jeudi 24 décembre 2020

Polémique sur les hybrides rechargeables

 

Résumé

Un Véhicule Hybride Rechargeable (VHR) est une variante du Véhicule Hybride (VH) dont la batterie, de capacité accrue, peut être rechargée :

  • soit à partir du carburant du moteur thermique entraînant un  alternateur, comme un VH.
  • soit à partir du réseau 230 V par un chargeur, comme un VE.

Il peut ainsi fonctionner :

  • soit comme un Véhicule Electrique (VE) pur,
  • soit comme un Véhicule Thermique (VT) pur (sauf les Toyota)
  • soit encore, le plus souvent, comme un Véhicule Hybride (VH).

L’essai normalisé WLTP d’émissions de CO2 et de consommation, limité à 30 minutes, dont 17 de trafic urbain et 13 de trafic routier, se trouve biaisé : le VHR utilise simultanément ses deux sources d’énergie, ce qui lui permet d’afficher des consommations de carburant, et donc d’émissions de CO2 très basses, grâce à l’utilisation de l’énergie électrique stockée dans la batterie qui se trouve ainsi  presque déchargée en fin d’essai. Ainsi, à titre d’exemple, la berline BMW 330e ci-dessous affiche :

  • Consommation mixte 1,3 à 1,6 litres/100 km
  • Emission de CO2 : 30 à 36 g/km (Norme UE à 95 g/km)

L’acquéreur de ce VHR risque fort d’oublier que ce résultat magnifique, qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute, n’a été obtenu qu'après une recharge complète de la batterie, pendant un essai de 30 minutes au cours duquel le VHR n’aura parcouru que 24 km ! Et quelle ne sera pas la déception de cet acquéreur de constater que s’il fait 2 trajets de 30 km par jour, sa consommation revient presque au niveau des VT, voire pire qu’un VT s’il oublie la recharge nocturne, ou s’il fait un trajet au long cours, car son VHR est pénalisée par sa masse plus élevée ! C'est de cette confusion qu'est née la polémique...

Il serait donc nécessaire de modifier la norme WLTP pour les VHR en faisant passer sa phase 4, dite « haute vitesse » de 6 minutes à 36 minutes, pour un totale de 60 minutes et 70 kilomètres (au lieu de 30 minutes et 24 km), ce qui conduirait à afficher des consommations plus réalistes. Les acquéreurs seraient ainsi mieux informés, et les constructeurs ne seraient plus suspectés d’informations trompeuses, quoique conformes à la norme WLTP actuelle.

Message

Rappelons la segmentation énergétique des véhicules de tourisme :

    • Les Véhicules Thermiques (VT), à essence ou diesel, équipés ou non de « start and stop » tirent 100% de leur énergie du carburant. Ils sont dits « conventionnels ». 
    • Les Véhicules Hybrides non rechargeables (VH) font de même. Ils ne peuvent donc absolument pas être considérés comme des véhicules électriques en dépit de publicités ambigües. Leur motorisation comporte une petite batterie (0,5 à 3 KWh), et une (cas le plus fréquent) ou plusieurs (Toyota) machines électriques dont le rôle complexe est en gros le suivant :
      • En mode alternateur, de recharger la batterie si besoin est, ou de récupérer une partie de l’énergie cinétique du véhicule avec une puissance limitée au ralentissement, ne couvrant pas le freinage d’urgence.
      • En mode moteur,
        • d’ajouter son couple de crête à celui du moteur thermique pendant un temps bref, ce qui permet de réduire (« downsizing ») le moteur thermique surabondant, réduction qui améliore son rendement dans les conditions usuelles.
        • d’assurer seul des déplacements sur des trajets très courts à faible vitesse, en ville,
        • sur la plupart des VH, de remplacer le démarreur du moteur thermique.
        • dans les Toyota, de supprimer la boîte de vitesses mécanique, remplacée par un générateur à vitesse de rotation élevée alimentant un moteur de même puissance à couple élevé, selon un rapport continument variable qui permet d’optimiser le point de fonctionnement du moteur thermique dans le plan « couple vs. vitesse de rotation », et accessoirement d’assurer la marche arrière.
      • Les hybrides non rechargeables disposent ainsi d’un système électrique permettant une transmission optimisée et un petit stockage sous forme électrique de l’énergie mécanique fournie par le moteur thermique à partir du carburant. Ce système permet une réduction significative de la consommation (et donc des émissions de CO2 qui leur sont proportionnelles) en usage urbain et périurbain. 
  • Les Véhicules Electriques (VE) sont dépourvus de moteur thermique. Ils sont munis d’un ou plusieurs moteurs électriques alimentés par des batteries embarquées qui ne peuvent être rechargées qu’à l’arrêt. En raison de leur coût et de leur masse qui peuvent dépasser 30 à 40% du VE complet, la capacité des batteries est limitée (20 à 100 KWh), ce qui a pour effet de limiter aussi leur autonomie, conduisant à une utilisation principalement urbaine et périurbaine. Mais ce sont les seuls à être totalement dépourvus d’émissions locales de CO2.
  • Les Véhicules hybrides rechargeables (VHR) ont une architecture très proche des VH. Ils n’en diffèrent que par la présence d’une batterie de capacité plus élevée, de l’ordre de 5 à 10 KWh, et d’un chargeur permettant la recharge de la batterie à l’arrêt partir du réseau 230 V ou de stations dédiées. Ils sont donc vraiment hybrides, puisqu’ils ont deux modes de fonctionnement distincts, utilisant le carburant ou de l’électricité. Selon la capacité de leur réservoir, ils peuvent avoir la même autonomie qu’un VT. Selon la taille de leur batterie, ils peuvent être utilisés en mode VE « zéro émission » en ville. Ils semblent avoir toutes les qualités, en dépit d’une masse et un prix élevés. Pourquoi ont-ils déçu certains utilisateurs ? Pour le comprendre, il faut se pencher de plus près sur la norme WLTP.

