mais pour l’instant irremplaçable.
Pour réduire vite et fortement les émissions de CO2, elles constituent la solution la plus efficace, la plus rapide à mettre en œuvre, et la moins chère.

Pour faciliter cette transition énergétique, nul besoin de lourdes subventions ciblées qui faussent la libre concurrence, jettent un doute sur la validité économique des solutions subventionnées, et sont à la charge du contribuable. Non, ici il suffit de réduire les droits d’émissions de CO2 négociables pour faire remonter leur cours d’échange à au moins 30 à 35 €/tonne pour commencer, à augmenter très progressivement, au profit du budget de l’Etat, lequel devrait réduire d’autant la TVA, impôt neutre par excellence, s’il n’était pas aussi impécunieux.

La sagesse populaire l’exprime dans le proverbe :

Le MIEUX (zéro émission des énergies vertes à prix élevé dans un avenir lointain) est parfois l’ennemi du BIEN (gaz = 3 à 4 fois moins d’émissions facilement et à court terme).