mercredi 15 octobre 2014

Air-Energie: Rendement et technologies




Résumé

Les rendements réels sont bien inférieurs aux rendements théoriques, non seulement en raison des imperfections et des turbulences crées par les aubage des compresseurs et turbines, qui viennent aggraver l’échauffement à la compression, mais aussi à cause de la présence des échangeurs qui vont créer des pertes de charge et consommer de l’énergie sans pour autant ramener les températures à l’ambiante. Un rendement effectif global de 40% sera difficile à atteindre.

Les technologies usuelles dans la production d’air comprimé industriel, d’une puissance de quelques kilowatts, ne sont pas transposables aux puissances en jeu dans un réseau, qui se chiffrent en dizaines de mégawatts. Il serait nécessaire de développer des compresseurs et turbines présentant des analogies avec les turbines à gaz de production électrique, mais néanmoins assez différentes car munies d’échangeurs de chaleur, en raison de la nécessité de maintenir l’air utilisé à une température s’écartant le moins possible de l’ambiante, pour rester quasi-isotherme. Ces machines restent entièrement à développer.

Rendement réels

Ne perdons pas de vue que les rendements théoriques, objet du précédent message, sont des résultats de calculs faisant abstraction de toutes sortes de pertes. Ils sont basés sur des compressions dites « iso-entropiques », c’est-à-dire parfaites. Ce  sont des maximums inatteignables, et les rendements réels seront largement inférieurs.

Les compressions et détentes, quelle que soient les technologies utilisées, donnent lieu à des turbulences, des frottements, des irréversibilités, qui se traduisent par la transformation d’énergie mécanique ou cinétique en chaleur dissipée pour l’essentiel, mais pas uniquement, dans l’air objet du cycle.

Entre les étages, les échangeurs de retour à la température initiale doivent évacuer une énergie calorifique considérable. Ils ne sont pas parfaits non plus :
  • Le retour à la température ambiante ne sera pas total, mais comportera un écart de plusieurs dizaine de degrés, voire une centaine,
  • Ils engendreront des « pertes de charge », c’est-à-dire une différence de pression entre leur amont et leur aval, avec dissipation d’une énergie égale à : débit-volume x différence de pression,
  • leur fonctionnement, vraisemblablement basé sur l’eau comme fluide caloporteur, nécessitera des pompes à eau et surtout des ventilateurs consommant de la puissance, à ajouter à la puissance absorbée, ou pire, à retrancher de la puissance restituée.


Modélisation

L’essentiel de ces pertes étant dissipées dans l’air traité, elles auront pour effet :
  • En compression, d’accroître la température au-delà de ce que les règles théoriques de la compression adiabatique laissent prévoir,
  • En détente, de réduire la baisse de température en-deçà de ces mêmes prévisions.

Ceci peut être modélisé simplement en ajoutant ou retranchant un correctif à la constante γ = 1,4. Nous avons adopté l’hypothèse vraisemblable, mais qui reste à confirmer, d’un correctif égal à 0,2, soit :
  • En compression :        γ = 1,4 + 0,2 = 1,6
  • En détente :                γ = 1,4 – 0,2 = 1,2

La dissymétrie ainsi introduite entre compression et détente permet d’envisager des rapports volumétriques k plus élevés en détente. Le cycle traité à titre d’exemple dans le diagramme ci-dessous comporte :
  • 3 étages de compression de k = 3, soit K = 33 = 27
  • 2 étages de détente de k = 5,2, soit K = 5,22 = 27

Les points de remise à température ambiante conservent un différentiel résiduel de 50°C, ce qui est une hypothèse optimiste.
 

