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mercredi 18 septembre 2019

Nucléaire et sécheresse


Les médias nous montrent que la sécheresse de l’été 2019 aggrave l’étiage de nombreux fleuves, notamment la Loire et le Rhône. Or l’utilisation de leur eau pour le refroidissement des centrales nucléaires amène son réchauffement, lequel doit être limité avec juste raison. Ainsi, plusieurs réacteurs ont dû être arrêtés ou utilisés à puissance réduite. Selon plusieurs présentateurs, peut-être influencés par des associations antinucléaires, la sécheresse ferait découvrir un nouvel inconvénient des centrales nucléaires…

Quelle méconnaissance !

La transformation de la chaleur en énergie mécanique ne peut s’effectuer que selon le deuxième principe de la thermodynamique, dit principe de Carnot, selon lequel :
  • Le fluide thermodynamique (vapeur d’eau le plus souvent) est porté à la température T1 (°K) aussi élevée que possible par la chaleur reçue de la source chaude (fission nucléaire ou combustion de charbon, de pétrole, de gaz ou autre…)
  • La détente du fluide thermodynamique produit l’énergie mécanique recherchée, et refroidit ce fluide jusqu’à la température T2(°K) aussi basse que possible, ce qui nécessite le refroidissement du condenseur où la vapeur se transforme en liquide.
  • Les quantités de chaleur (énergie thermique) émise par la source chaude, et reçue par la source froide, sont respectivement proportionnelles aux températures T1 et T2. L’énergie mécanique obtenue est la différence, proportionnelle à T1 - T2 .

De validité universelle, ce principe s’applique à toutes les centrales électrothermiques : fission nucléaire, charbon, fioul, gaz, biogaz, solaire thermique. Seules y échappent l’hydraulique et l’éolien, parce qu’elles ne partent pas de la chaleur, mais d’une énergie mécanique primaire exploitable, et le solaire à PPV qui produit directement de l’électricité à partir de la lumière.

Le rapport entre l’énergie thermique à évacuer par la source froide et l’énergie fournie dépend de T1 plus que de T2. Plus T1 est élevé, meilleur sera le rendement en énergie mécanique.  Par ordre décroissant :
  • Centrales à gaz à cycles combinés : le premier cycle est une turbine à gaz, le second une turbine à vapeur, le tout avec un rendement exceptionnel nettement supérieur à 50%.
  • Centrales thermiques conventionnelles à vapeur, utilisant toute énergie thermique fossile ou non, avec des rendements de 35 à 45%.
  • Centrales nucléaires à eau bouillante (EBR), car T1 est limitée par les matériaux utilisés dans le cœur. Il n’en n’existe aucune en France, mais elles constituent plus de la moitié du parc mondial.
  • Centrales nucléaires à eau pressurisée (EPR) pour la même raison, plus la présence d’un échangeur, appelé « générateur de vapeur » qui réduit T1 de quelques degrés : c’est le prix de la sécurité apportée par le confinement de l’eau primaire contaminée, avec un rendement conventionnel de 33%.

 Les EPR, dont le fonctionnement est strictement exempt de CO2, nécessitent un peu plus d’eau de refroidissement qu’une centrale à énergie fossile, mais les ordres de grandeur sont proches. Cet inconvénient mineur disparaît au bord de la mer dont la capacité de refroidissement est pratiquement illimitée, ce qui évite le recours à des réfrigérants atmosphériques.


Ces réfrigérants atmosphériques, nullement réservés aux centrales nucléaires, sont des cascades dans lesquelles l’eau tiédie par le refroidissement de T2, se refroidit en s’évaporant partiellement avant d’être renvoyée dans le fleuve, pendant que l’air remonte dans le paraboloïde en se chargeant de vapeur d’eau qui condense à sa sortie en en nuage blanc, exclusivement constitué de gouttelettes d’eau du fleuve.

Avoir fait de ces réfrigérants très visibles le symbole du nucléaire est une double absurdité :
  • Les centrales conventionnelles en utilisent aussi
  • Le nuage qui s’en échappe ne peut pas être contaminé, car résultant d’une eau qui n’est jamais rentrée dans l’enceinte nucléaire.


Conclusion :  Si les militants antinucléaires étaient mieux informés :
  • Ils raconteraient moins de bêtises,
  • mais ils cesseraient d’être antinucléaires
  • et notre climat y gagnerait beaucoup !


