lundi 23 novembre 2015

Réduire vite et beaucoup le CO2 en France




Bien que le CO2 ne soit pas à proprement parler une pollution, puisqu’il est au cœur de la vie par la photosynthèse, et sans danger direct pour l’homme, le GIEC a largement démontré qu’il est quand même le principal responsable de l’effet de serre qui conduit au réchauffement climatique, lequel est le plus grave risque environnemental actuel, loin devant les diverses pollutions qui sont en forte régression en France et dans la plupart des pays de l’OCDE. La réduction des émissions mondiales de CO2 est donc l’objectif prioritaire majeur, le seul qui soit vraiment indispensable.

A cet effet, dans quelques jours, la COP21 va commencer et tenter d’obtenir des engagements de réduction, ou de moindre progression, des émissions de CO2 anthropique de la part les pays participants, presque tous. En France, où la situation en matière de CO2 est bien plus favorable que celle de la plupart des pays comparables, de nombreuses voies  de forte réduction existent néanmoins.

Elles peuvent être classées en quatre familles promues par trois incitations économiques :
  • Substituer entre eux des combustibles fossiles : parmi eux (charbon, pétrole, gaz), préférer le gaz, et réduire prioritairement le charbon.
  • Rechercher l’efficacité énergétique dans toutes les applications.
  • Substituer l’énergie électronucléaire, permanente, aux combustibles fossiles
  • Envisager des véhicules alternatifs, électriques ou à hydrogène.
  • Mettre en place ou renforcer les incitations économiques générales :
    • La taxe carbone pour réduire la compétitivité des énergies fossiles et particulièrement du charbon.
    • Le « yield managment » de la tarification de l’énergie électrique, pour réduire les crêtes en anticipant ou reportant certaines consommations
    • La suppression de l’absurde coefficient 2,58 appliqué au chauffage électrique selon la norme RT 2012


Les solutions 1 à 3, peu onéreuses et faciles à mettre en œuvre, permettent de gagner du temps en réduisant très vite les émissions. Il s’en suit que les nouvelles énergies vertes (photovoltaïque, éolien terrestre ou maritime, hydrolien) n’y figurent pas : très coûteuses et fatales, handicapées par le coût élevé et le rendement déplorable du stockage qu’elles nécessitent en raison de leur intermittence, elles ne sont jamais compétitives à un horizon prévisible par rapport aux mesures 1. à 3. ci-dessus, et constitueraient donc plus une entrave qu’un avantage, compte tenu des ressources limitées disponibles à cette fin. Ceci n’empêche évidemment pas d’utiliser les installations qui existent déjà et sont donc devenues contractuelles.

La production délocalisée qui nécessite des « smart grids » (réseaux intelligents), très tendance, n’y figurent pas non plus, pour deux raisons majeures :
Le coût de 1 000 000 installations individuelles de production électrique de 1 KW (quelles s’elles soient) sont beaucoup plus onéreuses et ont une trace carbone très supérieure à celle d’une installation centralisée de 1 Gw. En outre leur rendement est beaucoup moins bon.
La variabilité de la consommation diminue évidemment quand on la considère globalement, puisque les consommations de base, très dispersées entre zéro et la puissance de l’abonnement, n’interviennent que par leur moyenne. Vouloir créer des installations de production au niveau le plus aval donc à une puissance installée finalement beaucoup plus élevée, avec un facteur de charge très bas. Dans l’exemple ci-dessus, il faudrait avoir 1 000 000 d’installations individuelles non pas de  KW mais probablement plutôt de  5 KW…

Les étapes

Pour la clarté de l’exposé, les étapes  1 à 4 sont considérées successivement. Il va de soi qu’elles peuvent largement se superposer, ce qui n’en modifie pas le résultat final.



Substitution de combustibles (Voir détails par secteur et par combustible)

A pouvoir calorifique égal le charbon émet 64% de plus que le pétrole, et le gaz 21% de moins. La substitution du gaz au charbon et au pétrole est :
  • Possible en agriculture, industrie et chauffage, dès que le réseau de gaz est présent, et hors applications de mobilité
  • Facile en production électrique
  • Difficile ou impossible en sidérurgie, dans les transports et en chimie

Cette substitution permet ainsi à elle seule une baisse de 6% des émissions de CO2 à consommation énergétique constante par définition, et ce rapidement et au moindre coût. Elle se produira spontanément grâce à une taxe carbone suffisamment élevée qui pénalise beaucoup plus le charbon, et un peu plus le pétrole, que le gaz.