Selon ces hypothèses, le rendement (calculé par la méthode des éléments finis, le calcul par primitives étant ici top fastidieux) ressort à 45 %. Ce pourcentage reste à corriger comme suit :
  • Il est certain que toutes les imperfections et turbulences du compresseur se transforment en chaleur (forme la plus dégradée de l’énergie), ici prise en compte par la valeur majorée de γ. En revanche, l’effet favorable des pertes qui réchauffent la détente ne sera pas totalement pris en compte dans l’énergie mécanique restituée par la turbine, à laquelle un coefficient de l’ordre de 90% doit donc être affecté.
  • Le rendement de la machine synchrone réversible peut être considéré comme très bon, de l’ordre de 99%² = 98%.
  • Le fonctionnement des échangeurs, et notamment leur ventilation, risque de consommer de l’ordre de 2% de l’énergie mécanique absorbée, puis 4% de l’énergie restituée, ce qui amène un coefficient supplémentaire de l’ordre de 98% x 96% = 94%.

Au global, on arrive à 45% x 90% x 98% x 94% = 37%

Ce rendement ne peut être atteint qu’au prix d’une architecture compliquée : 
Pour un stockage à 272 = 730 atmosphères, il faudra:
  • 2 x 3 = 6 étages de compression, 
  • 6 – 1 = 5 refroidisseurs très performants, 
  • 2 x 2 = 4 étages de détente, 
  • et 4 – 1 = 3 réchauffeurs non moins performants.

Et encore, cette évaluation faite à puissance maximum ne tient pas compte de ce que le compresseur et le turbine travaillent à pression variable, croissante pour le compresseur jusqu’au maximum (réservoir plein), décroissante pour la turbine à partir du même maximum. Une turbomachine a un point, ou une plage, de fonctionnement optimum. En sortir diminue inévitablement le rendement. Une solution est de réduire l’amplitude de la variation de pression, mais ceci est au détriment de la capacité du réservoir, dont nous verrons que c’est aussi un point critique.

On peut en conclure que le coût marginal de l’énergie restituée sera 2,7 fois plus cher que celui de l’énergie absorbée. Son coût complet devra y ajouter d’abord les frais de traitement, et notamment les amortissements des installations de compression et détente complexes décrites ci-dessous, puis le coût du stockage qui est traité plus loin.

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Quelle technologie de compresseur et de turbine ?

L’air comprimé industriel utilise couramment 4 technologies :

  • Le compresseur à pistons illustré ci-dessous  par un schéma très classique établi par le fabricant Compair, et une photo issue de Michelin :




  

L’essentiel s’y trouve : des clapets antiretours actionnés par la pression, deux étages en série, soit environ k = 3 pour une pression de stockage de 1 bar x 3² = 9 bars, entrée à droite dans le gros cylindre et sortie à gauche depuis le petit cylindre. Pas d’échangeur thermique, ce rôle étant plus ou moins joué par les ailettes des cylindres dans un flux d’air crée par une grande hélice montée sur l’arbre du compresseur.  Voyons ce que dit l’ADEME de ce type d’installation très courante, fonctionnant en dessous de 10 bars :

Rendement de la production (moteur, transmission, compression) : environ 0,55
Rendement du transport réseau (pertes de charges ponctuelles et réseau, fuites) : environ 0,6
Rendement de l’utilisation finale (moteur, fuites…) : environ 0
,3
 Rendement global : 0,55 x 0,6 x 0,3 = 0,1   
soit environ 10 %
Par comparaison, notre courbe (à la fin du message « compresseurs à étages »)  donne pour un cycle à 10 bars un rendement théorique de 58% en 2 étages, ou 33% en 1 étage, et apparaît donc très optimiste ! Il en va de même pour la seule production où l’évaluation est de 55% à rapprocher de notre courbe qui donne 76%. Il est vrai qu’il s’agit ici de petites puissances, que le refroidissement est sommaire, et que le rendement n’est pas le paramètre primordial des applications et outils pneumatiques.

  • Les compresseurs à palettes, à vis, à lobes, illustrés ci-dessous (sources Wikipedia, inconnue, et Elmo Riestchle). Les deux sont réversibles.

 



 

Plus récemment, une nouvelle famille estapparue : les compresseurs à spirales, utilisées principalement en réfrigération. Contrairement à une idée répandue, ces rouleaux en forme de spirales ne sont pas en rotation : seules les biellettes d’excentrement (1ère ligne du schéma ci-dessous) le sont.  

