Au début de
l’année 2012, TF1 nous a présenté l’invention du siècle : l’« économiseur de carburant FDME » (Fragmenteur De Molécules Ecologique) selon lequel le passage du
carburant dans un champ magnétique fragmente les molécules et améliore ainsi la
combustion. Nous avons donné dans le message correspondant toutes les raisons
que nous avons de ne pas en croire un mot de
cette double absurdité.
Nous
assistons maintenant au lancement de l’Ekonokit qui reprend la très vieille idée du
moteur à eau, sous la forme de réinjection dans l’admission, d’eau venant soit
de la condensation de la vapeur d’eau de combustion (essence), soit d’un
réservoir additionnel (diesel).
Le dossier de
presse est très professionnel, très esthétique, et « vert » par
surcroît. Dans sa présentation, la Société Econokit, dont le gérant est M. Stephen Mallet, informaticien
d’origine, n’hésite pas à parler de « …l’énergie renouvelable inépuisable qu’est l’eau ». Baliverne,
incompatible avec les lois de la thermodynamique !
Il ne fonctionnera pas plus que le
FDME, pour les mêmes raisons :
Le rendement
des moteurs thermiques est un problème clair pour les scientifiques et
ingénieurs depuis que Sadi Carnot a énoncé en 1824 ce qui est devenu le 2ème principe
de la thermodynamique, et que Rudolf Clausius à créé en 1865 le
concept d’entropie. Presque tout était alors dit sur la théorie, il
restait aux ingénieurs à améliorer les technologies.
Et elles
l’ont été. Depuis 40 ans, la consommation des véhicules a été divisée par deux,
grâce à des innovations technologiques visant à se rapprocher de l’optimum
théorique : du barbotage au carburateur, à l’injection, puis au
« common rail », de l’allumage conventionnel à l’allumage
électronique basse tension, puis haute tension, puis cartographique, puis
commande des moteurs par microprocesseur, amélioration des tubulures
d’admission et d’échappement, les multisoupapes, l’optimisation des chambres de
combustion, la réduction récente des cylindrées (« downsizing »)
compensée par adjonction de turbocompresseurs. Cette évolution va continuer
avec les hybrides et les boîtes automatiques sophistiquées qui optimisent le
point de fonctionnement, les moteurs à cycle d’Atkinson, et demain les moteurs
à taux de compression variable et la commande électronique des soupapes.
Ces progrès
successifs, dont chacun n’amène que quelques % d’économie, reposent sur les
efforts collectifs monstrueux, mais justifiés par l’enjeu : des milliers
d’ingénieurs chez les constructeurs, les équipementiers (Bosch, Valeo, ...),
des laboratoires universitaires ou privés (IFP) travaillent pendant des années
avec des moyens considérables pour obtenir une petite amélioration. Et plus une
technologie est mure, plus les progrès sont coûteux. Le grand public
sous-estime considérablement le temps et le coût d’une toute petite
amélioration.
Améliorer la combustion ? Le dossier de presse allègue une
baisse de consommation « jusqu’à 27%
selon… ». C’est donc que la combustion n’était pas bonne, et qu’il y
aurait 27% d’imbrûlés ? Mais où sont-ils passés ? Les moteurs
modernes n’émettent ni CO, ni carbone (essence), si ce n'est dans des
proportions infinitésimales (diesel). Le tableau ci-dessous calcule la perte énergétique (en KJ) due aux émissions
indésirables au maximum de la norme en vigueur, émissions vérifiées au cours
des contrôles techniques. On constate qu'elles n'excèdent pas 0,31%
pour les moteurs diesel, et 0,69% pour les moteurs à essence. Prétendre
réduire la consommation de 27% par réduction d'imbrûlés largement
inférieurs à 1%, est tout simplement absurde!
Tableau établi par l’auteur d’après la norme Euro 5
Mais son dossier mérite d’être
analysé de plus près, car il se
targue de résultats validés par le Bureau
Veritas, organisme certificateur au-dessus de tout soupçon. Surpris, nous
sommes allés voir de plus près.
