Notre Ministre d’Etat, ministre
de l’Ecologie et de la Transition énergétique et solidaire, vient de
démissionner. Notre seule surprise est que cette démission inéluctable ne soit
pas intervenue plus tôt !
L’écologie est un problème
extrêmement complexe, avec des interactions multiples et contradictoires. Nous nous limiterons ci-dessous à notre
domaine de compétence, celui de l’énergie.
La transformation des énergies
primaires (charbon, pétrole, gaz, fission nucléaire, cours d’eau, soleil,
vent, chaleur géothermique, biomasse, courants marins…) en énergies utilisables pour les besoins de l’homme (chauffage,
éclairage, transport, électroménager, numérique…), souvent via l’énergie électrique, a toujours un coût et des effets négatifs
sur l’environnement, dits « externalités », parmi lesquelles :
- L’épuisement des ressources
naturelles, notamment fossiles
- L’émission de CO2 (qui
n’est pas une pollution) et ses conséquences climatiques
- La pollution de l’air et de l’eau
et du sol
Pour améliorer la situation
environnementale, il faut évidemment faire des choix et agir sur les
externalités les plus critiques, et ce, au moindre coût, dans un souci d’efficacité.
En France, où la qualité de l’air
est en
constante
amélioration, où la sécurité alimentaire n’a jamais été aussi bonne
en dépit des phobies et de l’orthorexie croissantes, où les surfaces de forêts
croissent, nous n’avons pas de problème environnemental critique, mais seulement
des voies d’amélioration à poursuivre. Mais la France fait partie du monde qui
fait face à un problème critique : le
réchauffement
climatique engendré principalement par les
émissions mondiales de CO2. La situation des émissions
françaises est assez bonne parmi les pays développés grâce à des véhicules
relativement économes en carburant, au chauffage électrique exempt d’émissions,
et à une énergie électrique dont 92% sont produits sans émissions de CO
2.
Elle reste toutefois intenable à long terme pour l’ensemble du monde, car la
population mondiale augmente et son mode de vie se rapproche du nôtre.
La réduction des émissions de CO2
est donc l’objectif majeur et urgent.
Pour ce faire, l’action du
Gouvernement, et du Ministre concerné, ne doit surtout pas comporter de choix de
moyens technologiques qu’il fait toujours sous la pression d’une opinion
publique versatile et mal informée, et de lobbies contradictoires entre
lesquels il n’a pas la compétence (technique et juridique) de trancher. Il doit
se limiter
à taxer fortement les
émissions de CO2, aussi bien relatives à l’exploitation qu’à
l’investissement (trop souvent oublié), ou à
limiter des droits à émettre négociables, ce qui revient au même à
fiscalité globale constante, comme l’a très bien montré notre Prix Nobel
d’Economie Jean Tirole dans son excellent ouvrage «
Economie
du bien commun ».
Les gouvernements ne doivent en
aucun cas subventionner des choix technologiques supposés verts. La liste des
erreurs en la matière est longue et coûteuse. Quelques exemples :
- Les producteurs d’électricité éolienne
et solaire PV bénéficient de contrats
avec prix garanti et priorité d’écoulement dans le réseau. Ils permettent
des investissements massifs qui ne peuvent en aucun cas remplacer les autres
filières sous nos latitudes en raison de leur intermittence,
et de la production
insignifiante du solaire PV autour du solstice d’hiver quand le
besoin est élevé
- L’Allemagne
a investi 350 G€ en éolien et solaire PV et sort du nucléaire, pour aboutir à
un MWh 10 fois plus chargé en CO2 et presque 2 fois plus cher qu’un
MWh français !
- La France n’a investi « que » 120 G€ dans ces mêmes
éolien et PV, mais a eu la sagesse de ne pas sortir du nucléaire. Ouf !
Mais la CSPE en bas de facture a bien augmenté les charges de l’abonné, en pure
perte.
- Le bonus-malus automobile est absurde en ce
qu’il taxe le véhicule neuf dont on ne connaît ni l’utilisation, ni la durée de
vie, alors qu’en exploitation, le carbone (CO2) vient du carburant
et non du véhicule.
- Les primes à la casse (Type « Jupette ») : les véhicules
supposés plus économes amortiront rarement la trace carbone de leur fabrication
anticipée !
- Le désastre « Autolib’ » est une
caricature : consensus de la classe politique nationale et locale,
subventions lourdes aux véhicules (Etat) et aux stations de charge
(Collectivités locales), énergie détaxée (pas de TICPE ni de TVA afférente),
avantages divers de circulation et de stationnement, pour aboutir fin juillet
2018 à un naufrage coûteux pour Bolloré comme pour la Ville de Paris qui devra
bien honorer sa signature !
- L’UE a imposé aux constructeurs
d’automobiles le maintien à 95 g/km du plafond des émissions moyennes de leurs
gammes, et ce, après durcissement des tests de consommation. Ceci aboutit à un dilemme entre une pénalité très lourde ou
des solutions techniques déraisonnables, dont les coûts seront in fine
supportés dans les deux cas par les clients. Or il existe des solutions
énormément moins coûteuses pour réduire les émissions nationales de CO2.
La
loi sur la
transition énergétique est un non-sens qui cherche à faire
plaisir à tout le monde en empilant des mesures antagonistes. Notamment, on ne
peut pas à la fois sortir du nucléaire ET réduire les émissions de CO2.