La norme WLTP

Pour les véhicules de classe 3 (plus de 34 KW/tonne, c’est-à-dire la plupart), cette norme est résumée dans le cycle ci-dessous qui comporte 4 phases représentatives des conduites urbaines, suburbaines, sur route et sur autoroute, et ce en moyenne sur la vie du véhicule.

L’ensemble aboutit à une vitesse moyenne de 54 km/h, plausible sur la vie d’un véhicule qui roule en ville et s’arrêt aux feux rouges et dans les encombrements. L’autonomie d’un véhicule selon le cycle WLTP correspond à des trajets quotidiens moyens simulés par ce cycle. Lorsque le « plein » de carburant ou de batterie peut être fait tous les soirs, rapidement (carburant) ou en temps masqué (recharge nocturne d’une batterie), l’autonomie a peu d’importance dès l’instant ou elle excède nettement le trajet quotidien.

Mais pour être significative aux yeux des utilisateurs, l’autonomie d’un véhicule doit en réalité être appréciée sur de longs trajets à 110 ou 130 km/h, qu’un VT ou VH, dont l’autonomie est de 500 à 1 000 km, peut parcourir sans arrêt, ou, au pire, au prix d’un arrêt de quelques minutes pour refaire le plein de carburant. Au contraire, un VE nécessitera un ou plusieurs arrêts de l’ordre d’une heure à une station de recharge pouvant n’être ni localisée à la distance optimum, ni disponible dès l'arrivée.

L’autonomie au long cours des VE et VHR

Elle devrait donc faire l’objet d’une norme représentative des grands voyages qui pourrait se baser sur le cycle WLTP actuel modifié par une pondération majorée de la partie « très haute vitesse » qui devrait ainsi passer de 6 minutes à au moins 36 minutes pour un essai total de 60 minutes au lieu de 30. En d’autres termes, la pondération de la partie à haute vitesse serait multipliée par 6 pour abouir à la modélisation correcte d'un long trajet.

 Ce faisant, les VE, et VHR en mode électrique, seraient ramenés à la réalité :

  • Force aérodynamique prépondérante, au lieu de négligeable ou basse
  • Moindre intérêt de la récupération d’énergie cinétique
  • Force de roulement élevée en pourcentage du poids des batteries
  • Mode électrique des VHR limité à quelques dizaines de kilomètres.
  • Et donc impossibilité de privilégier le mode électrique pour afficher une moindre consommation de carburant.

