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mardi 16 mai 2017

Le mythe de l'autoconsommation électrique




Résumé

Selon une idée communément répandue, entre autres récemment par TF1, l’écologie nécessiterait d’évoluer vers l’autoconsommation de l’énergie électrique par ses producteurs-consommateurs. Cette autoconsommation  est en réalité un mythe d’origine idéologique qui ne peut que se fracasser contre le mur de la réalité. En effet :
  • Les arguments en sa faveur se basent sur des prix moyens après subventions, qui ne signifient rien, car seuls les prix instantanés réels ont un sens pour une énergie pratiquement non stockable : il faut produire au moment de la consommation !
  • La décentralisation augmenterait dans un facteur 10 la puissance installée nécessaire, qui devrait alors satisfaire des pointes de consommation individuelles et non des moyennes géographiques, et mettrait par surcroît en jeu des installations ayant un rendement plus faible et un coût spécifique plus élevé : on perdrait l’effet d’échelle, considérable pour un rapport des puissances de l’ordre du million : 1 GW / 1 KW.
  • Basée principalement sur du solaire PV, la décentralisation, ne permettrait pas d’assurer la continuité, la nuit pouvant difficilement être résolue par des batteries très coûteuses, de faible durée de vie et pas du tout écologiques, et l’hiver demeurant insoluble. Seule la pluralité des sources le permet, mais la plupart de celles-ci ne sont pas décentralisables (nucléaire, thermique, hydraulique…).
  • Si l’on pallie les impossibilités ci-dessus par une connexion au réseau en l’absence de production individuelle, on reporte sur ce réseau la charge de la continuité, ce qui nécessite le maintien de sa puissance de crête en production et en transport : on n'a rien gagné! La valeur marginale de l’énergie décentralisée est donc presque nulle : ses subventions et avantages fiscaux sont injustifiés et doivent être supprimés, ce qui amènerait sa disparition rapide.
Message

Mercredi dernier 10 mai 2017, en fin de son journal de 20 heures, TF1 nous a présenté l’autoconsommation électrique par les abonnés producteurs comme une tendance lourde qui se justifierait par l’augmentation du prix du KWh acheté par l’abonné et la baisse du prix de revient des panneaux solaires qui deviendraient ainsi compétitifs par rapport au réseau ERDF.

De là à conclure que demain chaque ménage produira demain sa propre électricité, il n’y a qu’un pas qui est allègrement franchi par des écologistes qui y voient je ne sais quel progrès : selon eux, plus de nucléaire qui produit des déchets radioactifs, plus de produits pétroliers qui émettent du CO2, plus de barrages qui noient les vallées et modifient les écosystèmes, rien que des énergies « douces ». Sans discuter sur le concept très subjectif  de « douceur » d’une énergie, limitons à en examiner la possibilité.

Cette idée de décentralisation repose sur 2 erreurs majeures:

1- Les prix dont on parle sont tous déconnectés de la réalité :

  • Le prix réel sur le marché de gros, d’un MWh est constamment variable entre des valeurs extrêmes de 0 à 1 000 €/MWh), avec une moyenne autour de 30 à 40 €/MWh, suivant l’offre et la demande :
    • L’offre dépend des disponibilités hydrauliques, du vent, du soleil, et donc de la saison (plus basse en hiver et la nuit)
    • La demande dépend de l’activité, de l’obscurité, du froid, de l’heure, et donc de la saison (plus élevée en hiver)
  • Le prix de revient moyen du MWh fourni par une filière ne démontre en rien sa compétitivité : encore faut-il qu’il soit produit au bon moment, celui de sa consommation, car il n’existe guère de moyen de stockage économiquement viable. La seule bonne question est : « De quel pourcentage faut-il abonder une énergie verte facturée au prix de marché pour trouver des investisseurs ? ». Elle est actuellement sans réponse faute d’avoir été posée, mais ce pourcentage est sans nul doute entre 100% et 200%.
  • Les énergies vertes bénéficient d’énormes distorsions de concurrence sans lesquelles elles n’existeraient pas :
    • Priorité d’écoulement, même quand elles sont inutiles par manque de demande,
    • Prix de rachat garanti par l’opérateur de réseau qui répercute le surcoût dans la CSPE facturée à l’abonné,
    • Avantages fiscaux à l’achat de panneaux solaires par les ménages, en plus des précédentes.
  • Les comparaisons portant sur des prix réglementés et des prix de revient de filières subventionnées n’ont donc aucun sens. La réduction des émissions de CO2 résultant de la production électrique nécessite :