Efficacité énergétique (Voir détails par secteur et par combustible)

C’est en principe la voie à privilégier : obtenir le même résultat en utilisant moins d’énergie. Pratiquement impossible en sidérurgie, elle peut en revanche être significative en agriculture, industrie et chauffage, et aussi dans la production électrique grâce au meilleur rendement des nouvelles centrales au gaz. Elle se poursuivra dans les transports, surtout par la modification des usages (covoiturage et autocar) et l’apparition de véhicules économes.

L’efficacité énergétique permet d’envisager un gain de 23% sur l’énergie fossile consommée sans révolution majeure, donc assez vite. S’ajoutant aux substitutions du § 1. , la réduction des émissions est de 27%, déjà très appréciable. Elle sera renforcée par la taxe carbone qui vient renchérir les prix des énergies fossiles.

Substitution électronucléaire (Voir détails par secteur et par combustible)

L’électronucléaire peut apporter une solution majeure à toutes les applications de chauffage (agriculture, industrie, résidentiel et tertiaire) qui peuvent être électriques avec une meilleure efficacité énergétique, grâce à un rendement naturel de 100%, voire beaucoup plus avec des pompes à chaleur. Grâce à ces dernières, la substitution peut se faire à parc nucléaire constant ou faiblement croissant.

Cette substitution aboutit à elle seule une réduction de 28% supplémentaires de l’énergie fossile consommée et de des émissions de CO2, ce qui est énorme. Elle aboutit à une baisse cumulée des émissions de CO2 de 45%, ce qui excède l’engagement français de -40% en 2030. Elle nécessite, outre la taxe carbone, la mise en place de la tarification variable de l’électricité pour anticiper ou reporter les consommations de crête par un tarif dissuasif en crête.

Aller plus loin : les véhicules (Voir détails par secteur et combustible)

L’objectif prévu par la loi française de -75% en 2050 nécessiterait d’aller vraiment plus loin, par une évolution profonde des transports qui représentent 63% du pétrole consommé dans l’hypothèse 2030 ci-dessus.

Le passage de 60% des véhicules sur source électrique, soit via des batteries, soit via l’hydrogène, soit par des caténaires, est absolument inenvisageable avec des énergies fatales dont la production initiale est déjà très coûteuse, et dont l’intermittence impose un stockage requérant des investissements lourds dont la durée de vie est limitée (batteries) et/ou dont le rendement est médiocre (hydrogène).

Il faut donc être conscient de ce que le passage à 60% de véhicules alternatifs, bien loin d’être rapide et peu onéreux, serait un bouleversement industriel majeur nécessitant l’achat par les utilisateurs de 20 millions de ces véhicules, avec des impacts lourds sur les constructeurs, les équipementiers, les réseaux d’énergie (électrique et hydrogène), le parc électronucléaire à augmenter lourdement, l’industrie des batteries, la pétrochimie, la production d’hydrogène électrolytique. Ce serait aussi un problème fiscal car il serait évidemment impossible à l’Etat de subventionner ces véhicules alternatifs (2 millions par an = 13 milliards d’euros par an au bonus actuel) alors même qu’il perdrait les énormes ressources de la TICPE et de la TVA afférente (29 milliards d’Euros par an), soit un trou de 42 milliards d’euros.

Ceci étant dit, cette transition de 60% des véhicules vers l’énergie électrique aurait un impact considérable sur les émissions de CO2 : une réduction de 24% des sources fossiles, s’ajoutant aux précédentes pour aboutir à une baisse  cumulée des émissions de 58% par rapport à la situation actuelle.


Conclusion

Ce résultat, excellent mais très coûteux, reste très en deçà des engagements (heureusement révocables) pris par le Gouvernement en vue d’une réduction de 75% à l’horizon 2050. L’écart entre les émissions selon cette dernière et selon l’objectif ci-dessus, est de 42%/25%, soit un coefficient 1,68. Certes, beaucoup de choses peuvent se passer en 35 ans, mais qu’en l’état actuel des connaissances et des ressources, on ne peut qu’affirmer,  cet objectif ne sera pas tenu parce qu’il ne peut pas l’être, sauf à accepter une régression considérable avec toutes ses conséquences économiques et sociales.