On s’apercevrait alors que l’autonomie pratique des VE au long cours n’est guère supérieure à la moitié de leur autonomie WLTP qui figure actuellement sur les documentations de fabricants. Une Renault Zoé, excellent VE qui affiche 395 km d’autonomie WLTP, circulant aux vitesses licites maximum, par mauvais temps (froid, vent de SW), et voulant conserver 10% de marge de sécurité, ne pourra pas franchir les 210 km séparant Paris du Mans… Il devra recharger au-delà de Chartres. La raison principale est que la force aérodynamique à vaincre, négligeable en utilisation urbaine, devient très prépondérante à 130 km/h, et même à 110 km/h. Il pourrait peut-être faire le trajet à 70 km/h, mais il perdra ainsi une heure, soit le temps d’une recharge !

La consommation WLTP des VHR

Les VHR, souvent de grosses berlines, affichent des émissions de CO2 très basses, souvent de l’ordre du tiers des leurs homologues VT, et des consommations évidemment dans le même rapport.

Nous avons pris pour exemple le VHR BMW 330 e, dont ci-dessous photo et caractéristiques affichées par le constructeur, mais nos remarques valent pour tous les VHR qui sont presque tous de gros véhicules, souvent plus gros que cet exemple.



Le constructeur BMW affiche les caractéristiques suivantes :

 

Ajoutons sa masse, près de 2 tonnes, pour une berline de taille moyenne supérieure.

Ces résultats, qui ne sont pas mensongers, peuvent faire illusion auprès d’acquéreurs non avertis qui imaginent qu’en mode thermique les consommations seront très basses, et qu’en plus elles seront nulles en mode électrique, le tout avec une très large autonomie...

En réalité, conformément à la norme, l’essai WLTP est fait en mode mixte : pendant les 30 minutes de test, le VHR, dont la batterie est initialement chargée, va utiliser au l’énergie  électrique préalablement stockée, ne recourant au mode thermique que dans les conditions les plus favorables, principalement en haute et très haute vitesse, pour ne pas vider la batterie avant la fin du test.

Il faut donc comprendre qu’au cours de l’essai WLTP, le véhicule a utilisé les quantités indiquées de carburant, ET a simultanément vidé sa batterie, ce qui explique ses merveilleuses performances thermiques !

Dans les conditions réelles d’utilisation, qui peuvent être très variables au gré des circonstances, un VHR :

  • En mode thermique pur, consomme autant que n’importe quel autre VT équivalent, et même un peu plus car il est plus lourd que lui en raison de la masse du moteur électrique et de la batterie
  • En mode électrique pur, il se comporte comme un VE, avec une autonomie largement réduite en raison de sa batterie très limitée, mais il n’est pas plus lourd que le VE équivalent, car sa petite batterie compense, et au delà, la présence du moteur thermique.
  • En mode mixte, a priori préférable, il se comporte comme un VH, avec une meilleure autonomie électrique, mais aussi avec une masse plus élevée due à sa batterie plus importante.
  • Au long cours, il consommera un peu plus de carburant qu’un VH car il est plus lourd, sauf à faire des recharges fréquentes pour privilégier le mode électrique.
     Le VHR convient donc à des utilisateurs effectuant beaucoup de petits trajets urbains quotidiens             couverts par le mode électrique seul, avec recharge chaque nuit, mais voulant conserver une longue         autonomie occasionnelle qui sera obtenue en mode thermique. Sur un tel programme, il consommera      moins qu’un VH grâce au mode électrique en ville, mais sera un peu pénalisé par sa masse plus             élevée au long cours.

Pour informer correctement les clients, il suffirait de modifier la norme WLTP comme indiqué ci-dessus : l’augmentation massive des émissions et de la consommation affichées par un test WLTP porté à une heure, lèverait toute ambiguïté : il n’y a pas de miracle sur sa consommation et ses émissions de CO2.

 

Ceci aurait aussi pour effet heureux de marquer la fin des bonus abusifs pour ces VHR qui n’ont ni la propreté, ni les inconvénients des VE, et de les remettre au niveau des VH dont ils ne sont qu’une variante à capacité de batterie augmentée.

vendredi 16 octobre 2020

Taxer les SUV selon leur masse ?