2 - La décentralisation de la production a de graves inconvénients intrinsèques :

  • Chaque abonné producteur devrait avoir une puissance installée (capacité de production) égale à sa consommation maximum, typiquement 6 KW en l’absence de chauffage électrique, alors que la consommation moyenne d’un ménage abonné sur l’année est de 0,54 KW, soit un facteur 11 ! Ceci résulte de la non-coïncidence des consommations de crête, qui ramène heureusement la puissance installée des centrales électriques à la somme des moyennes de très nombreux abonnés, et non à la somme des crêtes de ces mêmes abonnés. La décentralisation généralisée aboutirait donc à un accroissement énorme de la puissance installée, avec le coût et la trace carbone associés.
  • Le rendement des installations de production croît avec la puissance unitaire. Ainsi, le rendement d’un alternateur de 1 KW n’excède pas 80%, alors qu’il dépasse 99,9% pour un alternateur de 1 GW. C’est encore plus vrai pour un groupe électrogène domestique thermique (fioul ou gaz) dont le rendement est inférieur de moitié à celui d’une centrale électrothermique.
  • Le prix spécifique d’une installation de production décroit avec sa puissance, par effet d’échelle. Un alternateur de 1 GW ne coûte pas un million de fois plus cher qu’en alternateur de 1 KW !
  • La pluralité des sources
    • permanentes (nucléaire),
    • disponibles à la demande (fioul, gaz, biogaz, hydraulique de haute chute, STEPs), 
    • fatales (éolien, solaire, hydraulique au fil de l’eau), 
          permet de pallier les intermittences plus ou moins prévisibles de ces dernières et d’assurer la                continuité de l’approvisionnement électrique.
  • La continuité de l’énergie décentralisée, essentiellement solaire, nécessiterait son stockage semi-diurne par batteries fort peu écologiques, extrêmement coûteuses, et à renouveler fréquemment en raison de leur médiocre durée de vie (5 ans?), sans oublier leur rendement (≈ 80%) qui nécessite de produire 125% de l’énergie consommée après stockage. Elle est insoluble autour du solstice d’hiver, car un stockage semi-annuel n’est pas envisageable, car 365 fois plus cher qu'un stockage semi-diurne!
  • Bien entendu, la solution mixte qui consiste à auto-consommer son énergie solaire décentralisée quand elle est disponible, et à se connecter au réseau quand elle est insuffisante ou nulle, n’a aucun intérêt global, puisqu’elle ne réduit pas les capacités nécessaires de production et de transport du réseau. Il ne faut donc cesser de la subventionner, même sous forme d’avantage fiscal, et supprimer le prix de rachat élevé garanti avec priorité d’écoulement. La vérité des prix, orientée par une taxe carbone neutre sera beaucoup plus efficace pour réduire les émissions de CO2 selon des solutions que le marché, débarrassé de ses distorsions, choisira au meilleur rapport efficacité sur coût. 

dimanche 12 juin 2016

Stockage photovoltaïque : indispensable et impossible?



Résumé

Stockage de l’énergie photovoltaïque de  réseau en France

Le stockage de  l’énergie n’est pas la seule solution à la mise en adéquation de la production photovoltaïque très intermittente, mais largement prévisible, avec la consommation nationale permanente et variable.
  • Aux niveaux actuels, l’absorption de l’énergie solaire nationale par le réseau n’est en aucun cas un problème technique, car les énergies vertes à priorité d’écoulement sont loin d’atteindre la consommation minimum française (30 GW). Nul besoin de stockage coûteux : sa production et sa consommation sont simultanées.
  • On peut envisager ensuite, sans coût supplémentaire, d’inciter les producteurs d’énergie électrique solaire à optimiser leurs installations pour l’hiver grâce à un abondement relevant leur compétitivité par rapport au prix du marché de gros qui est  plus élevé en hiver et pendant les pointes, en lieu et place des prix fixes garantis actuels.
  • On peut aussi agir ensuite sur la consommation par un système de facturation à prix variable en fonction du prix de marché de gros, ce qui est techniquement rendu possible par le compteur Linky, mais suppose de changer la loi.
  • Le stockage proprement dit, quel qu’en soit le procédé, et en dehors des STEPS limitées par la géographie, est toujours extrêmement coûteux, et d’un rendement variable, aggravé par une perte de stock dans le temps selon les cas (batteries, volants d’inertie). Dans un avenir lointain sans énergie fossile, un stockage diurne reste envisageable, mais un stockage sur l’année ne l’est en aucun cas. Ceci limite l’intérêt du stockage et de la production de l’énergie solaire qui est contra-cyclique, très faible en hiver quand la demande est élevée…

