mercredi 15 octobre 2014

Air-Energie: Stockage



Air - Energie : Stockage

Résumé
Le stockage de l’air comprimé peut être envisagé de deux manières :

Dans des réservoirs métalliques ou stratifiés construits à cet effet. Ils sont très lourds, car ils doivent résister à des pressions élevées, autour de 700 bars. Leur capacité énergétique reste modeste, typiquement 1 Kwh en stock pour 25 kg, ou  1 Kwh effectivement restitué pour ou 35 kg. Le réservoir à mettre en place pour alimenter la turbine de 100 MW d’une centrale de pointe pendant 1 heure doit faire environ 15 000 m3 et pèse plus de  3 000 tonnes. Le risque d’explosion doit être envisagé.

Dans des cavités géologiques existantes (anciens gisements de gaz, mines désaffectées, cavités naturelles étanches…) qui évitent la construction de réservoirs là où ils se trouvent, mais ne permettront qu’une pression très réduite par rapport aux précédents ; leur l’étanchéité restera à vérifier. La restitution pourrait comporter une part de gaz indésirables. Le risque géologique (analogue aux affaissements miniers) doit être analysé. La part d’inconnue reste importante.

Le stockage d’air comprimé peut être effectué dans deux types de réservoirs très différents, que nous examinerons successivement :
  • Des réservoirs construits à cet effet, pratiquement sur le site des centrales d’absorption / restitution érigées près des gros consommateurs ou des grandes villes,
  • Des sites naturels appropriés existants : gisements de gaz naturel épuisés, mines désaffectée, formations géologiques assurant l’étanchéité, etc…


Stockage dans des réservoirs pressurisés construits à cet effet

Nous nous placerons dans les hypothèses suivantes :
  • Le réservoir est sphérique de rayon intérieur  r, ce qui est l’hypothèse la plus optimiste pour deux raisons :
  • La sphère est le volume qui offre le rapport : (volume V) / (surface s)  le plus élevé
  • La contrainte dans l’enveloppe y est uniforme et isotrope,

Le matériau de l’enveloppe, que nous ne définissons pas, est caractérisé par le paramètre w défini comme suit (en joule/Kg) : 
 w = σe / ρe = contrainte effective maximum / masse volumique

Le détail des calculs figure plus bas. L’épaisseur de l’enveloppe est définie en fonction de la pression K P0 de l’air pour atteindre exactement la contrainte maximum de travail  σe :
 e = (K -1) P0 r / (σe √2)
Dans ce qui suit, on suppose K >> 1, ce qui est pratiquement vrai en stockage de ce type, et qui simplifie la relation ci-dessus :
 e = K P0 r / (σe √2)

L’énergie massique (en J/Kg):
Em = [Log(K) - (1-1/K)] / (ρa/P0 + √4,5/w)

Ce résultat ne dépend que de K (rapport volumétrique) et de w défini plus haut, les autres termes étant des constantes. Il est explicité dans le réseau ci-dessous, en coordonnées semi-logarithmiques :



Il s’en suit que pour la courbe grise  w = 100 000 qui correspond à un acier dur (σe = 760 Gp et ρe = 7 600 kg/m3), l’énergie massique est de 160 Kj/Kg à k = 700, soit 700 atmosphères ou 71 Mp.
On constate aussi qu’elle est bien loin d’être proportionnelle à la pression : pour k = 700/2 = 350, elle se réduit seulement à 143 Kj/Kg, soit -11%. Ceci s’entend pour une masse de gaz donnée, et il ne faut pas perdre de vue que, à volume donné, cette masse est proportionnelle à la pression. Finalement :
  • L’énergie massique est proportionnelle à Log K
  • L’énergie volumique est proportionnelle à K Log K
  • Les pressions élevées restent donc nécessaires.
  • La part de l’air dans la masse totale se situe un peu au-dessus du tiers. Une variation de w ne porte donc que sur la masse de l’enveloppe, soit les 2/3.

 Pour un réservoir cylindrique très allongé (h >> r), l’énergie massique n’est réduite que d’environ 3%, ce qui permet d’envisager leur utilisation malgré cette petite pénalité, car un cylindre se prête mieux à une  production industrielle à moindre coût.

Reste à comparer ce résultat.  160 Kj/Kg permet d’escompter 100 Kj/Kg d’énergie mécanique ou électrique, à comparer avec les suivants :
  • L’hydrogène, selon la même problématique, permet d’obtenir 5 MJ/kg, qu’il convient d’affecter du rendement de transformation en énergie mécanique (moteur à hydrogène), éventuellement via  l’énergie électrique (pile à combustible + moteur électrique), de l’ordre de 40 à 50% au mieux, soit 2 à 2,5 MJ/kg. L‘air comprimé fait… 20 à 25 fois moins !
  • Les batteries modernes, genre Lithium-Ion ou LMP, aboutissent à 0,5 MJ/kg. L’air comprimé fait 5 fois moins ! Il est vrai que la longévité des batteries est limitée.
  • Un hydrocarbure fournit 42MJ/Kg thermiques, soit typiquement après 33% de rendement de Carnot,  14 Mj/Kg, c’est-à-dire 140 fois plus que l’air comprimé.

 Il est aussi intéressant d’en évaluer les possibilités d’application.

