Résumé
Stockage de l’énergie
photovoltaïque de réseau en France
Le
stockage de l’énergie n’est pas la seule
solution à la mise en adéquation de la production photovoltaïque très
intermittente, mais largement prévisible, avec la consommation nationale
permanente et variable.
- Aux niveaux actuels, l’absorption de l’énergie solaire nationale par le réseau n’est en aucun cas un problème technique, car les énergies vertes à priorité d’écoulement sont loin d’atteindre la consommation minimum française (30 GW). Nul besoin de stockage coûteux : sa production et sa consommation sont simultanées.
- On peut envisager ensuite, sans coût supplémentaire, d’inciter les producteurs d’énergie électrique solaire à optimiser leurs installations pour l’hiver grâce à un abondement relevant leur compétitivité par rapport au prix du marché de gros qui est plus élevé en hiver et pendant les pointes, en lieu et place des prix fixes garantis actuels.
- On peut aussi agir ensuite sur la consommation par un système de facturation à prix variable en fonction du prix de marché de gros, ce qui est techniquement rendu possible par le compteur Linky, mais suppose de changer la loi.
- Le stockage proprement dit, quel qu’en soit le procédé, et en dehors des STEPS limitées par la géographie, est toujours extrêmement coûteux, et d’un rendement variable, aggravé par une perte de stock dans le temps selon les cas (batteries, volants d’inertie). Dans un avenir lointain sans énergie fossile, un stockage diurne reste envisageable, mais un stockage sur l’année ne l’est en aucun cas. Ceci limite l’intérêt du stockage et de la production de l’énergie solaire qui est contra-cyclique, très faible en hiver quand la demande est élevée…
Rappelons
toutefois que cette énergie reste pertinente dans :
- Les applications hors réseau, dont les prix et volumes énergétiques sont radicalement différents, notamment mobilité et véhicules pour lesquels le stockage par batteries ou hydrogène s’impose.
- Les pays du sud, où elle cesse d’être contra-cyclique :
- Les pointes de consommation sont en milieu de journée et en été (climatisations)
- Pas de chauffage en hiver
- L’alternance jour / varie peu entre l’été et l’hiver
- L’éventuelle absence de réseau national interconnecté justifie de petits réseaux locaux
1. Situation du problème
La consommation d’énergie électrique en France est permanente,
comprise entre 30 et 102 GW, avec de nombreuses variations aléatoires, diurnes,
hebdomadaires et annuelles. Exemples de consommations, disponibles sur « Eco2mixRTE » :
- Le jeudi 15 février 2015, ouvré, en hiver et relativement froid
- Le samedi 15 août 2015, férié, en période de vacances et par beau temps
On constate bien dans le
graphique ci-dessous, ces fortes variations, avec ici une amplitude (maxi/mini)
annuelle de 90/31=3, pouvant atteindre 3,5, et une amplitude diurne
généralement de 1,3 à 1,5.
La production d’énergie solaire est nulle la nuit, et
astronomiquement prévisible le jour, à un facteur d’incertitude près qui est la
nébulosité. La production
photovoltaïque, selon la
même source, et pour les mêmes dates, figure dans le graphique ci-dessus.
Attention à la différence d’échelle des ordonnées entre les deux graphes :
à la même échelle, la production solaire serait à peine visible, ce qui traduit
une couverture de la consommation actuellement
insignifiante, particulièrement en hiver:
- Le jeudi 15 février 2015 : 0,4% cas défavorable
- Le samedi 15 août 2015 : 2,5% cas favorable
Avant d’envisager de stocker
l’énergie solaire, il faudrait donc aussi envisager de la produire en multipliant
par plusieurs dizaines le parc installé. C’est possible, l’Allemagne l’a fait, non
sans inconvénients ! En France, l’écoulement prioritaire de l’énergie
solaire ne pose aucun problème technique tant que sa puissance maximum reste
très inférieure à la puissance minimum consommée qui est de l’ordre de 30 GW.
