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mercredi 4 septembre 2019

Revolution du stockage par batteries stationnaires




Sous la plume de Vincent Collen, le quotidien « Les Echos » a publié le 20 août 2019 un article intitulé :

« La révolution du stockage de l’électricité est en marche »


Notre conclusion

Le développement, nullement improbable, des batteries de stockage de l’énergie électrique de réseau, sera à inscrire dans la liste des erreurs stratégiques majeures, en concurrence avec le véhicule tout-électrique. Ces erreurs auront pour effet de retarder l’indispensable et urgente baisse des émissions de CO2, car l’allocation des ressources publiques ou privées disponibles aura été loin de l’optimum.


Message

Notre blog avait largement traité ce sujet dans 16 messages publiés en 2014 et figurant dans le sommaire « Energie ». Notamment, l’utilisation ou la réutilisation des batteries Li-Ion de l’automobile pour le stockage de l’énergie de réseau a été traité dans un message qui a conservé toute sa pertinence. 
Le texte intégral des « Echos » qui prévoit une très forte croissance du marché des batteries stationnaires d’énergie électrique, figure ci-dessous sans les photos, est résumé en bleu ci-après, avec nos commentaires :

Abréviations :
  • K pour kilo (000)
  • M pour méga (000 000)
  • G pour Giga (000 000 000)

 A. Progression du marché de 16% par an pour atteindre 27 G$/an en 2030 et 58 G$/an en 2050.
Le marché actuel n’est pas mentionné. Les croissances ne sont pas cohérentes avec les montants :
  • La progression annoncée de 2030 à 2050 ne correspond qu’à une croissance en valeur de 4% par an.
  • Une progression de 16% sur cette même période amènerait le marché à 525 G$ en 2050, invraisemblable.
  • Ces chiffres sont donc peu crédible…
 B. Progression de la capacité de stockage d’un facteur 100, de 10 GW à 1 000 GW en 2040.
  • Il s’agit en réalité de GWh (énergie) et non de GW (puissance).
  • Une progression d’un facteur 100 en 21 ans correspond à une croissance en volume de 26% par an, à nouveau incohérente avec les 4% et les 16% en valeur du paragraphe précédent, même en tenant compte d’une baisse de prix.

 C. Les éoliennes et PPV sont indispensables à la réduction des gaz à effet de serre, mais leur production est intermittente.
  • Les éoliennes et PPV peuvent en effet contribuer à la réduction des GES, notamment aux basses latitudes, mais ne sont nullement indispensables, car d’autres solutions décarbonées existent : le nucléaire, l’hydraulique, le biogaz, capables de produire en continu ou à la demande aux prix de marché actuels.
  • Le simple passage du charbon au gaz à cycle combiné réduit l’émission de CO2 des deux tiers, et est possible à court terme (essentiel, car il y a urgence) à un prix raisonnable.
  • Le recours aux énergie intermittentes restituées après stockage, n’a donc de sens que si elles restent compétitives après coût de stockage.
D. Le marché se développe parce que l’écart de prix de marché du MWh entre les périodes de production insuffisante (crêtes) et excédentaires (étiage) ne cesse d’augmenter.

L’affirmation est exacte, mais doit être explicitée et complétée :
  • La production des PPV sous les latitudes moyennes (Europe, USA) est contracyclique : élevée pendant l’étiage de consommation des journées d’été, et nulle pendant les pointes de consommation qui se situent toujours la nuit en hiver. Il en va différemment dans les pays tropicaux, où les pointes de consommations dues aux climatisations coïncident avec la production des PPV. Ces derniers  n’ont donc aucun intérêt sous nos latitudes.
  • Il est possible de réduire les pointes de consommation par un tarif dynamique (« yield management ») qui réduit alors la demande par augmentation du prix.