Résumé

Les émissions de CO2 par kilomètre sont évaluées selon un cycle dit WLTP reproduisant la variété des types de circulation. Leurs mesures en valeurs réelles intègrent évidemment les facteurs de consommation que sont la masse (roulement et accélérations) et le volume (résistance de l’air et vitesse). Les émissions réelles au cours de la vie du véhicule ne peuvent en être directement déduites, en raison de nombreux autres facteurs imprévisibles : kilométrage annuel, durée de vie, vitesse, trafic, comportement, maintenance, charge, galeries de toit, remorques…

 Le Bonus/Malus appliqué en France est basé sur ce cycle WLTP. Il pénalise donc les véhicules lourds et/ou volumineux. Il est peu pertinent en ce qu’il ne prend pas en compte les autres facteurs imprévisibles cités ci-dessus. Il est néanmoins très dissuasif : Le malus d’un véhicule émettant 180 g/km, est de 4 279 €, pour 27 tonnes de CO2 émises en 150 000 km soit 158 €/tonne de CO2. Il monte ensuite, très vite, jusqu’à 2 133 €/tonne de CO2 pour 225 g/km !

Depuis début 2020, une nouvelle norme UE impose à chaque constructeur un maximum de 95 g/km à la moyenne des émission WLTP de ses immatriculations. Cette valeur très basse est pratiquement inaccessible. A défaut ils devront payer une pénalité de 95 €/g et par véhicule. C’est énorme, bien plus violent que le bonus/malus : si un constructeur est à une moyenne de 125 g/km (déjà très bas), il règlera (125-95) g/km x 95 €/g = 2 850 €/véhicule, soit 2,85 milliards d’euros pour 1 million de véhicules ! Dans la vie d’un véhicule parcourant 150 000 km, ceci met le prix du CO2 au-delà du seuil à 633 €/tonne de CO2 au-delà du seuil.

 Les constructeurs sont déjà contraints à réduire leurs émissions, mais :

  • Après d’énormes progrès, les moteurs approchent de leur limite théorique
  • Les véhicules se sont allégés, mais il faut éviter les matériaux énergivores ou difficiles à recycler
  • L’aérodynamisme a été amélioré, mais le marché reste demandeur de grands volumes.

Dans ce contexte, une taxe sur la masse des SUV serait redondante avec le malus et la norme UE, et absurde en ce que leur volume ne serait pas impacté. Appliquée au-delà d'un seuil de 1,8 tonne, elle serait sans effet, la quasi-totalité des véhicules thermiques de tourisme ne l'atteignant pas.

Les taxes ci-dessus sont incohérentes entre elles, et excessives dès qu’elles dépassent 200 €/tonne de CO2, niveau très dissuasif et très supérieur au prix de marché trop bas de l’UE autour de 25 €/tonne de CO2. Elles agissent sur le choix du véhicule neuf, mais ni sur les véhicules d’occasion, ni sur les autres facteurs d’émission essentiels cités ci-dessus. La simplicité et l’efficacité requièrent une taxe carbone sur les carburants, modérée mais d’assiette très large, qui serait dissuasive sur toute la durée de vie et sur tous les facteurs d'émission.

Message

Facteurs d’émission de l’utilisation des véhicules

Plus de détails au début de :  http://www.8-e.fr/2019/01/ve1-lenergie-requise-par-un-vehicule.html

1 - La masse des véhicules contribue à la consommation de deux manières :

  • la force de roulement, égale à environ 2% du poids de la voiture, est indépendante de la vitesse,
  • l’énergie cinétique, proportionnelle à la masse, si elle est détruite par un freinage, ce qui est généralement le cas en milieu urbain, mais pas forcément avant un arrêt bien anticipé.

(les côtes, largement compensées par les déclivités, et d’occurrence très minoritaire, peuvent être négligées).

2 - L’aérodynamisme « S Cx » (produit de la maîtresse section S par le coefficient de pénétration Cx) est négligeable en-dessous de 70 km/h, mais devient prépondérant au-delà de 110 km/h.

 Les SUV mal nommés, plutôt des véhicules spacieux, ainsi que les monospaces, ont à la fois une masse et un S Cx plus élevé (à surface au sol égale). Il n’est pas critiquable en soi de souhaiter un véhicule spacieux, par exemple pour une famille nombreuse, pour des raisons pratiques, ou simplement par goût personnel.

En matière d’écologie, la baisse des émissions de CO2 est le but prioritaire.

Pour y parvenir, des mesures déjà lourdes ont déjà été prises :

  • Le Bonus/Malus à l’achat des véhicules neufs
  • La norme UE d’émission moyenne maximum par constructeur

Les deux sont basées sur norme UE dite WLTP et explicitées ci-dessous.


