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Emissions de CO2 sur investissement et exploitation par
filière de production
Résumé
Les
Renault Zoé électrique, Twingo essence et Clio diesel sont des véhicules urbains d’entrée de gamme
comparables. La Zoé est vendue avec un contrat de location de la batterie qui
débarrasse le client du risque lié à la batterie et lui apporte une bonne prévisibilité des
coûts. La comparaison des trois véhicules est ainsi très pertinente.
Autonomie
- Grâce au
calculateur, supposé sincère,
proposé par Renault, il est possible de déterminer l’autonomie selon la vitesse, la température extérieure et le type
de jantes. Dans les conditions optimum, l’autonomie annoncée de 250 km, est
confirmée à des vitesses modérées, inférieures à 90 km/h, mais tout excès de
vitesse et/ou froid vif ramènera rapidement cette autonomie vers moins de 200
km, voire 150 s’ils se cumulent.
- Si l’on
utilise une batterie usagée dont la capacité est réduite de 25%, et que l’on
veut conserver une marge de sécurité de 20%, les chiffres précédents sont
presque à diviser par deux : l’aller et retour des villes nouvelles au
centre de Paris reste jouable, mais de justesse : la préoccupation
relative à la décharge de la batterie sera présente.
- Par
comparaison, malgré des hypothèses très prudentes quant à la consommation (majoration
d’un tiers des chiffres officiels NDEC, plus majoration jusqu’à 60% moteur froid), les Twingo (35 litres d’essence) et Clio (45 litres de gazole) offrent
respectivement 480 km et 810 km en valeur typique, soit 3 ou 5 fois plus que la Zoé. La préoccupation d’autonomie
disparaît.
Coût du carburant et du
véhicule
Pour la
Zoé, le prix du carburant s’entend prix de location de la batterie inclus.
- On
constate que, contrairement aux comparaisons biaisées n’incluant pas
le coût de la batterie, le
« carburant » électrique est toujours plus coûteux que l’essence,
sauf au-dessus de 20 000 km par an, kilométrage rarement atteint par des
véhicules urbains. La Clio diesel a le prix le plus bas autour de
0,06 €/km, la Twingo autour de 0,08 €/km, alors que la Zoé, partant de
0,15 €/km pour 6 000 km/an, atteint encore 0,10 €/km pour
12 000 km/an. Le prix du risque batterie n’étant sans doute pas très
différent du prix de location, le prix très bas d’utilisation d’un véhicule
électrique au long cours, est donc un mythe.
- Si l’on
compare les coûts d’utilisation des
véhicules, amortissement et entretien inclus, et bonus écolo déduit, le
résultat ci-dessus change peu : le véhicule électrique est le plus cher,
mais se rapproche des autres pour les kilométrages élevés, supérieurs à
20 000 km/an. La Twingo à essence est la moins chère, mais perd son
avantage pour les kilométrages élevés dont la Clio diesel a besoin pour amortir
son surcoût d’achat par rapport à la Twingo, laquelle apparaît comme le
meilleur choix économique en usage urbain.
Conclusion
Pour l’utilisateur :
- La Zoé
est plus chère à l’achat et à l’utilisation qu’une Twingo ou une Clio, avec
l’inconvénient d’une autonomie très limitée.
- Ses
avantages de silence, de conduite simple et apaisée et d’entretien réduit ne
compensent pas ses inconvénients. Seule, l’image peut la sauver.
Pour la collectivité :
- La Zoé,
exempte de pollution locale et de
bruit, est un véhicule citadin idéal. Une forte réduction des émissions de CO2 s’y ajoute,
mais uniquement dans les pays disposant d’une électricité décarbonée, dont la France.
- La trace carbone de fabrication des
véhicules thermiques est rarement prise en compte, car mal connue, mais elle
est loin d’être négligeable. Le
supplément dû à la batterie des
véhicules électriques, pourrait révéler quelques très mauvaises
surprises !
- Entre le
bonus à l’achat et l’absence de TICPE et TVA sur le carburant, l'avantage fiscal consenti à un véhicule électrique
dépasse, sur sa durée de vie, le prix d’achat d’un véhicule thermique équivalent,
comme si ce dernier était offert au client ! Ceci ne pourra pas être
maintenu indéfiniment, et relativise fortement la "compétitivité" des véhicules électriques.
Développement
Renault propose trois véhicules d’entrée de gamme :
- La Zoé « Life », motorisation R75 (la meilleure autonomie),
purement électrique, avec batteries
louées par l’utilisateur.