E. Le prix des grosses batteries Li-Ion va baisser de 360 $/KWh actuellement à 170 $ en 2030. Des projets sont lancés :
  • 1,8 GWh en Californie en 2020
  • 3 GWh à New-York en 2030
  • Remplacement de centrales de pointe à charbon ou gaz
  • 100 MWh d’ici 2 ans
  • Et jusqu’à 1 GWh
  • Ils aboutiront à 80 % d’énergies renouvelables dans certains états ou pays.
Tous ces belles prévisions doivent être évaluées économiquement.
  • Le coût d’un MWh solaire produit par PPV est au minimum de 80 $ 
  • Une batterie perd 30% de sa capacité en environ 1 500 cycles. Si on la réforme quand sa capacité tombe au tiers de sa valeur initiale, elle aura stocké environ 3 000 fois sa capacité initiale. Le seul prix de l’usure de la batterie est donc 360 M$ / 3000 cycles = 120 $ 
  • Son rendement (Energie restituée / énergie reçue) est d’environ 80%.
  • Le prix du MWh restitué est donc : (80 $ +120 $) / 80% = 250 $/MWh
  • Or le prix de marché se situe entre 40 et 200 $/MWh
Une autre comparaison est éclairante : Sur leurs durées de vie :
  • Une batterie de 1 MWh coûte 360 K$ et restitue 3 000 MWh
  • Un EPR coûte 4 000 K$ par MW (11 fois plus) et restitue 240 000 MWh (80 fois plus) en 40 ans à 70% de sa capacité, avec un coût marginal extrêmement bas.
  • Il est donc 7 fois moins cher, et finalement plus écologique, de produire de l’électricité décarbonée que de la stocker, même si le facteur de charge des EPR devait ainsi baisser quelque peu.
La prévision d’une baisse de prix de 360 $ à 170 M€/MWh en 2030 est contestable. La « courbe d’expérience » qui sert de base au Boston Consulting Group, reconnue comme très pertinente, prévoit une baisse de 10% à 20% du prix de revient de n’importe quel produit ou service industriel pour chaque doublement de la quantité cumulée produite. Partant du prix actuel, et en se basant sur 15% appliqué aux batteries Li-Ion, et sur l’une ou l’autre des lois de croissance envisagées en A. ci-dessus, on arrive aux alentours de 320 $/MWh, soit pas loin du double du prix annoncé, sans baisse massive du prix de revient du MWh restitué.

En plus, la production diurne d’une ferme solaire varie d’un facteur 10 entre le solstice d'été et le solstice d'hiver : ceci signifie que de novembre à février le stockage diurne de  ne sera pas possible faute de production suffisante en journée, car il n’est évidemment pas envisageable de stocker l’énergie sur une demi-année au lieu d’une demi-journée, pour un prix 365 fois plus élevé ! Le stockage d’énergie PPV ne se développera donc pas sans subventions :
  • Par défaut de production de novembre à février
  • Par coût excessif, même aux périodes favorables


F. Le stockage à domicile est promis à un bel avenir grâce à des ménages prêts à faire des sacrifices pour participer à la révolution énergétique.

C’est probablement exact, quoique difficilement prévisible. Le « Green washing » par les médias est tellement intense que de nombreux citoyens éco-responsables seront tentés d’investir dans des batteries domestiques stationnaires pour ne consommer que de l’électricité supposée verte, en ne se préoccupant ni de leur pertinence économique, ni de leur durée de vie, ni de leur caractère intrinsèquement polluant, émetteur de CO2 et consommateur de matières premières rares importées. Si en plus, des politiciens bien-pensants, mais mal informés, y ajoutent quelques aides publiques, alors le succès est probable pour ce marché, ce qui sera un échec pour la planète !


Annexe: 

Notre analyse des marchés, prix et quantités des batteries stationnaires Li-Ion basée sur les chiffres publiés par Les Echos.
  • Cellules vertes : données "Les Echos"
  • Cellules rouges : conclusions discordantes
  • Cellules bleues : hypothèses de calcul réduisant les discordances



 ______________________________________________

Texte intégral des « Echos »
Vincent Collen @VincentCollen

Stocker l’électricité pour compenser l’intermittence de la production des éoliennes et des panneaux photovoltaïques est l’un des grands défis à relever pour réussir la transition énergétique. Ce marché du stockage est encore balbutiant mais devrait progresser de 16 % par an en moyenne pour atteindre 27 milliards de dollars en 2030, estime Bank of America-Merrill Lynch, qui vient de publier une étude sur ce sujet. Il atteindrait 58 milliards en 2040. A cet horizon, pas moins de 6 % de la production électrique mondiale pourrait être stockée dans des batteries, prévoient les experts de la banque américaine. Pour Bloomberg NEF, on passerait des capacités très modestes installées aujourd’hui sur la planète (moins de dix gigawatts, l’équivalent de dix réacteurs nucléaires) à plus de 1.000 gigawatts en 2040.