1 - Norme WLTP

Plus de détails à la fin de :  http://www.8-e.fr/2019/01/ve1-lenergie-requise-par-un-vehicule.html

 Les émissions de CO2 sont strictement proportionnelles à consommation de carburant (essence ou gazole) exprimée en kg/100 km. (et non pas en litres).Les carburants sont principalement des hydrocarbures de la famille des alcanes de formule Cn H 2n+2. Leur masse molaire par atome de carbone est approximativement C H2 = 12 +2 = 14. Le CO2 a pour masse molaire CO2 = 12 + 2x16 = 44. 

Il s’en suit que 14 g de carburant consommés émettent 44 g de CO2, soit un facteur 44/14 = 3,14

La norme WLTP est moins optimiste (d’environ 15%) que l’ancienne norme NEDC. Son cycle est conforme à l’utilisation moyenne des véhicules sur leur vie, répartie entre ville, réseau suburbain, routes, autoroutes. Elle intègre donc bien les émissions résultant de la masse et du S Cx des véhicules.


 2 - Bonus / Malus

Plus de détails : http://www.8-e.fr/2019/02/ve-9-1-distorsion-bonus.html

 La consommation effective d’un véhicule sur sa durée de vie dépend de nombreux facteurs :

  1. sa consommation normalisée WLTP.
  2. sa durée de vie : il peut être détruit peu de temps après sa mise en service !
  3. la distance annuelle moyenne parcourue, souvent très basse pour les Ferrari et autre véhicules de rêve très peu utilisés car fort peu utilisables en dehors de Monaco et Deauville !
  4. la vitesse moyenne effective : au-delà de 110 km/h, mais aussi en-deçà de 70 km/h, consommation augmente beaucoup.
  5. le type de trafic : urbain, routier autoroutier : une vitesse constante est favorable.
  6. le comportement du conducteur, économe ou nerveux, notamment en ville.
  7. l'état de maintenance du véhicule et de pression des pneumatiques.
  8. La présence de remorques, galeries de toit et porte-vélos aggravant lourdement le S Cx.
  9. La charge du véhicule et de son éventuelle remorque aggravant la masse.

  • Le législateur français a inventé le bonus/malus qui a le défaut de ne prendre en compte que le premier des 9 facteurs en oubliant tous les autres.
  • Les 6 derniers paramètres sont des correctifs plus ou moins importants
  • Mais les 3 premiers, essentiels, sont les 3 facteurs d'un même produit :

                Consommation théorique cumulée du véhicule sur sa vie

                = Consommation normalisée x Kilométrage annuel x nombre d’années d’utilisation

                =  (1.) x (2.) x (3.)

L’abandon de 8 paramètres (parce qu’inconnus à l’avance) sur 9 rend le bonus/malus fort peu pertinent, beaucoup moins qu’une taxe carbone sur les carburants. En outre, la revente du véhicule fait disparaître la dissuasion dès le deuxième propriétaire, contrairement à une taxe carbone.

Néanmoins, étant basé sur l’émission WLTP, le bonus/malus pénalise bien les paramètres « masse » et « S Cx ». Mais ce bonus/malus, connu de tous, n’est que la partie émergée de l’iceberg ! Voir le §3 ci-dessous.

 

3 -Norme UE d’émission moyenne par constructeur

Plus de détails : http://www.8-e.fr/2019/02/ve-9-3-normes-emissions-ue.html

 La nouvelle norme UE d’émission de CO2 s’impose aux constructeurs depuis début 2020 : Pour chacun d’eux, l’émission WLTP moyenne de leurs immatriculations dans l’UE ne doit pas dépasser 95 g/km, soit 3,6 litre de gazole ou 4,1 litres d’essence aux 100 km. A défaut ils devront payer une pénalité de 95 €/g par véhicule. C’est énorme, bien plus violent que le bonus/malus : si un constructeur est à une moyenne de 125 g/km (déjà très bas), il règlera 95 €/g x 30 g = 2 850 €/véhicule. Pour 1 million de véhicules, il devra payer 2,85 milliards d’euros !

