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Résumé
La transformation du parc routier actuel en véhicules alternatifs,
à hydrogène, batterie ou caténaire, tous basés sur l’énergie électrique, aboutirait
à un énorme besoin supplémentaire. Or les évolutions prévisibles relatives à l’énergie, sont pour
la plupart défavorables :
- Raréfaction des hydrocarbures fossiles et restrictions
d’émissions de CO2, donc substituts à trouver pour les carburants,
le chauffage et la production électrothermique.
- Stagnation probable de l’énergie hydraulique, et faible
développement des énergies éoliennes et photovoltaïque du fait de leur
intermittence.
- Améliorations de l’efficacité énergétique des véhicules, et du bâtiment (isolation et
apports thermiques solaires).
- Probable introduction de tarifs variables et de
réseaux intelligents pour gérer les pointes de consommation
Dans ce contexte, l’abandon de l’énergie
électronucléaire poserait des problèmes difficilement surmontables. Un EPR
produit autant que 4 000 éoliennes de 2 MW ou que les 4 départements 75, 92, 93, 94
entièrement recouverts de panneaux solaires, dont les productions sont par surcroît
intermittentes !
- La création de stations de stations de recharge
est simple dans les parkings préexistants (habitation, entreprise, urbain,
commerciaux) mais assez onéreuse sur les autoroutes (puissance élevée pour
limiter de très grandes surfaces de recharge).
- La production d’hydrogène serait plutôt décentralisée
dans chaque station qui pourrait assurer la production selon la demande et le
prix (variable) de l’électricité grâce à un stock aval.
- D’éventuelles caténaires constitueraient un
investissement lourd, mais bien inférieur au génie civil d’une autoroute, et
éviterait les stations de recharge.
- La perception de la TICPE assujettie à la TVA, qui est
la contrepartie des infrastructures de transport et non un impôt écologique,
amènerait quelques complications, notamment pour les stations de recharge
privatives.
- L'autonomie est un paramètre critique des véhicules
alternatifs, sauf s’ils sont alimentés par caténaires. Sauf progrès
imprévisible, les véhicules à batterie resteront urbains, et l’autonomie des
véhicules routiers à hydrogène n’excéderait pas 400 Km au prix d’un
alourdissement de 200 à 300 Kg.
- Les véhicules conventionnels continueront à s’améliorer à se différencier selon leur usage. Des solutions intermédiaires
se développeront avant les véhicules alternatifs, notamment des hybrides série
et/ou des véhicules au gaz naturel qui apporte, à masse égale réservoir inclus, 3 fois plus d’énergie
que l’hydrogène.
- Dans une évolution aussi complexe et techniquement
incertaine, le législateur doit s’abstenir de faire des choix appuyés par des
mesures fiscales ou incitatives, et laisser le marché juger de la pertinence
des solutions proposées par les acteurs, constructeurs et équipementiers.
5 . Comparaison des architectures
Le tableau ci-dessous reprend et complète les
éléments des trois messages précédents pour tenter une synthèse des avantages
et inconvénients des six architectures de véhicules alternatifs sans émission
locale ni carburants fossiles envisagés précédemment. Toutes sont basés sur
l’énergie électrique utilisée soit directement, soit via le vecteur hydrogène
produit par électrolyse.
5.1. Infrastructures d’énergie électrique – Situation
générale
5.1.1. Selon l’architecture utilisée, le besoin
énergétique du parc routier national est donné ci-dessous. Ses ordres de
grandeur monstrueux parlant peu, il est préférable de les exprimer de façon
plus concrète :
- En 3ème ligne, en pourcentage
d’augmentation de la production électrique nationale actuelle. Selon les cas,
elle est susceptible de doubler.
- En dernière ligne, en nombre de réacteurs
nucléaires EPR de 1,9 Gw (à construire) utilisés à 80% sur une année complète.
5.1.2. De tels ordres de grandeur posent beaucoup de
questions sur l’avenir général de l’énergie. Sans traiter ici ce sujet beaucoup
trop vaste et complexe, rappelons les principales évolutions probables en
France, positives ou négatives :
- Raréfaction des hydrocarbures
fossiles, liquides et gazeux, par épuisement et renchérissement progressif.
- Selon le GIEC, nécessité de
réduire les émissions de CO2 conduisant à des restrictions d’usage
de tous les combustibles fossiles carbonés, charbon et lignite en tête.
- En conséquence des
précédents, substituts à trouver, non seulement pour carburants routiers, mais aussi pour le chauffage domestique et industriel, et pour la production électrique par centrales à gaz ou à vapeur.
- Croissance de la
population, du parc de logements et de
la demande de transport de personnes et de marchandises.