Politique énergétique
Le meilleur ministre de
l’écologie et de la transition énergétique doit être :
- Un scientifique ouvert aux technologies, capable de comprendre et de
ne pas renouveler les erreurs citées plus haut. Exemple : Jean-Marc JANCOVICI
- Un économiste qui fait confiance au marché pour obtenir les meilleurs
résultats au moindre coût. : Exemple : Jean TIROLE
- Un communicant capable de résister à l’opinion publique et de la faire
bouger. Contre-exemple : Ségolène ROYAL et le désastre Ecomouv’
- Tout le contraire d’un militant qui substitue les croyances aux
savoirs. Contre-exemple : Corinne LEPAGE
Nicolas HULOT n’est ni un technicien,
ni un économiste. C’est un militant communicant qui suit ses croyances. Son
honnêteté évidente n’y change rien : son action a été négative pour la
planète. Sa démission est une bonne nouvelle !
A défaut de réunir
personnellement toutes les qualités requises ci-dessus, son successeur pourra
néanmoins les réunir au sein de son cabinet, ce que n’a pas fait Nicolas HULOT.
Que se passera-t-il si le Gouvernement
se limite à appliquer une taxe de l’ordre de 100 €/T de CO2, (ou
des droits à émettre limités et négociables aboutissant au même prix) croissant régulièrement chaque année, et à supprimer toutes les autres subventions,
distorsions de concurrence, ou normes inapplicables, en laissant le marché
faire ses choix ?
Hors transports :
- La production électrique finira d’abandonner le charbon, et réduira le
fioul au
profit du gaz à cycle combiné (intrinsèquement moins de CO2
et meilleur rendement).
- La filière électronucléaire sera renforcée. Ses externalités (surface de
stockage des déchets ultimes) sont faibles et largement compensées par la
faible surface des ses installations en comparaison de toutes les énergies
vertes. Les vieilles centrales fermées seront remplacées. Le rapport d’experts
sur le nucléaire, dévoilé le lendemain de la démission du Ministre d’Etat,
arrive à point nommé, et en est peut-être une des causes.
- Les onéreux chauffages au fioul et au GPL disparaîtront au
profit du gaz de réseau ou de l’électricité devenue plus compétitive.
L’isolation des locaux deviendra rentable.
- Les pompes à chaleur géothermiques, ou à défaut aérothermiques, se
développeront en compensant une partie de la production électrique
supplémentaire dans le chauffage.
- Les investissements
en éolien et solaire PV
cesseront, mais, l’Etat devant honorer sa signature, les producteurs
actuels poursuivront leur activité jusqu’à l’échéance de leur contrat.
- L’autorisation du « yield management »
("tarification dynamique" : élasticité forte et permanente du prix) déjà rendu techniquement possible par
les compteurs Linky, permettra d’écrêter la demande au niveau de la capacité de
production décarbonée).
- Le prix de la fonte sidérurgique
augmentera, car il n’est guère possible de moyen de réduire l’émission de CO2
résultant de la réaction entre le coke et le minerai de fer. Mais le recyclage des ferrailles et leur
traitement en aciérie électrique se trouvera renforcé.
Transports routiers :
- Le prix du carburant augmentera encore, réduisant l’usage non
indispensable des véhicules des particuliers.
- La mode des SUV et autres monospaces
se trouvera contrariée. L’architecture
évoluera vers des véhicules
plus bas, plus étroits et plus légers, avec une puissance thermique réduite
compensée par une hybridation raisonnable, consommant jusqu’à moitié moins.
- Le diesel
fera valoir son meilleur rendement
sur les véhicules légers ou lourds destinés aux transports interurbains ou
internationaux.
- Les véhicules principalement urbains
évolueront
naturellement vers l’hybride rechargeable, d’autonomie limitée pour en réduire
le coût.
- Les véhicules exclusivement
urbains (La Poste, taxis, véhicules de livraison au dernier kilomètre en plein
développement pour la livraison des achats en ligne) évolueront vers le
tout-électrique à batteries.
- A long terme, on peut concevoir l’électrification
par caténaires d’une voie
d’autoroute, sur laquelle circuleraient à vitesse autoroutière des
véhicules, ou groupes de véhicules très rapprochés, hybrides en mode
électrique : autonomie illimitée, recharge de la batterie en roulant,
moindre énergie requise (aérodynamique), pas de perte dans la transmission
électrique.
- En dépit des annonces de Tesla,
les poids lourds interurbains ou internationaux resteront diesel. Ni les
batteries, ni l’hydrogène ne sont envisageables à un horizon prévisible. On
peut seulement espérer que la taxation plus lourde des carburants restituera un
peu de compétitivité aux voies ferrées et fluviales, mais il ne faut pas
attendre de miracles.
Transports aériens :
- Un accord international est
indispensable pour appliquer la taxe carbone au kérosène de toutes les
compagnies aériennes, et pas seulement des françaises. La hausse du prix des
carburants poussera :
- les motoristes
à améliorer encore les rendements, c’est-à-dire à augmenter les températures de
combustion, mais il n’y aura pas de miracle,
- les aéroports à remorquer les avions au sol par des tracteurs diesel
qui consomment énormément moins qu’un réacteur à petite vitesse,
- et les passagers à espacer et à réduire leurs voyages.
Transport fluvial et maritime
- L’essentiel n’est pas de réduire
la consommation des bateaux, mais plutôt de leur transférer une part importante
du fret car ils constituent le moyen de transport pondéreux à grande distance
le moins émetteur de CO2. Mais il y a là aussi des limites, et il
n’y aura pas de miracles.