Pour mémoire : Les fluides impliqués dans les centrales électrothermiques :

 Type de centrale
Nucléaire EPR
(eau pressurisée)
Nucléaire EBR
(eau bouillante)
Thermique conventionnelle
Transfert thermique
Eau primaire liquide contaminée
Eau liquide ou gaz contaminée utilisée dans la turbine
Néant
Fluide thermodynamique
Eau secondaire liquide ou gaz
Eau liquide ou gaz
Refroidissement
Fleuve ou mer
Fleuve ou mer
Fleuve ou  mer





vendredi 8 décembre 2017

7 - Energies primaires thermiques non renouvelables

 (lignes 12 à 20 du tableau de synthèse)

Ayant pour finalité principale de produire de la chaleur à haute température par combustion ou fission nucléaire, elles sont souvent plus ou moins interchangeables. Mais elles se différencient quand même à bien des égards : 
  • Leur coût : Le charbon (12), et le lignite (13) pratiquement dédiés à la production électrique, sont les moins chers, suivis par l’uranium (20) extrêmement énergétique, de loin le moins cher en coût variable, mais chargé par les amortissements élevés de la centrale. Les différents hydrocarbures fossiles (14 à 19), plus ou moins interchangeables entre eux, sont l’objet d’un marché mondial déconnecté de leurs prix de production et d’acheminement qui sont très différenciés selon leur origine et leur mode de transport. Les hydrocarbures (propane, butane, essence, gazole, fioul léger, kérosène et fioul lourd) sont mélangés dans le pétrole brut, dans des proportions variables selon son origine, et séparés par distillation (raffinage). Chacun a ses qualités et ses défauts, mais ils sont produits simultanément et il serait absurde, et même impossible faute de stockage de masse, de ne pas les utiliser tous.
  • Leur facilité de transport et de stockage, par ordre décroissant :
    • Le charbon (12), transporté en vrac maritime ou ferroviaire, stockable en tas à l’air libre, mais sans possibilité d’utiliser des tuyaux.
    • Le lignite (13), analogue au charbon, mais deux fois plus volumineux et pondéreux, et donc généralement transformé en électricité sur le lieu de l’extraction, mais restant facile à stocker.
    • Le pétrole et ses dérivés liquides, (14 à 17) transporté par oléoduc ou navire pétrolier, stockable à pression et température ambiantes dans des cuves : essence et gazole carburants, fioul industriel ou domestique et kérosène sont aisément stockables aux différents niveaux de leur distribution et de leur utilisation. Les GPL (18), (propane et butane), sont stockables à température ambiante sous une faible pression, aussi bien en gros, que dans des camions citernes, des cuves fixes ou des bouteilles consignées chez des particuliers.
    • L’uranium, (20) de très faible volume, autorise un stockage de plusieurs années de consommation, et son coût de transport est insignifiant.
    • Le gaz naturel (méthane) (7) peut être transporté par des gazoducs, ou, après liquéfaction cryogénique, par navires réfrigérés ou acceptant une perte par évaporation pouvant être utilisée pour la propulsion du navire. Après transport maritime, il peut être stocké à l’état gazeux dans des cuves sous-pression élevée, puis/ou nécessairement distribué aux utilisateurs par gazoducs ayant un réseau capillaire à pression modérée.
  • Leur durabilité est limitée à :
    • quelques décennies pour les hydrocarbures, les réserves de gaz étant supérieures à celles des liquides, sauf si l’on substitue le gaz aux hydrocarbures liquides et au charbon, ce qui accélérerait sa consommation.
    • un ou deux siècles pour le charbon et le lignite, qu'il vaudrait mieux ne pas utiliser.
    • plusieurs siècles pour le nucléaire EPR, et plus encore si l’on passe des EPR aux surgénérateurs, ou à d’autres filières telles que le thorium, quasi-renouvelable.
  • Leurs émissions de CO2, différentiées pour deux raisons :
    • Composition chimique :
      • la fission du noyau d’uranium n’émet pas de CO2.
      • les hydrocarbures contiennent, en plus du carbone, de l’hydrogène dont la combustion ne donne pas de CO2. Le plus léger, le gaz naturel, émet 23% de CO2 de moins qu’un hydrocarbure liquide à énergie thermique équivalente.
      • Le charbon, principalement constitué de carbone est le pire émetteur de CO2.
    • Le rendement :
      • Il va de soi qu’un mauvais rendement augmente la consommation d’énergie primaire, et donc l’émission de CO2.
      • L’évolution technique des centrales à charbon vers des températures et pressions de vapeur (source chaude) plus élevées, dite supercritiques ou ultra supercritiques, va dans le bon sens, mais atteint ses limites vers un rendement de 45% à partir d’une énergie entièrement carbonée.
      • Le rendement des centrales électriques au gaz « à cycle combiné » est excellent, jusqu’à 58%, au lieu d’environ 35 à 40%, ce qui permet de réduire la consommation de carburant et les émissions correspondantes d’environ 30%.
      • Dans le cas d’utilisation des hydrocarbures dans des moteurs à pistons, le gazole donne un meilleur rendement massique (environ 40%) que l’essence (environ 32%), et émet donc moins de CO2 à puissance mécanique égale, parce les moteurs diesel utilisent un rapport volumétrique plus élevé qui augmente le ratio T1/T2 de Carnot.
  • Leur disponibilité :
    • Permanente, avec variations rapides de puissance dans les deux sens, idéales pour les centrales électrothermiques comme pour les utilisations finales,
    • sauf les centrales électronucléaires dont les variations de puissance sont lentes, et qui ne travaillent à puissance partielle qu’au prix d’un moindre rendement du combustible (usure hétérogène des barres de combustible), mais qui sont constamment disponibles et adaptées aux variations prévues à l’avance. 
  • Leur acceptabilité : Pour des raisons initialement historiques liées à l'amalgame entre bombe nucléaire et énergie nucléaire, devenues  ensuite écologiques (déchets radioactifs) et de sécurité (accidents de Tchernobyl et de Fukushima), une partie de l’opinion publique est hostile à l’énergie électronucléaire. Il est pourtant démontré, par comparaison avec les autres sources d’énergie, qu’à énergie produite égale, elle est la forme la moins polluante et la moins dangereuse de l’énergie. Il faudra sans doute du temps pour que la certitude néfaste du réchauffement climatique apparaisse plus importante que le risque nucléaire, mais les prises de position récentes (11/2017) de Nicolas Hulot appuyé par Brice Lalonde en faveur de l'amendement de la loi sur la transition énergétique vont dans ce sens.
Résumé dans le tableau partiel :

