mercredi 15 octobre 2014

Air-Energie: Compresseurs et turbines à étages




Résumé

L’utilisation de plusieurs étages de compression consécutifs, ou de plusieurs étages de détente consécutifs, permet de limiter le rapport volumétrique de chaque étage et donc d’améliorer son rendement.

Mais ceci suppose que les étages soient séparés par des refroidisseurs (après compression) ou réchauffeurs (après détente) ramenant l’air à la température ambiante. Cette architecture permet une amélioration substantielle des rendements théoriques, qui passent du désastreux au médiocre, autour de 50%, mais au prix de transferts thermiques élevés : pour la compression typiquement 2 fois l’énergie restituée, et 1 fois pour la détente. Ces transferts doivent être réalisés avec de faibles écarts de température, ce qui requiert des échangeurs très volumineux. 


Pourquoi les étages améliorent-ils le rendement ?

Nous avons vu dans le message précédent, intitulé «Adiabatique ou isotherme »  qu’un cycle adiabatique direct du type : « compression directe à stockage à détente directe » débouchait sur un rendement théorique désastreux tel que 26% à 27 bars, ou 15% à 215 bars. Nous examinons ci-dessous jusqu’à quel point des compresseurs et turbines à étages séparés par des refroidisseurs ou réchauffeurs ramenant l’air à la température ambiante, peuvent améliorer le rendement, et quels sont les transferts thermiques qu’ils nécessitent.

Ci-dessous, 3 diagrammes Pression vs. Volume sont relatifs à une compression, et à la détente consécutive, dans un rapport global de volume K = 27, réalisées :
  • soit directement,
  • soit en 2 étages,
  • soit en 3 étages.

Un « étage » est constitué d’un compresseur (ou turbine), qui comprime (ou détend) l’air avec pour effet indésirable de le chauffer (ou refroidir). Il est suivi d’un échangeur thermique qui refroidit (ou réchauffe) l’air jusqu’à la température initiale (ambiante).

Dans tout ce qui suit les pressions et volumes sont en progression géométrique d’un étage à l’autre, en sorte que le rapport volumique par étage k est lié au rapport volumique global K par la relation simple : K = kn, où n est le nombre d’étages. Ici, 27 = 5,2² = 33 d’où les 3 graphes suivants :

Les bases théoriques ont déjà été publiées dans le message air comprimé principes. Rappelons-les :


Ce tableau s’applique à chacun des cycles élémentaires composant un cycle à étages. Il faut y ajouter la détermination des surfaces (=énergie) gagnées résultant de l’étagement, par le formule :
  Energie/(P0 V0) = n - 1 - n K(-1/n) + K-1
Où K est le rapport volumétrique global, et n le nombre d’étages.


   





Dans ces graphes, la convention des couleurs est inchangée et complétée :
  • -          Jaune au-dessus de l’adiabatique : pertes d’absorption
  • -          Jaune en-dessous de l’adiabatique : pertes de restitution
  • -          Jaune (ensemble) : pertes totales du cycle 
  • -          Vert : énergie restituée du fait des cycles élémentaires
  • -          Bleu : énergie restituée du fait de l’étagement
  • -          Vert + bleu : énergie totale restituée
  • -          Toutes couleurs confondes : énergie absorbée.

Le simple examen visuel des graphes montre de façon évidente que le passage de 1 à 2, puis à 3 étages :
  •  réduit fortement les pertes, tant d’absorption que de restitution
  •  réduit la puissance absorbée (réduction = zone non colorée sous  l’adiabatique en pointillé rouge
  •  augmente la puissance restituée (vert + bleu)


Ce bon résultat vient de ce que les graphes à 2, puis 3 étages se rapprochent de l’adiabatique, et réduisent ainsi substantiellement les pertes. Mais il est nécessaire de quantifier pour conclure.

Rendements mécaniques : résultats détaillés

Nous avons passé un peu de temps à modéliser un compresseur (ou turbine) à étages. Les formules figurent plus bas en annexe. Regardons les résultats dans les réseaux ci-dessous (une courbe par nombre d’étages), en considérant d’abord séparément l’absorption et la restitution :




 Par rapport au cycle direct (1 étage, courbe la plus basse ci-dessus), l’amélioration est très nette dès 2 étages, et sans différence notable entre l’absorption et la restitution.  Le pointillé horizontal à l’ordonnée 100% est l’isotherme, qui est la limite des autres courbes quand le nombre d’étages croît indéfiniment.
Le rendement théorique du cycle complet figure ci-dessous. Il est établi dans l’hypothèse où le nombre d’étages est la même pour la compression et pour la détente, ce qui ne va pas de soi, comme nous le verrons plus bas.


On y confirme que dès k = 10, le rendement théorique d’un cycle direct est très mauvais (moins de 33%), ce qui impose des étages avec refroidissements (ou réchauffements) intermédiaires. Leur nombre dépend de la pression de stockage : 
  • Pour un réservoir construit à cet effet, des pressions jusqu’à 700 atmosphères (k = 700), ou plus, sont envisageables, mais ils nécessitent 4 étages (k=5,2) pour un rendement théorique médiocre de 57% (courbe jaune)
  • Pour un réservoir naturel dont les pressions seront plus limitées, mais les volumes beaucoup plus grands, et, sous réserve d’investigations complémentaires, une pression de 40 bars (soit 400 mètres d’eau) serait sans doute un maximum, atteignable avec 3 étages (k = 3,4) et un rendement théorique de 62%.