A titre transitoire, les véhicules électriques qui émettent zéro, sont pondérés dans la moyenne par un facteur 2 jusqu’à fin 2021. Cela signifie que tout VE vendu réduit d’environ 95 €/g x 125 g x 2 = 24 000 € la pénalité du constructeur ! Si on y ajoute le bonus de 7 000 € en France, le VE bénéficie d’une distorsion de concurrence de 24 000 € + 7 000 € = 31 000 €… avant pris en compte de l’absence de TICPE ! Cette taxe sur les carburants a été inventée il y a un siècle en contrepartie des infrastructures routières que les VE utilisent également. Une partie de cette taxe a été récemment repeinte en vert, mais sa véritable augmentation prévue en 2019 a été abandonnée aux Gilets Jaunes. Si l’on ajoute que les VE n’ont vraiment d’intérêt que dans les rares pays où l’électricité est fortement décarbonées (France, Suisse, Scandinavie, Islande), cette distorsion apparaît très excessive !

L’émission des véhicules hybrides rechargeables est lourdement biaisée à la baisse : leur cycle WLTP (30 minutes seulement) admet que leur batterie soit pleine au début et vide à la fin : c’est par cet artifice que des véhicules monstrueux, notamment allemands, n’affichent que 30 ou 40 g de CO2/km. Si le cycle était répété plusieurs fois de suite sans recharge, les émissions remonteraient en flèche ! C’est donc une manière très critiquable de promouvoir leur vente.

Il est vrai que les constructeurs allemands ont un plafond d’émission un peu plus élevé « justifié » par leur large part de marché dans les véhicules thermiques de haut de gamme. Cela apparaît comme injuste, mais il ne faut pas oublier que l’UE ne peut guère prendre de décision en s’opposant au plus grand de ses membres. C’est grâce à cette dérogation que l’UE a pu voter la norme d’émission WLTP avec ses pénalités, qui reste un progrès majeur.

En 2022, la pondération par 2 des VE disparaîtra, mais la norme d’émission baissera aussi, ce qui laissera une pression extrêmement lourde sur les constructeurs européens. Ils n’auront pas d’autre choix que de vendre à faible marge des véhicules électriques ou hybrides, et d’augmenter les prix des véhicules thermiques pour réduire la part de ces derniers dans leurs immatriculations dans l’UE.

Dans ce contexte, les constructeurs font des efforts désespérés pour réduire les émissions de CO2 :

  • Les moteurs sont presque au bout de leurs progrès : le « downsizing » (réduction de cylindrée) a été poussé très loin, le principe de Carnot, qui limite à 40% le rendement  des meilleurs diesels, sera toujours valide, et les normes de pollution Euro 6 compliquent les choses : il est difficile d'optimiser tous les paramètres à la fois ! Mais on pourrait se rappeler qu’un moteur diesel émet 15% de CO2 de moins que son équivalent à essence.
  • La masse fait l’objet d’efforts constants, et de gros progrès ont été faits (à taille constante, évidemment). Il suffit de lire la très sérieuse revue de la SIA (Société des Ingénieurs de l’Automobile) pour le constater. Mais elle présente un risque : le remplacement de l’acier par matériaux chers et énergivores (aluminium, magnésium, fibre de carbone), et/ou difficiles à recycler (stratifiés de verre, kevlar ou carbone)!
  • Dans le produit S Cx, le Cx n’est plus guère améliorable. Le S pourrait être réduit, mais manifestement les clients veulent des grands volumes, le marché est ainsi fait.
Retenons de tout cela que, du fait de ces normes UE, la masse et le S Cx sont sous une pression extrême, et donc l’objet de toutes les améliorations possibles. 

 

4 - Considérations écolo-économiques

La réduction des émissions de CO2 sera d’autant plus rapide que son coût sera réduit, ce qui conduit la plupart des économistes, et parmi eux notre concitoyen Jean Tirole, prix Nobel, (voir http://www.8-e.fr/2017/04/le-defi-climatique-selon-jean-tirole.html) à recommander la taxation universelle du CO2, et de lui seul, à un prix unique. Bien sûr l’universalité immédiate  pour le monde entier est un rêve, mais elle est tout à fait accessible pour l’UE et un certain nombre de pays de l’OCDE qui pourraient aussi introduire un droit de douane à l’importation des produits carbonés depuis d’autres pays.