Rappelons toutefois que cette énergie reste pertinente dans :
  • Les applications hors réseau, dont les prix et volumes énergétiques sont radicalement différents, notamment mobilité et véhicules pour lesquels le stockage par batteries ou hydrogène s’impose.
  • Les pays du sud, où elle cesse d’être contra-cyclique :
    • Les pointes de consommation sont en milieu de journée et en été (climatisations)
    • Pas de chauffage en hiver
    • L’alternance jour / varie peu entre l’été et l’hiver
    • L’éventuelle absence de réseau national interconnecté justifie de petits réseaux locaux 

1. Situation du problème

La consommation d’énergie électrique en France est permanente, comprise entre 30 et 102 GW, avec de nombreuses variations aléatoires, diurnes, hebdomadaires et annuelles. Exemples de consommations, disponibles sur « Eco2mixRTE » :
  • Le jeudi 15 février 2015, ouvré, en hiver et relativement froid
  • Le samedi 15 août 2015, férié, en période de vacances et par beau temps

On constate bien dans le graphique ci-dessous, ces fortes variations, avec ici une amplitude (maxi/mini) annuelle de 90/31=3, pouvant atteindre 3,5, et une amplitude diurne généralement de 1,3 à 1,5.




La production d’énergie solaire est nulle la nuit, et astronomiquement prévisible le jour, à un facteur d’incertitude près qui est la nébulosité. La production photovoltaïque, selon la même source, et pour les mêmes dates, figure dans le graphique ci-dessus. Attention à la différence d’échelle des ordonnées entre les deux graphes : à la même échelle, la production solaire serait à peine visible, ce qui traduit une couverture de la consommation actuellement insignifiante, particulièrement en hiver:
  • Le jeudi 15 février 2015 : 0,4% cas défavorable
  • Le samedi 15 août 2015 : 2,5% cas favorable

Avant d’envisager de stocker l’énergie solaire, il faudrait donc aussi envisager de la produire en multipliant par plusieurs dizaines le parc installé. C’est possible, l’Allemagne l’a  fait, non sans inconvénients ! En France, l’écoulement prioritaire de l’énergie solaire ne pose aucun problème technique tant que sa puissance maximum reste très inférieure à la puissance minimum consommée qui est de l’ordre de 30 GW. Elle s’ajoute à l’hydraulique au fil de l’eau et à  l’éolien qui se substituent au nucléaire, généralement sans réduction des émissions de CO2, car ce dernier est émis principalement pendant les pointes de consommation qui sont toujours en hiver et la nuit.

2. Facteurs d’adéquation de l’offre et de la demande

On se place ici dans l’hypothèse où la production d’énergie solaire atteindrait une part significative de la demande totale d’énergie. Avant de se lancer dans un problématique stockage, que l’Allemagne ne fait pas malgré son énorme production verte aléatoire, on peut envisager  deux actions préalables :

1    2.1. Adapter (autant que faire se peut) la production solaire à la demande

La production d’un panneau solaire dépend évidemment de son orientation : idéalement, il doit être perpendiculaire aux rayons du soleil, ce qui supposerait qu’il soit mobile selon deux axes :
  • un axe parallèle à celui de la rotation terrestre pour suivre le soleil dans sa course diurne
  • un axe horizontal E-W pour suivre l’apogée du soleil à midi, de hauteur variable entre l’été et l’hiver
Cette mobilité améliore grandement la production, mais reste rare en raison de deux inconvénients :
  • Des coûts plus élevés d’investissement et de maintenance
  • Une plus grande surface au sol pour réduire le masquage de chaque panneau par ses voisins
 Dans le cas le plus fréquent, les panneaux sont fixes.
  • S’ils sont disposés sur un toit préexistant, ce dernier, plus ou moins exposé au sud,  impose son orientation et sa pente. Il subsiste un choix binaire : le faire, ou renoncer.
  • S’ils sont posés sur des structures dédiées, ces dernières doivent avoir une ligne de plus grande pente orientée vers sud. Mais cette pente reste à choisir :
    • Une pente égale à la latitude vient à l’esprit : été comme hiver, à midi, l’angle des rayons solaires restera toujours inférieure à 23°.
    • En fait, le prix contractuel de rachat de l’énergie produite étant fixe (autour de 120 €/MWh pour les installations récentes), toutes les installations privilégient la production autour du solstice d’été (21 juin) qui offre la plus longue exposition au soleil et une faible nébulosité. Ceci aboutit à produire un maximum d’énergie quand on n’en n’a pas besoin ! Ceci se vérifie bien en 2015 (graphe ci-dessous), où la moyenne des deux mois autour du solstice d’été (31,6 GWh/jour) atteint 3,3 fois la production des deux mois autour du solstice d’hiver (9,5 GWh/jour).


