vendredi 2 janvier 2015

Architecture et énergie des véhicules alternatifs

Table des matières du blog www.8-e.fr

Résumé
Nous prenons en compte 6 architectures alternatives, strictement dépourvues d’émissions locales, ayant une autonomie de l’ordre de 200 Km selon l’utilisation-type :
  1. Réservoir d’hydrogène électrolytique alimentant un moteur thermique
  2. Réservoir d’hydrogène électrolytique alimentant un moteur électrique via une pile à combustible
  3. Comme ci-dessus avec petite batterie tampon (12 KWh) filtrant les besoins variables en énergie finale
  4. Grosse batterie (48 KWh) et moteur électrique
  5. Moyenne batterie (24 KWh) et moteur électrique, avec trolley pour caténaires sur autoroute
  6. Trolley sur caténaires uniquement, pour réseau entièrement électrifié (théorique !)
Similitudes et différences avec le véhicule-type diesel
  • Outre leur architecture, la masse (réservoir haute pression et/ou batterie), la présence ou non d’une récupération d’énergie cinétique, l’alimentation des auxiliaires.
  • L’utilisation-type est inchangée.
  • Les rendements varient fortement, la filière hydrogène étant pénalisée par le rendement cumulé de l’électrolyse et de la pile à combustible qui n’excède pas 37%, encore aggravé si un moteur thermique est utilisé. Les architectures à batteries ont un bon rendement, encore amélioré par l’utilisation de trolleys sur caténaires.
  • Les énergies primaires, ici électriques, traduisent ces différences de rendements.
Pour permettre la conversion de l’ensemble du parc, la production électrique nationale devrait être accrue d’environ 140% pour des véhicules thermiques à hydrogène, de 80% pour des véhicules à PàC et batterie, et de 30% pour des véhicules à caténaire et batterie


Ce message traite des sujets en bleu dans le synoptique ci-dessous :

De nombreux articles et communiqués de presse mettent en relief les progrès indéniables réalisés en matière d’architectures automobiles alternatives exemptes d’énergie fossile, sans émission locale, basées sur les batteries, notamment lithium-ion, ou sur l’hydrogène. Beaucoup d’entre eux sont néanmoins à prendre en compte avec prudence, étant motivés par la recherche de crédits publics et/ou d’apports en capital. Très peu cherchent  à faire une synthèse, qui est l’objet du présent message.

Nous comparerons 6 architectures envisageables :

3.1. Véhicule avec réservoir d’hydrogène comprimé obtenu par électrolyse (faute de quoi il devrait être considéré comme fossile) alimentant un moteur thermique et sa chaîne cinématique conventionnelle. Ce véhicule est très proche d’un véhicule actuel à GPL, sauf en ce que l’hydrogène ne peut être stocké sous forme liquide, ce qui amène à utiliser un réservoir sous haute pression pour parvenir à une masse suffisante de ce gaz très léger. Cette architecture, qui ne recourt pas à des technologies sophistiquées, souffre du rendement médiocre des moteurs thermiques conventionnels, selon le principe de Carnot-Clausius.
3.2. Véhicules avec le même réservoir d’hydrogène qu’en en 3.1. ci-dessus, mais disposant d’une pile à combustible convertissant l’hydrogène en énergie  électrique qui alimente un ou plusieurs moteurs électriques. La pile à combustible doit ici être dimensionnée pour la puissance maximum, mais sera utilisée à une puissance très variable. Cette architecture ne permet pas la récupération d’énergie cinétique au ralentissement, car, dans l’état actuel de la technologie, une pile à combustible ne peut pas se transformer en électrolyseur.


3.3. Véhicule à pile à combustible analogue au 3.2. ci-dessus, mais comportant en plus une batterie qui permet de fournir un supplément d’énergie électrique en accélération, en côte ou ou en vitesse de pointe, et de récupérer l’énergie cinétique au ralentissement. Elle réduit la variabilité du débit de la pile à combustible, et permet de la dimensionner pour la seule vitesse de croisière maximum.

3.4. Véhicule électrique à batteries et moteur électrique, genre GM Ampera ou Renault Zoé, sans prolongateur, faute de quoi il ne serait pas à zéro émission locale.

