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Résumé
La
production d’énergie électrique passe toujours (sauf les PPV) par la production
d’énergie mécanique, elle-même majoritairement
produite à partir d’une énergie primaire
thermique d’origine nucléaire, fossile ou renouvelable. Cette transformation
entraîne des pertes résultant du
principe de Carnot selon lequel le rendement de transformation est inférieur à (1 -
T2/T1) dans laquelle T1 et T2 sont les températures
absolues du fluide thermodynamique (vapeur d’eau ou gaz de combustion) respectivement
au début et à la fin du cycle de transformation. Il faut
donc que T1 soit aussi
élevée que possible, et T2 aussi basse que possible. Des pertes technologiques
importantes et diverses s’y ajoutent.
La cogénération consiste à récupérer la chaleur restituée à la température T2 ainsi que les autres pertes thermiques. Elle n’a donc
d’intérêt que si T2 n’est pas trop basse, en sachant qu’il n'est jamais
intéressant d’augmenter délibérément T2 pour récupérer de la chaleur à une température plus élevée,
car cela pénaliserait de presque autant la production d’énergie mécanique. La
cogénération est donc limitée aux filières dont la technologie aboutit à une
température T2 assez élevée. Ainsi :
- Toutes les filières (très majoritaires) faisant appel à des turbines à vapeur dont T2 peut être abaissée par des condenseurs refroidis par l’eau de la mer, des fleuves ou des réfrigérants atmosphériques, sont exclues quel que soit la mode de production thermique : électronucléaire, charbon, fioul, gaz.
- Les centrales à turbines à gaz auraient pu convenir, mais leur évolution vers les centrales à gaz à cycle combiné (un étage amont à combustion interne avec une T2 élevé qui devient la T1 de l’étage aval à vapeur) a débouché sur une T2 aval très basse permettant une amélioration spectaculaire du rendement, mais excluant la cogénération.
- Les installations de production électrique locales de petite ou moyenne taille à moteur diesel ou à gaz (naturel ou bio) dont le rapport de détente est limité, donc T2 assez élevée, sont propices à la cogénération.
La cogénération est une amélioration relative permettant sans surcoût excessif, d‘ajouter une production
thermique à une production électrique de rendement basique, mais le but premier
en matière énergétique reste l’amélioration des rendements aux différents niveaux,
et non de faire un bon usage d’un médiocre rendement.
La
cogénération s’est néanmoins développée, notamment en Europe du nord, car elle
améliore le rendement des moyens de production électrique décentralisés, bien que cette décentralisation soit une erreur
stratégique majeure : comme pour tous les produits industriels, la
production électrique de masse assure une haute mutualisation de moyens
performants, et donc, finalement, une moindre trace carbone.
Message
La cogénération est souvent
considérée comme étant presque verte en ceci qu’elle permet de disposer
d’énergie thermique s’ajoutant à l’énergie électrique sans augmenter la
consommation d’énergie primaire. Et l’on voit ce procédé équiper des
éco-quartiers, être paré de toutes les vertus, et être envisagé dans des
applications impossibles. Faisons la part des choses…
Base théoriques : Carnot-Clausius
(2ème principe de la thermodynamique)
Les travaux de l’ingénieur
français Sadi Carnot (1796 – 1832) sur
l’énergie mécanique que les « machines à feu » sont capables de
fournir, l’amènent à poser en 1823, à 27 ans, les bases qui conduiront au
deuxième principe de la thermodynamique, en affirmant que :
- l’énergie mécanique pouvant être tirée de la chaleur ne dépend que de la différence des températures (et non pas des pressions) entre le début et la fin de cycle,
- le gaz ou fluide utilisé est indifférent,
- le cycle idéal, c’est-à-dire sans transfert indésirable de chaleur, doit être parfaitement réversible,
- dès lors, le mouvement perpétuel est impossible.
Sadi Carnot en uniforme de polytechnicien
Son ouvrage, dépourvu de bases
mathématiques, mais étonnamment pertinent à une époque où la physique et la
chimie étaient encore balbutiantes, resta toutefois méconnu jusqu’à ce qu’il
soit redécouvert une génération plus tard, bien après sa mort, par les physiciens anglais William Thomson annobli en Lord Kelvin, 1824 –
1907), et allemand Rudolf Clausius (1822 - 1888) qui le complétèrent par
l’échelle de température absolue, dite Kelvin, et par formule : E = Q (1-T2 / T1) dans laquelle :
- Q est la quantité de chaleur (en joules) utilisée pour chauffer un fluide (la vapeur d’eau à cette époque)
- T1, dite source chaude, est la température absolue du fluide thermodynamique en début de cycle
- T2, dite source froide, est la température absolue du fluide thermodynamique en fin de cycle,
- E (en joules) est l’énergie mécanique maximum théorique qu’il est possible d’obtenir entre le début et la fin du cycle
William Thomson anobli en Lord Kelvin
Rudolf Clausius
Un bon rendement nécessite donc T1
aussi élevé que possible, et T2 aussi bas que possible, d’où
l’usage dans les cycles utilisant la vapeur d’eau, de condenseurs refroidis par
la mer, ou l’eau d’un fleuve, souvent après passage dans un réfrigérant
atmosphérique. Ces derniers (photo ci-dessous) ne sont qu’une cascade dans
laquelle une petite partie de l’eau du fleuve s’évapore en refroidissant le
reste.