- La Twingo « Zen », véhicule urbain exclusivement à essence.
- La Clio « Life », disponible en version diesel moyennant un supplément significatif.
Dans un véhicule, l’énergie mécanique d’origine
électrique (peu taxée) est manifestement beaucoup moins chère que l’énergie
d’origine thermique très taxée (TICPE et TVA). Pour autant, on ne peut rien
conclure sans prendre en compte le facteur de coût prépondérant qui est le
remplacement de la batterie, pouvant approcher les 10 000 €. Or la
durée de vie de la batterie est mal connue faute d’expérience, et dépend d’une
foule de paramètres. Pour l’acquéreur d’un véhicule tout électrique, c’est une
incertitude majeure.
Pour tous ses véhicules électriques, Renault propose uniquement une location des batteries selon un barème qui prend en compte le kilométrage
effectué. Le risque « batterie » est donc supporté par le
constructeur, et l’acquéreur bénéficie ainsi d’une vision claire de ses coûts,
à partir de laquelle une comparaison avec les deux sources d’énergie thermique
usuelles, l’essence et le gazole, est aisée.
Nous y procédons ci-dessous, en
termes d’autonomie et de coût.
Véhicules
Les puissances sont très
proches : 52 à 55 KW. Toutefois, la transmission CVTX (variateur mécanique
continu) de la Zoé a un rendement et une ouverture (ratio des rapports
extrêmes) inférieurs à une boîte conventionnelle à 5 vitesses. La Zoé est aussi
31% plus lourde que la Clio, ce qui se répercutera sur les accélérations. La
Twingo, moins puissante, mais de loin plus légère, dispose du meilleur rapport
puissance/masse.
Sans surprise, avec une vitesse
maximum de 135 km/h, la Zoé n’est pas une autoroutière. Bien qu’également présentée
comme citadine, la Twingo permet la
circulation sur autoroute avec une réserve de puissance limitée (maximum 156
km/h) par l’effet aérodynamique de sa hauteur supérieure, rançon de sa faible
longueur de citadine. La Clio est la plus polyvalente.
Les dimensions extérieures sont
proches, avec toutefois 10 cm de moins en hauteur sur la Clio, et 45 cm de moins en longueur sur la Twingo. Toutes sont des deux portes avec hayon arrière.
Autonomie
Renault propose aussi sur son
site « Zoé » un
calculateur
d’autonomie qui prend en compte la vitesse du véhicule, la température
extérieure (chauffage ou climatisation qui pénalise l’autonomie) et les jantes.
Il se base sur une batterie neuve de 22 KWh et ne comporte pas de marge de
sécurité. Nous le considérons par hypothèse comme sincère.
Les consommations affichées des
véhicules thermiques étant notoirement sous-estimées, nous avons retenu comme
consommation à chaud, la moyenne des consommations (urbain + extra urbain)
affichées majorée d’un tiers (+33%). Pour les petits trajets commencés à froid,
ces consommations ont en outre été affectées d’un coefficient 1,6 pour un
trajet de 2,5 km (100 km en 20 jours par mois) se réduisant progressivement à
1,0 pour un trajet supérieur à 45 km (1 800 km en 20 jours par mois). Bien
qu’approximatifs, ces chiffres sont réalistes, en aucun cas optimistes.
Prenons le Zoé dans le cas le plus favorable :
- Batterie 22 KWh neuve
- Jantes 15 pouces
Le graphe ci-dessous donne
l’autonomie en fonction de la vitesse et de la température. Il montre un
optimum vers 50 km/h, et une décroissance en-dessous (impact des consommateurs
fixes, notamment du chauffage en hiver), comme au-dessus (apparition des pertes
aérodynamiques, rapidement prépondérantes).
Par temps doux, en usage urbain
incluant des voies rapides jusqu’à 90 km/h, on pourra compter sur 250 km
d’autonomie, qui est d’ailleurs la distance pratique annoncée par Renault dans
ses documents commerciaux. Mais par grand froid, il vaudra mieux tabler sur 200
km.
Tout excès de vitesse se paiera très
cher en autonomie : à 110 km/h, l’autonomie se réduit à 200 km en été, ou
150 en hiver. A 130 km/h, on perd 40 km de plus, vers 160 et 110
km.
Les chiffres ci-dessus sont
compatibles avec un usage quotidien entre les villes nouvelles (Cergy-Pontoise, St-Quentin-en-Yvelines,
Marne-la-Vallée) et le centre de Paris en conservant une bonne marge de sécurité,
avec une recharge par nuit.