On peut même s’interroger préalablement sur la pertinence des véhicules alternatifs en France: le problème du CO2 étant mondial, et absolument pas local, l’optimum économique mondial est de procéder d’abord à la réduction des émissions de CO2 résultant de toutes applications possibles hors véhicules, AVANT de passer aux véhicules alternatifs qui sont coûteux et contraignants. Les véhicules, et plus encore les avions, sont en effet l’application des énergies fossiles qui est la plus difficilement substituable. Il vaut donc mieux commencer par  tout le reste, pour aller plus vite, dépenser moins et réduire davantage les émissions de CO2.


Autrement dit, il est moins coûteux et plus efficace pour la France de subventionner des réductions d’émissions hors de ses frontières, en commençant par les centrales électrothermiques au charbon, ou pire au lignite comme en Allemagne, que de faire rouler des véhicules alternatifs sur ses routes ! Une telle organisation internationale reste à élaborer, mais pourrait s’inspirer des droits d’émission négociables.

Etape 1 : Substitution de combustibles

Etape 1 : Substitution de combustibles


Nous avons vu dans un message précédent, que pour un même apport énergétique, ces énergies fossiles amènent des émissions  très différentes: le charbon émet 64% de plus que le pétrole, et le gaz 21% de moins. Entre le charbon et le gaz, il y a plus qu’un facteur 2. Quand c’est possible, remplacer le charbon par le gaz permet de parcourir plus de la moitié du chemin vers une suppression des émissions concernées, et ceci peut souvent être fait rapidement et pour un coût modique. 




Dans ce qui suit, conformément aux définitions INSEE et SOES, le GPL est comptabilisé avec le pétrole et non avec le gaz. Ceci est logique, car le GPL est beaucoup plus proche du pétrole, dont il est d’ailleurs issu, en termes  de stockage à l’état liquide sous faible pression, comme en termes démission de CO2, c’est-à-dire du ratio C/H de sans cette étape, maintiennent exactement la consommation énergétique par secteur.
  • En sidérurgie : aucune substitution n’est possible, car le seul procédé d’élaboration de la fonte à partir du minerai de fer repose sur la réduction de l’oxyde de fer du minerai par le carbone.
  • En agriculture et industrie : La diversité des utilisations, qui comporte des utilisateurs mobiles (tracteurs) et des procédés de fabrication, ne permet guère d’établir une prévision. Considérons l’hypothèse de  -50% de charbon et -30% de pétrole compensés par +31% de gaz.
  • En chauffage,  la substitution du fioul ou du GPL au charbon (peu employé), est presque toujours possible, mais est limitée par la difficulté de stockage du gaz, principalement du méthane, qui nécessite soit des pressions élevées, soit un stockage cryogénique. Elle ne peut donc s’effectuer pratiquement que dans les régions desservies par les réseaux de gaz, et dans la limite des capacités de ces réseaux, qui peuvent être renforcés et étendus à cet effet. Compte tenu de son caractère diffus, l’agriculture fera moins que l’industrie. Considérons globalement - 70% de charbon et - 40% de pétrole compensés par +30% de gaz, ce qui est déjà une hypothèse optimiste.
  • En production électrique, la substitution du gaz au charbon et au pétrole n’est limitée que par la difficulté de stocker ce gaz naturel, ce qui risque de poser problème car les pointes de consommation électrique coïncident malheureusement avec les pointes de consommation de gaz, pour cause de demande de chauffage. Considérons la transformation de toutes les centrales au charbon en centrales à gaz si possible, ou à défaut en centrale au fioul : -100% de charbon et -20% de pétrole compensés par +173% de gaz, compte tenu des pondérations différentes.
  • Dans les transports où le charbon n’est pas employé, la substitution du gaz aux carburants liquides (essence, gazole et GPL) est difficilement envisageable en raison des difficultés de stockage du gaz comprimé dans un véhicule routier, et sa quasi-impossibilité dans un avion. Donc pas de substitution à court terme.
  • Par nature, aucune substitution n’est possible quand ces substances sont utilisées comme matières premières.

 


Ces substitutions aboutissent par elles-mêmes à une baisse du CO2 de 6%, résultat limité qui tient au fait que le transport, premier émetteur, ne peut pratiquement pas y procéder, mais résultat intéressant quand même, car peu coûteux et pouvant être obtenu  très rapidement.