Clausius généralisa ce principe par la notion d’entropie en 1865 définie
comme :
S = ∫cycle dQ / T
Dans laquelle :
·
S est l’entropie, en joules par degré
·
dQ est l’élément de transfert indésirable
de chaleur
·
T est la température absolue au moment du
transfert
Selon cette définition, un cycle de transformation parfaitement
réversible est à entropie nulle.
Insistons sur le fait que ces principes sont universels et
s’appliquent quels que soient les fluides ou les mélanges de fluides
considérés, et leurs changements d’états. L’énergie mécanique récupérable est un
maximum théorique qui serait obtenu par une machine idéale sans frottements,
sans échanges thermiques indésirables, avec des transformations réversibles,
dites « isentropiques » sans laminage, ni turbulences. L’énergie mécanique
effectivement récupérée est donc significativement inférieure à ce maximum
théorique.
Rendement
d’une conversion thermique / mécanique
Notations :
- Q1 est la chaleur fournie par la source chaude à la température T1
- Qp est la chaleur perdue par frottements, transferts de chaleur indésirables, turbulences et et irréversibilités dans le fluide,
- Q2 est la chaleur restituée à la source froide à la température T2
Le rendement théorique d’un cycle de Carnot-Clausius
dans la transformation de chaleur en énergie mécanique est :
η = E/Q1 = 1- T2/T1 =
(Q1 - Q2)/Q1
Le rendement réel peut s’écrire :
η = (Q1 – Qp
- Q2)/Q1 = 1- Q2/Q1
– Qp/Q1
Cette expression montre bien qu’un cycle de Carnot-Clausius réel produit
de la chaleur de deux manières :
- Chaleur restituée à la source froide, c’est à dire Q2 = Q1T2/T1, disponible à la température T2 relativement basse. C’est par exemple la chaleur des gaz d’échappement d’un moteur à combustion interne (à pistons ou à turbine)
- Chaleur Qp perdue comme indiqué ci-dessus, évacuée principalement l’eau de refroidissement dans les moteurs à combustion interne.
Rendement
d’une cogénération
La cogénération est la
réutilisation des pertes thermiques d’un cycle de Carnot-Clausius réel aux fins
d’application en chauffage. Pour
que ceci ait un intérêt, encore faut-il que Qp
et Q2 soient disponibles à des températures notablement
supérieures à la température ambiante.
L’expression usuelle du rendement d’une installation de cogénération qui additionne
les énergies électrique et thermique produites avant de les rapporter à
l’énergie thermique primaire est fallacieuse, car seule la part de cette
chaleur disponible à une température suffisamment élevée doit être prise en
compte : l’eau tiède est difficilement utilisable, sinon pour élever des
crocodiles à Pierrelatte à partir de l’eau réchauffée par les condenseurs de la
centrale nucléaire du Tricastin à proximité immédiate, intéressante dans son
principe, mais assez peu commune.
On peut toujours augmenter la chaleur Q2 en
relevant la température T2 de la source froide, mais dans ce cas, une
forte proportion de la chaleur ainsi récupérée sera à déduire directement de la
production d’énergie mécanique. En théorie, c’est même la totalité, mais en pratique
pas tout à fait, car Qp baisse aussi.
Il s’en suit qu’en règle générale, la cogénération :
- N’est pas applicable aux turbines à vapeur pour lesquelles on maîtrise le rapport de détente, et donc T2 dont la température est fixée un peu au-dessus de celle du fluide utilisé pour le refroidissement du condenseur, ce qui exclut toutes les centrales électronucléaires, au charbon et au fioul, et les anciennes centrales au gaz, ainsi que les centrales au gaz « vert » (méthane agricole) ou à la biomasse (bois et déchets végétaux).
- Est applicable uniquement aux moteurs à combustion interne dans lesquels le rapport de détente :
- est fixe et égal au rapport de compression, comme les moteurs diesel
- ou est trop coûteux à augmenter, comme les turbines à gaz
ce qui amène à des températures d’échappement
élevées, et donc réutilisables.
Tour
d’horizon de ces principes
Le tableau ci-dessous récapitule les principales installations de
transformation de chaleur en énergie mécanique, en donnant pour chacune leurs
principales caractéristiques.
Le haut du tableau regroupe les installations à combustion
interne, et les bas, celles à combustion
externe.