- Possible réduction des biocarburants en
concurrence avec l’alimentation humaine qui est en croissance qualitative et
quantitative
- Peu de développement significatif de l’énergie hydraulique et de sa variante
réversible (STEP), faute de sites équipables. Les moyens de stockage
énergétique resteront donc limités et locaux.
- Amélioration de l‘efficacité énergétique dans tous les
domaines : chauffage (isolation, pompes à chaleur actuellement méconnues),
éclairage (technologies), moteurs (aimants et commutation électronique).
- Apports thermiques solaires directs dans le
bâtiment (chauffe-eau en toiture, baies au sud)
- Développement limité des
énergies éoliennes et photovoltaïques, malheureusement fatales et plus ou moins
prévisibles, contra-cyclique pour le photovoltaïque, qui nécessitent des
centrales hydrauliques ou thermiques en veille, prêtes à prendre le relais.
- Développement de la
biomasse, du biogaz, pour une part limitée et en partie fatale.
- Les tarifs
variables, selon les principes du « yield management » couramment
appliqués notamment aux transports
aériens, s’imposeront : ils incitent à la réduction des pointes de
consommation, et évitent l’installation de moyens de production de pointe, impossibles à amortir.
- Les réseaux intelligents, compléments nécessaires de la tarification
variable, pourront contribuer à réguler la consommation en la liant au tarif et
à la production. Mais ils ne produiront rien, et l’intérêt de moyens de
production électrique décentralisés ne saute pas aux yeux : la variabilité diminue, les coûts
baissent et les rendements s’améliorent quand la puissance croît. par mutualisation des moyens de production.
Avant de statuer sur l’évolution de l’énergie électronucléaire, dont les
inconvénients et risques sont connus, mais qui demeure la seule marge de
manœuvre significative, les décideurs seraient
bien inspirés d’analyser attentivement les évolutions ci-dessus en dépit d’une
minorité militante… Une décision positive suppose de trouver des sites, très
probablement au bord de la mer, compte tenu de la puissance thermique à évacuer
des condenseurs, et de la saturation des fleuves et notamment de la Loire. Quel
gouvernement osera relancer le projet de centrale à Plogoff (Sud-Finistère),
site naturel idéal ? Quel site pourra éviter de se transformer en
ZAD ? Mais les faits sont têtus : un EPR produit autant que
4 000 éoliennes de 2 MW, ou que toute la surface de la ville de Paris et
de ses trois départements limitrophes, couverte de panneaux solaires, avec
l’avantage énorme d’une production continue.
5.2. Réseau de distribution d’hydrogène
La production centralisée
d’hydrogène n’offrirait probablement pas d’effet d’échelle pouvant la
justifier en compensant des prix élevés de transport, soit par « hydroducs » haute pression à
créer, soit par camions citernes haute
pression dont la capacité énergétique, limitée par le poids du réservoir,
n’atteindrait que le 1/5 de celle d’un camion de gazole. Il est donc probable
que chaque station de recharge
disposerait de ses propres moyens de production raccordés au réseau ERDF.
Pour chaque station, une optimisation sera à réaliser entre :
- La puissance
d’électrolyse installée
- La capacité de stockage
- Le prix (variable)
de l’énergie électrique
On peut ainsi envisager trois tendances, entre
lesquelles le marché tranchera :
- à un extrême, une production tirée par la demande,
donc avec très peu de stock, mais
nécessitant une puissance d’électrolyse capable de suivre les pointes de
consommation, et nécessitant l’énergie électrique au moment voulu, sans tenir
compte de sa disponibilité, ni de son coût,
- au milieu, une production continue, donc de puissance optimisée, avec stockage
aval permettant de filtrer les pointes de consommation,
- à l’autre extrême, une production poussée par
l’offre d’énergie électrique en
heures creuses, au meilleur coût énergétique, mais requérant une puissance
d’électrolyse supérieure, puisque discontinue, et un stockage aval plus
important qui doit faire face à la fois aux fluctuations de l’offre et à celles
de la demande.
5.3. Infrastructure de recharge des batteries et caténaires
Elle est très simple dans les pavillons individuels,
plus complexe, mais aisément soluble, dans les immeubles locatifs ou en
copropriété, parkings d’entreprises, et parkings urbains ou commerciaux, car
toutes ces aires de stationnement
préexistent, et seule une ligne basique 2,5 mm² alimentant une prise
standard 16 A (3 Kw) est à créer pour chaque emplacement de parking intérieur
ou extérieur. La recharge peut s’effectuer pendant le temps de stationnement,
et donc être relativement lente. Elle peut, si nécessaire, être facturée par de
nombreux moyens automatisés, avec ou sans marge du distributeur sur le coût de
l’énergie selon les cas. Ce n’est pas nouveau : les scandinaves ont
coutume de connecter leurs véhicules conventionnels stationnant à l’extérieur
en hiver, aux fins de préchauffage matinal.