Mais une batterie n’est pas
éternellement neuve loin de là : sa capacité décroît et son remplacement
n’est proposé par Renault qu’à partir de 25% de baisse. Il faut aussi intégrer
une décharge maximum de 80% de la batterie, soit une marge de sécurité de 20%,
et le client a le droit de choisir des jantes 17 pouces. Que devient l’autonomie dans ce cas moins favorable ?
La chute est sévère par rapport
au cas favorable précédent.
Reprenant le cas du temps doux,
en usage urbain incluant des voies rapides jusqu’à 90 km/h, l’autonomie est
ramenée à 130 km, réduite à guère plus de 100 km par temps froid : elle
est donc pratiquement divisée par deux par la prise en compte du vieillissement
de la batterie et de l’indispensable marge de sécurité.
A vitesse élevée, à proscrire par
temps froid, l’autonomie repasse sous la barre des 100 km : 80 km à 110
km/h, ou pire, 70 km à 130 km/h.
Notre banlieusard des villes
nouvelles devra faire des recharges complètes, être attentif à sa batterie, et
ne pas dépasser 90 km/h s’il fait froid. C’est jouable, mais la préoccupation
sera permanente, et aucun imprévu n’est permis.
A titre de comparaison, selon les
critères pessimistes de consommation retenus ci-dessus, les véhicules
thermiques offrent :
- Twingo : un réservoir de 35 litres d’essence permettant de 380 à 600 km selon la longueur des
trajets avec démarrage à froid.
- Clio : un réservoir de 45 litres de gazole permettant de 640 à 1020 km selon les mêmes facteurs.
Ces autonomies ne dépendent que peu de la vitesse en dessous de 90
km/h, et sont indépendantes de la température extérieure. Elles sont
pratiquement 3 à 5 fois supérieures à celle de la Zoé.
Coût du carburant et du véhicule
Renault propose à ses clients le
barème de location de la batterie suivant :
- Jusqu’à 7500 km/an : forfait
mensuel de 69 €
- A delà de ce plafond : 0,05
€ /km
- Ou forfait mensuel de kilométrage
illimité de 119 €.
Le coût du carburant électrique
doit prendre en compte ce coût de location de batterie, largement prépondérant.
Le prix du KWh s’y ajoute : il dépend largement des conditions de recharge
et du tarif EDRF (base, jour/nuit, tempo…). Nous avons adopté pour l’analyse un
prix fixe de 0,159 €TTC/Kwh, CSPE
incluse.
La consommation est éminemment
variable selon une foule de paramètres. Nous nous basons pour la comparaison
sur une consommation plutôt optimiste de 8 KWh/100
km qui autorise en moyenne une autonomie de (22 / 8) x 100 = 275 km.
A noter que 8 KWh = 28,8 MJ (mégajoule) = 0,685 kg d’hydrocarbure, soit
approximativement 0,8 litre de gazole ou un 1 litre d’essence. Ceci semble très bas,
mais il ne faut prendre en compte le fait qu’un moteur électrique a un
rendement 3 à 4 fois supérieur à un moteur thermique. Les consommations
thermiques équivalentes seraient donc 3 à 4 litres d’essence ou 2,4 à 3,2
litres de gazole, ce qui est cohérent.
Sur ces bases, le prix du
« carburant » (incluant la location de batterie) ressort comme
suit :
On constate que, malgré son image
d’économie due aux comparaisons biaisées n’incluant pas le coût de la batterie,
le « carburant » électrique
est toujours plus coûteux que l’essence, sauf au-dessus de 20 000 km
par an, kilométrage rarement atteint par des véhicules urbains.
En dépit des récents réajustements
fiscaux de la TICPE en faveur de l’essence et au détriment du gazole, ce
dernier reste largement compétitif en coût, mais nous verrons plus loin que
cette compétitivité peine à amortir le coût plus élevé du véhicule diesel.
Prenons maintenant en compte les coûts du véhicule :
- Amortissement du prix d’achat (bonus électrique déduit) sur 8 ans
ou 160 000 km (le premier des deux).
