ECONOMIE du BIEN COMMUN
par
Jean
Tirole (PUF mai 2015, 18,00 €)
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(Résumé)2
Dans cet ouvrage exceptionnel qui doit absolument être lu pour
comprendre l’économie, le chapitre 8 est un exposé magistral qui démontre de
façon évidente que rien ne pourra être fait en matière de CO2, et
donc de climat, si l’on ne procède pas à la mise en place rapide et universelle d’un prix unique du carbone pouvant
résulter de taxes, ou de quotas d’émissions négociables aboutissant au même prix.
La COP21 n’est qu’un point de départ qui, en l’état, ne changera strictement
rien aux émissions de CO2, et donc à l’évolution du climat. Les
actions dirigistes des gouvernements, notamment européens (subventions aux
énergies nouvelles et à l’isolation, réglementation des consommations
automobiles…) s’avèrent d’un coût disproportionné à leur très faible
efficacité. Tout reste donc à faire, mais des solutions concrètes existent.
Le résumé qui suit donne les grandes lignes de la démonstration de
Jean Tirole, mais ne saurait dispenser de la lecture in extenso du Chapitre 8, et au-delà, de la totalité de cet ouvrage
passionnant, assez facile à lire et pouvant être lu par chapitres isolés.
Chapitre 8 : Le défi climatique (47 pages)
1. L’enjeu
climatique - page 263
- Effets :
- Elévation du niveau de la mer (îles, villes côtières, régions basses…). Précipitations et sécheresse extrêmes.
- Conséquences économiques, géopolitiques, immigration.
- Il faudrait ne pas dépasser 1,5 à 2°C, mais la tendance est entre 2,5 et 7,8°C.
- Les émissions de CO2 et CH4 sont en hausse.
- Causes :
- Croissance démographique et accès au niveau de vie occidental
- Figures 1A et 1B issues du rapport de la commission Canfin-Grandjean en juin 2015
- 1960 à 2008 : PIB et Emissions de CO2 (bases 100 en 1960)
- 1990 à 2050 : PIB en $ constants (2011) et CO2
- Les émissions de GES pas tout à fait proportionnelles au PIB
- Le contenu du PIB en CO2 doit décroître drastiquement… en 35 ans
- Atténuation : pour réduire les GES, plus...
- Adaptation : modifier infrastructures, digues, agriculture, migrations…
- L’essentiel des émissions de GES vient actuellement des pays développés (figure 2), mais l’avenir dépendra des pays émergents dont les ratios sont mauvais (figure 3). Les marges de manœuvres sont très variables.
- Attentisme : peu d’efforts, et même développement des centrales à charbon et autres fossiles, parfois subventionnées ou exonérées pour 160 G€ selon l’OCDE, en faveur de diverses catégories de consommateurs.
- En France, la TICPE a trop d’exonérations [NDLR : ce n’est pas une taxe carbone, mais une contrepartie des infrastructures routières]
2 - Les raisons
du surplace – page 268
- Tout le monde est au courant du problème climatique, et accepte des petits gestes, mais pas de régression : voitures, prix de l’énergie, avion, viande… parce qu’en la matière, les coûts et inconvénients sont locaux et immédiats et les bénéfices lointains et globaux.
- Chaque pays cherche son intérêt et espère le bénéfice des efforts des autres. Un pays supporte 100% de ses coûts verts mais ne recevra que de 1% (selon sa population) des bénéfices. C’est comparable à choisir entre :
- Consommer 100 €
- Ou se limiter à 1 € et distribuer 99 € à des inconnus dont chacun vous restituera peut-être quelques € plus tard.
- Le passager clandestin (free rider) cherche à voyager gratuitement, au détriment du bien commun. Exemple : Surpâturage dans un pré commun, surpêche et sur-chasse, pollution de l’air ou de l’eau…
- Le bien commun peut être géré par une communauté stable et retreinte, pas par 7 milliards d’individus. Il n’y a pas d’autorité supranationale pour facturer les externalités.
- Délocalisation: La taxe carbone imposées aux industries nationales émettrices de GES obère leur compétitivité. Elles sont tentées de délocaliser dans des pays laxistes où cette taxe n’existe pas. La production est redistribuée sans bénéfice écologique global.
- Cours : Si un pays « vertueux » taxe les produits carbonés pour réduire leur demande, cette baisse de volume fait baisser les cours mondiaux et augmente la demande ailleurs.