Les moteurs de cette expansion sont puissants et ils s’alimentent les uns les autres. Le premier, c’est l’essor des énergies renouvelables, indispensable pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or les éoliennes ne produisent pas d’électricité quand le vent ne souffle pas. Idem pour les panneaux photovoltaïques lorsqu’il n’y a pas de lumière. Bref, les renouvelables produisent parfois trop lorsque la demande est faible, et pas assez lorsqu’elle est forte. Le stockage de l’électricité permet de lisser ces pics et ces creux. Avec une capacité de stockage de quatre heures, une ferme solaire générant de l’électricité pendant huit heures verrait ainsi sa production effective portée à douze heures, soit un gain de 50 %.

Le marché est appelé à se développer parce que l’écart de prix entre les périodes de pic de la demande et celles où les capacités sont excédentaires ne cesse d’augmenter. Les acteurs du stockage peuvent donc saisir un créneau qui devient rentable. Dans l’idéal, il faudrait réussir à stocker l’énergie pendant quatre à six heures, explique l’étude de Bank of America. Mais, même en la conservant deux à trois heures seulement dans des batteries, on pourrait augmenter la part des renouvelables dans la production d’électricité de 10 à 15 %, ce qui la porterait de 10 % aujourd’hui au-delà de 60 % au milieu du siècle, estime la banque.

Le stockage prendra plusieurs formes. L’essentiel sera réalisé par les compagnies d’électricité, grâce à des batteries disposées à proximité d’un champ d’éoliennes ou d’une ferme solaire, par exemple. En complément, les foyers participeront eux aussi au mouvement, en installant une batterie dans leur cave ou en déchargeant l’énergie stockée dans leur véhicule électrique lorsque ce dernier n’est pas utilisé.

Autre atout indispensable pour le stockage des énergies vertes, la baisse indispensable du prix des batteries. Entre 2010 et 2018, le coût d’une batterie lithium-ion a déjà décliné de 85 %, selon Bloomberg NEF. Il devrait encore baisser de moitié d’ici à 2025, notamment grâce aux économies d’échelle réalisées avec l’essor du parc de véhicules électriques. « Le prix des grosses batteries pour les compagnies d’électricité va passer de 360 dollars par kilowattheure aujourd’hui à 170 dollars en 2030 », calcule Yayoi Sekine, analyste chez Bloomberg NEF.

Des projets ambitieux
Malgré cette chute, le développement du stockage nécessitera des investissements massifs : 662 milliards de dollars au cours des vingt prochaines années, toujours selon Bloomberg NEF. Certaines régions sont en avance, à commencer par quelques Etats américains, dont les politiques énergétiques mettent l’accent sur le stockage, poursuit Bank of America. La Californie vise ainsi 1,8 gigawatt de capacités installées dès 2020, New Yor k 3 gigawatts en 2030. Des compagnies d’électricité comme XCel en Floride ont déjà proposé de remplacer des centrales à gaz ou au charbon par des batteries géantes associées à des capacités de production solaire ou éolienne. L’Europe et l’Asie sont moins avancées, mais le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Australie, la Corée et la Chine développent aussi des projets ambitieux. « Des projets à 100 mégawatts permettant de stocker l’électricité pendant quatre heures se multiplient, confirme Yayoi Sekine. D’ici à deux ans, nous verrons émerger de très gros projets de stockage qui atteindront jusqu’au gigawatt [1.000 mégawatts, NDLR]. » Alors les équilibres de la planète énergie pourront être bouleversés, souligne Bank of America. Grâce au stockage, certains Etats américains ou pays européens pourraient voir la part du renouvelable dans leur production d’électricité dépasser 80% dès 2030.