Cette situation déplorable n’est pas entièrement fatale : elle résulte de panneaux solaires très peu inclinés pour favoriser délibérément la production prépondérante, celle de l’été. Voir photos de la centrale de Cestas.

Le graphe ci-dessous, établi pour la latitude de Lyon assez représentative de la France, montre la puissance moyenne correspondant à l’ensoleillement astronomique (hors nébulosité) au cours de l’année, selon l’inclinaison du panneau face au sud.

La nébulosité étant plus élevée en hiver qu’en été, les courbes de production réelles à 30° et 60° se trouveraient en hiver (extrémités) moins favorables qu’indiqué, mais quand même beaucoup plus favorables que la courbe .

Pour inciter les producteurs à optimiser leurs installations, et particulièrement celles à créer, il faut sortir des prix fixes garantis assortis d’une priorité d’écoulement, qui sont un déni de la réalité, pour les remplacer, à titre transitoire, par un abondement en pourcentage fixe sur le chiffre d’affaires réalisé au prix du marché, sans priorité découlement, ce qui contraindrait les producteurs à s’intéresser au marché. Cet abondement serait pris en charge par la CSPE et limité au même montant. L’abondement nécessaire à l’apparition d’investisseurs serait un excellent indice de la compétitivité réelle de cette filière. L’abondement nul, indispensable à terme, n’est pas pour demain ! Voir notre message sur la centrale photovoltaïque de Cestas.

2.2. Faire varier le prix de l’énergie pour le consommateur

A l’exception de l’écart minime entre les tarifs « heures pleines » et « heures creuses », et de l’écart plus important, mais simpliste, du tarif « Tempo » peu répandu et limité aux puissances supérieures à 9 KW, le prix public de l’énergie électrique est généralement constant ou peu variable.

Dans le même temps, le prix de marché de gros international varie constamment, dans une fourchette extrêmement large qui va d’un prix légèrement négatif (écoulement des excédents allemands d’énergies vertes fatales et prioritaires, produites à contretemps) à plus de 1 000 €/MWh au cours du dernier record historique de consommation française de 102 GW le 8 février 2012. Dans un passé récent, les prix moyens se situaient autour de 40 €/MWh, ce qui correspond plus ou moins au coût complet du nucléaire ancien, mais depuis 2 ou 3 ans, il a tendance à descendre entre 30 et 40 €/MWh en raison des excédents verts allemands déjà cités, et aussi du développement dans ce pays, paradoxalement, d’une énergie noire (le lignite) très bon marché.

Il va de soi qu’un lien raisonnable (qui n’est pas une proportionnalité) entre le prix de gros et le prix public serait de nature à freiner la consommation quand celle-ci est élevée, donc chère et émettrice de CO2, et à l’encourager dans le cas contraire. L’utilisateur a en effet la capacité de différer ou d’anticiper certaines consommations avec des conséquences sur son confort qui soient nulles (chauffe-eau, congélateur) ou supportables (chauffage, appareils ménagers).
Ce sujet a été développé dans un message précédent.

3    2.3. Stocker l’énergie solaire : un énorme problème

Il va de soi que le stockage de l’énergie électrique ne dépend pas de la manière dont elle a été produite, et qu’il serait souhaitable de mettre cette énergie en stock quand la production globale, d’où qu’elle vienne,  est excédentaire, et donc bon marché, puis de la restituer quand elle est insuffisante en dépit d’un prix de gros beaucoup plus élevé, tous les moyens de production, même les plus chers, étant alors mobilisés. Vouloir stocker spécifiquement l'énergie solaire destinée au réseau n'a aucun sens!