Etape 2 : efficacité énergétique





C’est en principe la voie à privilégier : obtenir le même résultat en utilisant moins d’énergie. Examinons les possibilités :
  • Sidérurgie : l’efficacité énergétique d’un haut-fourneau est la « mise aux mille », masse de coke nécessaire à la production de 1000 kg de fonte. Elle s’est énormément améliorée au cours des siècles, mais atteint maintenant ses limites. Une éventuelle réduction de la mise aux mille ne pourrait intervenir qu’à l’occasion de la construction d’un nouveau haut-fourneau en France, qui n’est pas d’actualité. Donc pas d’amélioration plausible ici.
  • Dans l’agriculture et l’industrie, la variété des situations rend les prévisions difficiles. Une taxe carbone serait ici nécessaire et efficace. Tablons sur 20%, tant pour le charbon, et le fioul  que pour le gaz.
  • Dans le chauffage domestique et tertiaire, de nombreux gisements d’efficacité énergétique subsistent : isolation du parc ancien, suppression des chauffages collectifs répartis selon les millièmes de copropriété, généralisation des régulateurs intelligents. Une baisse de 30% de ce fait est envisageable, tant en fioul (de moins en moins utilisé) qu’en gaz.
  • Dans la production électrique, les rendements des centrales sont à leur optimum depuis longtemps. Le seul progrès déterminant réside dans les centrales à gaz à cycle combiné qui permettent d’améliorer le rendement d’environ 40% à près de 58%, au prix d’un investissement plus élevé. Mais ceci ne concerne que les centrales à gaz conventionnelles. Tablons sur 15% du total.
  • Dans les transports, il ne faut plus compter sur l’amélioration du rendement des moteurs qui ont déjà beaucoup donné, et sont handicapés par les normes antipollution Euro 6 : on ne peut pas optimiser tous les paramètres à la fois ! L’amélioration d’efficacité pourrait venir de :
  • Le remplacement naturel des véhicules anciens par des véhicules récents plus économes, avec cylindrée réduite (« downsizing »), ce qui ne signifie pas puissance réduite, grâce aux turbocompresseurs.
  • L’hybridation (non rechargeable) des véhicules urbains.
  • Le développement des boîtes automatiques pilotées à deux embrayages, genre DSG7 de Volkswagen, qui optimisent le point de fonctionnement du moteur.
  • Le covoiturage qui remplit les véhicules à défaut de réduire leur consommation.
  • Le développement des lignes d’autocars (loi Macron) qui réduira les trajets en véhicules individuels, et aussi la circulation de rames ferroviaires vides dont la trace carbone globale est loin d’être aussi bonne qu’on l’annonce.
  • Selon l’évolution du prix public des carburants, évolution vers des véhicules économes, plus bas, plus étroits, plus légers, munis de moteurs beaucoup moins puissants.
  • Tablons sur 30%, évidemment concentrés sur le pétrole, dont tous les carburants sont issus.
  • Par nature, les matières premières ne peuvent pas faire l’objet d’une amélioration de l’efficacité énergétique.




L’efficacité énergétique permet d’envisager un gain de 23% sur l’énergie fossile consommée sans révolution majeure, donc assez vite. S’ajoutant aux substitutions du § 1. , la réduction cumulée des émissions de CO2 est de 27%, déjà très appréciable, mais encore loin de l’engagement français de -40% en 030.

Etape 3 : Substitution électronucléaire

Etape 3 : Substitution électronucléaire


Rappelons que le profil de notre blog fait figurer le « politiquement correct » dans la liste des « je n’aime pas ». Personne n’ose parler de ce qui suit, qui est pourtant absolument évident, et constitue une voie majeure pour réduire les émissions de CO2, et limiter le changement climatique. Nous le faisons en toute indépendance, sans tabou et sans militantisme d’aucun bord, avec l’objectivité nécessaire aux décisions technico-économiques.

