Rappelons d’abord que le CO2 n’est pas à proprement parler une pollution : il est indispensable au cycle du carbone dans la photosynthèse qui est à l’origine des végétaux, et donc de la vie. Toutefois, l’augmentation, parfaitement certaine et mesurable, du taux de CO2 dans l’atmosphère depuis le début du dix-neuvième siècle, c'est à dire depuis le début de l'utilisation des énergies fossiles, est considérée par la plupart des climatologues comme contribuant à l’effet de serre qui entraînerait un réchauffement climatique aux conséquences préoccupantes. Il est donc essentiel d’en limiter les émissions.
Méthodologie
Autant il est facile de calculer les émissions de CO2 résultant de l’exploitation des filières utilisant des énergies primaires fossiles (charbon, hydrocarbures, voir ci-dessous), autant il est difficile de chiffrer les émissions résultant de l’investissement dans les différentes filières. Il est en effet presque impossible de chiffrer l’émission résultant des innombrables composants et sous-ensembles d’une centrale hydraulique, thermique, nucléaire ou éolienne, sans oublier leur mise en œuvre (main d’œuvre, fluides, énergie…), le tout en partant des ressources naturelles brutes dans leurs gisements respectifs: minerai de fer, bauxite (aluminium), pyrites (cuivre), charbon et pétrole (chaleur et transports), chaux (béton), carrières (agrégats), etc.. Par surcroît, l’émission liée à la fabrication d’un composant varie considérablement selon le lieu de fabrication : elle sera bien plus réduite si la fabrication est réalisée en France (nucléaire) ou en Suisse (hydraulique), qu’en Chine ou en Allemagne (charbon).
Pour autant, ne pas tenir compte du CO2 sur investissement conduirait à des erreurs d’appréciation significatives. Il faut donc se contenter de chiffres très approximatifs, « 100 » pouvant signifier « entre 50 et 200 », qui préservent quand même les ordres de grandeur, plutôt que de l’oublier.
A ce niveau de précision, une méthode simple et fiable sinon précise, consiste à considérer que l’émission de CO2 est en gros proportionnelle au coût. La matière première naturelle in situ étant par nature gratuite, les coûts successifs des matières premières, demi-produits, composants, sous-ensembles, produits finis ne sont que l’addition des valeurs ajoutées diversifiées (process, main d’œuvre, transport) aux différents stades de l’élaboration de la centrale électrique finale. Ces coûts dépendent aussi des marges réalisées par les différents intervenants, mais celles-ci sont la rémunération de l’investissement de l’intervenant, et traduisent à nouveau largement des coûts. Les filières hyper-compétitives, notamment l’extraction pétrolière, et la sous-traitance dans des pays « low cost » faussent un peu la donne, mais rien n’indique que leur impact sur les investissements soit très différent d’une filière à une autre. Faute de mieux nous utiliserons ci-dessous cette méthode.
Nous adopterons un ratio de 1 tonne de CO2 par 1000 € d’investissement, ordre de grandeur souvent admis par de nombreuses études recherchant l’empreinte carbone de produits industriels.
Sur cette base, on aboutit aux émissions d’investissement suivantes :
- Pour les centrale thermiques, beaucoup plus faibles que les suivantes selon leur utilisation, et de toutes façons négligeables devant leurs émissions élevées d’exploitation. Remarquons que les centrales à gaz à cycle combiné, significativement plus chères par Mw installé, le compensent et au delà grâce à une utilisation préférentielle due à leurs meilleurs rendements et moindres émissions.
- Très faibles à moyennes pour l’hydraulique de haute chute, de basse chute, au fil de l’eau, marémotrice (dans l’ordre) dont la durée de vie, notamment en génie civil, est presque illimitée, ce qui amortit sur une très longue période l’importante émission de leur création. Elles peuvent être évidemment très variables selon la configuration du site naturel. Les sites les plus favorables ayant été équipés en priorité, elles iront en augmentant.