Le stockage à domicile promis à un bel avenir

Tiré par, le marché du stockage résidentiel de l’électricité est appelé à quintupler au cours des cinq prochaines années en Europe, prévoit Wood Mackenzie

Le stockage de l’électricité à la maison, grâce à une batterie installée à la cave ou dans le garage, s’annonce comme un complément intéressant à l’essor des énergies renouvelables. Le marché mondial est encore très modeste, mais il commence à atteindre une taille significative dans les pays où s’est développée la production d’électricité à domicile, le plus souvent grâce à des panneaux photovoltaïques fixés sur les toits. En Europe, le stockage résidentiel de l’électricité sera multiplié par cinq au cours des cinq prochaines années, atteignant 6,6 gigawatts heures en 2024, prévoit le cabinet Wood Mackenzie.

Le marché est aujourd’hui concentré en Allemagne, où le gouvernement a encouragé l’essor du solaire résidentiel dès 2013. Les pouvoirs publics ont pris en charge jusqu’à 30 % du coût de l’installation les premières années. Cette part est tombée à 10 % l’an dernier et à zéro depuis le 1 er janvier. Mais l’impulsion a été suffisante pour que 125.000 foyers s’équipent, d’autant que le prix des panneaux et des batteries a chuté dans le même temps.

Participer à la révolution énergétique
 « Après ce succès en Allemagne, le stockage résidentiel commence à gagner d’autres pays d’Europe, en particulier en Italie et en Espagne », explique Rory McCarthy, analyste chez Wood Mackenzie. Selon lui, le marché peut désormais se développer sans subventions, car le prix de l’électricité générée à domicile se rapproche de celui qui est commercialisé par les fournisseurs. « On s’approche de la parité dans ces trois pays européens », constate l’expert.

« Le stockage à domicile était jusqu’à présent tiré par des ménages prêts à faire un sacrifice financier pour participer à la révolution énergétique », poursuit l’expert. C’est en train de changer. Au fur et à mesure que les tarifs de l’électricité augmentent en Europe, la production et le stockage à domicile seront adoptés, de plus en plus, comme une protection contre les hausses de prix des fournisseurs.

Le phénomène devrait moins toucher la France, car l’incitation y est moindre, l’électricité vendue par EDF et ses concurrents étant parmi les moins chères du continent, explique Rory McCarthy. Le développement devrait être également moins rapide au Royaume-Uni, où le pouvoir d’achat des ménages est sous pression. — V. C.



mercredi 2 décembre 2015

Centrale solaire Neoen à Cestas : Quelle erreur !




Résumé

La nouvelle centrale solaire de Cestas (Gironde) construite par Neoen, présentée comme la plus grande d’Europe, atteint une puissance installée de 300 MW capable de produire 350 GWh par an, soit un facteur de charge de 13%. Elle est basée sur un contrat d’écoulement prioritaire à 105 €/MWh, prix en baisse par rapport aux précédents, pendant 20 ans.

L’investissement atteint 285 M€ et occupe 260 hectares. Le chiffre d’affaires escompté sur 20 ans est égal à 2,6 fois cet investissement initial. La lumière du soleil étant gratuite, et tous les traitements électriques automatisés, les frais d’exploitation se réduisent à la maintenance (nettoyage des panneaux, maîtrise de la végétation). Sa rentabilité est évidente, mais sa compétitivité alléguée par Neoen ne l’est nullement.  

Cette superbe réalisation a néanmoins quelques menus défauts congénitaux :

  • L’écart entre le prix de marché moyen de 40 à 50 €/MWh et les 105 €/MWh garantis, sera payé par l’abonné via la CSPE.
  • Elle est contra-cyclique, produisant beaucoup en été et milieu de journée, peu en hiver, rien la nuit, à l’opposé de la demande plus forte en hiver et la nuit, alors qu’il n’existe pas de moyen de stockage économiquement viable loin des montagnes.
  • Face à un prix de marché très variable entre 0 et 1 000 €/MWh, elle n’est compétitive que dans les périodes de forte demande pendant lesquelles elle ne produit pas ou peu : en hiver et la nuit !
  • Presque toute sa production prioritaire viendra réduire la production électronucléaire décarbonée dont le coût marginal est extrêmement bas. Elle n’aura donc qu’un effet insignifiant sur la réduction des émissions de CO2.
  • De ce fait, elle ne compensera jamais sa propre trace carbone liée à l’investissement et à l’absence de forêt sur 260 hectares.
  • Elle ne produira, à contretemps, que 4% d’une tranche électronucléaire moyenne qui tient sur environ 50 hectares.
  • Au final, elle aura aggravé les émissions de CO2, et coûté 735 M€ à la collectivité, payés soit directement par la CSPE, soit indirectement par l’amortissement des installations électronucléaires sur une production réduite.
Cette énergie présupposée verte est donc en fait une erreur stratégique économique et écologique majeure !