Elle s’ajoute à l’hydraulique au fil de l’eau et à l’éolien qui se substituent au nucléaire, généralement
sans réduction des émissions de CO2, car ce dernier est émis
principalement pendant les pointes de consommation qui sont toujours en hiver
et la nuit.
2. Facteurs d’adéquation de l’offre et de
la demande
On se place ici dans l’hypothèse
où la production d’énergie solaire atteindrait une part significative de la
demande totale d’énergie. Avant de se lancer dans un problématique stockage,
que l’Allemagne
ne fait pas malgré son énorme production verte aléatoire, on peut envisager
deux actions préalables :
1 2.1. Adapter (autant que faire se peut) la
production solaire à la demande
La production d’un panneau
solaire dépend évidemment de son orientation : idéalement, il doit être perpendiculaire
aux rayons du soleil, ce qui supposerait qu’il soit mobile selon deux
axes :
- un axe parallèle à celui de la rotation terrestre pour suivre le soleil dans sa course diurne
- un axe horizontal E-W pour suivre l’apogée du soleil à midi, de hauteur variable entre l’été et l’hiver
Cette mobilité améliore
grandement la production, mais reste rare en raison de deux
inconvénients :
- Des coûts plus élevés d’investissement et de maintenance
- Une plus grande surface au sol pour réduire le masquage de chaque panneau par ses voisins
- S’ils sont disposés sur un toit préexistant, ce dernier, plus ou moins exposé au sud, impose son orientation et sa pente. Il subsiste un choix binaire : le faire, ou renoncer.
- S’ils sont posés sur des structures dédiées, ces dernières doivent avoir une ligne de plus grande pente orientée vers sud. Mais cette pente reste à choisir :
- Une pente égale à la latitude vient à l’esprit : été comme hiver, à midi, l’angle des rayons solaires restera toujours inférieure à 23°.
- En fait, le prix contractuel de rachat de l’énergie produite étant fixe (autour de 120 €/MWh pour les installations récentes), toutes les installations privilégient la production autour du solstice d’été (21 juin) qui offre la plus longue exposition au soleil et une faible nébulosité. Ceci aboutit à produire un maximum d’énergie quand on n’en n’a pas besoin ! Ceci se vérifie bien en 2015 (graphe ci-dessous), où la moyenne des deux mois autour du solstice d’été (31,6 GWh/jour) atteint 3,3 fois la production des deux mois autour du solstice d’hiver (9,5 GWh/jour).
Cette situation déplorable n’est
pas entièrement fatale : elle résulte de panneaux solaires très peu inclinés
pour favoriser délibérément la production prépondérante, celle de l’été. Voir
photos de la centrale
de Cestas.
Le graphe ci-dessous, établi pour
la latitude de Lyon assez représentative de la France, montre la puissance moyenne
correspondant à l’ensoleillement astronomique (hors nébulosité) au cours de l’année,
selon l’inclinaison du panneau face au sud.
La nébulosité étant plus élevée
en hiver qu’en été, les courbes de production réelles à 30° et 60° se trouveraient en
hiver (extrémités) moins favorables qu’indiqué, mais quand même beaucoup plus
favorables que la courbe 0°.
Pour inciter les producteurs à
optimiser leurs installations, et particulièrement celles à créer, il faut sortir des
prix fixes garantis assortis d’une priorité d’écoulement, qui sont un
déni de la réalité, pour les remplacer, à titre transitoire, par un
abondement en pourcentage fixe sur le chiffre d’affaires réalisé au
prix du marché, sans priorité découlement, ce qui contraindrait les producteurs
à s’intéresser au marché. Cet abondement serait pris en charge par la CSPE et
limité au même montant. L’abondement nécessaire à l’apparition d’investisseurs
serait un excellent indice de la compétitivité réelle de cette
filière. L’abondement nul, indispensable à terme, n’est pas pour demain !
Voir notre message sur la centrale photovoltaïque de Cestas.
