Sous la
plume de Vincent Collen, le quotidien « Les Echos » a publié le 20
août 2019 un article intitulé :
« La révolution du stockage de l’électricité est en
marche »
Notre conclusion
Le développement, nullement improbable, des batteries de stockage de l’énergie électrique de réseau, sera à inscrire dans la liste des erreurs stratégiques majeures, en concurrence avec le véhicule tout-électrique. Ces erreurs auront pour effet de retarder l’indispensable et urgente baisse des émissions de CO2, car l’allocation des ressources publiques ou privées disponibles aura été loin de l’optimum.
Message
Notre blog avait
largement traité ce sujet dans 16 messages publiés en 2014 et figurant dans le sommaire « Energie ». Notamment, l’utilisation ou la
réutilisation des batteries Li-Ion de l’automobile pour le stockage de
l’énergie de réseau a été traité dans un message qui a conservé toute sa pertinence.
Le
texte intégral des « Echos » qui prévoit une très forte croissance du
marché des batteries stationnaires d’énergie électrique, figure ci-dessous sans
les photos, est résumé en bleu ci-après, avec
nos commentaires :
Abréviations :
- K pour kilo (000)
- M pour méga (000 000)
- G pour Giga (000 000 000)
Le marché actuel n’est pas mentionné. Les
croissances ne sont pas cohérentes avec les montants :
- La progression annoncée de 2030 à 2050 ne correspond qu’à une croissance en valeur de 4% par an.
- Une progression de 16% sur cette même période amènerait le marché à 525 G$ en 2050, invraisemblable.
- Ces chiffres sont donc peu crédible…
- Il s’agit en réalité de GWh (énergie) et non de GW (puissance).
- Une progression d’un facteur 100 en 21 ans correspond à une croissance en volume de 26% par an, à nouveau incohérente avec les 4% et les 16% en valeur du paragraphe précédent, même en tenant compte d’une baisse de prix.
- Les éoliennes et PPV peuvent en effet contribuer à la réduction des GES, notamment aux basses latitudes, mais ne sont nullement indispensables, car d’autres solutions décarbonées existent : le nucléaire, l’hydraulique, le biogaz, capables de produire en continu ou à la demande aux prix de marché actuels.
- Le simple passage du charbon au gaz à cycle combiné réduit l’émission de CO2 des deux tiers, et est possible à court terme (essentiel, car il y a urgence) à un prix raisonnable.
- Le recours aux énergie intermittentes restituées après stockage, n’a donc de sens que si elles restent compétitives après coût de stockage.
D. Le marché se développe
parce que l’écart de prix de marché du MWh entre les périodes de production
insuffisante (crêtes) et excédentaires (étiage) ne cesse d’augmenter.
L’affirmation est exacte, mais doit être
explicitée et complétée :
- La production des PPV sous les latitudes moyennes (Europe, USA) est contracyclique : élevée pendant l’étiage de consommation des journées d’été, et nulle pendant les pointes de consommation qui se situent toujours la nuit en hiver. Il en va différemment dans les pays tropicaux, où les pointes de consommations dues aux climatisations coïncident avec la production des PPV. Ces derniers n’ont donc aucun intérêt sous nos latitudes.
- Il est possible de réduire les pointes de consommation par un tarif dynamique (« yield management ») qui réduit alors la demande par augmentation du prix.
E. Le prix des grosses
batteries Li-Ion va baisser de 360 $/KWh actuellement à 170 $ en 2030. Des
projets sont lancés :
- 1,8 GWh en Californie en 2020
- 3 GWh à New-York en 2030
- Remplacement de centrales de pointe à charbon ou gaz
- 100 MWh d’ici 2 ans
- Et jusqu’à 1 GWh
- Ils aboutiront à 80 % d’énergies renouvelables dans certains états ou pays.
- Le coût d’un MWh solaire produit par PPV est au minimum de 80 $
- Une batterie perd 30% de sa capacité en environ 1 500 cycles. Si on la réforme quand sa capacité tombe au tiers de sa valeur initiale, elle aura stocké environ 3 000 fois sa capacité initiale. Le seul prix de l’usure de la batterie est donc 360 M$ / 3000 cycles = 120 $
- Son rendement (Energie restituée / énergie reçue) est d’environ 80%.
- Le prix du MWh restitué est donc : (80 $ +120 $) / 80% = 250 $/MWh
- Or le prix de marché se situe entre 40 et 200 $/MWh
- Une batterie de 1 MWh coûte 360 K$ et restitue 3 000 MWh
- Un EPR coûte 4 000 K$ par MW (11 fois plus) et restitue 240 000 MWh (80 fois plus) en 40 ans à 70% de sa capacité, avec un coût marginal extrêmement bas.