Voyons les réductions d’émissions que l’électronucléaire permet de réaliser :
  • Elle est sans effet direct sur la production de fonte dans les hauts fourneaux. Indirectement, le moindre coût de l’aciérie électrique (retraitement des ferrailles) permet un meilleur recyclage des métaux ferreux, et donc une moindre demande en fonte. C’est peu de chose, et difficile à chiffrer, donc non pris en compte ici.
  • En agriculture et industrie, la quasi-totalité des besoins en chauffage (fours, serres, bâtiments agricoles et industriels, traitements thermiques…), en énergie mécanique autre que mobile (pompes, ventilateurs, usinage, manutention…) et en éclairage peuvent provenir de l’électronucléaire. Une baisse de 60% du gaz naturel est envisageable. Compte tenu des applications de  mobilité nécessitant du gazole, cette baisse serait plutôt de 30% pour le pétrole.
  • En chauffage résidentiel et tertiaire, l’électronucléaire est presque partout substituable aux combustibles fossiles, selon des modalités à examiner de plus près :
  • Les applications de chauffage sont avantageusement réalisées par des pompes à chaleur qui permettent une efficacité énergétique très supérieure à 100%, de l’ordre de 200% (aérothermiques), 300% (géothermiques) et même 500% (hydro-thermiques).
  • L’investissement  lourd dans les centrales électronucléaires, dont le prix de marché se situe autour de 3 milliards d’euros par GW (ce qui ne fait que 3 000 €/KW), n’est économiquement possible que si la centrale produit en moyenne au moins 75% de sa puissance nominale. Il n’est donc pas envisageable de dimensionner le parc électronucléaire pour les pointes de consommation.
  • Il est donc souhaitable de généraliser le chauffage biénergie par adjonction d’un chauffage de base électrique de faible puissance, à tous les bâtiments actuellement chauffés au fioul ou au gaz. Il est utilisé seul jusqu’à concurrence de la puissance nucléaire installée, les pointes de consommation restant assurées par le fioul et le gaz.
  • L’extension simultanée des pompes à chaleur qui réduisent la consommation du chauffage électronucléaire, et des chauffages de base électriques qui l’augmentent doit permettre une large compensation, et donc une faible augmentation du parc nucléaire.
  • Dans les transports, la seule substitution possible est relative aux véhicules électriques à batterie, ou hybrides rechargeables. Malgré d’énormes distorsions de concurrence (subventions, avantages de circulation et de stationnement, pas de TICPE…), ils peinent à se développer en dehors de quelques marchés de niches (auto-partage urbain, flottes urbaines). Envisageons avec optimisme qu’ils puissent réduire de 10% la consommation globale de carburants, c’est-à-dire, avec une efficacité énergétique fortement accrue par les moteurs électriques remplaçant les moteurs thermiques, réduire d’un facteur 3 l’énergie consommée, devenue électrique.

Dans cette substitution, les facteurs économiques jouent un rôle essentiel




Cette substitution aboutit à elle seule une réduction de 28% supplémentaires de l’énergie fossile consommée et de des émissions de CO2, ce qui est énorme. Elle aboutit à une baisse cumulée des émissions de CO2 de 45%, ce qui excède l’engagement français de -40% en 2030, mais n’est tenable qu’avec un développement très modéré de l’énergie électronucléaire, qui implique le renouvellement des centrales en limite d’âge, et un petit nombre de tranches supplémentaires.

Etape 4 : aller plus loin avec les véhicules





L’objectif de -75% en 2050 nécessite d’aller vraiment plus loin, avec une évolution profonde des transports qui représentent 63% du pétrole consommé à la fin de l’étape  ci-dessus.

Le passage de la majorité, disons 60%, des véhicules sur source uniquement électrique, soit via des batteries, soit via le vecteur hydrogène, soit par des caténaires, est absolument inenvisageable avec des énergies fatales dont la production initiale est déjà très coûteuse, et dont le caractère fatal impose un stockage requérant des investissements lourds dont la durée de vie est limitée (batteries) ou dont le rendement est très médiocre (hydrogène). Il faut donc être conscient de ce que le passage aux véhicules électriques repose sur un accroissement important du parc électronucléaire.


Cet accroissement étant préalablement accepté, la transition de 60% des véhicules vers l’énergie électrique (via des batteries ou via l’hydrogène) a un impact considérable sur les émissions de CO2 : une réduction de 24% des sources fossiles, s’ajoutant aux précédentes pour aboutir à une baisse  cumulée des émissions de 58% par rapport à la situation actuelle. La transformation complète du parc roulant est une entreprise majeure qui impacte lourdement les constructeurs, les équipementiers, les réseaux d’énergie (électrique et hydrogène) le parc électronucléaire, l’industrie des batteries, la production d’hydrogène électrolytique, et l’achat par les utilisateurs de 20 millions de véhicules alternatifs.