Le stockage pourrait trouver sa viabilité économique dans l’écart entre les prix d’entrée et de sortie du stock, sous réserve du coût du stockage, et de son rendement immédiat et selon la durée de stockage. La plupart des méthodes de stockage ont été analysées dans des messages antérieurs. En dehors des STEPS (centrales hydrauliques de haute chute réversibles) limitées aux régions montagneuses, tous les procédés sont très coûteux, avec des rendements très divers.

Examinons comme un cas d’école:

Le graphe ci-dessous donne, pour l’année  2015, les productions et consommations diurnes de cinq jours typiques de l‘année à chacun desquels une couleur a été attribuée. Pour sa clarté, les productions solaires ont été affectées d’un coefficient arbitrairement fixé à 40, ce qui équivaut à prendre en compte un parc photovoltaïque 40 fois plus grand.



Le calcul des aires sous les courbes ci-dessus montre que, au cours de chacune des journées complètes ci-dessous,
un coeff. sur le parc solaire actuel de
répond à une demande journalière de 
après mise en stock de
dimanche 21 juin 2015, solstice d’été, férié
28
990 GWh
580 GWh
mardi 31 mai 2015, ensoleillé, ouvrable
41
930 GWh
500 GWh
samedi 15 août 2015, estival, férié
41
930 Gwh
500 GWh
jeudi 10 décembre 2015, ouvré, près solstice hiver
134
 1 720 GWh
1 450 GWh
5 jeudi 5 février 2015, ouvré, très froid
221
2 040 GWh
1 850 GWh

En termes simples et arrondis, pour produire toute l’énergie électrique par voie solaire, il faudrait :
  • En été, produire 1 000 GWh par jour, soit le parc 2015 multiplié par 50, et en stocker 600 GWh  avant le crépuscule
  • En hiver, produire 2 000 GWh, soit le parc 2015 multiplié par 200, et en stocker 1 800 Gwh avant le crépuscule.
En effet, en hiver, tous les paramètres sont défavorables :
  • La consommation est plus élevée
  • La durée du stockage augmente
  • Le montant à stocker augmente énormément pendant que la production baisse.
  • Ce stock énorme et doit être constitué en un temps plus  court par une production réduite
En hiver, un stock de 2 000 GWh nécessiterait :
  • 200 millions de batteries de 10 KWh à 5 000 € HT pièce, de durée de vie de 5 à 10 ans, soit 1 000 milliards d’euro?
  • ou 400 millions de volants d’inertie en béton de 5 KWh, dont le seul rotor pèse 1 700 kg, de prix inconnu, mais de longue durée de vie, tel que la société Energiestro les envisage. 
Même en été par beau temps, un stock de 600 GW nécessiterait 60 millions de ces mêmes batteries, soit environ 2 par abonné (mais situées en amont de cet abonné, faute de quoi la situation serait largement pire car la variabilité diminue quand elle concerne un grand nombre de consommateurs) pour un coût de 10 000 € tous les 10 ans, soit 1 000 € par an pour la seule continuité en été, beaucoup plus que le coût de l’électricité consommée !

Evidemment absurde ! Ces ordres de grandeur montrent qu’à l’évidence, l’énergie solaire thermique ne permet pas d’assurer une production suffisante, particulièrement en hiver, et nécessite par surcroît des capacités de stockage monstrueuses.

4    2.4.  Suppléer aux intermittences du solaire par  d’autres sources

Stocker de l’énergie solaire le jour pour pouvoir la restituer la nuit n’a d’intérêt que si, finalement, le coût de l’énergie restituée est inférieur à celui qui pourrait être produit par d’autres sources utilisées.

Une batterie de 10 KWh, coûtant 5 000 €, peut absorber 12 KWh, et restituer  1  KW pendant 10 heures, soit un rendement de 80%, et ce, une fois par jour pendant 5 ans, soit environ 1 500 cycles complets. Son coût d’amortissement sera de l’ordre de  3 € par cycle, c’est-à-dire 300 €/MWh restitué.
Le coût du MWh restitué est donc :
120 €/MWh photovoltaïque entrant / 80% de rendement + 300 € d’amortissement = 550 €/MWh

Quelle sont les substitutions possibles ?

2.4.1. Fossiles 
La substitution est très aisée, mais non envisageable, car on se place ici dans la nécessité absolue d’éliminer les émissions de CO2, tant pour réduire l’effet de serre que par épuisement des combustibles fossiles, bien qu’ils soient parfaitement adaptés à cet usage. Pas de charbon, ni de fioul, ni de gaz.