- Il est donc 7 fois moins cher, et finalement plus écologique, de produire de l’électricité décarbonée que de la stocker, même si le facteur de charge des EPR devait ainsi baisser quelque peu.
En plus, la
production diurne d’une ferme solaire varie d’un facteur 10 entre le solstice d'été et le solstice d'hiver : ceci signifie que de novembre à février le stockage diurne de ne sera pas possible faute de production suffisante en journée, car il n’est
évidemment pas envisageable de stocker l’énergie sur une demi-année au lieu
d’une demi-journée, pour un prix 365 fois plus élevé ! Le stockage
d’énergie PPV ne se développera donc pas sans subventions :
- Par défaut de production de novembre à février
- Par coût excessif, même aux périodes favorables
F. Le stockage à domicile est
promis à un bel avenir grâce à des ménages prêts à faire des sacrifices pour
participer à la révolution énergétique.
C’est probablement
exact, quoique difficilement prévisible. Le « Green washing »
par les médias est tellement intense que de nombreux citoyens éco-responsables
seront tentés d’investir dans des batteries domestiques stationnaires pour ne
consommer que de l’électricité supposée verte, en ne se préoccupant ni de leur
pertinence économique, ni de leur durée de vie, ni de leur caractère
intrinsèquement polluant, émetteur de CO2 et consommateur de
matières premières rares importées. Si en plus, des politiciens bien-pensants,
mais mal informés, y ajoutent quelques aides publiques, alors le succès est
probable pour ce marché, ce qui sera un échec pour la planète !
Annexe:
Notre analyse des marchés, prix et quantités des batteries stationnaires Li-Ion basée sur les chiffres publiés par Les Echos.
- Cellules vertes : données "Les Echos"
- Cellules rouges : conclusions discordantes
- Cellules bleues : hypothèses de calcul réduisant les discordances
Texte
intégral des « Echos »
Vincent Collen @VincentCollen
Stocker l’électricité pour compenser l’intermittence de la
production des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est l’un des grands
défis à relever pour réussir la transition énergétique. Ce marché du stockage est encore balbutiant mais
devrait progresser de 16 % par an en moyenne pour atteindre 27 milliards de
dollars en 2030, estime Bank of America-Merrill Lynch, qui vient de
publier une étude sur ce sujet. Il atteindrait 58 milliards en 2040. A cet
horizon, pas moins de 6 % de la production électrique mondiale pourrait être
stockée dans des batteries, prévoient les experts de la banque américaine. Pour
Bloomberg NEF, on passerait des capacités très modestes installées aujourd’hui
sur la planète (moins de
dix gigawatts, l’équivalent de dix réacteurs nucléaires) à plus de 1.000 gigawatts en
2040.
Les moteurs
de cette expansion sont puissants et ils s’alimentent les uns les autres. Le
premier, c’est l’essor des
énergies renouvelables, indispensable pour réduire les émissions de gaz à effet
de serre. Or les éoliennes ne produisent pas d’électricité quand le vent
ne souffle pas. Idem pour les panneaux photovoltaïques lorsqu’il n’y a pas de
lumière. Bref, les renouvelables produisent parfois trop lorsque la demande est
faible, et pas assez lorsqu’elle est forte. Le stockage de l’électricité permet
de lisser ces pics et ces creux. Avec une capacité de stockage de quatre
heures, une ferme solaire générant de l’électricité pendant huit heures verrait
ainsi sa production effective portée à douze heures, soit un gain de 50 %.
Le marché
est appelé à se développer parce que l’écart de prix entre les périodes de pic
de la demande et celles où les capacités sont excédentaires ne cesse
d’augmenter. Les acteurs du stockage peuvent donc saisir un créneau qui devient
rentable. Dans l’idéal, il faudrait réussir à stocker l’énergie pendant quatre
à six heures, explique l’étude de Bank of America. Mais, même en la conservant
deux à trois heures seulement dans des batteries, on pourrait augmenter la part
des renouvelables dans la production d’électricité de 10 à 15 %, ce qui la
porterait de 10 % aujourd’hui au-delà de 60 % au milieu du siècle, estime la
banque.
Le stockage
prendra plusieurs formes. L’essentiel sera réalisé par les compagnies d’électricité,
grâce à des batteries disposées à proximité d’un champ d’éoliennes ou d’une
ferme solaire, par exemple. En complément, les foyers participeront eux aussi
au mouvement, en installant une batterie dans leur cave ou en déchargeant
l’énergie stockée dans leur véhicule électrique lorsque ce dernier n’est pas
utilisé.
