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Sans aucun doute, il est possible d’absorber de
l’énergie électrique excédentaire en heures creuses pour comprimer de l’air qui
est ensuite stocké, puis réutilisé pour restituer cette énergie électrique
pendant les pointes de consommation. Par surcroît, l’air est gratuit,
disponible en quantité illimitée, et son rejet dans l’atmosphère n’est en rien
polluant. Un vecteur d’énergie idéal ?
L’analyse des principes met en évidence un problème
fondamental : pour les puissances élevées requises par le stockage de l’énergie, les compressions
et détentes, assurant respectivement l’absorption et la restitution, sont
naturellement adiabatiques. Or nous avons vu que seules les
transformations isothermes peuvent apporter un bon rendement, théoriquement
100%.
Il est donc nécessaire, pour se rapprocher de l’isotherme,
de comprimer l’air en plusieurs étages séparés par des refroidisseurs,
et de même, de le détendre en plusieurs étages séparés par des réchauffeurs.
Ceci réduit, mais ne supprime pas totalement, les pertes dues aux
transformations adiabatiques. Les échanges thermiques très importants doivent
être faits avec des différentiels de température aussi réduits que possible par
rapport à l’air ambiant, ce qui requiert des architectures complexes et
coûteuses, lesquelles introduisent à leur tour une consommation d’énergie et
des pertes de charge dans le circuit de transformation. Pour ces raisons le
rendement de cycle (absorption + restitution) risque fort de se situer entre
30 et 40%.
Le stockage peut être envisagé de deux
manières :
- Dans des réservoirs construits à cet effet. Devant résister à des pressions très élevées, (sous peine d’être trop volumineux, ils sont très lourds, ce qui limite leur énergie massique à des valeurs autour de 160 Kj/Kg, sans que l’augmentation de la pression ou le choix de matériaux performants n’amènent d’amélioration décisive. Leur densité énergétique reste :
- 5 fois inférieure à celles des batteries, qui absorbent et restituent directement l’énergie électrique, et dont le rendement est de l’ordre de 80%, avec l’inconvénient d’une durée de vie limitée
- 20 à 25 fois à celle de l’hydrogène, dont le rendement est du même ordre que l'air-énergie
- 10 fois supérieure à celle d’une STEP de 1600 m de dénivellation, mais dont le stockage dans un lac de montagne est très bon marché, avec un rendement de 80% et une durée de vie pratiquement illimitée
- Dans des dans des cavités géologiques existantes (anciens gisements de gaz, mines désaffectées, cavités naturelles étanches…) qui évitent la construction de réservoirs là où ils se trouvent, mais ne permettront qu’une pression très réduite par rapport aux précédents ; leur l’étanchéité restera à vérifier. La restitution pourrait comporter une part de gaz indésirables. Le risque géologique (analogue aux affaissements miniers) doit être analysé. La part d’inconnue reste importante. Cette solution, si elle se confirme, réduit le coût de stockage, mais pas celui du traitement, impose le lieu, et n’améliore pas le rendement.
Conclusion :
En matière de stockage d’énergie, l’air-énergie
souffre de nombreux inconvénients :
- Médiocre rendement
- Stockage pondéreux, coûteux, et non exempt de risque technique ou environnemental
- Interfaces complexes pour l’absorption et la restitution
En l’absence d’avantage décisif par ailleurs, il est
peu probable qu’il puisse être utilisé pour du stockage énergétique proprement
dit.
Au plan économique :
- Le coût de traitement du cycle « air comprimé » dans une installation dont la complexité est au moins comparable à une éolienne, dont le taux d’utilisation sera très bas, sans doute environ 10 % (éolienne terrestre 18%), sera grevé par des amortissements très lourds, et pourrait ainsi dépasser les 200 €/MWh.
- Le rendement, avec une évaluation optimiste de 40%, conduit à multiplier par 2,5 le prix de l’énergie utilisée :
- Si l’on part de l’énergie électronucléaire évaluée à 40 €/MWh, on arrive à un coût variable de 100 €/MWh, et à un coût complet de 300 €/MWh.
- Si l’on part de l’énergie éolienne intermittente, qui est bien la principale motivation au stockage, à 100 €/Mwh, on aboutit à un coût variable de 250 €/MWh, et donc à un coût complet de 450 €/Mwh.
L’occurrence de prix atteignant ou
dépassant ces niveaux sur la marché libre est rarissime, et n’atteint
certainement pas 1%.
La filière air-énergie
n’est donc pas viable pour le stockage de l’énergie.
Cette conclusion
sans appel ne préjuge en rien de son intérêt dans d’autres applications de
moindre puissance :
- Nous avons souligné celui du véhicule PSA "Hybrid Air" en cours d’industrialisation
- De nombreuses autres applications existent, notamment l’outillage pneumatique, et l’actionnement de vérins pour tous types d’asservissements…
- Le véhicule à air comprimé (projet Tata Motors) fera prochainement l’objet d’une analyse dans ce blog. Nous n’anticiperons pas ses conclusions.
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