Elle est beaucoup plus onéreuse s’il est nécessaire
de créer les surfaces correspondantes,
par exemple sur autoroutes, où elles devront être capables d’accueillir TOUS
les véhicules qui se présentent et qui ne disposeront pas de marge d’autonomie
résiduelle, sous peine de les voir tomber en « panne sèche » sur
l’autoroute en provoquant des ralentissements désastreux. Afin de réduire le
temps de recharge qui rallonge le voyage et augmente les surfaces dédiées, les
postes de recharge seront beaucoup plus puissants, de l’ordre de 20 à 30 KW. L’équilibre
économique d’unités dimensionnées en surface
et en puissance pour les pointes de
trafic, mais le plus souvent largement sous-utilisées, risque d’être
problématique, et de conduire à des tarifs très supérieurs à ceux d’ERDF,
d’autant qu’elles devront rester disponibles aux heures de pointe électrique.
La création sur autoroute ou voie rapide d’une ou
deux voies dans chaque sens munies de caténaires,
nécessiterait un investissement important, mais manifestement très
inférieur à celui du foncier et du génie civil d’une autoroute. La meilleure
efficacité énergétique (trains de véhicules + rendement) compenserait plus ou moins la
vitesse plus élevée. Pour un trajet long, la puissance installée serait donc du
même ordre de grandeur que celle nécessaire à l’ensemble des stations de
recharge sur ce même trajet. Les moyens de production (centrales, lignes HT,
transformateurs et distribution seraient donc comparables. Seules les
caténaires proprement dites constitueraient un supplément, mais elles
permettraient de réduire la taille des batteries et de supprimer les aires de recharge. Nous manquons d’éléments pour
conclure sur un éventuel équilibre.
5.4. Fiscalité
Rappelons que la TICPE assujettie à la TVA n’est en rien un impôt écologique, mais,
depuis toujours, la contrepartie du coût pour la collectivité des
infrastructures routières et des services attachés. Il n’y a donc aucune raison
pour que les véhicules alternatifs en soient exemptés. L’Etat ne peut
d’ailleurs pas se passer d’une telle ressource.
Il est relativement simple d’assujettir les
stations de charge dédiées et les caténaires à la TICPE et de l’intégrer dans
le paiement. On peut le faire également chaque fois que le distributeur
(parking urbain, commercial ou d’entreprise) qui facture est distinct de
l’utilisateur. Mais ça devient très compliqué pour une copropriété ou un
pavillon individuel, où il suffirait de changer de prise pour échapper à la
taxe. Un compteur scellé sur les véhicules, avec relevé en ligne ? Bon
courage !
La production d’hydrogène par électrolyse, tout
comme la production de gazole par distillation du pétrole dans une raffinerie,
devrait également être soumise à la TICPE. Toutefois, les stations
d’électrolyse seront beaucoup plus nombreuses, en fait probablement une par
station-service, ce qui risque de compliquer sérieusement le travail des
Douanes chargées de collecter cet impôt, actuellement versé par les raffineries. Ajoutons que, contrairement au gazole
non routier détaxé, dit « GNR » qui est rose, il ne sera pas possible
de colorer en rose l’hydrogène destiné à des applications non routières :
difficile d’éviter les fraudes !
Mais ne désespérons pas : le Législateur a
largement démontré sa créativité en matière de nouvelles taxes, pas
nécessairement très simples !
5.5. Autonomie
C’est le
paramètre le plus critique des véhicules alternatifs : comment se passer
des 12 KWh/Kg des hydrocarbures qui sont en plus liquides à température et pression
ambiantes ?
L’hydrogène comprimé à haute pression requiert des
réservoirs lourds en encombrants, en forme de cylindre à calottes
hémisphériques, bien loin de la docilité des réservoirs actuels non pressurisés
qui peuvent utiliser les espaces perdus ou de formes bizarres. Nous avons analysé
ce problème dans notre message sur le
stockage
stationnaire de l’hydrogène, et admis une puissance spécifique, réservoir allongé
inclus, de 0,7 KWh/Kg. Ce chiffre correspond à de l’acier dur sous contrainte
effective de 760 GP, très élevée, avec une marge de sécurité réduite. Les
composites, aramide/époxy et carbone/époxy,
peuvent augmenter la marge de sécurité, peut-être réduire un peu la
masse, mais à un prix beaucoup plus élevé, qui semble peu compatible avec l’automobile.
