samedi 17 octobre 2015

Electricité solaire compétitive ?




Résumé :

Le prix garanti de 70 €/MWh annoncé pour les futures centrales solaires de forte puissance (plusieurs centaines de MW) est compétitif par rapport au fioul, mais reste supérieur au nucléaire, au charbon et au gaz. Le prix de marché, très fluctuant selon la demande et les moyens disponibles, n’est supérieur aux 70 €/MWh que lors de pointes de consommation qui se produisent généralement en hiver et en soirée, c’est-à-dire quand la filière solaire ne produit pas !

Le prix garanti fixe accompagné de l'obligation de rachat par les opérateurs de réseau permet aux producteurs de se désintéresser complètement du prix de marché, et d'optimiser leurs installations selon leur propre intérêt, c'est à dire de maximiser la production, fût-elle en été. Cet effet pervers est finalement à la charge du consommateur via la CSPE. Pour aider une filière non encore mature, il serait grandement préférable de remplacer ces avantages actuels par un simple  abondement x%, par exemple 50%, sur le prix facturé. Ceci rétablirait, sans charge publique supplémentaire, le lien entre demande et prix de marché, et inciterait ainsi les producteurs à optimiser leurs panneaux pour la production en hiver, et en matinée et soirée, contrairement à ce qu’ils font actuellement sous l’influence du prix constant sur l’année.



Dans son article du 12 octobre 2015, le quotidien « Les Echos », sous la plume d’Anne Feitz, nous annonce que « le solaire photovoltaïque devient compétitif en France ». Cette annonce de première importance mérite une analyse.

Saluons sans arrière-pensée la baisse de prix très importante qui aboutit à pouvoir vendre au prix contractuel garanti de 70 €/MWh pour les nouveaux contrats de plusieurs centaines de MW.  Elle nous amène à ajouter cet élément (entouré en rouge, à droite) sur notre tableau ci-dessous, établi en 2013, de comparaison des filières : le progrès est spectaculaire.



Ce tableau montre non seulement le coût du MWh par filière en ordonnées logarithmiques, mais aussi sa disponibilité en abscisses. Le problème de la production électrique n’est nullement de produire une certaine quantité sur l’année pour satisfaire la demande, mais bien de satisfaire cette demande à chaque instant tout au long de l’année.

La concurrence entre filières ne s’exerce donc pas sur des prix moyens, mais sur les prix instantanés, d’autant plus élevés que la demande est forte et nécessite ainsi de mobiliser des moyens plus coûteux, notamment énergies fossiles. Examinons sous cet angle cette nouvelle compétitivité…

Dans les pays du sud non producteurs de pétrole :
  • L’ensoleillement supérieur, la nébulosité inférieure et la latitude plus basse permettent une production supérieure, et moins fluctuante sur l’année, pour le même investissement, donc un prix encore plus bas.
  • Les filières nucléaire et hydraulique sont généralement inexistantes.
  • Les pointes de consommation dues aux climatisations sont en journée et surtout en été.
  • La filière photovoltaïque est compétitive par rapport à du pétrole importé
Malgré la variabilité de la production solaire, et parce qu’elle est plus ou moins en phase avec la consommation, cette filière permet une réduction des émissions de CO2 et une économie de combustibles fossiles. C’est l’application idéale. Le recours aux énergies fossiles restera nécessaire pour assurer la production de nuit, et plus encore en soirée, mais elles pourraient devenir minoritaires.

Dans les pays pétroliers tels qu’Emirats et Arabie Saoudite, bénéficiant  d’un prix d’extraction de l'ordre de 10% à 20% du prix de marché actuel, le solaire n’est jamais compétitif, sauf si le pays concerné considère le manque à gagner à l’exportation plutôt que le coût d’extraction. Il rejoint alors le cas précédent. Cette dernière approche les amène aussi à envisager aussi du nucléaire.

Mais la situation de la France, avec ses 43° à 50° de latitude nord et ses 92% d’électricité décarbonée, est fortement différente :
  • La production solaire est contra-cyclique: forte  à la mi-journée et en été, faible en hiver, nulle la nuit, alors que la consommation est faible en été, forte en hiver, avec des pointes au début ou à la fin des longues nuits hivernales.
  • Malgré cela, le tarif contractuel constant de rachat de l’électricité solaire incite les producteurs à choisir une faible inclinaison des panneaux pour optimiser la production estivale prépondérante, au détriment de la production hivernale beaucoup plus faible.
  • Malgré ses progrès spectaculaires, la filière solaire n’est devenue compétitive que par rapport à l’éolien et au fioul (tableau ci-dessus).
  • Sa « compétitivité » n’est donc réelle que lorsque :
    • Le nucléaire est saturé
    • L’hydraulique aussi
    • Les centrales à gaz et à charbon aussi
Une telle occurrence est rare, de l’ordre de 10% du temps au plan national. Elle peut être plus fréquente dans les régions dépourvues de centrale nucléaire (Bretagne et PACA). Mais ces occurrences sont presque toujours en hiver et de nuit…


Autrement dit, si une centrale solaire devait écouler sa production photovoltaïque à 70 €/MWh sur un marché parfaitement concurrentiel, elle ne serait capable de vendre qu’aux moments où elle ne peut pas produire !

Le stockage, déjà largement traité dans notre blog, est toujours un facteur d’augmentation important des coûts, en raison de son propre coût, toujours élevé en dehors des STEPs, et de son rendement, toujours inférieur à 100%. Il n’est donc pas de nature à améliorer une compétitivité insuffisante.

Bien entendu, dans les faits, la réglementation impose aux opérateurs de réseau d’absorber prioritairement les productions éoliennes et solaires au prix contractuel. Elle assure ainsi la viabilité de ces filières, et répercute les surcoûts à l’abonné par la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité), au détriment de sa compétitivité ou de son pouvoir d’achat.

Il n’est pas pour autant absurde de vouloir aider une filière nouvelle. Mais il faudrait le faire en se rapprochant des conditions réelles de marché, en supprimant le prix forfaitaire du rachat obligatoire actuellement en vigueur, et en le remplaçant par un abondement par rapport au prix de marché : le producteur solaire reçoit en sus de sa facturation au prix de marché, un abondement égal, par exemple, à 50% de sa facturation, mais ne bénéficierait plus de la garantie d’écoulement.

Le niveau de l’abondement pourrait être ajusté pour que sa charge ne soit pas supérieure à celle du tarif garanti, et aboutisse donc à la même CSPE. Il aurait l’énorme avantage de faire prendre en compte le moment de la production, ce qui amènerait des progrès dans la disposition des panneaux :
  • Panneaux plus inclinés pour privilégier l’hiver (prix de marché plus élevé) par rapport à l’été
  • Panneaux pivotants sur un axe incliné de 45° (latitude) pour suivre le soleil en journée, et augmenter ainsi les productions matinale et vespérale, pour la même raison.