Sous la plume d’Anne Feitz, le quotidien « Les
Echos » nous annonce une bonne nouvelle, que cependant il
sous-estime : le remplacement en
cours du charbon par le gaz.
Notons d’abord qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que nos trois
grands énergéticiens, EDF, GDF-Suez devenu ENGIE, et TOTAL cherchent à
remplacer le pétrole par le gaz : aucun des trois n’est actif dans la
production de charbon, tous ont le charbon comme concurrent « low
cost », EDF exploite des centrales électrothermiques au charbon mais ne
voit aucun inconvénient à lui substituer du gaz, ENGIE a le gaz pour métier
principal, et donc tout intérêt à demander le relèvement du prix du carbone
émis, afin de réduire la compétitivité du charbon.
Pour ne pas être désintéressée, leur position est néanmoins
réellement écologique, même si ce n’est peut-être pas leur motivation première. La convergence entre l’économie et l’écologie
est très importante, car elle permet de faire plus, plus vite et pour moins
cher : c’est la première bonne nouvelle, même si elle n’est pas vraiment
nouvelle.
Quand la journaliste écrit que « une tonne de charbon consommée émet 3,5 tonnes de CO2,
contre 2,3 pour le gaz et 2,7 pour le pétrole », son appréciation,
quoique exacte et favorable, laisse croire que le gain en émissions de CO2
n’est que de :
- 1 – 2,7 / 3,5 = 23% pour le pétrole.
- 1 – 2,3 / 3,5 = 34% pour le gaz
- Charbon : 25 MJ/Kg
- Pétrole : 42 MJ/Kg
- Gaz naturel : 50 MJ/Kg
- Colonne 2 : les émissions de CO2 par masse de combustible (Source « Enerdata » citée par Les Echos)
- Colonne 3 : l’énergie calorifique (enthalpie) des différents combustibles
- D’où en colonne 4 l’énergie calorifique obtenue par Kg de CO2 émis, et en colonne 5 leur comparaison, charbon base 100%. Le gaz émet presque 3 fois moins que le charbon pour les applications thermiques !
- En colonne 6, le rendement (selon Carnot Clausius) de la conversion de l’énergie thermique en énergie électrique, la ligne gaz étant relative à une centrale à gaz à cycle combiné, ce qui est le cas de toutes les centrales récentes, mais pas de toutes les centrales existantes en France.
- D’où, en colonne 7, l’énergie électrique obtenue par Kg de CO2 émis.
- Et en colonne 8, la comparaison, toujours charbon base 100%. Le gaz émet presque 4 fois moins que le charbon pour les applications électrothermiques !
Energie thermique
|
Energie électrothermique
|
||||||
Combustible
|
CO2 Kg/Kg
|
EnergieMJ/Kg
|
MJ/ Kg de CO2
|
Comparais. émiss. CO2
|
Rendemt. conversion
|
MJ/Kg de CO2
|
Comparais. émiss. CO2
|
Charbon
|
3,5
|
25
|
7,1
|
100%
|
45%
|
3,2
|
100%
|
Pétrole
|
2,7
|
44
|
16,3
|
44%
|
45%
|
7,3
|
44%
|
Gaz naturel
|
2,3
|
50
|
21,7
|
34%
|
58%
|
12,6
|
26%
|
En termes d’émissions
de CO2, le passage au gaz est une amélioration énorme par rapport au charbon, et très significative
par rapport au pétrole, dans toutes les applications thermiques, et plus encore
dans les centrales électrothermiques au gaz.
Centrale à gaz
à cycle combiné –Photo Engie
Ces dernières ont des avantages propres :
- Beaucoup moins chères que des centrales nucléaires, beaucoup plus vite construites, beaucoup moins contestées, ayant une trace carbone d’investissement limitée, elles ont aussi très peu d’inertie, avec une capacité à passer de 0 à 100% en quelques minutes, et une disponibilité totale, 24 heures par jour, 365 jours par an. Ce sont les centrales de pointes idéales, et sont tout à la fois capable de produire en continu.
- Plus souples, capables de travailler à puissance réduite, elles les complètent très bien les centrales nucléaires qui doivent éviter les puissances réduites (usure hétérogène des barres de combustible) et dont les variations de puissance sont lentes.
- En outre, elles complètent bien les énergies « fatales » qui produisent de façon aléatoire (éolienne, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau), voire contra-cyclique (photovoltaïque). Elles sont préférables aux solutions de stockage envisagées à tort pour stocker les énergies vertes, solutions toutes très coûteuses et souvent de médiocre rendement (avec l’exception notables des STEPS, stations hydrauliques de haute chute, malheureusement limitées par la géographie).
- Raccordement indispensable à un réseau gaz de gros débit, mais il est plus simple de transporter de l’énergie sous forme du gaz (par gazoduc) que sous forme électrique (par lignes THT).
- Proximité d’un fleuve ou de la mer pour le refroidissement des condenseurs, comme toute autre centrale électrothermique ou électronucléaire.
- Les hauts-fourneaux ne peuvent se passer de coke sidérurgique, obtenu par distillation du charbon, pour produire la fonte, base de l’acier, selon un procédé très émetteur de CO2, mais pour l’instant irremplaçable.
Pour faciliter cette transition énergétique, nul besoin de
lourdes subventions ciblées qui faussent la libre concurrence, jettent un doute
sur la validité économique des solutions subventionnées, et sont à la charge du
contribuable. Non, ici il suffit de réduire
les droits d’émissions de CO2 négociables pour faire remonter
leur cours d’échange à au moins 30 à 35 €/tonne pour commencer, à augmenter très
progressivement, au profit du budget de l’Etat, lequel devrait réduire d’autant
la TVA, impôt neutre par excellence, s’il n’était pas aussi impécunieux.
La sagesse populaire l’exprime dans le proverbe :
Le MIEUX (zéro
émission des énergies vertes à prix élevé dans un avenir lointain) est parfois
l’ennemi du BIEN (gaz = 3 à 4 fois
moins d’émissions facilement et à court terme).