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lundi 5 décembre 2016

Energies vertes et concurrence : l'abondement


Dans son édition du 5 décembre 2016, le quotidien « Les Echos » nous informe par un article de Anne Veitz et Véronique Le Billon, de la publication par la Commission Européenne d’un « paquet énergie » qui vise à mettre un peu d’ordre dans les subventions aux énergies vertes, ce qui ne manque évidemment pas d’alarmer certains de leurs acteurs. Ces dispositions comportent trois nouveautés principales :

1 - Neutralité technologique

Un appel d’offres peut être lancé sans référence à une technologie particulière, la réponse pouvant être solaire, éolienne ou autre, au choix du soumissionnaire. Ceci permettra de faire la vérité sur la compétitivité relative des différentes filières, ce qui est un progrès.
L’argument des fabricants selon lesquels ces dispositions les priveraient des volumes permettant de baisser les coûts ne sont pas recevables : tous les secteurs de l’industrie sont confrontés à ce dilemme, et il n’y a aucune raison d’en exempter les filières de l’énergie verte selon des critères nécessairement arbitraires et donc peu pertinents.

2 - Fin de priorité d’injection

L’utilisation prioritaire des énergies vertes par les opérateurs de réseaux conduit ces derniers à de lourdes pertes ; il est arrivé, notamment en Allemagne, que l’énergie rachetée par eux au prix administré ait due être revendue à un prix négatif, tant leur production excédait la demande. En outre, la nécessité d’ajuster constamment la production à l’offre, problème majeur et permanent des réseaux de distribution, doit être fait de préférence par les moyens de production les plus souples : il est très facile de réduire ou d’arrêter une éolienne en agissant sur le pas de la turbine, ou de réduire la production d’un panneau PV en laissant monter la tension sur les éléments, ou en les déconnectant.

3 - Réduction des biocarburants de première génération

A la surprise générale, mais non sans pertinence, La Commission veut réduire la part des biocarburants de 7% en 2020 à 3,8%, guère plus de la moitié, en raison de leurs effets pervers sur la production alimentaire et sur la déforestation.

4 - L’abondement reste à inventer par la Commission !

Depuis la création de notre blog en 2012, nous dénonçons les avantages indus octroyés aux filières vertes pour leur apporter une compétitivité factice au détriment des abonnés aux réseaux électriques, et sans effet significatif, voire avec un effet négatif sur les émissions de CO2 dont la réduction demeure une priorité. Il est donc clair que nous approuvons sans réserve ces nouvelles dispositions. Elles ont d’ailleurs été largement anticipées par l’Allemagne en juin 2016.

Nous avons aussi longuement analysé et souligné les effets pervers de l’intermittence de la production qui oblige à créer des moyens de production thermiques de même capacité (l’hydraulique n’étant pratiquement pas extensible) sous astreinte (en « standby »), constamment capables de pallier la réduction ou l’arrêt imprévues de la puissance verte. Voir les messages sur Cestas et Halidade.

Mais la Commission n’a pas (encore ?) utilisé le dispositif que nous préconisons depuis 2014 pour améliorer la compétitivité des énergies vertes : l’abondement. Il consiste à laisser les producteurs d’énergies vertes revendre leur production à l’opérateur de réseau au prix de marché, en les aidant par un abondement calculé en pourcentage des paiements qu’ils reçoivent de l’opérateur de réseau. Ce pourcentage serait fixé par le moins-disant de l’appel d’offres technologiquement neutre. Le coût de l’abondement est répercuté dans la CSPE. Son taux rappelle constamment le progrès qui reste à parcourir pour atteindre la compétitivité réelle.