Un cycle quasi-isotherme

L’évolution ultime serait un compresseur, ou une turbine, dans lequel chaque étage d’aubages serait suivi d’un refroidisseur qui limiterait le différentiel de température entre l’air en cours de compression et l’ambiance,  à un maximum de n °C par rapport à l’ambiance. Ce différentiel serait évidemment positif en compression et négatif en détente. Nous avons traité l’exemple ci-dessous, dans lequel K=27 comme précédemment, avec Δt < 50 °C.

On obtient le cycle ci-dessous : la compression est d’abord adiabatique, puis devient vite, dès le point A, quasi-isotherme, la courbe de compression étant alors celle de l’isotherme décalée de 50°C vers le haut, et ce, jusqu’à la pression maximum. Le palier de réduction de volume par refroidissement à pression constante est très court.
Il en va de même pour la détente, adiabatique jusqu’au point B, puis décalée de l’isotherme de 50°C vers le bas, jusqu’à la pression atmosphérique.

 



La faible surface jaune entre ses courbes de compression et de détente laisserait prévoir un rendement théorique acceptable, évalué à  64% par la méthode des éléments finis. Mais il est plus facile d'énoncer des hypothèses que de réaliser cette insatllation presque idéale...

Transferts thermiques

Ci-dessus, les transferts thermiques ont été évoqués à propos des refroidissements après compression, et des échauffements après détente, qu’ils soient subis (au cours du stockage ou par mélange dans l’atmosphère), ou voulus pour se rapprocher de l’isotherme. Ils correspondent à des variations de température à pression constante, qui figurent sur les graphes,  mais ils n’ont pas été quantifiés par les aires, puisque celles-ci ne représentent que l’énergie mécanique.

Une compression ou détente isotherme n’est jamais dépourvue de transfert de chaleur. C’est au contraire le transfert de chaleur qui permet de conserver le caractère isotherme, ou quasi-isotherme.

L’analyse théorique des transferts de chaleur dans l’hypothèse de compresseurs de 1 à n étages, ayant pour limite l’isotherme pour un nombre « infini » d’étages, débouche sur les graphes suivants, qui donnent en valeur absolue :
  •  la chaleur de compression à évacuer pour refroidir,
  •  la chaleur de détente à apporter pour réchauffer

 pour revenir ainsi à l’isotherme. Ces chaleurs sont exprimées par rapport à l’énergie mécanique restituée (et non par rapport à P0 V0).

Chaleur de compression :



Ce graphe inclut le transfert de chaleur résultant du dernier étage, soit que ce refroidissement s’effectue naturellement dans le réservoir de stockage, soit qu’il soit effectué par un échangeur pour ne pas pénaliser la capacité de ce réservoir.
La chaleur à évacuer dépend relativement peu du nombre d’étages, et représente de 1,2 (avec K = 100 = 2,55) à 1,4 (2 étages avec K = 20 = 4,5²) fois l’énergie restituée.
Un nombre élevé d’étages rapproche ce ratio de l’isotherme, ce qui traduit le meilleur rendement d’absorption.
Ce graphe illustre bien le comportement de l’absorption, mais ne traduit en rien le rendement du cycle. Si on rapporte la chaleur de compression à l’énergie restituée, le graphe est tout autre :


Il montre bien l’impact catastrophique d’un nombre d’étages insuffisant sur la chaleur de compression. Ceci s’ajoute à l’impact tout aussi catastrophique sur le rendement de compression, déjà vu plus haut.

Chaleur de détente :




Dans ce graphe, contrairement aux deux précédents, le transfert de chaleur résultant du dernier étage est exclu, car ce réchauffement se produit pratiquement par mélange dans l’atmosphère, et est donc gratuit et sans importance.

Sans surprise, la chaleur est à zéro pour un sel étages, puisque le dernier refroidissement n’est pas décompté. C’est aussi ce qui explique l’écartement plus grand des courbes en comparaison avec le graphe analogue pour la compression.

Un nombre d’étages élevé n’a pas d’intérêt à cet effet (mais en conserve pour le rendement mécanique). Les courbes sont d’autant plus proches de l’isotherme que le nombre d’étages est élevé. Le flux thermique augmente  avec le nombre d’étages, mais rappelons que c’est au profit du rendement mécanique. La chaleur à apporter représente 0,8 à 1,2 fois l’énergie restituée.

Compensation :
Rappelons que les flux thermiques nécessaires, évacués à la compression, et apportés à la détente, ne se compensent pas, parce qu’ils ne sont pas simultanés, et parce qu’ils doivent être réalisés à des températures proche de l’ambiante, sauf à être moins efficaces !

Conclusion – exemple :
Une installation de stockage absorbant 10 Mw (mécaniques ou électriques) pendant 2 heures, devra aussi évacuer simultanément autour de 13 Mw de chaleur. La même installation (mais pas la même machine) restituant ensuite 10 Mw (ce qui est très peu à l’échelle des besoins nationaux en pointe) pendant 1 heure devra aussi absorber simultanément autour de 10 Mw de chaleur. Ces transferts devraient idéalement être effectués avec un différentiel de température très faible. Ce cauchemar d’ingénieur risque de coûter très cher, tout en restant très loin de la théorie exposée ci-dessus.