- MDP : Le « Mécanisme de Développement Propre » mis en place à Kyoto attribue des crédits aux entreprises des pays taxés (Europe) selon leurs réductions d’émissions dans d’autre pays (Chine…), calculés au cours européen des émissions. J. Tirole l’a approuvé en son temps, un peu trop vite. Le MDP a fait baisser le cours en Europe, et n’a de sens que si la réduction délocalisée résulte du MDP, difficile à démontrer. La création d’un puits de carbone (forêt) peut fort bien, à travers le marché mondial, être compensée par de la déforestation ailleurs. Kyoto est un échec.
- Le passager clandestin est motivé aussi par la volonté d’arriver en bonne situation à une négociation future : chaque pays partant d’une mauvaise situation pourra faire valoir et monnayer les progrès ultérieurs. Exemple : La négociation entre les USA et les états du Midwest dans les années 80 sur la réduction du SO2.
- Droits d’émission négociables (« cap and trade ») On impose le résultat :
- Ils existent en UE, USA, Japon, Chine, Corée du sud
- L’Etat fixe l’émission annuelle maximum de CO2 et attribue les droits aux émetteurs (quota).
- Chacun doit se limiter à son quota, ou, s’il a des excédents, racheter des droits sur le marché à d’autres qui sont en dessous de leurs quotas.
- Les cours sont très variables
- Taxe carbone : On impose le moyen :
- Les émetteurs payent une taxe fixe par tonne de CO2 émis :
- Suède : 100 €/T de CO2, soit 367 €/T de carbone pour les ménages [NDLR car (CO2=44) / (C=12) = 3,67]
- France : 14,5 €/T de CO2
- On estime que l’objectif COP21 (1,5 à 2,0 °C en 2100) nécessiterait une taxe croissant de 100 € actuellement à entre 150 et 350 €/T CO2 en 2050. [NDLR : 1 T de CO2 résulte de 370 litres de fioul valant environ 60 € hors TVA et TICPE]
- Hors Suède, les taxes actuelles sont insignifiantes : 5 à 10 € selon les pays, voire 0 !
- Actions unilatérales ?
- En géopolitique, seul l’intérêt national compte. Pourquoi un pays réduirait-il ses émissions ? Exemples :
- Pour réduire la pollution locale : NOx, SO2 et particules fines des centrales au charbon.
- Remplacement du charbon par le pétrole et le gaz en Europe depuis 1950 pour la qualité de l’air (smog du lignite à Londres).
- Réduction des viandes pour raisons d’équilibre alimentaire et non pour le méthane (GES CH4).
- En Chine, exposition locale élevée, opinion publique et internationale.
- Ce sont des ambition zéro : des actions prises pour d’autres raisons, présentées comme réduction des GES.
- Actions dirigistes ("command and control") possibles.
- Souvent inappropriées : les normes environnementales accroissent le coût de la réduction des GES.
- Parfois 1 000 €/T de CO2 (solaire en Allemagne) alors que d’autres ne coûteraient que 10 €/T !
3 - Des
négociations qui ne sont pas à la hauteur des enjeux – page 278
a - Du
protocole de Kyoto… - page 278
- Signé en 1997 avec effet en 2005 pour la réduction des GES. Selon annexe B, réduction de 5% en 2012, base1990, et mise en place du « cap and trade »
- 65% des émetteurs pondérés de GES l’ont signé, avant ratification.
- En 2012, non ratification par USA, Canada, Russie et Japon :
- Canada : sables bitumineux
- USA : pas de passager clandestin (Chine visée), mode de vie, climato-scepticisme des électeurs
- Echec du « cap and trade ». Crise de 2008 et mise en place des énergies vertes en Allemagne réduisent la demande de droits à effondrement des cours de 30 € vers 5 à 10 €, trop bas pour être efficace.
- Tellement bas qu’il a permis un retour du gaz au charbon 2 fois plus émetteur (NDLR : 3 fois vs. gaz à cycle combiné)
- Echec non dû au mécanisme, mais résultant d’une décision politique : Chacun refuse d’être le seul passager payant. L'Europe n'a pas été imitée.
- Kyoto est un échec…
b - …au
manque d’ambition subséquent : les engagements volontaires de Copenhague - page 280
- Copenhague en 2009 a cherché à renouveler un "cap and trade" avec beaucoup de signataires. Il a abouti à un « pledge and review » (engagement et vérification par pays) très différent.