Les contrats à prix fixe garanti et priorité d’écoulement devraient être remplacés par des contrats d’abondement en pourcentage fixe sur un chiffre d’affaires réalisé au prix de marché, sans priorité. La vérité des prix, et donc la compétitivité, apparaitraient alors clairement. De là à parler de compétitivité…

Développement

Les médias, et notamment « Les Echos » nous font part de l’inauguration d’une centrale solaire construite par Neoen, qui serait la plus puissante d’Europe, sur 260 hectares, dont 246 de panneaux solaires, à Cestas, en Gironde, et annoncent la compétitivité de l’énergie solaire. Une annonce d’une telle importance mérite quelques minutes de réflexion...

Le tableau ci-dessous inclut les données publiques, communiquées par Neoen ou connues. Des calculs simples aboutissent à des paramètres significatifs.



Commentaires :

  • La production annoncée de 350 GWh par an correspond à 13% de la puissance installée sur l’année. C’est peu, mais c’est incontournable pour des panneaux quasi-horizontaux fixes sous cette latitude de 45°N.
  • L’investissement ramené au GWh produit est de 814 M€/GWh. C’est environ le quart de l’investissement nécessaire pour la même puissance en électronucléaire à construire. Mais la durée de vie est environ le tiers, pour autant qu’elle soit connue. L’avantage réside surtout dans les moindres frais financiers, qui obèrent par ailleurs les installations à très longue durée de vie.
  • Le chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 37 M€, ce qui correspond, sur la durée du contrat (20 ans), à 735 M€.  couvrant 2,6 fois l’investissement initial (sans tenir compte des frais, mais ceux-ci sont assez bas : pas de matière première, entretien se limitant pratiquement au nettoyage des panneaux et à la maîtrise de la végétation). La rentabilité pour l’investisseur est assurée, son risque se limitant à une durée inférieure aux prévisions.
  • Le prix de revente de l’énergie électrique à 105 €/MWh, en baisse par rapport aux installations plus anciennes,  est utilisé par l’exploitant pour affirmer la compétitivité de son installation, car ce prix est en effet proche des réacteurs nucléaires EDF en projet au Royaume-Uni.



Photo « 20 minutes »