vendredi 2 janvier 2015

Véhicules alternatifs : Quels scénarios pour le futur?

Table des matières du blog www.8-e.fr

Résumé

La transformation du parc routier actuel en véhicules alternatifs, à hydrogène, batterie ou caténaire, tous basés sur l’énergie électrique, aboutirait à un énorme besoin supplémentaire. Or les évolutions  prévisibles relatives à l’énergie, sont pour la plupart défavorables :
  • Raréfaction des hydrocarbures fossiles et restrictions d’émissions de CO2, donc substituts à trouver pour les carburants, le chauffage et la production électrothermique.
  • Stagnation probable de l’énergie hydraulique, et faible développement des énergies éoliennes et photovoltaïque du fait de leur intermittence.
  • Améliorations de l’efficacité énergétique  des véhicules, et du bâtiment (isolation et apports thermiques solaires).
  • Probable introduction de tarifs variables et de réseaux intelligents pour gérer les pointes de consommation
Dans ce contexte, l’abandon de l’énergie électronucléaire poserait des problèmes difficilement surmontables. Un EPR produit autant que 4 000 éoliennes de 2 MW ou que les 4 départements 75, 92, 93, 94 entièrement recouverts de panneaux solaires, dont les productions sont par surcroît intermittentes !
  • La création de stations de stations de recharge est  simple dans les parkings préexistants (habitation, entreprise, urbain, commerciaux) mais assez onéreuse sur les autoroutes (puissance élevée pour limiter de très grandes surfaces de recharge).
  • La production d’hydrogène serait plutôt décentralisée dans chaque station qui pourrait assurer la production selon la demande et le prix (variable) de l’électricité grâce à un stock aval.
  • D’éventuelles caténaires constitueraient un investissement lourd, mais bien inférieur au génie civil d’une autoroute, et éviterait les stations de recharge.
  • La perception de la TICPE assujettie à la TVA, qui est la contrepartie des infrastructures de transport et non un impôt écologique, amènerait quelques complications, notamment pour les stations de recharge privatives.
  • L'autonomie est un paramètre critique des véhicules alternatifs, sauf s’ils sont alimentés par caténaires. Sauf progrès imprévisible, les véhicules à batterie resteront urbains, et l’autonomie des véhicules routiers à hydrogène n’excéderait pas 400 Km au prix d’un alourdissement de 200 à 300 Kg.
  • Les véhicules conventionnels continueront à s’améliorer à se différencier selon leur usage. Des solutions intermédiaires se développeront avant les véhicules alternatifs, notamment des hybrides série et/ou des véhicules au gaz naturel qui apporte, à masse égale réservoir inclus, 3 fois plus d’énergie que l’hydrogène.
  • Dans une évolution aussi complexe et techniquement incertaine, le législateur doit s’abstenir de faire des choix appuyés par des mesures fiscales ou incitatives, et laisser le marché juger de la pertinence des solutions proposées par les acteurs, constructeurs et équipementiers.