- L’ONU a donc enregistré des INDC (Intended Nationally Controlled Contributions), ratifiées par la COP21 à Paris en 2015. Défauts majeurs du système :
- Greenwashing : l’éco-blanchiment qui privilégie le paraître. Choix d’une année de référence favorable :
- USA en 2005 avant effet positif du gaz de schiste vs. charbon.
- Allemagne en 1990 après réunification et inclusion des centrales au charbon de la RDA aisément améliorables.
- Japon : engagement conditionné par redémarrage du nucléaire.
- Passagers clandestins :
- Résultant du manque de volontaires
- J. Stiglitz : le volontariat n’a jamais réussi en matière de bien public
- Non-crédibilité des promesses :
- N’engagent que ceux qui les écoutent
- Dons pour la santé (Téléthon): promesses jamais tenues
- Absence d’engagement = risque d’alignement sur le moins disant au fil du temps.
c - Le
bilan de la COP 21- page 283
- COP 21 à Paris en 12/2015 recherchait un accord ambitieux, juste, efficace et crédible :
- Bien en-dessous de 2 °C
- Arrêt des émissions de GES en 2050, et puits de carbone après.
- Plus que les 100 G$ prévus à Copenhague pour les pays en développement.
- Bon diagnostic :
- Actions fortes et nouvelles technologies requises pour réduire un danger majeur.
- Ambition d’émissions négatives après 2050.
- Aide des pays pauvres.
- Développement des vérifications, mais les pays émergents (∩ la Chine) ont un régime particulier.
- Confirmation unanime des pays.
- Mais peu de progrès sur les mesures concrètes
- Tarification du carbone recommandée par économistes et décideurs, mais refusée par l’Arabie Saoudite et le Venezuela (qui demandent même des compensations à la baisse des cours !), abandonnée sans combat.
- Aide des pays pauvres globale, non répartie par pays bénéficiaire : qui touche quoi?
- Accord trop vague destiné à n'être pas tenu.
- Engagement concret reporté.
- Transparence en échec : les plus pauvres aussi doivent être vérifiés, sinon passagers clandestins.
- Révision tous les 5 ans = attentisme : on demande plus au bon élève !
- Succès diplomatique (approbation unanime par 196 pays) obtenu en cédant sur le prix du carbone et par faible ambition réelle : à leurs retours, aucune délégation n’a annoncé d’efforts à son pays ! Sans effet réel : l’utilisation du charbon continue à croître : Inde, Chine, USA (Export), UE (Allemagne et Pologne) …
4 - Responsabiliser
les acteurs face au réchauffement climatique – page 285
- Problème : les acteurs économiques n’externalisent pas les préjudices causés aux autres par émission de GES. Solution : les forcer à les internaliser : « pollueur payeur ».
- Pour cela : fixer un prix du carbone :
- Suffisamment élevé pour atteindre l’objectif inférieur à 2°C
- Strictement indépendant du lieu, de l’acteur et de son activité
- Donc universel
- Garantissant la mise en œuvre de toutes les réductions de GES dont le coût est inférieur à celui du prix du carbone
a - Des
politiques pas si écologistes qu’elles le paraissent –
page 286
- Prix uniforme à coût minimum de la réduction des GES
- Les actions dirigistes (NDLR : typiquement l’Allemagne et la France) par normes, taxations, subventions, différenciées par nature, objet, âge de l’équipement, créent de fortes disparités qui augmentent le coût global de la réduction.
- Supposons :
- Entreprise A, émet 2 T de CO2, coût de réduction 1 000 €/T
- Entreprise B, émet 2 T de CO2, coût de réduction 10 €/T
- Politique « juste » : chacune divise par 2, coût global 1 010 €
- Politique efficace : B passe à 0, coût 20 €.
- Si on fixe le prix à 50 €/T de CO2 :
- A ne bouge pas et paye 100 € au lieu de supporter 1 000 €
- B supporte 20 € pour annuler son CO2, et ne paye rien
- Coût global 120 € au lieu de 1010 € !
- Les gouvernements, qui veulent paraître verts, préfèrent ces actions dirigistes éparses, peu efficaces, mais spectaculaires, dont le coût est noyé dans la masse [NDLR: Eolien et photovoltaïque financé par CSPE], à une taxe carbone très visible pour ceux qui la payent.