  • Cependant, en première analyse effectuée sur des valeurs moyennes sur l’année, cette affirmation se révèle être une allégation, car :
    • Le coût des réacteurs en référence est lourdement grevé de frais financiers.
    • Si la centrale de Cestas était construite à Birmingham (54° de latitude Nord et nébulosité élevé), sa production serait très réduite pour les mêmes coûts : elle ne serait pas compétitive !
    • Selon la Cour des Comptes, et selon les définitions utilisées notamment en matière de financement, le MWh électronucléaire produit en France revient entre 33 et 50 €/MWh, démantèlement inclus, cohérent avec un prix moyen français de 40  à 50 €/MWh sur le marché de gros auquel il participe pour près de 80%.
  • En seconde analyse, cette compétitivité n’a aucun sens, car elle n’est pas simultanée avec la demande :
    • La production photovoltaïque est intermittente, nulle la nuit et très faible en hiver, quand on en a besoin, et excédentaire en été et en milieu de journée, quand on n’en n’a pas besoin.
    • Elle produit donc aux moments où le besoin est faible, inférieur à la capacité nucléaire, parfois inférieur aux livraisons prioritaires des autres énergies fatales (éolien, hydrolien, hydraulique au fil de l’eau…), amenant des prix de marché inférieurs à la moyenne, donc moins de 40 €/MWh, voire nuls ou négatifs (importations vertes d’Allemagne). L’écart avec les 105 €/MWh contractuels sera réglé par l’abonné via la CSPE !
    • Les consommations élevées, excédant la capacité électronucléaire et donc relevant le prix de marché au niveau du prix des centrales à énergies fossiles, se produisent en hiver en raison de l’augmentation de la demande en chauffage et éclairage. Les crêtes, qui sont toujours de nuit, par temps très froid, en début ou fin de jours ouvrables, amènent des prix très élevés du MWh, pouvant parfois dépasser les 1000 €/MWh pour plus de 100 GW consommés en France, mais la centrale Neoen, comme toutes les semblables, n’en bénéficiera pas : elle est contra-cyclique.
    • Sa compétitivité est donc virtuelle, limitée aux moments où elle ne peut pas produire !
    • Par surcroît, elle ne remplace rien : la capacité installée doit pouvoir couvrir les crêtes de consommation, aux importations près, sous peine de « black out », comme le 13 décembre 1978. On ne peut donc pas prendre en compte les centrales fatales dans la capacité installée, faute de pouvoir en disposer à tout moment. Elles viennent en plus…
    • Un écologiste en fin d’une vidéo de présentation, après avoir expliqué que l’énergie solaire n’est pas vraiment écologique eu égard à son emprise au détriment de la végétation, suggère de la « compenser » par l’arrêt d’un réacteur nucléaire. Il n’a rien compris :
      • Une centrale solaire, dont la production à temps partiel est équivalente à sa pleine puissance 13% du temps, ne peut en aucun cas remplacer une source d’énergie pilotée, potentiellement permanente, comme une centrale électrothermique ou électronucléaire.
      • La production annuelle de Cestas (350 GWh sur 260 hectares) ne dépasse guère 4% d’une tranche de centrale nucléaire moyenne (1GW à 90%, soit 7 900 GWh sur environ 50 hectares).
    • Le stockage de l’énergie électrique, souvent présenté comme une solution à l’intermittence des centrales solaires, n’en n’est pas une :
      • Le stockage diurne est envisageable uniquement par des STEPS (centrales hydrauliques de haute chute réversibles), qui nécessitent de hautes montagnes, principalement les Alpes, à 1000 km aller-et-retour de Cestas, et donc pratiquement impossibles en coût et en capacité de transport.
      • Les batteries et l’hydrogène, peuvent assurer le stockage diurne au plan technique, mais pas au plan économique :
        • L’hydrogène, car son mauvais rendement de restitution / entrée vient multiplier par 3 le prix de l‘énergie amont, avec ajout du coût très élevé du stockage proprement dit.
        • Les batteries, car leur durée de vie limitée amène un amortissement  par cycle plusieurs fois supérieur au prix de l’énergie stockée.
      • Le stockage saisonnier de l’été à l’hiver, sur au moins trois mois, n’est même pas envisageable.
  • Par surcroît, la conception de cette centrale de Cestas est particulièrement critiquable en matière de saisonnalité. Par un effet pervers du contrat de vente à un prix constant totalement déconnecté du prix de marché, l’investisseur n’a aucun intérêt à s’intéresser à ce marché qui reflète la demande, mais tout intérêt à optimiser sa production annuelle cumulée, fût-elle à 14 h en été. Ainsi, au lieu d’opter pour des panneaux orientés vers le sud avec une inclinaison un peu supérieure à l’angle de latitude, ici 50° par exemple,  pour améliorer la production en hiver, Neoen a choisi des panneaux horizontaux selon l’axe nord-sud, qui privilégient outrageusement l’été, sont simples à monter, et autorisent une densité de panneaux solaires approchant les 100% de la surface du terrain, part non négligeable de l’investissement. L’inclinaison est-ouest, de l’ordre de +/-10 degrés alternés, ne privilégie guère les débuts et fins de journée, mais a certainement pour but principal de réduire le coût de la maintenance : moindre accumulation de poussières, et écoulement de la pluie qui chasse une partie de la poussière déposée.
Conclusion