2.4.2. L’éolien a à peu près les mêmes inconvénients que le solaire : intermittent, moins contra-cyclique, mais aussi moins prévisible. Sa problématique de stockage n’est pas vraiment différente du solaire, et rien ne permet de penser que ces deux énergies intermittentes puissent  se suppléer mutuellement : un grand froid nocturne d’hiver peut parfaitement de produire par temps calme et couvert…

2.4.3. Le nucléaire.
Il n’est pas classé « renouvelable », mais reste disponible pour longtemps, surtout si l’on y intègre des technologies accessibles à moyen terme : surgénérateurs très économes, et thorium pratiquement illimité.
Il est incontestablement décarboné en exploitation.

Rappelons que l’énergie nucléaire de nouvelle génération, à construire aux nouvelles normes post-Fukushima, nécessite un investissement de l’ordre de 9 G€ par EPR de 1,8 Gw, soit 5 000 €/Kw si on l’achète à Areva, nettement moins si on l’achète à la Corée du sud. Pour 5 000 €, le même prix que la batterie de 10 KW qui ne produit rien et de durée de vie limité, on assure donc une production quotidienne de 24 KWh, pendant un demi-siècle, sans émission de CO2 en exploitation.

Pour réduire les émissions de CO2, le nucléaire est incontournable. La loi sur la transition énergétique, qui mène à une impasse, doit être abrogée ou amendée : voir message à ce sujet, points 5, 6 et 8. Le contre-exemple de l’Allemagne en apporte une preuve magistrale  par l’absurde. Les écologistes sincères finiront par le comprendre. Il faut cesser de développer à grand frais l’éolien et le photovoltaïque, et se concentrer sur le gaz, le nucléaire et l’efficacité énergétique (rendements, pompes à chaleur, isolation).

mardi 8 décembre 2015

Electricité et CO2 : Le contre-exemple allemand



Résumé :

Le contraste entre les politiques française et allemande en matière de production électrique est beaucoup plus violent qu’on ne l’imagine, avec des résultats très inattendus : malgré le dictionnaire, les « Grunen » ne sont pas verts du tout !

En lisant ce message vous apprendrez que le développement des énergies photovoltaïque et éolienne en Allemagne a nécessité 350 milliards d’Euros d’investissements, mais n’a abouti qu’à baisser la production nucléaire décarbonée, et non les énergies primaires fossiles. A l’arrivée, le MWh consommé en Allemagne émet 10 fois plus de CO2 que son homologue français, et coûte 53% plus cher à la production, et 87% plus cher au détail.

Cette situation désastreuse s’explique par le fait que, en raison de leur facteur de charge très faible (13% et 18% respectivement) les puissances nominales installées en solaire et éolien sont monstrueuses (35 GW et 55 GW respectivement), très supérieures à la puissance moyenne requise par le pays. Quand les conditions (soleil et vent) sont favorables, l’opérateur de réseau n’a pas d’autre choix que de les brader à l’export. Quand elles ne le sont pas, la production au lignite augmente ! Dans les deux cas, l’abonné allemand paye…

Dans ce contexte, des véhicules à batteries ou à hydrogène n’apportent évidemment aucune baisse d’émissions de CO2, mais plutôt une aggravation ! Il faudrait finir par comprendre que l’écologie ne pourra être efficace que si elle veut bien envisager l’aspect économique des problèmes… Le prix Nobel d'économie Jean Tirole arrive exactement aux mêmes conclusions.

Message

Le CO2, ou dioxyde de carbone, n’est pas à proprement parler un polluant, puis qu’il est au cœur de la vie par la photosynthèse, au même titre que l’eau, et sans aucun danger direct pour l’homme. Mais le GIEC a largement démontré que l’augmentation de son taux dans l’atmosphère est quand même le principal responsable de l’effet de serre qui conduit au dérèglement climatique, le plus grave risque environnemental actuel. La réduction des émissions mondiales de CO2 est donc l’objectif prioritaire majeur.

Bien que notre blog soit consacré à la France, il est intéressant d’analyser l’exemple allemand pour évaluer les résultats économiques et écologiques obtenus par une politique largement dictée par les écologistes politiques, les « Grunen », qui privilégiant à outrance les énergies renouvelables par a priori antinucléaire largement diffusé dans leur opinion publique.