Or les taxations du CO2 analysées ci-dessus sont parfaitement incohérentes :

  •  La taxation selon la norme UE à 95 €/gr de CO2 par km, soit 95 € pour 0,15 tonne de CO2 dans la vie d’un véhicule parcourant 150 000 km, aboutit à 95 € / 0,15 =  633 €/tonne.(en valeur marginale au delà du seuil de 95 g)
  • Le malus d’un véhicule émettant 180 g/km, (c’est-à-dire 7,7 litres d’essence ou 6,9 litres de gazole aux 100 km, rien d’extravagant) est de 4 279 € pour 27 tonnes de CO2 émises en 150 000 km, soit 158 €/tonne. (sans seuil)
  • Ces deux taxes s’additionnent pour atteindre 791 €/tonne au delà du seuil.   
  • Selon le barème prévu pour 2022, le malus maximum de 50 000 € sera attribué aux véhicules émettant 225 g/km de CO2 ou plus, (9,6 litres d’essence ou 8,6 litres de gazole). Sur ces mêmes 150 000 km, rarement atteints par ce genre de véhicule, son émission sera de 34 tonnes, soit 1 500 €/tonne, qui s’joutent également à la pénalité UE pour atteindre 2 133 €/tonne. 
  • Le cours du carbone dans l’UE est actuellement de l’ordre de 25 €/tonne, beaucoup trop bas, mais il serait facile de la faire remonter en réduisant les quotas d’émissions et/ou en introduisant une taxation directe. Voir détails.
  • Il est généralement admis qu’un cours de CO2 vers 200 €/tonne serait suffisant pour réduire énormément l’émission de CO2, notamment par action sur la production électrique au charbon et sur le chauffage des bâtiments. Alors pourquoi un tel acharnement sur l’automobile ?

 

Conclusion

  •  L’automobile est une composante essentielle de la liberté individuelle. Elle a aussi des externalités, notamment l’émission de CO2. Celle-ci doit être taxées à son prix, pas plus, pas moins, le même pour tous. Un citoyen doit être libre de choisir la voiture qui lui convient ou lui plait, à condition d’en payer les externalités.
  • Les externalités, CO2 et infrastructures routières, sont bien proportionnelles à la consommation de carburant.
  • La masse est depuis longtemps largement prise en compte dans l’émission WLTP sur laquelle se basent le bonus/malus et la norme UE.
  • Pourquoi taxer la masse et pas le S Cx par une taxe spécifique qui serait :
    • Doublement redondante avec le bonus/malus et la norme UE
    • Inutilement liberticide, quand chacun est libre d’acheter ou d’utiliser un avion de tourisme, un gros bateau à moteur, une maison immense et bien chauffée, des billets d’avion pour faire le tour du monde, de l'or, etc…
    • Limitée aux véhicules de plus de 1,8 tonne, son rendement serait insignifiant
    • L’idée d’exceptions pour les familles nombreuses (mais pas pour le covoiturage ?) fait rentrer dans une usine à gaz délirante…
  • Une taxe carbone sur les carburants est évidemment la méthode la plus simple et la plus efficace.

 

 

 

 

 

mardi 10 mars 2020

Elections municipales : Verdir les villes?





Table des matières du blog www.8-e.fr


Résumé :
Planter des arbres à la campagne contribue à fixer du CO2 atmosphérique.
Il n'est pas sûr que les bâtiments végétalisés, très tendance, soient une bonne idée
L’agrément, et non l’écologie, est la justification des arbres en ville.
L’argument écologique des candidats relève du « green washing » !

Message :

A l’approche des élections municipales, la plupart des candidats des grandes villes, et en particulier de la capitale, surenchérissent sur un thème présenté comme majeur :  Planter des arbres pour réduire la « pollution par le CO2 ».