Incitations économiques pour les étapes



Il n’est certainement pas souhaitable que l’Etat, ou l’Union Européenne, choisisse les solutions technique et les impose par voie réglementaire, même s’ils devaient suivre les présentes recommandations. La production comme la consommation énergétique sont bien trop complexes, et bien trop différentiées selon les pays (climat, relief, latitude, modes de vie, activités économiques…) pour qu’un choix administratif centralisé puisse apporter les solutions optimales : les malheurs d’Areva et les errements écolo-politiciens de la réglementation électronucléaire en apportent la preuve ! Une réévaluation constante des solutions par les marchés est indispensable.

Pour autant, le rôle de l’Etat est déterminant, principalement en tant que législateur, ou accessoirement en tant qu’actionnaire majeur de plusieurs acteurs majeurs (EDF, Areva, ENGIE). Il doit actionner quatre  leviers de portée générale, qui ne sont en rien des choix technologiques :
  • La taxe carbone, selon les principes existants, mais avec une réduction progressive des droits à émettre qui permette une hausse substantielle du cours du CO2, aux alentours de 30 € la tonne pour commencer, et qui continue d’augmenter si la tendance à la réduction des émissions ne se confirme pas. Elle devrait être réalisée à fiscalité totale constante, c’est-à-dire compensée par une baisse de la TVA d’un montant équivalent.
  • La facturation de l’énergie électrique constamment variable dans le temps selon les principes du « yield management » permettant de différer la consommation pour réduire les pointes de production et les émissions qu’elles entraînent.
  • La libéralisation de l’énergie électronucléaire, sous réserve de sa conformité aux normes de l’ASN après prise en compte des avis de l’IRSN.
  • La suppression de l’absurde coefficient 2,58 appliqué au chauffage électrique selon la norme RT 2012.



Ces incitations n’étant que le moyen de mettre en œuvre les dispositions des étapes 1 à 4, il n’y a pas lieu de les décompter en supplément dans la réduction des émissions de CO2

vendredi 6 novembre 2015

Remplacement du charbon par le gaz

Table des matières du blog www.8-e.fr

Sous la plume d’Anne Feitz, le quotidien « Les Echos » nous annonce une bonne nouvelle, que cependant il sous-estime : le remplacement en cours du charbon par le gaz.

Notons d’abord qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que nos trois grands énergéticiens, EDF, GDF-Suez devenu ENGIE, et TOTAL cherchent à remplacer le pétrole par le gaz : aucun des trois n’est actif dans la production de charbon, tous ont le charbon comme concurrent « low cost », EDF exploite des centrales électrothermiques au charbon mais ne voit aucun inconvénient à lui substituer du gaz, ENGIE a le gaz pour métier principal, et donc tout intérêt à demander le relèvement du prix du carbone émis, afin de réduire la compétitivité du charbon.

Pour ne pas être désintéressée, leur position est néanmoins réellement écologique, même si ce n’est peut-être pas leur motivation première. La convergence entre l’économie et l’écologie est très importante, car elle permet de faire plus, plus vite et pour moins cher : c’est la première bonne nouvelle, même si elle n’est pas vraiment nouvelle.

Quand la journaliste écrit que « une tonne de charbon consommée émet 3,5 tonnes de CO2, contre 2,3 pour le gaz et 2,7 pour le pétrole », son appréciation, quoique exacte et favorable, laisse croire que le gain en émissions de CO2 n’est que de :
  • 1 – 2,7 / 3,5 = 23% pour le pétrole.
  • 1 – 2,3 / 3,5 = 34% pour le gaz
Ses comparaisons sont effectuées à masse primaire constante, alors qu’elles devraient être effectuées à énergie calorifique constante, à savoir, typiquement :
  • Charbon :            25 MJ/Kg
  • Pétrole :              42 MJ/Kg
  • Gaz naturel :      50 MJ/Kg
Nous  introduisons dans le tableau comparatif ci-dessous :
  • Colonne 2 : les émissions de CO2 par masse de combustible (Source « Enerdata » citée par Les Echos)
  • Colonne 3 : l’énergie calorifique (enthalpie) des différents combustibles
  • D’où en colonne 4 l’énergie calorifique obtenue par Kg de CO2 émis, et en colonne 5 leur comparaison, charbon base 100%. Le gaz émet presque 3 fois moins que le charbon pour les applications thermiques !
  • En colonne 6, le rendement (selon Carnot Clausius) de la conversion de l’énergie thermique en énergie électrique, la ligne gaz étant relative à une centrale à gaz à cycle combiné, ce qui est le cas de toutes les centrales récentes, mais pas de toutes les centrales existantes en France.
  • D’où, en colonne 7, l’énergie électrique obtenue par Kg de CO2 émis.
  • Et en colonne 8, la comparaison, toujours charbon base 100%. Le gaz émet presque 4 fois moins que le charbon pour les applications électrothermiques !