Autre atout
indispensable pour le stockage des énergies vertes, la baisse indispensable du
prix des batteries. Entre 2010 et 2018, le coût d’une batterie lithium-ion a
déjà décliné de 85 %, selon Bloomberg NEF. Il devrait encore baisser de moitié
d’ici à 2025, notamment grâce aux économies d’échelle réalisées avec l’essor du
parc de véhicules électriques. « Le prix des grosses batteries pour les compagnies d’électricité va
passer de 360 dollars par kilowattheure aujourd’hui à 170 dollars en 2030
», calcule Yayoi Sekine, analyste chez Bloomberg NEF.
Des
projets ambitieux
Malgré
cette chute, le développement du stockage nécessitera des investissements
massifs : 662 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années,
toujours selon Bloomberg NEF. Certaines régions sont en avance, à commencer par
quelques Etats américains, dont les politiques énergétiques mettent l’accent
sur le stockage, poursuit Bank of America. La Californie vise ainsi 1,8
gigawatt de capacités installées dès 2020, New Yor k 3 gigawatts en 2030. Des
compagnies d’électricité comme XCel en Floride ont déjà proposé de remplacer
des centrales à gaz ou au charbon par des batteries géantes associées à des
capacités de production solaire ou éolienne. L’Europe et l’Asie sont moins
avancées, mais le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie, la Corée et la Chine
développent aussi des projets ambitieux. « Des projets à 100 mégawatts
permettant de stocker l’électricité pendant quatre heures se multiplient,
confirme Yayoi Sekine. D’ici à deux ans, nous verrons émerger de très gros
projets de stockage qui atteindront jusqu’au gigawatt [1.000 mégawatts, NDLR].
» Alors les équilibres de la planète énergie pourront être bouleversés, souligne
Bank of America. Grâce au stockage, certains Etats américains ou pays européens
pourraient voir la part du renouvelable dans leur production d’électricité
dépasser 80% dès 2030.
Le
stockage à domicile promis à un bel avenir
Tiré
par, le marché du stockage résidentiel de l’électricité est appelé à quintupler
au cours des cinq prochaines années en Europe, prévoit Wood Mackenzie
Le stockage
de l’électricité à la maison, grâce à une batterie installée à la cave ou dans
le garage, s’annonce comme un complément intéressant à l’essor des énergies
renouvelables. Le marché mondial est encore très modeste, mais il commence à
atteindre une taille significative dans les pays où s’est développée la
production d’électricité à domicile, le plus souvent grâce à des panneaux
photovoltaïques fixés sur les toits. En Europe, le stockage résidentiel de
l’électricité sera multiplié par cinq au cours des cinq prochaines années,
atteignant 6,6 gigawatts heures en 2024, prévoit le cabinet Wood Mackenzie.
Le marché
est aujourd’hui concentré en Allemagne, où le gouvernement a encouragé l’essor
du solaire résidentiel dès 2013. Les pouvoirs publics ont pris en charge
jusqu’à 30 % du coût de l’installation les premières années. Cette part est
tombée à 10 % l’an dernier et à zéro depuis le 1 er janvier. Mais l’impulsion a
été suffisante pour que 125.000 foyers s’équipent, d’autant que le prix des
panneaux et des batteries a chuté dans le même temps.
Participer
à la révolution énergétique
« Après ce succès en Allemagne, le stockage
résidentiel commence à gagner d’autres pays d’Europe, en particulier en Italie
et en Espagne », explique Rory McCarthy, analyste chez Wood Mackenzie.
Selon lui, le marché peut désormais se développer sans subventions, car le prix
de l’électricité générée à domicile se rapproche de celui qui est commercialisé
par les fournisseurs. « On s’approche de la parité dans ces trois pays
européens », constate l’expert.
« Le stockage à domicile était
jusqu’à présent tiré par des ménages prêts à faire un sacrifice financier pour
participer à la révolution énergétique », poursuit l’expert. C’est
en train de changer. Au fur et à mesure que les tarifs de l’électricité
augmentent en Europe, la production et le stockage à domicile seront adoptés,
de plus en plus, comme une protection contre les hausses de prix des
fournisseurs.
Le
phénomène devrait moins toucher la France, car l’incitation y est moindre,
l’électricité vendue par EDF et ses concurrents étant parmi les moins chères du
continent, explique Rory McCarthy. Le développement devrait être également
moins rapide au Royaume-Uni, où le pouvoir d’achat des ménages est sous
pression. — V. C.