Cette superbe réalisation technique n’aboutira qu’à :
  • Economiser un peu d’uranium (sans réduire les coûts d’exploitation des centrales électronucléaires impliquées qui sont presque indépendants de leur production dont le coût marginal est extrêment bas (2 €/MWh).
  • Augmenter la charge de la CSPE pour l’abonné EDF.
  • Ne pas réduire les émissions de CO2, sauf coïncidence rare entre une pointe nécessitant l’appel aux centrales électrothermiques avec un ensoleillement significatif.
  • Ne pas compenser sa trace carbone d’investissement qui vient s’ajouter aux autres émissions !
Il est indispensable de sortir des prix fixes garantis assortis d’une priorité de livraison, qui sont un déni de la réalité, pour les remplacer, à titre transitoire, par un abondement en pourcentage fixe sur le chiffre d’affaires réalisé au prix du marché, qui contraindrait les producteurs à s’intéresser à ce marché. Il serait pris en charge par la CSPE. L’abondement nécessaire à l’apparition d’investisseurs serait un bon indice de la compétitivité de cette filière. L’abondement zéro, indispensable à terme, n’est pas pour demain !

La compétitivité de l’énergie photovoltaïque ne sera avérée que lorsqu’une société industrielle privée  lancera une telle centrale, dans une concurrence libre et non faussée par des contrats de prix garanti ou d’écoulement préférentiel, ou autres subventions à l’investissement.


samedi 17 octobre 2015

Electricité solaire compétitive ?




Résumé :

Le prix garanti de 70 €/MWh annoncé pour les futures centrales solaires de forte puissance (plusieurs centaines de MW) est compétitif par rapport au fioul, mais reste supérieur au nucléaire, au charbon et au gaz. Le prix de marché, très fluctuant selon la demande et les moyens disponibles, n’est supérieur aux 70 €/MWh que lors de pointes de consommation qui se produisent généralement en hiver et en soirée, c’est-à-dire quand la filière solaire ne produit pas !

Le prix garanti fixe accompagné de l'obligation de rachat par les opérateurs de réseau permet aux producteurs de se désintéresser complètement du prix de marché, et d'optimiser leurs installations selon leur propre intérêt, c'est à dire de maximiser la production, fût-elle en été. Cet effet pervers est finalement à la charge du consommateur via la CSPE. Pour aider une filière non encore mature, il serait grandement préférable de remplacer ces avantages actuels par un simple  abondement x%, par exemple 50%, sur le prix facturé. Ceci rétablirait, sans charge publique supplémentaire, le lien entre demande et prix de marché, et inciterait ainsi les producteurs à optimiser leurs panneaux pour la production en hiver, et en matinée et soirée, contrairement à ce qu’ils font actuellement sous l’influence du prix constant sur l’année.



Dans son article du 12 octobre 2015, le quotidien « Les Echos », sous la plume d’Anne Feitz, nous annonce que « le solaire photovoltaïque devient compétitif en France ». Cette annonce de première importance mérite une analyse.

Saluons sans arrière-pensée la baisse de prix très importante qui aboutit à pouvoir vendre au prix contractuel garanti de 70 €/MWh pour les nouveaux contrats de plusieurs centaines de MW.  Elle nous amène à ajouter cet élément (entouré en rouge, à droite) sur notre tableau ci-dessous, établi en 2013, de comparaison des filières : le progrès est spectaculaire.



Ce tableau montre non seulement le coût du MWh par filière en ordonnées logarithmiques, mais aussi sa disponibilité en abscisses. Le problème de la production électrique n’est nullement de produire une certaine quantité sur l’année pour satisfaire la demande, mais bien de satisfaire cette demande à chaque instant tout au long de l’année.