5 . Comparaison des architectures

Le tableau ci-dessous reprend et complète les éléments des trois messages précédents pour tenter une synthèse des avantages et inconvénients des six architectures de véhicules alternatifs sans émission locale ni carburants fossiles envisagés précédemment. Toutes sont basés sur l’énergie électrique utilisée soit directement, soit via le vecteur hydrogène produit par électrolyse.



5.1. Infrastructures d’énergie électrique – Situation générale

5.1.1. Selon l’architecture utilisée, le besoin énergétique du parc routier national est donné ci-dessous. Ses ordres de grandeur monstrueux parlant peu, il est préférable de les exprimer de façon plus concrète :
  • En 3ème ligne, en pourcentage d’augmentation de la production électrique nationale actuelle. Selon les cas, elle est susceptible de doubler.
  • En dernière ligne, en nombre de réacteurs nucléaires EPR de 1,9 Gw (à construire) utilisés à 80% sur une année complète. 

5.1.2. De tels ordres de grandeur posent beaucoup de questions sur l’avenir général de l’énergie. Sans traiter ici ce sujet beaucoup trop vaste et complexe, rappelons les principales évolutions probables en France, positives ou négatives :
  • Raréfaction des hydrocarbures fossiles, liquides et gazeux, par épuisement et renchérissement progressif.
  • Selon le GIEC, nécessité de réduire les émissions de CO2 conduisant à des restrictions d’usage de tous les combustibles fossiles carbonés, charbon et lignite en tête.
  • En conséquence des précédents, substituts à trouver, non seulement pour carburants routiers, mais aussi pour le chauffage domestique et industriel, et pour la production électrique par centrales à gaz ou à vapeur.
  • Croissance de la population,  du parc de logements et de la demande de transport de personnes et de marchandises.
  • Possible réduction des biocarburants en concurrence avec l’alimentation humaine qui est en croissance qualitative et quantitative
  • Peu de développement significatif de l’énergie hydraulique et de sa variante réversible (STEP), faute de sites équipables. Les moyens de stockage énergétique resteront donc limités et locaux.
  • Amélioration de l‘efficacité énergétique dans tous les domaines : chauffage (isolation, pompes à chaleur actuellement méconnues), éclairage (technologies), moteurs (aimants et commutation électronique).
  • Apports thermiques solaires directs dans le bâtiment (chauffe-eau en toiture, baies au sud)
  • Développement limité des énergies éoliennes et photovoltaïques, malheureusement fatales et plus ou moins prévisibles, contra-cyclique pour le photovoltaïque, qui nécessitent des centrales hydrauliques ou thermiques en veille, prêtes à prendre le relais.
  • Développement de la biomasse, du biogaz, pour une part limitée et en partie fatale.
  • Les  tarifs variables, selon les principes du « yield management » couramment appliqués notamment aux  transports aériens, s’imposeront : ils incitent à la réduction des pointes de consommation, et évitent l’installation de moyens de production de  pointe, impossibles à amortir.
  • Les réseaux intelligents, compléments nécessaires de la tarification variable, pourront contribuer à réguler la consommation en la liant au tarif et à la production. Mais ils ne produiront rien, et l’intérêt de moyens de production électrique décentralisés ne saute pas aux yeux : la variabilité diminue, les coûts baissent et les rendements s’améliorent quand la puissance croît. par mutualisation des moyens de production.
Avant de statuer sur l’évolution de l’énergie électronucléaire, dont les inconvénients et risques sont connus, mais qui demeure la seule marge de manœuvre significative,  les décideurs seraient bien inspirés d’analyser attentivement les évolutions ci-dessus en dépit d’une minorité militante… Une décision positive suppose de trouver des sites, très probablement au bord de la mer, compte tenu de la puissance thermique à évacuer des condenseurs, et de la saturation des fleuves et notamment de la Loire. Quel gouvernement osera relancer le projet de centrale à Plogoff (Sud-Finistère), site naturel idéal ? Quel site pourra éviter de se transformer en ZAD ? Mais les faits sont têtus : un EPR produit autant que 4 000 éoliennes de 2 MW, ou que toute la surface de la ville de Paris et de ses trois départements limitrophes, couverte de panneaux solaires, avec l’avantage énorme d’une production continue.



