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vendredi 8 décembre 2017

5 - Energies primaires mécaniques renouvelables dédiées à l’électricité


Lignes 1 à 11 du tableau de synthèse

Hydraulique d’eau douce (lignes 1 à 4)

L’énergie potentielle résulte des précipitations sur les reliefs de l’eau (pluie, neige, grêle) qui descend des montagnes à la mer. Autrefois appelée « houille blanche », cette énergie primaire comporte différentes variantes :
  • Centrales au fil de l’eau, (ligne 1), dont les production sont assez bien prévisibles selon le précipitations dans leur bassin versant, mais néanmoins fatale (non modulables).
  • Centrales dites « éclusées », (ligne 2), de faible chute, à production continue plus ou moins modulables.
  • Centrales de haute chute avec lac supérieur (ligne 3), parfaitement disponibles à tout instant et pour une durée limitée de la capacité du lac supérieur. Leur production à la demande est parfaitement adaptée à la production des pointes modérées.
  • Centrales de haute chute réversibles (STEPs) (ligne 4), avec chacune un lac supérieur et un lac inférieur, disponibles à tout instant, permettant le stockage de l’énergie électrique par pompage du lac inférieur vers le lac supérieur dans la limite de leurs capacités, mais inaptes à une production continue. Elles permettent de satisfaire à la demande des pintes extrêmes, lorsque les autres moyens sont saturés. 

Cette énergie est particulièrement intéressante :
  • Très économique en montagne, avec un coût marginal presque nul une fois l’installation amortie, ce qui est le cas de la plupart d’entre elles.
  • Capacité de rétention d’énergie potentielle dans le lac amont (ligne 3)
  • Disponibilité instantanée dans la limite de la capacité du lac amont (lignes 3 et 4), et capacité de stockage (ligne 4).
  • Indéfiniment renouvelable, avec une durée de vie presque illimitée
  • Aucune émission de CO2 en exploitation
  • Elle produit, bon an mal an, 10 à 12 % de l’électricité nationale

Toutefois :
  • Les barrages, qui noient des vallées et remplacent ainsi un écosystème par un autre, sont loin d’être parfaitement écologiques... Leur construction s’accompagne d’une importante émission de CO2 (ciment, acier, engins…).
  • Dépendantes des précipitations, les centrales hydrauliques sont fatales si leur capacité de stockage amont et/ou leur chute sont faibles. Dans un barrage au fil de l’eau, la production est faible à l’étiage, faute de débit, et pendant les crues, faute de dénivellation. Pour toutes, la production dépend des précipitations.
  • La plupart des sites favorables en France étant déjà équipée, la capacité d’extension de cette énergie primaire est faible, malgré la vogue de la micro-hydraulique de capacité très limitée. Notamment, les précieuses STEPs ne sont nullement une solution définitive au stockage des énergies intermittentes vertes, faute de sites favorables.
  • Le lieu de production ne peut pas être choisi, alors que le transport de l’énergie électrique vers le lieu de consommation a ses limites : quelques centaines de kilomètres, sauf à recourir aux coûteuses lignes DCHT (courant continu à très haute tension)
  • Le risque associé est faible, mais pas nul : plusieurs écroulements de barrages hydroélectriques ont eu lieu. En France, la ruine du barrage de Malpasset a fait 423 mort à Fréjus en 1959, mais cet ouvrage ne produisait pas d’électricité. En Italie, un glissement de terrain dans le lac amont a entraîné le débordement, sans destruction, du barrage hydroélectrique de Vajont, qui a fait 1 900 morts en 1963. Des catastrophes majeures ont eu lieu, notamment en Chine.