La concurrence entre filières ne s’exerce donc pas sur des prix moyens, mais sur les prix instantanés, d’autant plus élevés que la demande est forte et nécessite ainsi de mobiliser des moyens plus coûteux, notamment énergies fossiles. Examinons sous cet angle cette nouvelle compétitivité…

Dans les pays du sud non producteurs de pétrole :
  • L’ensoleillement supérieur, la nébulosité inférieure et la latitude plus basse permettent une production supérieure, et moins fluctuante sur l’année, pour le même investissement, donc un prix encore plus bas.
  • Les filières nucléaire et hydraulique sont généralement inexistantes.
  • Les pointes de consommation dues aux climatisations sont en journée et surtout en été.
  • La filière photovoltaïque est compétitive par rapport à du pétrole importé
Malgré la variabilité de la production solaire, et parce qu’elle est plus ou moins en phase avec la consommation, cette filière permet une réduction des émissions de CO2 et une économie de combustibles fossiles. C’est l’application idéale. Le recours aux énergies fossiles restera nécessaire pour assurer la production de nuit, et plus encore en soirée, mais elles pourraient devenir minoritaires.

Dans les pays pétroliers tels qu’Emirats et Arabie Saoudite, bénéficiant  d’un prix d’extraction de l'ordre de 10% à 20% du prix de marché actuel, le solaire n’est jamais compétitif, sauf si le pays concerné considère le manque à gagner à l’exportation plutôt que le coût d’extraction. Il rejoint alors le cas précédent. Cette dernière approche les amène aussi à envisager aussi du nucléaire.

Mais la situation de la France, avec ses 43° à 50° de latitude nord et ses 92% d’électricité décarbonée, est fortement différente :
  • La production solaire est contra-cyclique: forte  à la mi-journée et en été, faible en hiver, nulle la nuit, alors que la consommation est faible en été, forte en hiver, avec des pointes au début ou à la fin des longues nuits hivernales.
  • Malgré cela, le tarif contractuel constant de rachat de l’électricité solaire incite les producteurs à choisir une faible inclinaison des panneaux pour optimiser la production estivale prépondérante, au détriment de la production hivernale beaucoup plus faible.
  • Malgré ses progrès spectaculaires, la filière solaire n’est devenue compétitive que par rapport à l’éolien et au fioul (tableau ci-dessus).
  • Sa « compétitivité » n’est donc réelle que lorsque :
    • Le nucléaire est saturé
    • L’hydraulique aussi
    • Les centrales à gaz et à charbon aussi
Une telle occurrence est rare, de l’ordre de 10% du temps au plan national. Elle peut être plus fréquente dans les régions dépourvues de centrale nucléaire (Bretagne et PACA). Mais ces occurrences sont presque toujours en hiver et de nuit…


Autrement dit, si une centrale solaire devait écouler sa production photovoltaïque à 70 €/MWh sur un marché parfaitement concurrentiel, elle ne serait capable de vendre qu’aux moments où elle ne peut pas produire !

Le stockage, déjà largement traité dans notre blog, est toujours un facteur d’augmentation important des coûts, en raison de son propre coût, toujours élevé en dehors des STEPs, et de son rendement, toujours inférieur à 100%. Il n’est donc pas de nature à améliorer une compétitivité insuffisante.

Bien entendu, dans les faits, la réglementation impose aux opérateurs de réseau d’absorber prioritairement les productions éoliennes et solaires au prix contractuel. Elle assure ainsi la viabilité de ces filières, et répercute les surcoûts à l’abonné par la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité), au détriment de sa compétitivité ou de son pouvoir d’achat.

Il n’est pas pour autant absurde de vouloir aider une filière nouvelle. Mais il faudrait le faire en se rapprochant des conditions réelles de marché, en supprimant le prix forfaitaire du rachat obligatoire actuellement en vigueur, et en le remplaçant par un abondement par rapport au prix de marché : le producteur solaire reçoit en sus de sa facturation au prix de marché, un abondement égal, par exemple, à 50% de sa facturation, mais ne bénéficierait plus de la garantie d’écoulement.

Le niveau de l’abondement pourrait être ajusté pour que sa charge ne soit pas supérieure à celle du tarif garanti, et aboutisse donc à la même CSPE. Il aurait l’énorme avantage de faire prendre en compte le moment de la production, ce qui amènerait des progrès dans la disposition des panneaux :
  • Panneaux plus inclinés pour privilégier l’hiver (prix de marché plus élevé) par rapport à l’été
  • Panneaux pivotants sur un axe incliné de 45° (latitude) pour suivre le soleil en journée, et augmenter ainsi les productions matinale et vespérale, pour la même raison.