5.2. Réseau de distribution d’hydrogène

La production centralisée d’hydrogène n’offrirait probablement pas d’effet d’échelle pouvant la justifier en compensant des prix élevés de transport, soit par « hydroducs » haute pression à créer, soit par camions citernes haute pression dont la capacité énergétique, limitée par le poids du réservoir, n’atteindrait que le 1/5 de celle d’un camion de gazole. Il est donc probable que chaque station de recharge disposerait de ses propres moyens de production raccordés au réseau ERDF.

Pour chaque station,  une optimisation sera à réaliser entre :
  • La puissance d’électrolyse installée
  • La capacité de stockage
  • Le prix (variable) de l’énergie électrique
On peut ainsi envisager trois tendances, entre lesquelles le marché tranchera :
  • à un extrême, une production tirée par la demande, donc avec très peu de stock, mais nécessitant une puissance d’électrolyse capable de suivre les pointes de consommation, et nécessitant l’énergie électrique au moment voulu, sans tenir compte de sa disponibilité, ni de son coût,
  • au milieu, une production continue, donc de puissance optimisée, avec stockage aval permettant de filtrer les pointes de consommation,
  • à l’autre extrême, une production poussée par l’offre d’énergie électrique en heures creuses, au meilleur coût énergétique, mais requérant une puissance d’électrolyse supérieure, puisque discontinue, et un stockage aval plus important qui doit faire face à la fois aux fluctuations de l’offre et à celles de la demande.

5.3. Infrastructure de recharge des batteries et caténaires

Elle est très simple dans les pavillons individuels, plus complexe, mais aisément soluble, dans les immeubles locatifs ou en copropriété, parkings d’entreprises, et parkings urbains ou commerciaux, car toutes ces aires de stationnement préexistent, et seule une ligne basique 2,5 mm² alimentant une prise standard 16 A (3 Kw) est à créer pour chaque emplacement de parking intérieur ou extérieur. La recharge peut s’effectuer pendant le temps de stationnement, et donc être relativement lente. Elle peut, si nécessaire, être facturée par de nombreux moyens automatisés, avec ou sans marge du distributeur sur le coût de l’énergie selon les cas. Ce n’est pas nouveau : les scandinaves ont coutume de connecter leurs véhicules conventionnels stationnant à l’extérieur en hiver, aux fins de préchauffage matinal.

Elle est beaucoup plus onéreuse s’il est nécessaire de créer les surfaces correspondantes, par exemple sur autoroutes, où elles devront être capables d’accueillir TOUS les véhicules qui se présentent et qui ne disposeront pas de marge d’autonomie résiduelle, sous peine de les voir tomber en « panne sèche » sur l’autoroute en provoquant des ralentissements désastreux. Afin de réduire le temps de recharge qui rallonge le voyage et augmente les surfaces dédiées, les postes de recharge seront beaucoup plus puissants, de l’ordre de 20 à 30 KW. L’équilibre économique d’unités dimensionnées en surface et en puissance pour les pointes de trafic, mais le plus souvent largement sous-utilisées, risque d’être problématique, et de conduire à des tarifs très supérieurs à ceux d’ERDF, d’autant qu’elles devront rester disponibles aux heures de pointe électrique.