Hydraulique maritime (lignes 5 à 7)
  •  L’unique centrale marémotrice de la Rance (ligne 5) recourt à 24 turbines réversibles résistant à l’eau de mer, dont les coûts de fabrication et de maintenance sont élevés. Les célèbres 14 mètres de marnage ne sont qu’un extrême, et ne constituent en rien une dénivellation moyenne, laquelle serait plutôt de l’ordre de 3 mètres, ce qui est déjà beaucoup en mer. La production, parfaitement prévisibles comme les marées, n’en est pas moins intermittente, avec deux arrêts par marée, et d’importantes variations au cours du mois lunaire et de l’année solaire qui déterminent l’amplitude des marées. Sa production moyenne de 57 MW, soit 24% de sa puissance installée (240 MW), soit encore un cumul de 500 GWh par an, représente 1% de la production électro-hydraulique française. Elle n’a jamais atteint son équilibre économique. Elle n’est transposable que dans les rares régions du monde ayant un marnage semi-diurne élevé, et nulle part ailleurs en France.
    Usine marémotrice de la Rance à St Malo
  • Plusieurs prototypes d’hydroliennes (ligne 6), grandes turbines immergées dans des zones à fort courant de marée, ont été testés. Il n’en reste plus qu’une en service. Elles restent fatales quoique parfaitement prévisibles, et sont très coûteuses pour une raison simple : un courant de 4 nœuds, soit 2 m/s, fort et rare, donne la même pression dynamique qu’une chute de 0,20 mètre, trop basse pour être économiquement exploitable. Il est donc peu probable que ces projets soient suivis. Là encore, les zones d’installation, qui doivent allier fort courant et profondeur suffisante, sont peu nombreuses : En France, principalement le Fromveur au sud d’Ouessant, et le Raz Blanchard au nord de la pointe de la Hague.
    Hydrolienne (image de synthèse)
  • L’énergie houlomotrice (ligne 7), énergie des vagues citée pour mémoire, n’est pas réellement envisageable : la houle est une énergie primaire extrêmement intermittente, aléatoire, complexe et très peu prévisible. Elle se manifeste avec des longueurs d’onde, des hauteurs et des fréquences très variables qui compliquent singulièrement son exploitation, sans parler des problèmes liés aux tempêtes et à la maintenance (« fouling », c'est à dire pousse des algues et coquillages indésirables).


Cette filière repose sur l’exploitation de vent, par nature très variable et peu prévisible. Sa problématique principale est le « facteur de charge », défini comme le rapport entre la puissance moyenne produite sur l’année et la puissance nominale (maximum) de l’éolienne. Ce facteur dépend évidemment des années qui comportent plus ou moins de vents adaptés, mais aussi de la conception : la puissance maximum de l’alternateur sera atteinte plus souvent si l’hélice est de plus grand diamètre, mais l’éolienne sera aussi plus chère. Pratiquement les facteurs de charges constatés ou prévus en France sont de l’ordre de :
  • 18% en éolien terrestre (8)   
  • 25% en éolien maritime (9)   
L’avantage de 7 points, soit 40%, pour ce dernier ne compense pas les surcoûts liés à la construction et à la maintenance en mer, qui sont proches d’un doublement.

                                          Prototype terrestre d'éolienne maritime "Halidade" 
                                          avec alternateur direct, à Saint-Nazaire

L’installation d’éoliennes terrestres ne peut se faire que dans des régions ventées (côtes, plaines ou reliefs accessibles pour la maintenance) non urbaines car l’acceptabilité par les riverains s’est fortement réduite. Les éoliennes maritimes posées sur le fond requièrent des profondeurs modérées, mais néanmoins éloignées des côtes pour les rendre acceptables, bien qu'également contestées par les pêcheurs, les plaisanciers et les riverains du littoral. Des éoliennes maritimes flottantes sont envisagées avec des coûts encore plus élevés ; il n’y a plus de limite sur la profondeur, mais la distance à la côte allongera les lignes de raccordement au réseau et les mouvements du flotteur et du mât compliqueront la maintenance. Comment aborder par mauvais temps sur un engin flottant en haute mer, dont le mât oscille de plusieurs mètres ? Même l'hélicoptère, menacé par l'immense rotor, apparaît incertain !

L’énergie éolienne, totalement renouvelable, n’existerait pas sans le tarif garanti cumulé avec la priorité d’écoulement, car ce tarif reste environ 3 fois supérieur au prix de marché de gros, (5 fois pour le maritime) ajouté au caractère fatal d’une filière qui produit quand elle peut, et non quand on en a besoin, une énergie électrique économiquement impossible à stocker.

Tableau des énergies primaires mécaniques dédiées à la production électrique:



samedi 14 janvier 2017

Hydroliennes mort-nées?



Résumé

La filière hydrolienne rencontre des déboires successifs qui renforcent notre pessimisme à son égard :
  • Alstom (GE) abandonne le développement de sa turbine Océade, et « plante » ainsi son client Engie dans son projet pour le Raz Blanchard.
  • Les deux hydroliennes DCNS et exploitées par EDF au large de Bréhat ont dû être remontées pour une longue maintenance suite à des problèmes de corrosion.
  • Il ne reste plus qu’une hydrolienne en fonctionnement, de 1 MW, immergées par Sabella dans le Fromveur en mer d’Iroise. Mais cette société annonce une production de 70 MWh depuis un an ! Ce chiffre insignifiant est soit faux, soit extrêmement mauvais, car il montrerait un facteur de charge inférieur à 1% (70 MWh / 8 670 MWh), alors que l’analyse des marées variables permet d’espérer plus de 30%.
  • Les éléments économiques rapportés par Les Echos ne laissent pas espérer d’amélioration de compétitivité. Selon nous, pour la faire progresser, l’abondement reste préférable à la subvention directe.
Message