Production Allemagne : valeurs annuelles

L’historique de la production électrique allemande annuelle est donné par le graphique suivant :



Du bas vers le haut, en production annuelle :

  • L’hydraulique est constante et faible : il y a peu de montagnes en Allemagne.
  • Les « Autres » sont renouvelables (principalement biométhane)
  • La production nucléaire, décarbonée, est en chute rapide conformément à des décisions politiques.
  • Les énergies vertes (éolien et photovoltaïque) sont en croissance massive et produisent 26% du total. Elles ont nécessité un investissement de 350 milliards d’euros, qui a abouti essentiellement à réduire le nucléaire de 43%. Leur production reste intermittente, avec des conséquences importantes (voir ci-dessous).
  • Les énergies fossiles assurent 54% de la production, chiffre très élevé, dont seulement 10% pour le fioul et le gaz, mais 43% pour le charbon et le lignite, les pires émetteurs. Curieusement, on note que cette production fossile n’a baissé que de 6% en 15 ans.

Production France : valeurs annuelles

Comparons avec la situation en France, toujours en production annuelle, avec le même code de couleurs :



  • L’hydraulique est plus importante : en France, il y a beaucoup de montagnes.
  • Les « Autres » renouvelables sont très bas (principalement la biomasse)
  • La production nucléaire, décarbonée, est énorme et à peu près constante sur la période qui n’a connu ni mise en service, ni arrêt de réacteur.
  • Les énergies vertes (éolien et photovoltaïque) sont en croissance lente et ne produisent que 4% du total.
  • Les énergies fossiles n’assurent que 5% de la production, dont 2% pour le charbon, très émetteur, et 3% pour le fioul et le gaz. On note avec satisfaction que cette part, quoique déjà faible au départ, fortement baissé (- 45%) malgré un investissement modéré dans les énergies vertes.
Production : Comparaison Allemagne / France

Au global, les moyenne annuelles des émissions de CO2 par mégawattheure produit sont de
  • Allemagne :    500 Kg/MWh
  • France :          50 Kg/MWh
Soit un facteur 10 !

La comparaison des coûts est également édifiante :
€/MWh
France
Allemagne
Ecart All / Fra
Production
53,8
82,2
+53%
Consommateur final
138,9
260,3
+87%

Consommation électrique - Exportation

Comparons maintenant les exportations
Exportations
2000 (TWh)
2014 (TWh)
2014 (% production)
France
69
67
12 %
Allemagne
0
35
5,7 %

On constate que les exportations allemandes croissent avec le développement des énergies vertes très coûteuses, mais subventionnées par l’abonné, pendant que les exportations, françaises, logiquement plus élevées  en raison de la compétitivité de l’électronucléaire, sont stables. Pourquoi ?

Pour y répondre, il faut se rappeler :
  • que la compétitivité ne s’exprime pas par des prix moyens sur l’année, mais heure par heure sur un prix de marché très variable (0 à 1 000 €/MWh) selon la consommation ET selon la production des énergies fatales à écoulement prioritaire.
  • que les centrales à énergie verte ont un facteur de charge (= production annuelle réelle / production annuelle à pleine capacité) en Allemagne de l’ordre de 13% pour le photovoltaïque , et de 18% pour l’éolien terrestre.
  • En d’autres termes les capacités de production verte installées en Allemagne sont énormes : 55 GW en éolien, et 35 GW de solaire. Leur somme, soit 90 GW, excède la consommation allemande moyenne (70 GW), et a fortiori la consommation minimum, évaluée à 40 GW. Quand le vent est fort, et/ou le soleil brillant, la production verte excède fréquemment la consommation.
  • Face à cette situation, l’opérateur de réseau n’a d’autre choix que d’exporter les excédents de production à un prix bradé pour intéresser ses voisins, fût-il négatif (c’est arrivé !).
  • La différence entre ce prix bradé, et le tarif élevé garanti aux producteurs verts allemands, est à la charge par l’abonné allemand, comme pour la CSPE en France, en plus élevé.
  • Dans le graphe ci-dessous, l’analyse des flux transfrontaliers mensuels montre que,  au cours des mois où le vent en Allemagne a été supérieur à la moyenne, 80% de l’excédent éolien est exporté.
  • L’analyse des flux quotidiens, notamment en été, montre une excellente corrélation entre les exportations et la production solaire, évidemment de jour.
     Graphe origine BC Consult