2.2. Faire varier le prix de l’énergie pour le consommateur
A l’exception de l’écart minime
entre les tarifs « heures pleines » et « heures creuses »,
et de l’écart plus important, mais simpliste, du tarif « Tempo » peu
répandu et limité aux puissances supérieures à 9 KW, le prix public de l’énergie électrique est généralement constant ou
peu variable.
Dans le même temps, le prix de
marché de gros international varie constamment, dans une fourchette extrêmement
large qui va d’un prix légèrement
négatif (écoulement des excédents allemands d’énergies vertes fatales et
prioritaires, produites à contretemps) à plus de 1 000 €/MWh au cours du dernier record historique de
consommation française de 102 GW le 8 février 2012. Dans un passé récent, les prix moyens
se situaient autour de 40 €/MWh, ce qui correspond plus ou moins au coût
complet du nucléaire ancien, mais depuis 2 ou 3 ans, il a tendance à descendre
entre 30 et 40 €/MWh en raison des excédents verts allemands déjà cités, et
aussi du développement dans ce pays, paradoxalement, d’une énergie noire (le lignite)
très bon marché.
Il va de soi qu’un lien
raisonnable (qui n’est pas une proportionnalité) entre le prix de gros et le
prix public serait de nature à freiner la consommation quand celle-ci est
élevée, donc chère et émettrice de CO2, et à l’encourager dans le
cas contraire. L’utilisateur a en effet la capacité de différer ou d’anticiper
certaines consommations avec des conséquences sur son confort qui soient nulles
(chauffe-eau, congélateur) ou supportables (chauffage, appareils ménagers).
Ce sujet a été développé dans un message
précédent.
3 2.3. Stocker l’énergie solaire : un énorme problème
Il va de soi que le stockage de
l’énergie électrique ne dépend pas de la manière dont elle a été produite, et
qu’il serait souhaitable de mettre cette énergie en stock quand la production
globale, d’où qu’elle vienne, est
excédentaire, et donc bon marché, puis de la restituer quand elle est insuffisante
en dépit d’un prix de gros beaucoup plus élevé, tous les moyens de production,
même les plus chers, étant alors mobilisés. Vouloir stocker spécifiquement l'énergie solaire destinée au réseau n'a aucun sens!
Le stockage pourrait trouver sa
viabilité économique dans l’écart entre les prix d’entrée et de sortie du
stock, sous réserve du coût du stockage, et de son rendement immédiat et selon
la durée de stockage. La plupart des méthodes
de stockage ont été analysées dans des messages antérieurs. En dehors des STEPS
(centrales hydrauliques de haute chute réversibles) limitées aux régions
montagneuses, tous les procédés sont très coûteux, avec des rendements très divers.
Examinons comme un cas d’école:
Le graphe ci-dessous donne, pour
l’année 2015, les productions et
consommations diurnes de cinq jours typiques de l‘année à chacun desquels une
couleur a été attribuée. Pour sa clarté, les productions solaires ont été
affectées d’un coefficient arbitrairement fixé à 40, ce qui équivaut à prendre
en compte un parc photovoltaïque 40 fois plus grand.
Le calcul des aires sous les
courbes ci-dessus montre que, au cours de chacune des journées complètes ci-dessous,
|
un coeff. sur le
parc solaire actuel de
|
répond à une
demande journalière de
|
après mise en stock
de
|
dimanche
21 juin 2015, solstice d’été, férié
|
28
|
990 GWh
|
580 GWh
|
mardi
31 mai 2015, ensoleillé, ouvrable
|
41
|
930 GWh
|
500 GWh
|
samedi 15 août 2015, estival, férié
|
41
|
930 Gwh
|
500 GWh
|
jeudi 10 décembre 2015, ouvré,
près solstice hiver
|
134
|
1 720 GWh
|
1 450
GWh
|
5 jeudi
5 février 2015, ouvré, très froid
|
221
|
2 040 GWh
|
1 850 GWh
|
En termes simples et arrondis,
pour produire toute l’énergie électrique par voie solaire, il faudrait :
- En été, produire 1 000 GWh par jour, soit le parc 2015 multiplié par 50, et en stocker 600 GWh avant le crépuscule
- En hiver, produire 2 000 GWh, soit le parc 2015 multiplié par 200, et en stocker 1 800 Gwh avant le crépuscule.