- Empiriquement, on a constaté qu’un prix unique du carbone divise par 2 le prix de la réduction.
- Les pays occidentaux ont tenté de réduire les GES par des subventions, qui aboutissent à des prix parfois très élevés de la tonne de CO2 évitée :
- Electricité : de 0 € (isolation rentable par ailleurs) à 800 € (électricité verte).
- Transport routier : jusqu’à 1 000 €, notamment pour les biocarburants
- La très grande hétérogénéité des prix du CO2 prouve de l’inefficacité du dirigisme.
- [NDLR : les bonus/malus sur les g/km de CO2 des véhicules sont un autre exemple!]
- Des subventions justifiées par la « courbe d’apprentissage », difficile à prédire et souvent sur-vendue par les lobbies, qui devrait baisser très vite, et être limitée selon la pertinence : L’ensoleillement en Allemagne n’est pas celui de Dubaï.
- L’égalité de traitement des acteurs est cruciale, tout accord trop coûteux finissant par être dénoncé.
- L’approche économique est une condition nécessaire aux vastes actions requises par l’impératif écologique.
b - L’approche
économique – page 289
- La tarification mondiale du carbone obtient une forte majorité des économistes. Des acteurs civils, Nicolas Hulot, Christine Lagarde, Jim Yong Kim (Banque Mondiale) font une déclaration commune dans ce sens.
- Un prix unique du carbone partout et pour tous est-il simpliste ? - page 290
- Deux mécanismes possibles : droits négociables, ou taxe carbone, compatibles avec la subsidiarité nationale (préférence sur les émissions à réduire), notamment selon l’opinion nationale, sous réserve d’obtenir la réduction prévue dans le pays.
- Nécessité d’un accord global d’étendue suffisante, incluant la mesure des émissions et contrôle des résultats.
- Accord global sur un prix unique d’émission des GES, par exemple 50 €/T de carbone, collecté par chaque pays : Pas de subsidiarité, sauf à la hausse.
- Ou accord global sur un prix unique moyen par pays, plus compliqué, mais permet la subsidiarité et la pluralité des politiques (taxe, droits…)
Vérification
des engagements de pays à un prix carbone - page 292
- Plusieurs vérifications sont nécessaires :
- Collecte effective : les Etats peu motivés, car les bénéfices sont lointains et globaux, malgré la contribution aux finances publiques (Ex : recouvrement des impôts en Grèce). Contrôle international très strict requis, mais pas de « Troïka » pour le faire !
- Absence de contre-mesures : annihilation de la taxe par :
- des subventions,
- ou par réduction d’autres taxes existantes (Ex : TICPE) sur les même produits,
- ou par des taxe sur les produits de substitution.
- Actions sans prix explicite du carbone : Nécessité complexe de valoriser les actions de réduction ayant un impact positif, mais non chiffrables : R et D verte, normes de construction habitat (variables selon le pays), boisement (problématique en altitude car réduisant l’albedo des surfaces enneigées) [NDLR : albedo = flux réémis / flux reçu]...
d- Option
2 : droits d’émission négociables – page 294
- Principe : Droits répartis entre acteurs, soit gratuitement, soit par enchères. Au final, le prix de marché s'impose à tous, par achat ou par manque à gagner.
- Accord international sur les droits d’émission au niveau mondial ("Cap")
- Définition d’un objectif global par pays, réparti gratuitement ou mis aux enchères entre pays (enchères élevées si objectif ambitieux).
- Ensuite marché des droits entre acteurs ("Trade"), y compris entre Etats.
- Quelle que soit la répartition, le prix marginal de l’émission est finalement le prix de marché international.
- Au niveau des ménages, 2 possibilités :
- Taxe carbone explicite au détail, cohérente avec le prix d'échange du marché de gros.
- Répercussion dans les prix des taxes payées en amont par les producteurs ou importateurs
- Méthode utilisée avec succès aux USA pour les SO2 et NOx : droits d’émission décroissants progressivement dans les années 90.
- Différences entre acteurs possibles sans perte d’efficacité : quelques permis gratuits ne réduisent pas le prix de marché des droits qui encourage à la réduction.
- L’annonce des futures baisses des volumes de droits pousse les acteurs et les ménages à anticiper la hausse du prix du carbone : recherche, investissement...
- Dérive possibles de la finance à terme du carbone ?