Le graphe ci-dessus, emprunté à un site favorable au photovoltaïque, est relatif aux conditions particulièrement favorables du 1er au 3 octobre 2013, tous jours ouvrables. Il donne au cours de la période, les 3 courbes de :
  • La production photovoltaïque seule
  • La production totale photovoltaïque + éolienne
  • Le prix de marché de gros du MWh

On y voit clairement que :
  • En journée ouvrable hors pointes du matin et du soir, la corrélation entre la hausse de la production photovoltaïque et la baisse du prix du MWh montre que cette production est excédentaire, et donc majoritairement exportée.
  • La nuit, la corrélation entre une consommation naturellement faible, et la poursuite d’une production éolienne excédant les besoins, et donc exportée, tire les prix à un niveau d’autant plus bas que la demande dans les pays recevant ses exportations est également faible, autour des 20 €/Mwh, en dessous du prix accessible au nucléaire.
  • Les matins et soirs, où se situent les pointes quotidiennes (hors pointes hivernales), la remontée des prix vers 50 à 60 €/MWh, très au-dessus du prix de marché français au même moment montre une consommation nationale, mais celle-ci ne concerne que l’éolien, faute de soleil à ces heures.
  • En d’autres termes, la variabilité rapide et aléatoire des productions vertes ne leur permet pas de satisfaire une consommation également variable. L’ajustement est réalisé par l’exportation, ce qui a évidemment des limites ! On peut ainsi estimer, sans risque d’excès, que plus de la moitié de la production verte allemande est exportée.
  • Il s’en suit que la revendication, fréquemment exprimée, selon laquelle l'énergie électrique consommée en Allemagne résulte pour 22% de l’éolien et du photovoltaïque, est fausse : il s’agit en réalité de l’énergie produite. Partant d’une évaluation modérée selon laquelle 50% de ces énergies sont exportées, faute de pouvoir être consommées, car produites au mauvais moment, le ratio se réduit à environ 10% !

Conclusion : l’écologie ne peut s’affranchir de l’économie

Dans le contexte allemand, des véhicules à batteries n’apportent pas de baisse d’émissions de CO2, et les véhicules à hydrogène, handicapés par le médiocre rendement du cycle hydrogène, apportent une aggravation

Il faudrait finir par comprendre que l’écologie ne pourra être efficace que si elle veut bien envisager l’aspect économique des problèmes…

Un investissement de  350 milliards d’euros pour arriver à ces 10% verts pendant que les énergies fossiles assurent 56% de la consommation et maintiennent des émissions de CO2 très élevées, et à un prix de l’énergie électrique proche du double de celui de la France, est évidemment un non-sens. Avec cette somme, il était possible, au choix :
  • De créer un parc électronucléaire à eau pressurisé (le plus sûr) de 20 EPR aux normes « post-Fukushima » d’une puissance dépassant les pointes de consommation allemandes (ce qui est superflu), avec zéro émission de CO2.
  • D’améliorer drastiquement l’isolation thermique de 10 millions de logement pour en diviser par deux la consommation énergétique à raison de 35 000 € par logement.
  • De construire 20 millions de véhicules sobres (hybrides légers de faible section, moteur à essence de cylindrée réduite) consommant 2 litres aux 100 km dans les conditions réelles d’utilisation, de large autonomie, et capables de circuler comme les autres aux vitesses autorisées.
  • Un panachage optimisé des trois suggestions ci-dessus.
Les écologistes sincères doivent comprendre que le coût maîtrisé de la transition énergétique est une condition sine qua non de son efficacité, et de sa vitesse de mise en œuvre réclamée par le GIEC. Il est à craindre que les écologistes politiques, aveuglés par leurs croyances, ne le comprennent pas avant très longtemps. Il vaudrait donc mieux n’écouter ni ces partis très minoritaires, ni les ONG dites écologistes qui ne représentent que leurs propres militants !

Jean TIROLE, prix Nobel d'économie 2015, fait dans son remarquable ouvrage "Economie du bien commun", le commentaire suivant, page 278: "Les Etats dépensent parfois jusqu'à 1000 € par tonne de carbone évitée (c'est le cas notamment de l'Allemagne, pays peu ensoleillé, avec des l'installation de photovoltaïque de première génération), alors que d'autres émissions pourraient être réduites à un coût de 10 € la tonne. Il s'agit d'une politique qualifiée d'écologiste par une vaste majorité d'observateurs, mais qui ne l'est pas vraiment : pour un coût identique, on aurait pu réduire les émissions de 100 tonnes au lieu d'une seule!"