Energie thermique
Energie électrothermique
Combustible
CO2 Kg/Kg
EnergieMJ/Kg
MJ/ Kg de CO2
Comparais. émiss. CO2
Rendemt. conversion
MJ/Kg de CO2
Comparais. émiss. CO2
Charbon
3,5
25
7,1
100%
45%
3,2
100%
Pétrole
2,7
44
16,3
44%
45%
7,3
44%
Gaz naturel
2,3
50
21,7
34%
58%
12,6
26%

En termes d’émissions de CO2, le passage au gaz est une amélioration énorme  par rapport au charbon, et très significative par rapport au pétrole, dans toutes les applications thermiques, et plus encore dans les centrales électrothermiques au gaz.

     Centrale à gaz à cycle combiné –Photo Engie
 

Ces dernières ont des avantages propres :
  • Beaucoup moins chères que des centrales nucléaires, beaucoup plus vite construites, beaucoup moins contestées, ayant une trace carbone d’investissement limitée, elles ont aussi très peu d’inertie, avec une capacité à passer de 0 à 100% en quelques minutes, et une disponibilité totale, 24 heures par jour, 365 jours par an. Ce sont les centrales de pointes idéales, et sont tout à la fois capable de produire en continu.
  • Plus souples, capables de travailler à puissance réduite, elles les complètent très bien les centrales nucléaires qui doivent éviter les puissances réduites (usure hétérogène des barres de combustible) et dont les variations de puissance sont lentes.
  • En outre, elles complètent bien les énergies « fatales » qui produisent de façon aléatoire (éolienne, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau), voire contra-cyclique (photovoltaïque). Elles sont préférables aux solutions de stockage envisagées à tort pour stocker les énergies vertes, solutions toutes très coûteuses et souvent de médiocre rendement (avec l’exception notables des STEPS, stations hydrauliques de haute chute, malheureusement limitées par la géographie).
Comme toutes solutions industrielles, elles ont aussi leurs contraintes et leurs limites :
  • Raccordement indispensable à un réseau gaz de gros débit, mais il est plus simple de transporter de l’énergie sous forme du gaz (par gazoduc) que sous forme électrique (par lignes THT).
  • Proximité d’un fleuve ou de la mer pour le refroidissement des condenseurs, comme toute autre centrale électrothermique ou électronucléaire.
  • Les hauts-fourneaux ne peuvent se passer de coke sidérurgique, obtenu par distillation du charbon, pour produire la fonte, base de l’acier, selon un procédé très émetteur de CO2, mais pour l’instant irremplaçable.
Pour réduire vite et fortement les émissions de CO2, elles constituent la solution la plus efficace, la plus rapide à mettre en œuvre, et la moins chère.

Pour faciliter cette transition énergétique, nul besoin de lourdes subventions ciblées qui faussent la libre concurrence, jettent un doute sur la validité économique des solutions subventionnées, et sont à la charge du contribuable. Non, ici il suffit de réduire les droits d’émissions de CO2 négociables pour faire remonter leur cours d’échange à au moins 30 à 35 €/tonne pour commencer, à augmenter très progressivement, au profit du budget de l’Etat, lequel devrait réduire d’autant la TVA, impôt neutre par excellence, s’il n’était pas aussi impécunieux.

La sagesse populaire l’exprime dans le proverbe :

Le MIEUX (zéro émission des énergies vertes à prix élevé dans un avenir lointain) est parfois l’ennemi du BIEN (gaz = 3 à 4 fois moins d’émissions facilement et à court terme).