La création sur autoroute ou voie rapide d’une ou deux voies dans chaque sens munies de caténaires, nécessiterait un investissement important, mais manifestement très inférieur à celui du foncier et du génie civil d’une autoroute. La meilleure efficacité énergétique (trains de véhicules + rendement) compenserait plus ou moins la vitesse plus élevée. Pour un trajet long, la puissance installée serait donc du même ordre de grandeur que celle nécessaire à l’ensemble des stations de recharge sur ce même trajet. Les moyens de production (centrales, lignes HT, transformateurs et distribution seraient donc comparables. Seules les caténaires proprement dites constitueraient un supplément, mais elles permettraient de réduire la taille des batteries et de supprimer les aires de recharge. Nous manquons d’éléments pour conclure sur un éventuel équilibre.

5.4. Fiscalité

Rappelons que la TICPE assujettie à la TVA n’est en rien un impôt écologique, mais, depuis toujours, la contrepartie du coût pour la collectivité des infrastructures routières et des services attachés. Il n’y a donc aucune raison pour que les véhicules alternatifs en soient exemptés. L’Etat ne peut d’ailleurs pas se passer d’une telle ressource.

Il est relativement simple d’assujettir les stations de charge dédiées et les caténaires à la TICPE et de l’intégrer dans le paiement. On peut le faire également chaque fois que le distributeur (parking urbain, commercial ou d’entreprise) qui facture est distinct de l’utilisateur. Mais ça devient très compliqué pour une copropriété ou un pavillon individuel, où il suffirait de changer de prise pour échapper à la taxe. Un compteur scellé sur les véhicules, avec relevé en ligne ? Bon courage !

La production d’hydrogène par électrolyse, tout comme la production de gazole par distillation du pétrole dans une raffinerie, devrait également être soumise à la TICPE. Toutefois, les stations d’électrolyse seront beaucoup plus nombreuses, en fait probablement une par station-service, ce qui risque de compliquer sérieusement le travail des Douanes chargées de collecter cet impôt, actuellement versé par les raffineries. Ajoutons que, contrairement au gazole non routier détaxé, dit « GNR » qui est rose, il ne sera pas possible de colorer en rose l’hydrogène destiné à des applications non routières : difficile d’éviter les fraudes !

Mais ne désespérons pas : le Législateur a largement démontré sa créativité en matière de nouvelles taxes, pas nécessairement très simples !

5.5. Autonomie

C’est le paramètre le plus critique des véhicules alternatifs : comment se passer des 12 KWh/Kg des hydrocarbures qui sont en plus liquides à température et pression ambiantes ?

L’hydrogène comprimé à haute pression requiert des réservoirs lourds en encombrants, en forme de cylindre à calottes hémisphériques, bien loin de la docilité des réservoirs actuels non pressurisés qui peuvent utiliser les espaces perdus ou de formes bizarres. Nous avons analysé ce problème dans notre message sur le stockage stationnaire de l’hydrogène, et admis une puissance spécifique, réservoir allongé inclus, de 0,7 KWh/Kg. Ce chiffre correspond à de l’acier dur sous contrainte effective de 760 GP, très élevée, avec une marge de sécurité réduite. Les composites, aramide/époxy et carbone/époxy,  peuvent augmenter la marge de sécurité, peut-être réduire un peu la masse, mais à un prix beaucoup plus élevé, qui semble peu compatible avec l’automobile. Leurs prix baisseront ils, et de combien ? L’avenir le dira ! Une  percée technologique majeure est peu probable dans ces techniques largement à maturité. Les volumes sont aussi en cause, avec des coffres fortement réduits.