De portée beaucoup plus générale que les dispositions ci-dessus, l’abondement entraîne non seulement la fin de la priorité d’injection qui n’a plus de raison d’être, puisqu’elle était nécessaire en raison du prix fixe élevé, mais aussi l’optimisation des installations, notamment solaires à panneaux PV, pour optimiser la production en hiver (quand on en a besoin) plutôt qu’en été (quand on n’en a pas besoin). Il fait coïncider l’intérêt particulier (du producteur) à l’intérêt général (de l’abonné).

mercredi 2 décembre 2015

Centrale solaire Neoen à Cestas : Quelle erreur !




Résumé

La nouvelle centrale solaire de Cestas (Gironde) construite par Neoen, présentée comme la plus grande d’Europe, atteint une puissance installée de 300 MW capable de produire 350 GWh par an, soit un facteur de charge de 13%. Elle est basée sur un contrat d’écoulement prioritaire à 105 €/MWh, prix en baisse par rapport aux précédents, pendant 20 ans.

L’investissement atteint 285 M€ et occupe 260 hectares. Le chiffre d’affaires escompté sur 20 ans est égal à 2,6 fois cet investissement initial. La lumière du soleil étant gratuite, et tous les traitements électriques automatisés, les frais d’exploitation se réduisent à la maintenance (nettoyage des panneaux, maîtrise de la végétation). Sa rentabilité est évidente, mais sa compétitivité alléguée par Neoen ne l’est nullement.  

Cette superbe réalisation a néanmoins quelques menus défauts congénitaux :

  • L’écart entre le prix de marché moyen de 40 à 50 €/MWh et les 105 €/MWh garantis, sera payé par l’abonné via la CSPE.
  • Elle est contra-cyclique, produisant beaucoup en été et milieu de journée, peu en hiver, rien la nuit, à l’opposé de la demande plus forte en hiver et la nuit, alors qu’il n’existe pas de moyen de stockage économiquement viable loin des montagnes.
  • Face à un prix de marché très variable entre 0 et 1 000 €/MWh, elle n’est compétitive que dans les périodes de forte demande pendant lesquelles elle ne produit pas ou peu : en hiver et la nuit !
  • Presque toute sa production prioritaire viendra réduire la production électronucléaire décarbonée dont le coût marginal est extrêmement bas. Elle n’aura donc qu’un effet insignifiant sur la réduction des émissions de CO2.
  • De ce fait, elle ne compensera jamais sa propre trace carbone liée à l’investissement et à l’absence de forêt sur 260 hectares.
  • Elle ne produira, à contretemps, que 4% d’une tranche électronucléaire moyenne qui tient sur environ 50 hectares.
  • Au final, elle aura aggravé les émissions de CO2, et coûté 735 M€ à la collectivité, payés soit directement par la CSPE, soit indirectement par l’amortissement des installations électronucléaires sur une production réduite.
Cette énergie présupposée verte est donc en fait une erreur stratégique économique et écologique majeure !

Les contrats à prix fixe garanti et priorité d’écoulement devraient être remplacés par des contrats d’abondement en pourcentage fixe sur un chiffre d’affaires réalisé au prix de marché, sans priorité. La vérité des prix, et donc la compétitivité, apparaitraient alors clairement. De là à parler de compétitivité…

Développement

Les médias, et notamment « Les Echos » nous font part de l’inauguration d’une centrale solaire construite par Neoen, qui serait la plus puissante d’Europe, sur 260 hectares, dont 246 de panneaux solaires, à Cestas, en Gironde, et annoncent la compétitivité de l’énergie solaire. Une annonce d’une telle importance mérite quelques minutes de réflexion...

Le tableau ci-dessous inclut les données publiques, communiquées par Neoen ou connues. Des calculs simples aboutissent à des paramètres significatifs.