Leur projet appelle quelques commentaires :
  • Le CO2 n’est pas à proprement parler un polluant, puisque le cycle du carbone basé sur la photosynthèse est à l’origine de la vie végétale, et donc animale et humaine. L’augmentation de son taux dans l’air (porté de de 0,03% à 0,04% en un demi-siècle) est neutre pour les animaux et humains, et favorable aux végétaux, toutes choses égales par ailleurs. Mais cette augmentation est responsable du changement climatique par effet de serre, risque majeur qui est le principal objet du présent blog.
  • Le taux de CO2 dans l’air est pratiquement uniforme dans le monde entier : émettre moins de CO2, ou le fixer dans la végétation profitera à tous, mais pas plus à ceux qui ont fait des efforts, ou là où ils les on faits, qu’aux autres : c’est le « problème du passager clandestin » explicité par les économistes. Les projets de nos candidats ne changeront en rien la situation de leurs villes en termes de CO2, qui n’est d’ailleurs nullement préoccupante en elle-même.
  • Bien entendu, la végétation urbaine est sans effet sur les pollutions urbaines, dont il est bon de rappeler les 7 principales, disparues ou résiduelles : plomb, soufre, ozone, benzène, oxydes d’azote, monoxyde de carbone, particules fines.
  • Il est bon de rappeler aussi que, selon les chiffres officiels Airparif, la qualité de l'air à Paris n'a jamais été aussi bonne, et de très loin! 
  • Planter des arbres dans les villes reste un agrément : Paris est souvent considérée comme la plus belle ville du monde, en partie grâce à ses larges avenues haussmanniennes plantées d’arbres, et à ses parcs et bois (Boulogne et Vincennes) Nous en sommes fiers, et nous l’apprécions.
Mais faut-il aller jusqu’à des constructions végétalisées, selon la tendance lourde apparue depuis quelques années. Tous comptes-faits, réduiront-elles le CO2 mondial ? 



Plusieurs éléments sont à prendre en compte :
  • Une construction végétalisée doit comporter des surfaces supplémentaires, souvent complexes destinées aux plantations, et être plus solide donc plus lourde pour supporter le poids des végétaux et de leur terre. Il faudra plus de fer et de ciment, ce qui augmentera la trace carbone de construction du bâtiment végétalisé.
  • Dans leur grande sagesse, nos parents et aïeux maintenaient en général la végétation à une certaine distance des maisons, faute de quoi elle s’insère dans le moindre interstice, abîme les façades (lierre et vigne-vierge), et arrive même à déplacer des éléments de gros-œuvre. Elle requiert donc une activité permanente d’entretien et d’évitement de divers désordres : évacuation des feuilles mortes, obstruction des canalisations d’eau pluviale par gros orage, développement des mousses et lichens. Elle amène aussi une prolifération d’araignées, d’insectes et d’oiseaux, d’où toiles et fientes à nettoyer, etc… Comme toute activité humaine, cette maintenance se traduira par du travail, des consommations (déplacements de personnel, engrais, énergie, produits phytosanitaire, transports pour évacuation…) qui auront tous une trace carbone permanente pendant la durée de vie de l’immeuble.
  • Il faudra aussi vérifier que la croissance de la végétation ne réduit pas l’apport thermique du soleil par les fenêtres. En terrasse supérieure, elle pourra apporter une ombre bienvenue en été, mais sans économie de CO2 sauf dans le cas rare où une climatisation sera supprimée de ce fait.
  • Après quelques années, l’immeuble végétalisé aura-t-il stocké plus de carbone dans sa cellulose qu’il n’en n’aura émis par sa construction et sa maintenance ? Le bilan est très complexe à faire, mais on peut en douter !
  • Quand l’immeuble arrivera en fin de vie et sera démoli, cette démolition en sera compliquée, et toute la végétation se trouvera probablement incinérée avec émission de CO2 car il est exclu que ces petites plantations puissent être utilisées en menuiserie. Au mieux, elles finiront, après un tri problématique, en granulés de bois pour chauffage individuel ou en biomasse thermique pour chauffage urbain. C’est mieux que rien, mais ça reste un piètre résultat !
  • Et nous oublions délibérément les coûts majorés de construction, de maintenance et de démolition, comme étant hors de notre sujet, encore qu'un coût a presque toujours une trace carbone.
Et pourtant, planter des forêts là où il n’y en avait pas, permet de fixer une quantité significative de carbone atmosphérique, à condition de laisser cette forêt se développer sans l’exploiter, ni en bois de menuiserie, ni en bois de chauffage. A défaut, la fixation du carbone n’aura été que temporaire.

Ainsi; depuis 1975, la France a largement augmenté la surface de ses forêts, principalement en raison de la réduction des surfaces agraires, comme le montre la carte ci-dessous : aucune région en baisse, plusieurs en forte hausse, surtout au sud-ouest d'un droite de St Malo à Menton.