Les architectures suivantes utilisent des caténaires. Cette méthode rustique, très répandue en ferroviaire qui a l’avantage d’utiliser les rails métalliques comme conducteur neutre, n’a été utilisée sur le route que pour des trolleybus. Des tramways les ont souvent remplacés, non pas en raison de leur alimentation électrique mono-fil, mais simplement parce que l’on privilégie les transports en commun en site propre, qui, dès lors, peuvent disposer de rails. Ses avantages ont été décrits dans un message de notre blog. Elle nécessiterait la pose de caténaires électriques, par exemple sur la file de gauche des autoroutes, et pratiquement, la mise en place du pilotage automatique de chacun des véhicules composant le « train ».

3.5. Véhicules à batterie comportant en plus une paire de perches (trolley) frottant sur les conducteurs de la caténaire bifilaire. Un tel véhicule est autonome partout dans les limites de sa batterie, et dispose en plus d’une autonomie illimitée sur les autoroutes ou trajets munis de caténaires. Leur recharge peut être effectuée non seulement dans une station de charge publique ou privée de véhicules électriques, mais aussi, en temps masqué, pendant les trajets sur voie électrifiée. Une telle architecture peut se justifier dès l’équipement électrique des premiers tronçons d’autoroutes, sans nécessiter une couverture généralisée, pour des véhicules dont l’itinéraire est répétitif.


3.6. Véhicules électriques à caténaire seulement. Toutes les voies publiques ou privées ne pouvant pas être électrifiées à un horizon prévisible, cette solution est considérée à titre purement théorique, comme l’aboutissement extrême de l’architecture précédente. Elle pourrait aussi, comme ce fut le cas de nombreux trolleybus, être hybride avec moteur thermique, mais sortirait alors du cadre de la présente comparaison. Nous avons considéré que cette architecture n’aurait pas la possibilité de récupération d’énergie qui poserait sans doute problème à travers un contact glissant sujet à microcoupures.

4.     Rendement et énergie primaire des véhicules alternatifs

4.1. Paramètres pris en compte pour les véhicules alternatifs
  • Supplément de masse, se répercutant sur les énergies de roulement et cinétique, calculé pour assurer une autonomie maximum  (jusqu’à épuisement du réservoir ou de la  batterie) de 200 Km selon l'utilisation-type. (Elle peut être considérée comme 350 Km dans les conditions idéales d’une vitesse constante de 60 Km/h déconnectée des conditions réelles actuelles) 
    • Energie spécifique (hydrogène + réservoir) : 0,7 KWh/Kg
    • Energie spécifique batterie Li-Ion : 0,18 KWh/Kg
      • Hydrogène thermique : 160 KWh, soit 230 Kg
      • Hydrogène et PàC : 90 KWh, soit 130 Kg
      • Batteries uniquement 48 KWh, soit 280 Kg
      • Hydrogène et PàC comme ci-dessus+batterie 12 Kwh : 130  Kg +70 Kg = 200 Kg
      • Hybride Batterie 24 KWh + caténaire : 140 Kg
      • Caténaire seul : aucun supplément


  • Consommation moyenne d’auxiliaires :
    • Mécanique (compresseur de climatisation…)  1 KW
    • Electrique (éclairage, servomoteurs, désembuage...) 0,7 KW après rendement d’alternateur éventuel, soit 1 KW avant.
    • Chauffage d’habitacle électrique : nulle pour moteurs thermiques, 0,5 KW si PàC, 1 KW pour véhicules à batterie sans PàC
A noter que la comparaison avec un véhicule diesel ayant près de 1 000 Km d’autonomie est biaisée, mais cette autonomie conduirait à des véhicules alternatifs aberrants, sauf … le véhicule à caténaire.

4.2. Energie finale des véhicules alternatifs

L’analyse est faite sur l’utilisation-type déjà utilisée pour le véhicule diesel-type. Elle est résumée dans le tableau ci-dessous, qui reprend pour mémoire les chiffres du véhicule-type diesel.