Commentaires :

  • La production annoncée de 350 GWh par an correspond à 13% de la puissance installée sur l’année. C’est peu, mais c’est incontournable pour des panneaux quasi-horizontaux fixes sous cette latitude de 45°N.
  • L’investissement ramené au GWh produit est de 814 M€/GWh. C’est environ le quart de l’investissement nécessaire pour la même puissance en électronucléaire à construire. Mais la durée de vie est environ le tiers, pour autant qu’elle soit connue. L’avantage réside surtout dans les moindres frais financiers, qui obèrent par ailleurs les installations à très longue durée de vie.
  • Le chiffre d’affaires annuel est de l’ordre de 37 M€, ce qui correspond, sur la durée du contrat (20 ans), à 735 M€.  couvrant 2,6 fois l’investissement initial (sans tenir compte des frais, mais ceux-ci sont assez bas : pas de matière première, entretien se limitant pratiquement au nettoyage des panneaux et à la maîtrise de la végétation). La rentabilité pour l’investisseur est assurée, son risque se limitant à une durée inférieure aux prévisions.
  • Le prix de revente de l’énergie électrique à 105 €/MWh, en baisse par rapport aux installations plus anciennes,  est utilisé par l’exploitant pour affirmer la compétitivité de son installation, car ce prix est en effet proche des réacteurs nucléaires EDF en projet au Royaume-Uni.



Photo « 20 minutes »

  • Cependant, en première analyse effectuée sur des valeurs moyennes sur l’année, cette affirmation se révèle être une allégation, car :
    • Le coût des réacteurs en référence est lourdement grevé de frais financiers.
    • Si la centrale de Cestas était construite à Birmingham (54° de latitude Nord et nébulosité élevé), sa production serait très réduite pour les mêmes coûts : elle ne serait pas compétitive !
    • Selon la Cour des Comptes, et selon les définitions utilisées notamment en matière de financement, le MWh électronucléaire produit en France revient entre 33 et 50 €/MWh, démantèlement inclus, cohérent avec un prix moyen français de 40  à 50 €/MWh sur le marché de gros auquel il participe pour près de 80%.
  • En seconde analyse, cette compétitivité n’a aucun sens, car elle n’est pas simultanée avec la demande :
    • La production photovoltaïque est intermittente, nulle la nuit et très faible en hiver, quand on en a besoin, et excédentaire en été et en milieu de journée, quand on n’en n’a pas besoin.
    • Elle produit donc aux moments où le besoin est faible, inférieur à la capacité nucléaire, parfois inférieur aux livraisons prioritaires des autres énergies fatales (éolien, hydrolien, hydraulique au fil de l’eau…), amenant des prix de marché inférieurs à la moyenne, donc moins de 40 €/MWh, voire nuls ou négatifs (importations vertes d’Allemagne). L’écart avec les 105 €/MWh contractuels sera réglé par l’abonné via la CSPE !
    • Les consommations élevées, excédant la capacité électronucléaire et donc relevant le prix de marché au niveau du prix des centrales à énergies fossiles, se produisent en hiver en raison de l’augmentation de la demande en chauffage et éclairage. Les crêtes, qui sont toujours de nuit, par temps très froid, en début ou fin de jours ouvrables, amènent des prix très élevés du MWh, pouvant parfois dépasser les 1000 €/MWh pour plus de 100 GW consommés en France, mais la centrale Neoen, comme toutes les semblables, n’en bénéficiera pas : elle est contra-cyclique.
    • Sa compétitivité est donc virtuelle, limitée aux moments où elle ne peut pas produire !
    • Par surcroît, elle ne remplace rien : la capacité installée doit pouvoir couvrir les crêtes de consommation, aux importations près, sous peine de « black out », comme le 13 décembre 1978. On ne peut donc pas prendre en compte les centrales fatales dans la capacité installée, faute de pouvoir en disposer à tout moment. Elles viennent en plus…
    • Un écologiste en fin d’une vidéo de présentation, après avoir expliqué que l’énergie solaire n’est pas vraiment écologique eu égard à son emprise au détriment de la végétation, suggère de la « compenser » par l’arrêt d’un réacteur nucléaire. Il n’a rien compris :
      • Une centrale solaire, dont la production à temps partiel est équivalente à sa pleine puissance 13% du temps, ne peut en aucun cas remplacer une source d’énergie pilotée, potentiellement permanente, comme une centrale électrothermique ou électronucléaire.
      • La production annuelle de Cestas (350 GWh sur 260 hectares) ne dépasse guère 4% d’une tranche de centrale nucléaire moyenne (1GW à 90%, soit 7 900 GWh sur environ 50 hectares).
    • Le stockage de l’énergie électrique, souvent présenté comme une solution à l’intermittence des centrales solaires, n’en n’est pas une :
      • Le stockage diurne est envisageable uniquement par des STEPS (centrales hydrauliques de haute chute réversibles), qui nécessitent de hautes montagnes, principalement les Alpes, à 1000 km aller-et-retour de Cestas, et donc pratiquement impossibles en coût et en capacité de transport.
      • Les batteries et l’hydrogène, peuvent assurer le stockage diurne au plan technique, mais pas au plan économique :
        • L’hydrogène, car son mauvais rendement de restitution / entrée vient multiplier par 3 le prix de l‘énergie amont, avec ajout du coût très élevé du stockage proprement dit.
        • Les batteries, car leur durée de vie limitée amène un amortissement  par cycle plusieurs fois supérieur au prix de l’énergie stockée.
      • Le stockage saisonnier de l’été à l’hiver, sur au moins trois mois, n’est même pas envisageable.
  • Par surcroît, la conception de cette centrale de Cestas est particulièrement critiquable en matière de saisonnalité. Par un effet pervers du contrat de vente à un prix constant totalement déconnecté du prix de marché, l’investisseur n’a aucun intérêt à s’intéresser à ce marché qui reflète la demande, mais tout intérêt à optimiser sa production annuelle cumulée, fût-elle à 14 h en été. Ainsi, au lieu d’opter pour des panneaux orientés vers le sud avec une inclinaison un peu supérieure à l’angle de latitude, ici 50° par exemple,  pour améliorer la production en hiver, Neoen a choisi des panneaux horizontaux selon l’axe nord-sud, qui privilégient outrageusement l’été, sont simples à monter, et autorisent une densité de panneaux solaires approchant les 100% de la surface du terrain, part non négligeable de l’investissement. L’inclinaison est-ouest, de l’ordre de +/-10 degrés alternés, ne privilégie guère les débuts et fins de journée, mais a certainement pour but principal de réduire le coût de la maintenance : moindre accumulation de poussières, et écoulement de la pluie qui chasse une partie de la poussière déposée.
Conclusion