Toutes ces installations consomment de la chaleur d’origine
fossile ou nucléaire, et produisent de l’énergie mécanique. Dans tous
les cas ci-dessus, cette énergie mécanique est transformée en énergie
électrique par un alternateur dont le rendement est excellent, sauf les
véhicules qui utilisent directement l’énergie mécanique pour leur propulsion,
mais ceci ne change rien aux principes.
Nous avons vu que pour avoir un bon rendement de conversion, il faut que
le fluide thermodynamique parte d’une température aussi élevée que possible, et
parvienne par détente à une température aussi basse que possible. Examinons les
limites :
La limite de température élevée T1 peut résulter de contraintes :
- De la physique dans les moteurs à pistons à combustion interne : un mélange stoechiométrique (proportions optimum) d’air et de carburant donne une température élevée, mais qui est ce qu’elle est. On ne peut pas l’augmenter, mais on peut la diminuer en réduisant la proportion de carburant. On pourrait l’augmenter en remplaçant l’air par de l’oxygène pur, pour un prix évidemment dissuasif, et en tombant probablement dans le problème ci-dessous.
- De la technologie : la température limite d’utilisation des matériaux constitutifs d’une turbine à gaz ou du cœur d’une centrale nucléaire, et particulièrement de ceux qui sont mobiles (aubes des turbines) : contrairement à ceux d’un moteur à pistons, les éléments d’une turbine, constamment immergés dans le fluide thermodynamique, sont à la même température que lui et soumis à une très forte force d’inertie (appelée à tort « centrifuge »).
- Dans le cas des machines à combustion externe (générateur de vapeur des centrales à charbon, à fioul ou nucléaires à eau primaire pressurisée, dites « EPR »), de la présence d’un échangeur qui réduit un peu T1.
La température basse T2 résulte de la température initiale et du
rapport de détente adiabatique :
· Pour les
moteurs à pistons à combustion interne, qu’ils soient diesel ou à gaz naturel
ou biogaz, T2 ne dépend que du rapport de détente, et
reste toujours inférieur à l’optimum. On peut augmenter ce rapport au prix
d’une perte de puissance par le cycle
d’Atkinson, rarement utilisé. Le
gaz en fin de cycle est encore très chaud, faute de détente suffisante, et
cette chaleur est réutilisable :
o pour le chauffage dans la totalité des
véhicule. En fait, les pertes par l’eau de refroidissement Qp (frottements dans le cylindre et pertes de
chaleur indésirables ne résultant pas de Carnot-Clausius,) sont suffisantes et
plus faciles à utiliser. Le chauffage d’habitacle (à l’exclusion de la
climatisation) est donc gratuit : il n’augmente pas la consommation.
o pour de la cogénération par récupération de
la chaleur des gaz d’échappement (Q2) par un échangeur. Cette chaleur s’ajoute à celle
(Qp) résultant de l’eau de refroidissement et peut
être utilisées pour du chauffage urbain.
· Pour les
turbines à gaz simples, le rapport de détente n’est limité que par le coût d’un
nombre plus élevé d’étages de turbine. T2 n’est pas très élevée, et la chaleur
disponible seulement à l’état gazeux. La récupération est possible, mais peu
usitée.
· Pour les
turbines à gaz à cycle combiné, T2 est très bas, ce qui leur permet d’afficher plus
de 55% de rendement, un chiffre jamais égalé auparavant, toutes technologies
confondues, avec pour contrepartie l’impossibilité de récupérer la chaleur
d’une eau à peine tiède : pas de cogénération possible.
Conclusion :
La cogénération est une amélioration relative permettant sans
surcoût excessif, d‘ajouter une production thermique marginalement gratuite à
une production électrique de médiocre rendement. Le but premier en matière énergétique reste
l’amélioration des rendements aux différents niveaux, et non de faire un bon
usage d’un médiocre rendement, surtout si l’on cherche prioritairement à
réduire les émissions de CO2.
Exemple : si on chauffe un bâtiment avec de l’électricité
produite par une centrale à gaz à cycle combiné (rendement 55%) alimentant des
pompes à chaleur aérothermiques (rendement 200%) on arrive à un rendement
global de 110%, plus de deux fois supérieur au rendement global d’une centrale
de cogénération, et à émettre moitié moins de CO2.
La cogénération s’est néanmoins
développée, notamment en Europe du nord, car elle améliore le rendement des
moyens de production électrique décentralisés,
bien que cette décentralisation soit une erreur stratégique majeure :
comme pour tous les produits industriels, la production électrique de masse
assure une haute mutualisation des moyens, et donc :
- une moindre puissance installée nécessaire (tous les abonnés ne consomment pas en même temps)
- un moindre investissement à puissance égale par effet d’échelle ( un alternateur de 1 GW ne coûte pas 100 000 fois plus cher qu’un alternateur de 10 KW)
- un meilleur rendement (≈ 99,9% à 1 GW, contre ≈ 90% à 10 KW)
- et une moindre trace carbone, surtout si l’on se décide à fixer un prix universel du CO2.