- Les spéculateurs parient à la hausse ou à la baisse avec leur propre argent : jeu à somme nulle.
- Des acteurs ou banques peuvent couvrir leur risque, ce qui est bon, mais aussi prendre des risques spéculatifs les mettant en danger, au détriment des abonnés ou des déposants : des marchés transparents et des réglementations sont nécessaires.
e - Gestion
de l’incertitude – page 297
- Les solutions à mettre en œuvre dans le défi climatique sont encore incertaines : climatologie, décarbonation et stockage des énergies [NDLR : et du CO2], science politique (accord?).
- Le nombre de permis et/ou le niveau de la taxe seront à ajuster selon les circonstances écologiques, économiques et techniques. La régulation du marché des droits, et la pérennité des droits non utilisés reste à définir.
f - Responsabiliser
les pays – page 298
- Les droits à émettre sont assez simples pour un pays dont on peut connaître les émissions par une comptabilité carbone :
- Production + importation
- – exportation et Δ stock
- Puits (agriculture et forêts) prises en compte par vue satellite.
- En cas de déficit, un pays achète des droits, et en cas d’excédent, les revend ou les conserve.
5 - Les
inégalités de la tarification du carbone – page 299
- Dans chaque pays :
- Diminution incontestable du pouvoir d’achat, mais ceci vaut pour toute taxe [NDLR: sauf si la TC se substitue à la TVA].
- La réduction des inégalités relève de l’IR, pas de la politique carbone. [NDLR: Oh oui!]
- Ne pas mélanger les buts, et maintenir la transparence.
- La baisse artificielle des prix pour certains ménages aurait des effets pervers de gaspillage. [NDLR : Exemple en France : la loi Brottes !]
- A l’international :
- Organiser des transferts vers les pays pauvres plutôt que mettre en place une politique inefficace dont beaucoup des pauvres seront souvent les premières victimes.
- Citation de l’encyclique « Laudato si » du Pape François, soulignant que les désordres climatiques nuiront d’abord aux plus pauvres. [NDLR : curieuse, car dans cette encyclique le Pape ne semble pas avoir compris les avantages du marché libre prôné par Jean Tirole, notamment pour la réduction des émissions...]
- Les pays émergents veulent pouvoir, comme les pays riches l’ont fait, se développer en émettant du CO2, mais ils sont devenus prépondérants : - (page 301)
- Tonne de CO2 par habitant : varient dans un rapport 43,89 / 0,11 = 400 !
Pays
|
T
CO2 / hab
|
Pays
|
T CO2 / hab
|
Ouganda
|
0,11
|
Chine
|
6,71
|
Congo (B)
|
0,53
|
Allemagne
|
8,92
|
Inde
|
1,70
|
Japon
|
9,29
|
Brésil
|
2,23
|
Russie
|
12,65
|
Monde
|
4,98
|
USA
|
17,02
|
France
|
5,19
|
Qatar
|
43,89
|
-(page 302)
- Ces disparités suggèrent un prix du carbone élevé dans les pays riches, et réciproquement…
- … sauf que ceci aboutirait à délocaliser les productions émettrices dans les pays à bas coût du carbone
- … et que ce serait difficile à faire ratifier par les parlements nationaux (id. Kyoto)
- En outre, la réduction du CO2 dans les pays pauvres est indispensable à l'objectif des 2°C
- Conclusion : maintenir un prix du carbone élevé, si possible uniforme, s'imposant aux acteurs des pays pauvres, mais compenser par des transferts financiers prévus par la COP 21.
- Exportations, notamment de Chine : le coût du carbone est répercuté par l’exportateur dans ses prix de vente, et ainsi finalement supporté par l’importateur et le consommateur.
Le
Fonds vert et l’objectif de 100 G$ par an – page 303
- Les négociations de la compensation pour les pays pauvres ont toujours échoué :
- Copenhague en 2009 : promesse de 100 G$, réalisé ou probables selon GCF: 10 G$ .
- L‘OCDE annonce en 2015 62 G$ d’engagements, non confirmés : ceci inclut des prêts, ou des fonds d’agences d’aide multilatérales ou bilatérales, dont le budget n’a pas été augmenté : green washing !
- Les parlements réticents à voter des crédits important en faveur de pays tiers. Certains programmes performants ne se développent que par des dons privés (Ex : B and M Gates Foundation).