Stockage d'énergie à bord :
  • Dans le véhicule-type actuel, 50 Kg (59 litres) de gazole passant à zéro, soit une masse moyenne de 25 Kg, assurent 1 000 Km d’autonomie. 
  • Dans la version la plus plausible du véhicule alternatif avec pile à combustible et batterie tampon, un réservoir de 140 kg assure 200 Km d’autonomie : c’est peu pour un véhicule routier. Si on double l’autonomie à 400 Km, acceptable, on arrive à 280 Kg : c’est lourd, et reste-t-il un coffre ? Les chiffres communiqués par GM à propos de leur parc de 30 Opel HydroGen4 semblent conformes à la première version. Peu enthousiasmant ! 
  • Dans la version à batterie seule du véhicule alternatif, 280 Kg de batteries assurent seulement 200 Km d’autonomie selon le trajet-type : c’est lourd et cher. Si on revient à l’autonomie moitié,  soit 100 Km, on allège les batteries à 140 Kg : c’est un véhicule urbain qui peut avoir un sens. Ajoutons que les batteries au lithium étant une technologie récente, la probabilité d’un progrès majeur y est plus élevée que pour les réservoirs pressurisés.
  • Un véhicule hybride batterie-caténaires permettait tout à la fois :
    • Une autonomie urbaine identique à la version « moitié » précédente,
    • Une recharge en temps masqué au stationnement et en circulation sous caténaire
    • Une autonomie illimitée et une vitesse élevée sur les voies équipées
    • Ces avantages évidents persuaderont-ils l’utilisateur d’adopter les disgracieux trolleys ? On pourrait imaginer que ce trolley ne soit qu’une option usine, ou même une option après-vente (prévue par le concepteur), permettant de convertir des véhicules électriques existants.
5.6. Conclusion…oh combien provisoire !

Compte tenu des sérieux inconvénients et du prix des véhicules alternatifs, il faudra que le prix des carburants augmente de façon colossale, ou que les restrictions d’émissions deviennent drastiques, pour que ces véhicules  puissent devenir compétitifs sans subvention massive (telle que le bonus écolo) ou biais fiscal majeur (TICPE et TVA par exemple).

Encore faudrait-t-il que l’infrastructure électrique le permette, ce qui impose pratiquement le développement de l’électronucléaire, très controversé. A défaut, on aboutira à faire rouler des véhicules « zéro émission » avec l’électricité produite par des centrales au charbon ou au lignite : l’Allemagne est en bonne voie sur la route de l’absurdité!

Face à ces difficultés majeures, il est probable que les véhicules basés sur les carburants fossiles n’ont pas dit leur dernier mot. La réduction des cylindrées, l’optimisation du point de fonctionnement par l’hybridation, une segmentation accrue du marché des VP par type d’utilisation, l’allègement et la récupération d’énergie cinétique des véhicules urbains, la réduction de la section des véhicules routiers, la conduite automatisée de trains de véhicules très proches les uns des autres pour réduire leur traînée, etc. peuvent encore réduire largement les consommations au prix d’inconvénients mineurs par rapport à ceux des véhicules alternatifs, et à moindre coût d’investissement et d’utilisation.

L’utilisation transitoire du gaz naturel comprimé, plus pérenne que le pétrole, comme carburant, est envisageable selon des architectures proches de l’hydrogène (moteur thermique ou pile à combustible avec reformage), avec le double avantage d’une énergie spécifique 3 fois supérieure due à sa masse volumique 8 fois supérieure, et d’un prix actuellement beaucoup plus bas.

Les hybrides rechargeables, parallèles, puis série (prolongateur), pourraient évoluer simultanément.

Des avancées technologiques majeures sont possibles dans tous les domaines, mais surtout, l’addition dans la culture automobile de la conception, des méthodes de production, de l’analyse de la valeur, de la production d’équipements en grande série, peut encore changer la donne, sans que l’on puisse deviner si ce sera au profit ou au détriment des véhicules alternatifs.

Il est essentiel que la pertinence des innovations technologiques soit jugée par le marché, et non par le Législateur. L’expérience a montré que ses décisions techniques ont presque toujours été erronées. Les choix relatifs à l’énergie et à son application aux transports routiers sont trop complexes et importants pour être laissés à des politiques !


vendredi 18 novembre 2011

L'énegie électronucléaire

Filières nucléaires

Dans toutes les filières nucléaires actuellement utilisées, le cœur est constitué de tubes parallèles en zirconium contenant un empilage de pastilles d’uranium faiblement enrichi. Pour que la réaction de fission puisse s’auto-entretenir, il est nécessaire :
·        De mettre en œuvre une quantité suffisante de matière fissile (uranium)
·    De ralentir les neutrons résultant de la radioactivité naturelle de cette matière par la présence d’un modérateur (eau ou carbone), pour qu’ils puissent à leur tour provoquer des fissions émettrices de nouveaux neutrons. On dit alors que le réacteur « diverge ».

Afin de contrôler cette réaction en chaîne, on utilise des barres de contrôle généralement constituées de bore ou de cadmium dont la position, réglable par l’exploitant,  détermine la vitesse de la réaction.