La plus grande longévité supposée des véhicules électriques n’a pas été prise
en compte : s’il est vrai que leur entretien, hors changement des
batteries, est minime, et d’ailleurs intégré ci-dessous, il est fort à craindre
que ces véhicules, et notamment leurs batteries, ne soient victime
d’obsolescence, tout comme la plupart des appareils numériques ! Ainsi,
des batteries améliorées ne seraient probablement pas compatibles avec les
véhicules existants, amenant le propriétaire à changer son véhicule pour
bénéficier des dernières améliorations, plutôt que d’investir dans un
remplacement coûteux de batteries obsolètes.
- Frais d’entretien évalués à :
- Electrique : 1,0 €/100 km
- Essence : 2,5 €/100 km
- Diesel : 3,5
€/100 km
- Frais d’assurance non pris en compte : sans doute inférieurs pour
des véhicules qui roulent moins, et moins vite, alors qu’on cherche à les
comparer sans a priori, ils apporteraient un biais dans la comparaison.
Sur ces bases, le prix
d’utilisation du véhicule est le suivant :
- La Zoé électrique est
significativement plus chère quel que soit le kilométrage. Ceci résulte de son
coût d’achat élevé malgré le bonus, auquel s’ajoute le prix de location des
batteries, non compensés par le prix très bas du carburant électrique et l’excellent
rendement du moteur électrique.
- Malgré un coût de carburant
significativement plus bas (vu précédemment), la Clio ne parvient pas à amortir
le surcoût de la motorisation diesel et de son entretien.
- Manifestement, la voiture la plus économique est la Twingo
qui s’impose quel que soit le kilométrage.
Conclusion
Pour l’utilisateur :
Sur les bases actuelles, la Zoé a
de graves inconvénients :
- Plus chère à l’achat qu’une
Twingo malgré le bonus
- Plus chère à l’utilisation qu’une
Twingo essence ou une Clio diesel
- Beaucoup moins performante
- Avec une autonomie qui reste très
limitée, la cantonnant à un rôle strictement urbain, sans exception, avec la
préoccupation constante des recharges.
Elle a quelques avantages
spécifiques :
- Le silence aux vitesses basses et
moyenne. (A grande vitesse, les bruits de
roulement et aérodynamiques sont prépondérants et cet avantage se réduit)
- Le confort d’une conduite simple
et apaisante.
- Un entretien extrêmement réduit.
Pour la collectivité :
- L’absence presque totale de pollution locale et de bruit qui en
fait un véhicule citadin idéal. (Restent
quand même les particules fines résultant de l’usure des freins et des
pneumatiques)
- La forte réduction des émissions de CO2, mais
uniquement dans les pays disposant d’une électricité décarbonée. Il y en a
malheureusement très peu : France,
Suisse, Scandinavie, Canada, Islande… Dans tous les autres pays, et notamment dans
ceux qui utilisent des centrales thermiques au charbon, un véhicule électrique émet globalement plus de CO2 qu’un
véhicule thermique !
- La trace carbone de fabrication
des véhicules n’est jamais prise en compte, car mal connue, mais c’est une
grave lacune. On admet généralement que la fabrication d’un véhicule thermique amène
une émission de CO2 qui pourrait être égale à la moitié de
l’émission due au carburant pendant toute sa durée de vie. La prise en compte, en supplément, de la batterie des véhicules
électriques, pourrait révéler quelques très mauvaises surprises !
- Le coût pour la collectivité des avantages fiscaux des véhicules électriques, est très élevé, en deux termes :
- Le bonus d’achat de
6 300 €
- L’absence de TICPE, et de TVA
afférente (contreparties de la mise à disposition gratuite des infrastructures
routières, et non taxes vertes), correspondent à un manque à gagner de l’ordre
de 9 000 € dans la durée de vie d’un petit véhicule sur
160 000 km.
- Pour un total (15 300 €)
largement supérieur au prix d’achat d’une Twingo
neuve (13 030 €) !
- Ces avantages fiscaux ne pourront
pas être indéfiniment maintenus.
- Plus globalement, on peut penser
qu’il n’appartient pas à l’Etat de choisir des solutions technologiques telles
que la voiture tout électrique qui ne constitue probablement pas la méthode la
plus efficace pour réduire rapidement les émissions de CO2 dues aux
véhicules routiers. C'est la thèse de Jean Tirole, prix Nobel d'économie 2015.
- L'Etat ferait mieux d’instaurer une taxe carbone
aussi universelle que possible (compensée par une baisse universelle de la TVA
à pression fiscale constante) et de laisser le marché choisir les solutions. On
verrait alors sans doute émerger les hybrides et, parmi elles, le segment des véhicules
légers et très aérodynamiques, actuellement inexistant.