On ne peut donc pas
débattre de cette « transition
énergétique » sans avoir une connaissance claire de l’état de départ. La dernière situation
énergétique connue est celle de l’année 2011, qui fait l’objet du présent
message. Sa mise en ligne est liée à la
publication par l’INSEE
et le SOeS
des statistiques 2011, pas encore complètes après 11 mois! Pourquoi ces services de l’Etat sont-ils aussi
lents, alors que de très grands groupes internationaux sont capables d’établir
leurs comptes consolidés en quelques jours à chaque fin de période ?
Synoptique global de l’énergie en
France
Les tableaux de chiffres sont
nécessaires à l’analyse, mais ils peinent à donner une vision globale propre à
une bonne synthèse. Nous avons essayé d’y remédier par le synoptique ci-dessous
qui montre les flux d’énergie :
- partant des énergies primaires (en haut),
- allant vers les utilisations (à gauche),
- avec l’intervention de l’énergie électrique (en violet, du centre vers les utilisations),
- sans oublier les énormes pertes de conversion des énergies primaires thermiques en énergies finales mécaniques ou électriques (en beige, en bas).
MTEP = Million de TEP
TWH = Millions de MWH
(Kilo = 103 = 1 000,
Méga = 106 = 1 000 000, Giga = 109 =
1 000 000 000, Téra = 1012=
1 000 000 000 000)
Méthodologie
Les chiffres
officiels INSEE et SOeS sont la meilleure source, et incontestables. Toutefois,
ils mettent sur le même plan et additionnent:
- des énergies primaires thermiques utilisées directement, comme le gaz et le fioul de chauffage
- ou au contraire transformées en énergie mécanique ou électrique avec un rendement de l’ordre de 30% dû au 2ème principe de la thermodynamique, comme les carburants
- et des énergies primaires mécaniques ou électriques, comme l’énergie hydraulique, éolienne ou photovoltaïque.
Nous corrigeons ce
défaut de principe de l’INSEE pour mettre en relief les énergies primaires et
secondaires réellement utilisées ou fournies. Pratiquement, ces corrections se
limitent à deux ajouts, mais sont
d’importance considérable :
- L’énergie nucléaire primaire est évidemment la chaleur fournie par le réacteur, chaleur qui est ensuite utilisée par une turbine à vapeur conventionnelle pour entraîner un alternateur, alors que l’INSEE considère l’électricité nucléaire comme primaire. Il y a entre les deux un rendement conventionnel de 33% que nous prenons en compte. Ainsi cette chaleur d’origine nucléaire peut être valablement comparée avec la chaleur provenant des énergies fossiles, étant toutes réellement primaires.
- Les carburants utilisés dans les transports n’ont pas d’autre objet que de fournir l’énergie mécanique nécessaire au mouvement du véhicule, qui est la véritable énergie finale, et non pas l’énergie thermique du carburant. Nous rétablissons celle-ci avec un rendement estimé de 25 à 30 % selon les moteurs utilisés.
Ces ajouts
correspondent aux chiffres situés à l’extérieur du périmètre en pointillé mixte
violet, alors que tous les chiffres à l’intérieur de ce périmètre sont
strictement ceux de l’INSEE. On rétablit ainsi l’importance relative des
différents flux.
- Les énergies fossiles (49,5%), presque entièrement importées, promises à une raréfaction rapide (pétrole 31,4%), assez rapide (gaz 14,3%) ou à moyen terme (charbon 3,8%), très émettrices de CO2, mais difficiles à remplacer en raison d’un rapport énergie/masse imbattable : plus de 10 KWH par Kg pour tous les hydrocarbures.
- L’énergie thermique nucléaire (43%), entièrement destinée à être transformée en énergie électrique avec un médiocre rendement de 33%. L’utilisation de la chaleur, notamment issue de la source « froide », c'est-à-dire du condenseur, est techniquement possible, notamment pour du chauffage urbain, mais l’eau tiède ayant la fâcheuse propriété de se refroidir assez vite, cette utilisation nécessiterait de mettre le réacteur au cœur de la ville…
- Les énergies renouvelables (7,5%) sont très diverses. Remarquons que les 3 principales (l’hydraulique, le bois de chauffage et les déchets urbains, soit les 3/4 du renouvelable) sont fort anciennes. L’éolien et le photovoltaïque dont on parle tant, souvent à tort et à travers, ne représentent que 7% du renouvelable, ou 0,5% du total primaire.
L'électricité est aux ¾ nucléaire, mais cette
moyenne sur l’année cache une réalité plus complexe. Rappelons que la puissance
installée du parc nucléaire est de 63 GW (soit environ 50 GW effectifs après taux de
disponibilité d’environ 80%), alors que la puissance demandée par le réseau
varie dans des proportions considérables, de 20 à plus de 100 GW. Les pointes extrêmes
sont courtes. Ceci signifie qu’environ 60% du temps, la demande peut être
satisfaite par le nucléaire seul, auquel s’ajoutent néanmoins un petit apport
des énergies "fatales" (celles qu’on utilise parce qu’elles sont là : l’hydraulique
de basse chute, l’éolien..).