Supposons que ces réservoirs prennent la forme de cylindres de 1,40 m de diamètre intérieur et 10 m de longueur prévus pour 700 atmosphères (71 Gp), pesant environ 27 tonnes à vide (épaisseur 7,3 cm), donc accessible aux transports routiers normaux. Sa capacité est de 15 m3 en volume, et de 5,9 GJ dont, compte tenu du rendement de restitution estimé à 68%, 4,0 GJ seront effectivement obtenus. Une centrale de pointe de 100 Mw produit en une heure 360 Gj, et consomme donc, compte tenu d’un rendement de restitution de 2/3, consomme 540 Gw, c’est  dire … 135 réservoirs de ce type pesant au total 3 600 tonne à vide !

Les calculs littéraux ont montré qu’il n’y a pas d’effet d’échelle avec des réservoirs plus grands. Imaginons  une sphère de 15 x 135 = 2 025 m3 ayant donc un rayon intérieur de 7,9 m de rayon. Elle pèse 3100 tonnes et son épaisseur est de 52 cm. Mais est-il possible de souder de telles épaisseurs dans toutes les positions ?

Le passage à des stratifiés « exotiques », tels qu’aramide ou fibre de carbone améliorerait  le paramètre w = σe / ρe  , plus par réduction de la masse volumique que par augmentation de la contrainte, sauf pour le carbone qui améliorerait les deux, au prix d’un prix de stockage plus élevé… Il n’y a pas de solution miracle.

Le risque technologique d’explosion d’un réservoir peut  être quantifié sur les exemples ci-dessus. Remarquons d’abord que l’énergie résultant d’une explosion, qui est une détente adiabatique pure (car instantanée) à un seul étage,  est très inférieure à l’énergie en stock, conventionnellement chiffrée à partir des transformations isothermes. Ceci traduit le fait que l’air se refroidit pendant la détente. Le rendement  de détente figure dans le message sur les principes, et pour 700 atmosphères ; il est de 31%. L’explosion d’un des réservoirs ci-dessus dégagerait une énergie équivalente à une masse de TNT (TriNitroToluène) qui serait de :
  • Chacun des petits  réservoirs cylindriques de 1,4 x 10 m :5,9 MJ x 31% / 4,2 Mk/Kg = 0,44 Kg
  • Réservoir sphérique de 15,8 m de diamètres : 813 MJ x 31% /4,2 MJ/Kg = 60 Kg

Si le premier est gérable en disposant les réservoirs cylindriques horizontalement et en les séparant par des parois verticales en béton fortement armé, le second est plus problématique.

Cavités géologiques

Le stockage de l’énergie par l’air comprimé dans des cavités géologiques naturelles ou artificielles (mines désaffectées) est aussi envisagé. Il permettrait un stockage au prix d’un investissement réduit (colmatages, forage…) en évitant la fabrication de réservoirs ad hoc, mais n’améliorerait pas le rendement du cycle. Il est loin d’être acquis, pour plusieurs raisons :

  • Un stockage géologique serait-il exempt de fuites ? Si non, comment évaluer leur impact sur le rendement de stockage qui ne serait plus de 100% ?
  • Selon la nature du stockage, quelles seraient les taux en vapeur d’eau, méthane, hydrogène sulfuré, gaz carbonique… du gaz restitué ?
  • Comment gérer le givre résultant du refroidissement de la vapeur d’eau dû à la détente adiabatique ?
  • Quel est l’effet de serre de ces gaz indésirables (méthane)?
  • Quelle est leur toxicité (hydrogène sulfuré) ?
  • Quelle pression maximum serait envisageable pour ne pas augmenter les fuites ni prendre de risque géologique (soulèvement du plafond, l’inverse affaissement miniers)? La pression de stockage y serait certainement très inférieure, car 200 bars (= 2 000 mètres d’eau ou 1 200 m de minéraux solides moyens) ne sont pas envisageables. Un vaste problème pour les géologues…

A l’inverse des réservoirs qui peuvent être construits près des lieux de production (centrales électriques), ou mieux, de consommation (villes), le lieu de stockage est tributaire de sites préexistants, pas nécessairement bien placés,

 Variante : les CAES (Compressed Air Energy Storage)

Ce concept envisage de stocker en heures creuses de l’énergie électrique excédentaire sous forme d’air comprimé mis en stock, puis de réutiliser cet air comprimé pour alimenter une turbine à gaz fonctionnant pendant les pointes. Le rendement de la turbine est ainsi amélioré, puisqu’elle utilise moins, ou pas, d’énergie mécanique pour entraîne son compresseur.

Mais il ne s’agit pas à proprement parler d’un dispositif de stockage d’énergie, puisque celle-ci n’est pas restituée directement, mais plutôt d’un système d’amélioration des conditions économiques du fonctionnement d’une turbine à gaz, par utilisation pour la compression d’un différé de production excédentaire.

Les problèmes liés à l’échauffement par la compression adiabatique subsistent. Les tentatives de solution par refroidissement ou par stockage de la chaleur connaissent évidemment les limites que nous avons soulignées. Notamment, le réchauffage de l’air comprimé déstocké par recyclage de la chaleur en sortie de turbine n’est pas compatible avec le « cycle combiné » qu’utilisent les centrales à gaz modernes (2ème étage par turbine à vapeur).

Enfin, ce concept n’est évidemment pas viable dans un avenir lointain où il faudrait se passer d’énergie fossile, et donc de turbines à gaz.