- Pour une centrale nucléaire, très élevées à sa fabrication, mais qui s’amortira sur 40 ans ou plus, à un taux d’utilisation élevé, de l’ordre de 80%, donc faible par rapport à l’énergie produite.
- Les technologies coûteuses et sophistiquées, et faible durée de vie, du solaire et photovoltaïque aboutissent évidemment à des émissions très élevées par Mw installé, lourdement aggravées en ce qui concerne le Mwh produit en raison d’un taux de disponibilité très faible, bien que peu de chiffres précis soient disponibles à ce sujet.
Elles sont très différenciées, et aisées à calculer. Rappelons les masses molaires :
- Hydrogène H2 2
- Carbone C 12
- Oxygène O2 32
- Eau H2O 18
- Dioxyde de carbone CO2 44
Elles ermettent de calculer tès simplement les émissions de CO2 par mole ou par kg, dont le pouvoir calorifique est connu par ailleurs. Les résultats en découlent :
- Le charbon, principalement composé de carbone dont la combustion produit 44 g de CO2 par 12 g de carbone, bat les records d’émission, avec 920 kg/Mwh.
- Les hydrocarbures se situent un peu mieux en raison de leur molécules du type Cn H2n+2 comportant aussi de l’hydrogène dont la combustion donne de la vapeur d’eau, et ce d’autant mieux que n est faible (gaz naturel principalement constitué de méthane CH4 pour lequel n=1). On arrive ainsi à 560 kg/Mwh pour le fuel, et à 500 kg/Mwh pour le gaz naturel.
Mais la composition chimique de l’énergie primaire n’est pas le seul facteur. L’amélioration du rendement thermodynamique de la turbine (à gaz ou à vapeur) ou du moteur vient évidemment réduire la consommation d’énergie primaire, et donc les émissions de CO2. La moindre émission est obtenue par les centrales à gaz à cycle combiné qui cumulent l’utilisation du gaz avec un rendement thermodynamique exceptionnel jusqu’à 58%, qui permet de limiter l’émission à envron 340 kg /Mwh.
· Les autres filières ont une émission de CO2 en exploitation nulle :
o Nucléaire
o Hydraulique
o Eolien
o Photovoltaïque
· La biomasse est un cas particulier : la combustion des bois et débris végétaux principalement constitués de cellulose, et donc finalement de carbone, émet autant de CO2 que le charbon. Mais contrairement à ce dernier, elle est renouvelable, en ce sens que la croissance des plantes qui remplaceront les plantes brûlées viendra absorber, selon le cycle naturel du carbone (photosynthèse), l’équivalent du carbone émis par la combustion. Sous réserve que cette condition soit effectivement réalisée, elle n’émet donc pas de CO2. Bien entendu, ceci ne vaut pas pour la combustion de biomasse provenant de la déforestation.
Synthèse sur les émissions de CO2
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Ce Cette synthèse additionnant investissement et exploitation montre clairement que :
- Le nucléaire et l’hydraulique sont pratiquement exempts de CO2, malgré des investissements très lourds, mais amortis sur de très longues durées de vie, et, pour le nucléaire, grâce à un taux de disponibilité élevé.
- Les filières éolienne et photovoltaïque apparaissent significativement plus émettrices que les précédentes, notamment pour la seconde qui est pénalisée par une production moyenne faible, de l’ordre de 10% de la puissance installée, un coût élevé et une durée de vie limitée.Pour toutes des filières thermiques, l’émission d’investissement, même pénalisée par un taux d’utilisation volontairement réduit, reste négligeable devant celle due à l’exploitation.
- Les centrales thermiques au charbon sont de loin les plus émettrices, mais conservent l’avantage économique d’une énergie bon marché et pérenne.
- Les centrales à gaz à cycle combiné sont beaucoup moins émettrices, à la fois en raison de la présence d’hydrogène dans le gaz, et de leur bon rendement, et constituent la moins mauvaise solution pour autant que le prix croissant du gaz permettra d’y recourir.