  • Les deux rouleaux sont des surface cylindriques (ce qui ne veut pas dire « de révolution ») minces dont la section perpendiculaire à l’axe est une spirale arithmétique définie en coordonnées polaires par : r = k θ /2π
  • Leurs centres sont parallèles, à la distance k
  • L’un des rouleaux est fixe
  • L’autre a un mouvement de translation circulaire, de rayon k/2
  • Le gaz, ici l’air, est aspiré à la périphérie
  • Le volume entre deux droites de contacts est réduit progressivement du fait de la translation
  • L’air comprimé sort axialement, au centre.




Technologies envisageables

Pour qu’un stockage réparti d’énergie électrique de réseau ait un sens, il devrait être capable de restituer  au moins 100 Mwh en 2 ou  3 heures, soit une puissance de  33 à 50 Mw. Encore faudrait-il avoir 200 tels stockages pour apporter au niveau national un complément de 10 Gw, qui ne constitue qu’une partie de la pointe.
Ill est très peu probable que les technologies usuelles ci-dessus, habituellement limitées à quelques kilowatts puissent être extrapolées à plusieurs dizaine de Mw.
Il serait manifestement  nécessaire de recourir à des compresseurs rotatifs axiaux ou centrifuges présentant des analogies avec ceux utilisés dans la partie amont des turbines à gaz de production électrique.
Ci-dessous, turbine à gaz Siemens de 340 Mw.



Le fonctionnement d’un compresseur axial ou centrifuge, ou d’une turbine, requiert des vitesses linéaires des aubages très élevées, proches de la célérité du son à la température considérée. Dans l’aéronautique, ceci est obtenu par une vitesse de rotation très élevée, au bénéfice de l’encombrement et du poids qui y sont critiques. Au contraire,  dans les installations fixes, la vitesse de rotation est pratiquement imposée à 3 000 t/min, qui est la vitesse d’un alternateur bipolaire à 50 Hz (la plus élevée possible en couplage direct au réseau), monté sur la même ligne d’arbre que le compresseur et la turbine. Les vitesses périphériques élevées sont obtenues grâce à un grand diamètre comme l’illustre la photo ci-dessus.

Néanmoins, ils s’en distingueraient considérablement par :
  • la présence, entre les étages de compression (dont chacun regrouperaient probablement plusieurs « étages » d’aubages), de refroidisseurs (ou réchauffeurs) d’air, utilisant probablement l’eau comme fluide caloporteur refroidi (ou échauffé) à l’extérieur, en convection forcée (auxiliaires consommateurs d’énergie). On peut imaginer que les aubages fixes soient creux et parcourus par de l’eau à la température ambiante.
  • des pressions finales beaucoup plus élevées,
  • le fait que la partie turbine, dont le fonctionnement est longuement différé, serait certainement complètement distincte de la partie compresseur, car ne fonctionnant pas en même temps, mais néanmoins couplée à (et découplable de) la même machine synchrone réversible.

La partie turbine alimentée par de l’air à pression élevée et température ambiante est encore plus originale, car il n’en existe, à notre connaissance, aucune application dans cette gamme de puissance. On est très loin des turbines de fraise de dentiste ou d’outillage pneumatique !

L’ensemble pourrait être conforme au schéma ci-dessous :




Son principe de fonctionnement est simple :
  • En absorption, le réseau alimente la machine synchrone qui fonctionne en moteur, alors couplé au compresseur qui remplit le réservoir d’air comprimé à haute pression. L’échangeur du compresseur est alimenté en eau à température ambiante froide qui ressort tiède et se refroidit dans l’échangeur extérieur en ventilation forcée.
  • En restitution, l’air comprimé entraîne la turbine, alors couplée à la machine synchrone fonctionnant en alternateur. L’échangeur de la turbine est alimenté en eau à température ambiante qui ressort très froide,  et se réchauffe dans l’échangeur extérieur en ventilation forcée.