Ces réactions se traduisent par une perte de masse convertie en une très grande quantité de chaleur selon la célèbre formule de Einstein : e = mc². Cette chaleur doit être évacuée, en principe toujours par de l’eau à hautes pression et température (de l’ordre de 300°C), dite « eau primaire », qui circule dans le cœur du réacteur au contact des matériaux fissiles.

La conversion de chaleur en énergie mécanique est effectuée, comme dans toute centrale thermique à combustion externe, par une turbine à vapeur alimentée :
-         soit directement par l’eau primaire,
-     soit via un échangeur qui transfère la chaleur de l’eau primaire à l’« eau secondaire » dont le rôle est exclusivement thermodynamique.
Les principaux paramètres différenciant les familles de réacteurs sont :

Famille :
Soviétiq.
GE / EBR
Westingh. / EPR
Modérateur
Carbone
Eau primaire
Refroidis. cœur
Eau primaire
Fluide thermique
Eau primaire
Eau secondaire
Enceinte Confmt.
Non
Oui


Centrales nucléaires à eau pressurisée
(EBR / Westinghouse / Areva)


L’eau primaire circule dans le cœur du réacteur au contact des crayons combustibles et des barres de contrôle. Elle joue à la fois le rôle :
·        de modérateur Elle est donc radioactive, car contaminée par les barres
·        et de refroidissement du cœur

Elle est maintenue à une pression suffisante ( 150 bars )pour rester à l’état liquide à sa température de fonctionnement qui est de l’ordre de 300°C. Elle est additionnée de bore et de gadolinium pour prévenir la formation d"hydrogène en cas d'accident.

Un échangeur de chaleur permet le transfert de toute la chaleur résultant de la fission de l’eau primaire vers l’eau secondaire, sans aucun mélange, ni contact. Cet échangeur réchauffe l’eau secondaire à une température un peu inférieure à celle de l’eau primaire, ce qui réduit légèrement le rendement du cycle thermodynamique.

La suite du cycle est similaire à celle des centrales à eau bouillante.

Toutes choses égales par ailleurs, ce type de centrale est un peu plus coûteux que les centrales à eau bouillante en raison de la présence d’un échangeur qui a un coût, et qui réduit un peu le rendement. Mais il permet de réduire fortement le circuit de l’eau primaire, ce qui constitue une amélioration significative de la sûreté.



Centrales nucléaires à eau bouillante
 (EBR / General Electric / Toshiba / Fukushima)

L’eau primaire et l’eau secondaire sont confondues. Cette eau a donc une triple fonction :
·        de modérateur. Elle est donc radioactive, car contaminée par les barres
·        de refroidissement du cœur
·        de fluide thermodynamique

A sa température de fonctionnement qui est de l’ordre de 300°C, la pression est maintenue à une valeur telle que l’ébullition se produise. Utilisée comme fluide thermodynamique, elle ne peut pas recevoir d'additifs comme cela se fait dans les EPR.

La vapeur ainsi produite alimente une turbine à vapeur conventionnelle qui transforme une partie de l’énergie calorifique en énergie mécanique par rotation de son arbre, le reste étant restitué à la source froide (Principe de Carnot-Clausius).

Elle entraîne ainsi l’alternateur placé sur le même arbre qui convertit l’énergie mécanique en énergie électrique avec un rendement proche de 100%.

Toutes choses égales par ailleurs, ce type de centrale est moins coûteux qu’une centrale à eau pressurisée car on se passe ici d’échangeur et on évite ainsi la perte de rendement associée à cet organe. Mais on perd significativement en sureté, car le circuit d’eau contaminée est beaucoup plus long et traverse notamment la turbine, avec augmentation du risque de contamination extérieure en cas de fuite ou d’accident, et de rendre problématique les interventions humaines sur la turbine à vapeur.

Centrales nucléaires à eau et carbone
(RBMK / Soviétique / Tchernobyl)

Cette filière, exclusivement soviétique, caractérisée par :
·        l’usage du carbone comme modérateur,
·        de l’eau comme fluide de refroidissement (primaire) et thermodynamique (secondaire)
·        et l’absence d’enceinte de confinement.

Elle est abandonnée en raison de sa dangerosité avérée par la catastrophe de Tchernobyl. Il en reste toutefois 11 en exploitation, laquelle pourrait perdurer.