Cette superbe réalisation technique n’aboutira qu’à :
  • Economiser un peu d’uranium (sans réduire les coûts d’exploitation des centrales électronucléaires impliquées qui sont presque indépendants de leur production dont le coût marginal est extrêment bas (2 €/MWh).
  • Augmenter la charge de la CSPE pour l’abonné EDF.
  • Ne pas réduire les émissions de CO2, sauf coïncidence rare entre une pointe nécessitant l’appel aux centrales électrothermiques avec un ensoleillement significatif.
  • Ne pas compenser sa trace carbone d’investissement qui vient s’ajouter aux autres émissions !
Il est indispensable de sortir des prix fixes garantis assortis d’une priorité de livraison, qui sont un déni de la réalité, pour les remplacer, à titre transitoire, par un abondement en pourcentage fixe sur le chiffre d’affaires réalisé au prix du marché, qui contraindrait les producteurs à s’intéresser à ce marché. Il serait pris en charge par la CSPE. L’abondement nécessaire à l’apparition d’investisseurs serait un bon indice de la compétitivité de cette filière. L’abondement zéro, indispensable à terme, n’est pas pour demain !

La compétitivité de l’énergie photovoltaïque ne sera avérée que lorsqu’une société industrielle privée  lancera une telle centrale, dans une concurrence libre et non faussée par des contrats de prix garanti ou d’écoulement préférentiel, ou autres subventions à l’investissement.