Leurs prix baisseront ils, et de combien ? L’avenir le dira ! Une percée technologique majeure est peu probable
dans ces techniques largement à maturité. Les volumes sont aussi en cause, avec
des coffres fortement réduits.
Stockage d'énergie à bord :
- Dans le véhicule-type actuel, 50 Kg (59 litres) de
gazole passant à zéro, soit une masse moyenne de 25 Kg, assurent 1 000 Km
d’autonomie.
- Dans la version la plus plausible du véhicule
alternatif avec pile à combustible et
batterie tampon, un réservoir de 140 kg assure 200 Km d’autonomie :
c’est peu pour un véhicule routier. Si on double l’autonomie à 400 Km,
acceptable, on arrive à 280 Kg : c’est lourd, et reste-t-il un
coffre ? Les chiffres communiqués par GM
à propos de leur parc de 30 Opel HydroGen4 semblent conformes à la première
version. Peu enthousiasmant !
- Dans la version à batterie seule du véhicule alternatif, 280 Kg de batteries assurent
seulement 200 Km d’autonomie selon le trajet-type : c’est lourd et cher.
Si on revient à l’autonomie moitié, soit
100 Km, on allège les batteries à 140 Kg : c’est un véhicule urbain qui peut
avoir un sens. Ajoutons que les batteries au lithium étant une technologie
récente, la probabilité d’un progrès majeur y est plus élevée que pour les
réservoirs pressurisés.
- Un véhicule hybride
batterie-caténaires permettait tout à la fois :
- Une autonomie urbaine identique à la version « moitié »
précédente,
- Une recharge en temps masqué au stationnement et en
circulation sous caténaire
- Une autonomie illimitée et une vitesse élevée sur
les voies équipées
- Ces avantages évidents persuaderont-ils
l’utilisateur d’adopter les disgracieux trolleys ? On pourrait imaginer
que ce trolley ne soit qu’une option usine, ou même une option après-vente
(prévue par le concepteur), permettant de convertir des véhicules électriques
existants.
5.6. Conclusion…oh combien provisoire !
Compte tenu des sérieux inconvénients et du prix
des véhicules alternatifs, il faudra que le prix des carburants augmente de
façon colossale, ou que les restrictions d’émissions deviennent drastiques, pour
que ces véhicules puissent devenir
compétitifs sans subvention massive (telle que le bonus écolo) ou biais fiscal
majeur (TICPE et TVA par exemple).
Encore faudrait-t-il que l’infrastructure
électrique le permette, ce qui impose pratiquement le développement de l’électronucléaire, très controversé. A
défaut, on aboutira à faire rouler des véhicules « zéro émission »
avec l’électricité produite par des centrales au charbon ou au lignite :
l’Allemagne est en bonne voie sur la route de l’absurdité!
Face à ces difficultés majeures, il est probable
que les véhicules basés sur les carburants fossiles n’ont pas dit leur dernier
mot. La réduction des cylindrées, l’optimisation du point de
fonctionnement par l’hybridation,
une segmentation accrue du marché
des VP par type d’utilisation, l’allègement
et la récupération d’énergie cinétique
des véhicules urbains, la réduction de la section
des véhicules routiers, la conduite
automatisée de trains de véhicules très proches les uns des autres pour réduire
leur traînée, etc. peuvent encore réduire largement les consommations au prix
d’inconvénients mineurs par rapport à ceux des véhicules alternatifs, et à
moindre coût d’investissement et d’utilisation.
L’utilisation transitoire du gaz naturel comprimé, plus pérenne que le pétrole, comme carburant,
est envisageable selon des architectures proches de l’hydrogène (moteur thermique
ou pile à combustible avec reformage), avec le double avantage d’une énergie
spécifique 3 fois supérieure due à sa masse volumique 8 fois supérieure, et
d’un prix actuellement beaucoup plus bas.
Les hybrides rechargeables, parallèles, puis série
(prolongateur), pourraient évoluer simultanément.
Des avancées technologiques majeures sont possibles
dans tous les domaines, mais surtout, l’addition dans la culture automobile de
la conception, des méthodes de production, de l’analyse de la valeur, de la
production d’équipements en grande série, peut encore changer la donne, sans
que l’on puisse deviner si ce sera au profit ou au détriment des véhicules
alternatifs.
Il est essentiel que la pertinence des innovations technologiques soit jugée par le marché,
et non par le Législateur. L’expérience a montré que ses décisions techniques ont
presque toujours été erronées. Les choix
relatifs à l’énergie et à son application aux transports routiers sont trop
complexes et importants pour être laissés à des politiques !