- La consommation est plus élevée
- La durée du stockage augmente
- Le montant à stocker augmente énormément pendant que la production baisse.
- Ce stock énorme et doit être constitué en un temps plus court par une production réduite
- 200 millions de batteries de 10 KWh à 5 000 € HT pièce, de durée de vie de 5 à 10 ans, soit 1 000 milliards d’euro?
- ou 400 millions de volants d’inertie en béton de 5 KWh, dont le seul rotor pèse 1 700 kg, de prix inconnu, mais de longue durée de vie, tel que la société Energiestro les envisage.
Evidemment absurde ! Ces
ordres de grandeur montrent qu’à l’évidence, l’énergie solaire thermique ne
permet pas d’assurer une production suffisante, particulièrement en hiver, et
nécessite par surcroît des capacités de stockage monstrueuses.
4 2.4. Suppléer aux intermittences du solaire par d’autres sources
Stocker de l’énergie solaire le
jour pour pouvoir la restituer la nuit n’a d’intérêt que si, finalement, le
coût de l’énergie restituée est inférieur à celui qui pourrait être produit par
d’autres sources utilisées.
Une batterie de 10 KWh, coûtant
5 000 €, peut absorber 12 KWh, et restituer 1 KW pendant
10 heures, soit un rendement de 80%, et ce, une fois par jour pendant 5 ans,
soit environ 1 500 cycles complets. Son coût d’amortissement sera de
l’ordre de 3 € par cycle, c’est-à-dire 300
€/MWh restitué.
Le coût du MWh restitué est
donc :
120 €/MWh photovoltaïque entrant
/ 80% de rendement + 300 € d’amortissement = 550 €/MWh
Quelle sont les substitutions possibles ?
2.4.1. Fossiles
La substitution est très aisée, mais non envisageable, car on se place ici dans la nécessité
absolue d’éliminer les émissions de CO2, tant pour réduire l’effet de serre que
par épuisement des combustibles fossiles, bien qu’ils soient parfaitement
adaptés à cet usage. Pas de charbon, ni
de fioul, ni de gaz.
2.4.2. L’éolien a à peu près les mêmes inconvénients que le solaire :
intermittent, moins contra-cyclique, mais aussi moins prévisible. Sa
problématique de stockage n’est pas vraiment différente du solaire, et rien ne
permet de penser que ces deux énergies intermittentes puissent se suppléer mutuellement : un grand
froid nocturne d’hiver peut parfaitement de produire par temps calme et
couvert…
2.4.3. Le nucléaire.
Il n’est pas classé
« renouvelable », mais reste disponible pour longtemps, surtout si
l’on y intègre des technologies accessibles à moyen terme : surgénérateurs
très économes, et thorium pratiquement illimité.
Il est incontestablement
décarboné en exploitation.
Rappelons que l’énergie nucléaire
de nouvelle génération, à construire aux nouvelles normes post-Fukushima,
nécessite un investissement de l’ordre de 9 G€ par EPR de 1,8 Gw, soit
5 000 €/Kw si on l’achète à Areva, nettement moins si on l’achète à
la Corée du sud. Pour 5 000 €, le même prix que la batterie de 10 KW
qui ne produit rien et de durée de vie limité, on assure donc une production
quotidienne de 24 KWh, pendant un demi-siècle, sans émission de CO2
en exploitation.
Pour réduire les émissions de CO2, le nucléaire est incontournable.
La loi sur la transition énergétique, qui mène à une impasse, doit être abrogée
ou amendée : voir message à
ce sujet, points 5, 6 et 8. Le contre-exemple
de l’Allemagne en apporte une preuve magistrale par l’absurde. Les écologistes sincères
finiront par le comprendre. Il faut
cesser de développer à grand frais l’éolien et le photovoltaïque, et se
concentrer sur le gaz, le nucléaire et l’efficacité énergétique (rendements,
pompes à chaleur, isolation).