samedi 14 janvier 2017

Hydroliennes mort-nées?



Résumé

La filière hydrolienne rencontre des déboires successifs qui renforcent notre pessimisme à son égard :
  • Alstom (GE) abandonne le développement de sa turbine Océade, et « plante » ainsi son client Engie dans son projet pour le Raz Blanchard.
  • Les deux hydroliennes DCNS et exploitées par EDF au large de Bréhat ont dû être remontées pour une longue maintenance suite à des problèmes de corrosion.
  • Il ne reste plus qu’une hydrolienne en fonctionnement, de 1 MW, immergées par Sabella dans le Fromveur en mer d’Iroise. Mais cette société annonce une production de 70 MWh depuis un an ! Ce chiffre insignifiant est soit faux, soit extrêmement mauvais, car il montrerait un facteur de charge inférieur à 1% (70 MWh / 8 670 MWh), alors que l’analyse des marées variables permet d’espérer plus de 30%.
  • Les éléments économiques rapportés par Les Echos ne laissent pas espérer d’amélioration de compétitivité. Selon nous, pour la faire progresser, l’abondement reste préférable à la subvention directe.
Message

Dans son édition du 9 janvier 2017, le quotidien « Les Echos » nous informe par un article de Anne Veitz et Véronique Le Billon, des difficultés rencontrées par la filière hydrolienne de production électrique. Trois éléments nous paraissent particulièrement significatifs, dont un est pourtant présenté comme positif :

1 - Alstom, du Groupe General Electric, arrête le développement de la turbine Océade, d’une puissance nominale de 1,4 MW, dont 4 exemplaires devaient être implantés au Raz Blanchard (devant la pointe de La Hague au nord-ouest du Cotentin), un des plus forts courants du littoral français. Son client Engie, exploitant prévu, se retrouve ainsi sans fournisseur. Alstom a « jugé cette technologie trop amont en termes de maturité »,

2 – Les deux hydroliennes munies de turbines DCNS, immergées en 2016 au large de Bréhat par EDF, ont dues être rapatriées à terre pour maintenance suite à des problèmes de corrosion, probablement électrolytiques en raison de nuances d’inox inappropriées sur des boulons. Nous avions cité la corrosion comme un problème difficile dans notre message à ce sujet publié en novembre 2011.  Ceci aura aussi pour effet de retarder la mise en service des sept hydroliennes prévues par le consortium EDF-DCNS pour le raz Blanchard.



3 - La seule hydrolienne restant en activité est celle de Sabella, d’ne puissance nominale de 1 MW, immergées dans le passage du Fromveur, redouté des marins, entre Ouessant et Molène en mer d’Iroise. Le PDG de cette société semble satisfait d’annoncer que « Nous avons produit 70 MWh sur la période » de juin 2015 à juin 2016. Or une année équivaut à 8 670 heures. Selon ces chiffres, la puissance moyenne de l’hydrolienne est de 70 000 KWh / 8 670 h = 8 KW, soit un facteur de charge de 0,8% !

Rappelons que la puissance d’une hydrolienne est proportionnelle au carré de la vitesse du courant, laquelle est proportionnelle à la racine carrée de la dénivellation ; elle est donc proportionnelle à la dénivellation, tout comme une usine marémotrice, mais avec un déphasage retard de ¼ de période ou plus selon la topographie des lieux : ses maximums sont au-delà des mi-marées et non aux étales. Le caractère intermittent du courant et les variations mensuelles et semestrielles des marées laissent prévoir un facteur de charge théorique de 42% pour une hydrolienne dimensionnée pour les marées d’équinoxe, selon graphe ci-dessous qui donne en ordonnées les hauteurs d’eau conventionnelles par rapport au niveau moyen sur un trimestre, et ce, d’un équinoxe au solstice suivant sur les abscisses graduées en heures.



Ceci voudrait dire que la production a été 0,8% / 42% = 1,9% de la production maximum théorique. Ces chiffres sont donc soit très mauvais, soit faux : dans les deux cas, ils ne démontrent rien quant à la viabilité de la filière !

Dans le message déjà cité, nous constations le prix extravagant des investissements nécessaires, de la maintenance et donc de l’énergie produite. L’article de Echos rapporte que « dans la baie de Fundy, au Canada, la première hydrolienne connectée au réseau électrique livre à un prix de […] 380 €/MWh. ». On ne sait pas sur quelle base d’amortissements ce prix a été calculé, mais on sait que le prix de marché de gros de l’énergie électrique se situe normalement entre 30 et 60 €/MWh. Bien que prédictible, l’électricité éolienne reste une énergie fatale dont la survenance est aléatoire. Il nous semble peu probable qu’elle puisse se justifier économiquement à un horizon prévisible.

Le coût très élevé de l’investissement avec une durée de vie nécessairement limitée pose aussi le problème de la trace carbone de la fabrication et de l’installation de l’hydrolienne, et de son amortissement « carbone » sur sa durée de vie. Faute de chiffres, on ne peut que conjecturer qu’elle est bien pire qu’une centrale nucléaire, et qu’il n’est pas certain qu’elle soit meilleure qu’une centrale à gaz à cycle combiné.


A tout le moins, pour avoir une vision nette du sujet, l’Etat ne devrait subventionner directement ni les études, ni le développement, ni la production, mais plutôt abonder la facturation au prix de marché, de cette dernière par un coefficient à déterminer, comme nous l’avons déjà préconisé dans notre dernier message relatif à l’ensemble des énergies vertes. Un appel d’offres serait attribué au soumissionnaire proposant le coefficient d’abondement le plus bas. Ceci permet de prendre en compte la réalité des prix, et de transférer le risque du contribuable au soumissionnaire.