Si la demande croît, on recourt à
l’hydraulique de lac, et si c’est insuffisant, aux centrales
thermiques. Ces dernières ont une capacité de production élevée, peuvent
démarrer presque sans préavis, sont souples, mais produisent des KWH coûteux et
chargés en CO2. Au-delà, on importe et on cherche à dissuader la consommation.
Examinons
ensuite les utilisations, sur la
gauche du tableau :
- Les activités professionnelles représentent 26 % de la consommation, très répartie entres les différentes énergies possibles. On ne peut en tirer aucune conclusion globale à ce stade.
- Le secteur résidentiel et tertiaire, autrement dit logements, bureaux, écoles, hôpitaux, administrations, atteignent 53 % de l’énergie consommée, qui se répartissent entre :
- le chauffage qui atteint 44%, dont environ la moitié par gaz ou fuel, et un quart par électricité.
- les consommateurs électriques spécifiques qui ne dépassent pas 9%.
- C’est ici que l’on voit l’intérêt du chauffage par pompes à chaleur qui, selon leur technologie, permettent un chauffage égal à 2 à 3,5 fois la puissance électrique consommée
- En dehors de la petite exception ferroviaire (moins de 1% des utilisations), les transports n’utilisent que du pétrole, et en quantités considérables : 46 MTEP, soit 56% de la consommation française. Comme indiqué plus haut, ce synoptique rajoute la conversion de ce pétrole (et des biocarburants pour un faible part) en énergie mécanique. Cette conversion est faite par des moteurs thermiques dont le rendement effectif en situation n’excède pas environ 25% (essence) à 30% (diesel), chiffres plausibles ici pris par hypothèse, qui aboutissent à 14,1 MTEP Le rendement d’un turboréacteur, plus difficile à définir puisqu’il fournit une poussée statique et non une puissance, n’est pas meilleur pour les mêmes raisons. Tout le reste, soit environ 35 MTEP, est dissipé en chaleur perdue.
Elles sont monstrueusement
élevées : 118 MTEP, soit 48% de la puissance primaire totale consommée
en France. Qui sont les coupables ? Les moteurs, au sens
large : moteurs de véhicules, turbines à gaz ou à vapeur qui transforment
l'énergie thermique (d'origine chimique ou nucléaire) en énergie mécanique:
Mais ces moteurs ont deux avocats, ou
plutôt deux physiciens qui en on fait la théorie:
- Le français Sadi Carnot (1796-1832) a posé le 2ème principe de la thermodynamique selon lequel le rendement de conversion de l’énergie thermique en énergie mécanique ne peut pas dépasser 1 - T2 / T1, où T1 et T2 sont les températures initiale et finale du fluide thermodynamique, exprimées en ° Kelvin (= °C + 273).
- Partant des travaux du précédent, l’allemand Rudolf Clausius (1822-1888) a généralisé cette théorie avec la fonction entropie : (E = ∫ dq / T). Nous y reviendrons dans un message ultérieur consacré aux fonctions thermodynamiques "enthalpie" et "entropie".
Ces lois de la physique n’ont pas que
des inconvénients : elles permettent aussi la pompe à chaleur,
qui restitue 2 à 3 fois plus d’énergie thermique qu’elle ne consomme d’énergie
mécanique. C’est un frigo à l’envers : on refroidit l’air ou le sol, voire
l’eau d’un lac ou de la mer si on en a, et l’énergie thermique gratuite ainsi
récupérée dans la nature vient s’additionner à l’énergie mécanique (d’origine
électrique) consommée. Son classement en "énergie renouvelable" par
l’INSEE est très discutable, dans la mesure où elle n’est en aucun cas
autonome, mais toujours liée à une consommation d’énergie mécanique, donc pratiquement à un moteur électrique.
Il faut retenir de tout cela que :
- Il y a des énergies nobles (mécanique et électrique), aisément convertibles l’une dans l’autre, avec un excellent rendement, ou en chaleur avec un rendement de 100%.
- L’énergie thermique est d’autant moins noble, c'est-à-dire d’autant plus difficile à transformer en énergie mécanique, qu’elle est disponible à basse température : l’eau tiède, même en grande quantité, ne permet pas de faire de la vapeur à haute pression pour faire tourner des turbines. Pour être convertible, l’énergie calorifique doit être disponible à haute température, c'est-à-dire plusieurs fois supérieures à la température ambiante (~300°K) qui sera, par la force des choses, à peu près celle de la source froide.
- C’est vrai à l’envers : le rendement (très supérieur à 100%) d’une pompe à chaleur utilisant de l’énergie mécanique sera d’autant meilleur que les températures T1 (fluide de chauffage) et T2 (air ou sol) seront proches.
- Les rendements de conversion : cokéfaction du charbon, distillation du pétrole, transformation de tension électrique…
- Les rendements de transport : énergie consommée, perte en lignes électrique…
Trop souvent oubliées, et constituées
principalement de produits de distillation du pétrole, accessoirement de gaz
naturel, elles sont loin d’être
négligeables, avec 12,5 MTEP, soit plus que la totalité du fuel de chauffage
domestique. Mais, contrairement à ce dernier, ces utilisations sont très
difficilement remplaçables, s’agissant ici d’une utilisation en tant que
matière première d’un grand nombre de produits de synthèse résultant de la
pétrochimie, notamment les plastiques, résines, lubrifiants…