Les énergies finales requises pour les véhicules alternatifs ne sont pas fondamentalement différentes de celle du véhicule thermique conventionnel. On observe cependant :
  • Un petit supplément en énergie de roulement, dû au poids de la batterie et/ou du réservoir.
  • Pour les véhicules ayant une batterie, et en dépit de leur masse, un avantage important en énergie cinétique,  dû à la récupération de la majeure partie de cette énergie au ralentissement.
  • Un très petit avantage en énergie pour les auxiliaires, en dépit du chauffage qui est assuré partiellement (PàC) ou totalement (batterie seule ou caténaire) par effet joule, grâce à la suppression de la consommation au ralenti (sauf hydrogène thermique).
4.3. Energie primaire des véhicules alternatifs

La détermination de l’énergie primaire requiert l’évaluation préalable des rendements, comme suit :
  • Electrolyse : 70%
  • Pile à combustible : 53%
  • Moteur électrique : 90%
  • Récupération d’énergie cinétique sur batterie (uniquement) : 66%
Partant du tableau ci-dessus des énergies finales, on calcule évalue les énergies primaires requises compte tenu des rendements évalués ci-dessus. Par simplification, dans les véhicules hybrides, le rendement de batterie a été pris en compte en produit des autres :
  • Uniquement en urbain et périurbain pour les véhicules à batterie-PàC en raison des puissances qui y sont très variables
  • Idem mais aussi sur routes supposées non électrifiées pour les véhicules à batterie-caténaire 

Les énergies primaires (ici électriques) requises sont très différentes selon les architectures utilisées :
La famille à hydrogène n’apporte que peu de réduction par rapport à un diesel:
  • -23% en PàC seule,
  • -13% en PàC avec batterie,
  • augmentation de 53% avec moteur thermique.
La famille sans hydrogène apporte une réduction très importante :
  • -62% avec batterie seule,
  • -66% en hybride caténaires,
  • -68% en caténaires uniquement, théorique mais quand même instructif.
Rappelons que ces « réductions » résultent d’une comparaison entre une future énergie électrique (après rendement de Carnot-Clausius en production thermique ou nucléaire), remplaçant l’actuelle énergie thermique du carburant, qui est une véritable énergie primaire. Elles sont donc toutes relatives !

Quelles que soient les incertitudes et les approximations inévitables dans  ce genre d’analyse, la conclusion s’impose :
  • La famille à hydrogène est lourdement handicapée par le rendement de l’électrolyse cumulé avec celui de PàC, qui ne dépasse pas 53% x 70% = 37%, en dépit du bon rendement du moteur électrique et d’une éventuelle batterie auxiliaire. Sa version à moteur thermique, qui a l’avantage de la simplicité et de la continuité industrielle, est évidemment encore pire puisqu’elle cumule le rendement d’électrolyse avec celui du  moteur thermique à hydrogène soumis au principe de Carnot-Clausius, et donc inférieur à celui d’une pile à combustible.
  •  La famille sans hydrogène bénéficie à plein du bon rendement du moteur électrique, et de celui de la batterie dans la mesure de son utilisation, qui est réduite pour un véhicule à caténaires.
4.4.    Consommation énergétique du parc routier alternatif

Le tableau ci-dessous donne en deuxième ligne le produit du kilométrage annuel du parc, soit 636 milliards de kilomètres,  par la consommation d’énergie électrique primaire des véhicules alternatifs par kilomètre. Cette énergie globale est chiffrée en TWh (trillions de Wh).


Le résultat est percutant :
  • pour transformer le parc routier existant en véhicules à hydrogène, il faut disposer d’énergie électrique dans une quantité comparable à l’énergie thermique (523 TWh) des carburants utilisés, malgré le principe de Carnot-Clausius qui pénalise beaucoup ces derniers :
    • 153% pour l’architecture à moteur thermique
    • 77% à 87%  pour les architectures à pile à combustible 
  • Pour transformer le parc routier existant en véhicules purement électriques, le résultat est nettement meilleur :
    • 39% pour le véhicule à batteries
    • 34% à 32%  pour le véhicule à caténaires, hybride ou non 
Conclusion :

Le rendement cumulé électrolyse + pile à combustible est presque aussi mauvais (70% x 53% = 37%) que le rendement de Carnot- Clausius.

Nous verrons dans le message suivant que ceci ne serait pas sans conséquence sur les infrastructures électriques.