Dans son édition du 9 janvier 2017, le quotidien « Les Echos » nous informe par un article de Anne Veitz et Véronique Le Billon, des difficultés rencontrées par la filière hydrolienne de production électrique. Trois éléments nous paraissent particulièrement significatifs, dont un est pourtant présenté comme positif :

1 - Alstom, du Groupe General Electric, arrête le développement de la turbine Océade, d’une puissance nominale de 1,4 MW, dont 4 exemplaires devaient être implantés au Raz Blanchard (devant la pointe de La Hague au nord-ouest du Cotentin), un des plus forts courants du littoral français. Son client Engie, exploitant prévu, se retrouve ainsi sans fournisseur. Alstom a « jugé cette technologie trop amont en termes de maturité »,

2 – Les deux hydroliennes munies de turbines DCNS, immergées en 2016 au large de Bréhat par EDF, ont dues être rapatriées à terre pour maintenance suite à des problèmes de corrosion, probablement électrolytiques en raison de nuances d’inox inappropriées sur des boulons. Nous avions cité la corrosion comme un problème difficile dans notre message à ce sujet publié en novembre 2011.  Ceci aura aussi pour effet de retarder la mise en service des sept hydroliennes prévues par le consortium EDF-DCNS pour le raz Blanchard.



3 - La seule hydrolienne restant en activité est celle de Sabella, d’ne puissance nominale de 1 MW, immergées dans le passage du Fromveur, redouté des marins, entre Ouessant et Molène en mer d’Iroise. Le PDG de cette société semble satisfait d’annoncer que « Nous avons produit 70 MWh sur la période » de juin 2015 à juin 2016. Or une année équivaut à 8 670 heures. Selon ces chiffres, la puissance moyenne de l’hydrolienne est de 70 000 KWh / 8 670 h = 8 KW, soit un facteur de charge de 0,8% !

Rappelons que la puissance d’une hydrolienne est proportionnelle au carré de la vitesse du courant, laquelle est proportionnelle à la racine carrée de la dénivellation ; elle est donc proportionnelle à la dénivellation, tout comme une usine marémotrice, mais avec un déphasage retard de ¼ de période ou plus selon la topographie des lieux : ses maximums sont au-delà des mi-marées et non aux étales. Le caractère intermittent du courant et les variations mensuelles et semestrielles des marées laissent prévoir un facteur de charge théorique de 42% pour une hydrolienne dimensionnée pour les marées d’équinoxe, selon graphe ci-dessous qui donne en ordonnées les hauteurs d’eau conventionnelles par rapport au niveau moyen sur un trimestre, et ce, d’un équinoxe au solstice suivant sur les abscisses graduées en heures.



Ceci voudrait dire que la production a été 0,8% / 42% = 1,9% de la production maximum théorique. Ces chiffres sont donc soit très mauvais, soit faux : dans les deux cas, ils ne démontrent rien quant à la viabilité de la filière !

Dans le message déjà cité, nous constations le prix extravagant des investissements nécessaires, de la maintenance et donc de l’énergie produite. L’article de Echos rapporte que « dans la baie de Fundy, au Canada, la première hydrolienne connectée au réseau électrique livre à un prix de […] 380 €/MWh. ». On ne sait pas sur quelle base d’amortissements ce prix a été calculé, mais on sait que le prix de marché de gros de l’énergie électrique se situe normalement entre 30 et 60 €/MWh. Bien que prédictible, l’électricité éolienne reste une énergie fatale dont la survenance est aléatoire. Il nous semble peu probable qu’elle puisse se justifier économiquement à un horizon prévisible.

Le coût très élevé de l’investissement avec une durée de vie nécessairement limitée pose aussi le problème de la trace carbone de la fabrication et de l’installation de l’hydrolienne, et de son amortissement « carbone » sur sa durée de vie. Faute de chiffres, on ne peut que conjecturer qu’elle est bien pire qu’une centrale nucléaire, et qu’il n’est pas certain qu’elle soit meilleure qu’une centrale à gaz à cycle combiné.


A tout le moins, pour avoir une vision nette du sujet, l’Etat ne devrait subventionner directement ni les études, ni le développement, ni la production, mais plutôt abonder la facturation au prix de marché, de cette dernière par un coefficient à déterminer, comme nous l’avons déjà préconisé dans notre dernier message relatif à l’ensemble des énergies vertes. Un appel d’offres serait attribué au soumissionnaire proposant le coefficient d’abondement le plus bas. Ceci permet de prendre en compte la réalité des prix, et de transférer le risque du contribuable au soumissionnaire.