Le rapport
d’essai du Bureau Veritas est très précis, mais il porte exclusivement sur la composition des gaz
d’échappement qui peut être tenue pour exacte, mais qui n’apporte pas
grand-chose dès lors que tous les
paramètres expérimentaux sont sous la responsabilité d’Ubiquity qui a le
même gérant que Econokit. Le Bureau Veritas
donne des valeurs un peu plus favorables des imbrûlés de combustion avec
l’Econokit, mais ne dit en aucun cas que les conditions expérimentales (vitesse
de rotation, couple et puissance du moteur notamment) étaient les mêmes. Il rappelle en page 6 que :
« La configuration du banc d’essai,
le véhicule et le protocole opératoire sont de la responsabilité d’Ubiquity et
n’ont pas fait l’objet de vérification du Bureau Veritas. »
« Conditions de mesure : la mesure du débit a été fournie par le
client ».
En page 22, figurent des photos d’un
afficheur mixte analogique / numérique issu du logiciel « auto-diag »
sur PC, portant sur :
- En analogique : les km/h véhicule et les RPM moteur, température et charge (non définie).
- En numérique : Les consommations totale, instantanée aux 100 km et à l’heure, le parcours et son carburant consommé.
En recoupant ces affichages, on constate
des anomalies :
- Le calcul de la vitesse par le quotient de : « consommation à l’heure / consommation aux 100 km », ressort à 112 km/h avec Econokit, et 134 km/h avec, faisant penser à des conditions expérimentales biaisées, ou à des relevés en régime non stabilisé.
- Les « charges » (non définies) sont de 74% sans, et 64% avec Econokit. S’il s’agit, comme probable, de valeurs instantanées, elles n’ont aucun sens.
- Les consommations aux 100 km calculées comme le quotient de : « carburant consommé / longueur du parcours » ressortent dans les deux cas à la même valeur de 8,1 l/ km, ce qui est contradictoire.
Le Bureau Veritas ne confirme donc en
rien les allégations de la Société Econokit…
Malgré cela,
Econokit a publié une « Synthèse
du rapport du Bureau Veritas » dans laquelle elle appuie ses
allégations sur la garantie apportée par le Bureau Veritas, laquelle ne porte
en réalité que sur une toute petite partie des essais, à savoir la seule
composition des gaz à l’exclusion de tout les autres paramètres, moyens de
mesure et traitements des données. C’est peu dire que ce document, un modèle d’amalgame,
ne démontre rien.
Pas de test
normalisé ?
La
consommation d’un véhicule est définie par des tests normalisés effectués par l’UTAC,
dont les résultats sont publiés par les
constructeurs. Ces tests sont sans doute critiquables, en ceci que l’utilisateur
est toujours au dessus, car son propre cycle est plus sévère, son attention
moindre, et son véhicule pas à l’optimum, mais ces tests ont le mérite
d’exister, et d’être reproductibles et comparables entre eux. On aurait aimé
avoir les résultats d’un véhicule testé avec et sans l’Econokit. Ce n’est pas le cas.
Est-ce parce que les tests n’ont pas été faits, ou parce que les résultats
n’étaient pas différents, voire aggravés ? L’affirmation de baisse de consommation ne s’appuie à ce stade sur rien
de sérieux.
Notons au
passage que la base de départ, la Fiat Punto à 8,1 litres aux 100 km à 121 km/h apparaît
anormalement élevée, même avec une côte simulée de 2%, sans que nous en
connaissions la cause.
Malheureusement,
il faut se rendre à l’évidence : l’Econokit n’est
qu’un nouveau placebo : ceux qui y croient ne jugeront pas
utile de faire des mesures qui pourraient montrer qu’ils ont perdu 160 € (VL
essence), ou 300 € (VL diesel) ou 500 € (PL) dans l’achat d’un gadget inutile, et
continueront donc à y croire : le « plein » est une unité si peu
précise !