- Les engagements pris par des politiques au cours de conférences, sont rarement confirmées dans leur totalité par la suite.
- Le passager clandestin prédomine et compromet le Fond vert.
- Que faire ?
- Entre 195 pays, une négociation problématique : qui est payeur ou bénéficiaire, et pour quel montant ?
- Il est préférable de négocier une formule sommaire selon des paramètres divers actuels et prévus : population, émissions, sensibilité au réchauffement climatique… Difficile, mais préférable au précédent.
6 - Crédibilité
d’un accord international – page 305
- Un accord doit aboutir à une coalition de pays appliquant le prix uniforme du carbone.
- Subsidiarité : chacun sera libre d'utiliser comme bon lui semble la taxe carbone, les droits à émettre ou les deux.
- Les passagers clandestins peuvent nuire à la coalition : problème majeur, mais peut-être soluble.
- Analogie avec la dette souveraine :
- Les sanctions contre un pays en défaut sont limitées, heureusement non militaires !
- L’application d’un accord sur le carbone aurait aussi des moyens limités, mais non nuls, ce que l’on ignore trop dans le débat public.
- Un accord contraignant (traité) préférable à des promesses :
- Malgré de faibles sanctions, les pays honorent presque toujours leur dette étrangère.
- Des sanctions sont possibles :
- La stigmatisation (Naming and shaming), mais risque d’excuses variées (R&D verte, crise économique, insuffisance des autres signataires, emploi…)
- En s’appuyant sur le libre commerce : L’OMC pourrait considérer le non-respect d’un accord comme un dumping environnemental et imposer des sanctions. Création de taxes de taxes punitives des importations en provenance de pays non signataires, qui les motiverait à le rejoindre.
- En considérant qu’un accord sur le carbone engage les futurs gouvernements au même titre que la dette souveraine.
- J. Tirole conscient des risques d’étendre au climat les rôles d’institutions internationales qui fonctionnent déjà tant bien que mal.
- Mais quelle est l’alternative ?
- Si les partisans de la bonne volonté ont raison, il n’y aura pas de dommages collatéraux dans ces institutions.
- S’ils ont tort, elles ces institutions sont indispensables.
7 - Conclusion :
Remettre les négociations sur la bonne voie - page 307
- Malgré l’accumulation de preuves scientifiques du réchauffement anthropique, la mobilisation est décevante.
- Le protocole de Kyoto :
- N’a pas créé de coalition en rapport avec le coût social
- Illustre l’instabilité d’un accord qui ne prend pas en compte les passagers clandestins
- Tout accord international doit satisfaire trois critères :
- Efficacité économique, qui requiert le prix unique du carbone.
- Incitation au respect des engagements, par la sanction des passagers clandestins.
- Equité, dont la définition est subjective, par des transferts forfaitaires.
- Les engagements volontaires sont une stratégie de report des engagements concrets de la part des pays clés.
- Mais il y a des motifs d’optimisme :
- Prise de conscience progressive des opinions publiques
- 40 pays ont institué des droits d’émission négociables, trop bas, mais qui existent.
- Leur réunion aboutirait un marché global cohérent de carbone malgré le problème du taux de change.
- Le développement du solaire fait entrevoir des solutions économiques dans les pays émergents (NDLR : subtropicaux).
- Le processus par l’ONU avec 195 pays, trop complexe, a montré ses limites.
- Il faut créer une coalition pour le climat :
- Au départ le G20, ou même un petit groupe de gros pollueurs (UE, USA, Chine, Russie, Inde) totalisant 65% des émissions s’engageant à payer pour chaque tonne émise.
- Les coalisés pèsent sur l’OMC et introduisent une taxe d’importation compensant le dumping environnemental.
- Retrouver le chemin du bon sens :
- Accord de principe sur un prix universel du carbone compatible avec l’objectif de 1,5 à 2,0 °C, en refusant tout accord de prix différenciés qui entraîneraient :
- La croissance des émissions des pays émergents,
- Des délocalisations vers ces pays.
- Création d’une structure de gouvernance et d’une infrastructure de contrôle indépendante.
- Revenir aux fondamentaux et gérer l’équité. Les pays développés n’accepteront de transfert vert que si celui-ci permet d’atteindre les objectifs climatiques. Ce fonds pourrait être :
- Soit un transfert financier
- Soit, dans un marché mondial de prix d’émission, une allocation supplémentaire.