dimanche 8 janvier 2012

Synoptique énergie France 2010

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Le synoptique 2011 est publié

Synoptique de l’énergie en France en 2010

Les tableaux de chiffres sont nécessaires à l’analyse, mais ils peinent à donner une vision globale propre à une bonne synthèse. Nous avons essayé d’y remédier.

Le synoptique global ci-dessous montre les flux d’énergie partant des énergies primaires (en haut) et allant vers les utilisations (à gauche), avec l’intervention de l’énergie électrique (à droite), sans oublier les énormes pertes de conversion des énergies primaires thermiques vers des utilisations mécaniques ou électriques (en bas). Il est entièrement appuyé sur les chiffres de l’INSEE 2010 récemment publiés, sauf la partie basse (en dessous de la ligne pointillée rouge) qui repose sur une hypothèse de rendement des moteurs thermiques utilisés dans les transports, qui permet de mieux évaluer l’importance  relative des différents flux.

Chaque flux annuel d’énergie est représenté avec une largeur proportionnelle à ce flux. Ils sont exprimés en TEP (Tonne Equivalent Pétrole), en noir, avec mention complémentaire de l’énergie électrique en MWH (Mega Watt Heure) sur la base  TEP = 11,63 MWH, en bleu.

Regardant les énergies primaires (haut du tableau), on est frappé par la place prépondérante de deux poids lourds :
  • Les énergies fossiles (50%), entièrement importées, promises à une raréfaction rapide (pétrole et gaz) ou à moyen terme (charbon), très émettrices de CO2 (oui, même le gaz, malgré des publicités abusives le présentant comme vert), mais difficiles à remplacer en raison d’un rapport énergie/masse imbattable.
  • L’énergie thermique nucléaire (42%), entièrement destinée à être transformée en énergie électrique avec un médiocre rendement de 33%. L’utilisation de la chaleur, notamment issue de la source « froide », c'est-à-dire du condenseur, est techniquement possible, mais l’eau tiède ayant la fâcheuse propriété de se refroidir assez vite, cette utilisation nécessiterait de mettre le réacteur au cœur de la ville…
  • Les énergies renouvelables (9%) sont très diverses. Remarquons que les 3 principales (l’hydraulique, le bois de chauffage et les déchets urbains, soit 71% du renouvelable) sont fort anciennes. L’éolien et le photovoltaïque dont on parle tant, souvent à tort et à travers, ne représentent que 3% du renouvelable, ou 0,3% du total.


Suivons ensuite les flux d’énergie électrique, en violet, sur la droite, du haut vers le bas :
  • L'électricité est aux ¾ nucléaire, mais cette moyenne sur l’année cache une réalité plus complexe. Rappelons que la puissance installée du parc nucléaire est de 63 GW (taux de disponibilité d’environ 80%), alors que la puissance demandée par le réseau varie dans des proportions considérables, de 6 à 92 GW. Les pointes sont courtes. Ceci signifie que la plupart du temps, la demande peut être satisfaite par le nucléaire seul, auquel s’ajoutent néanmoins un petit apport des énergies fatales (celles qu’on utilise parce qu’elles sont là : l’hydraulique de basse chute, l’éolien..).
  • Si la demande croît, on recourt à l’hydraulique de haute chute, et si c’est insuffisant, aux centrales thermiques. Ces dernières ont une capacité de production élevée, peuvent démarrer presque sans préavis, mais produisent des KWH coûteux et chargés en CO2.


Examinons ensuite les utilisations, sur la gauche du tableau :
  • Les activités professionnelles représentent 29% de la consommation, très répartie entres les différentes énergies possibles. On ne peut en tirer aucune conclusion globale à ce stade.
  • Le secteur résidentiel et tertiaire, autrement dit logements, bureaux, écoles, hôpitaux, administrations, atteignent 53% de l’énergie consommée, qui se répartissent entre :
    •  le chauffage qui atteint 44%, dont environ la moitié par gaz ou fuel, et un quart par électricité.
    • les consommateurs électriques spécifiques qui ne dépassent pas 9%.
C’est ici que l’on voit l’intérêt du chauffage par pompes à chaleur qui, selon leur technologie, permettent un chauffage de 2,5 à 3,5 fois la puissance électrique consommée. Ceci veut dire que si l’intégralité des locaux chauffés électriquement utilisait des pompes à chaleur (disons coefficient 3), la puissance électrique ainsi économisée serait suffisante pour substituer des pompes à chaleur la totalité  des chauffages au fuel et au gaz. Les émissions françaises de CO2 seraient réduites d’environ un quart, sans extension du parc nucléaire. Ceci ne signifie évidemment pas qu’il soit possible de réaliser cette évolution rapidement su le parc de bâtiment existants, pour de multiples raisons. Elle n’est possible que progressivement, avec un investissement élevé, surtout pour l’habitat neuf, mais elle est parfaitement raisonnable et très efficiente. C'est une voie ou la France est très en retard, notamment par rapport à la Suisse ou la Finlande, elles aussi productrices d'électricité décarbonée.

  • En dehors de la petite exception ferroviaire, les transports n’utilisent que du pétrole, et en quantités considérables : 46 MTEP, soit 56% de la consommation française. Mais l’usage, notamment de l’INSEE, de chiffrer la consommation énergétique des transports en pétrole, n’est qu’une simplification qui biaise l’appréciation : pour faire rouler un véhicule terrestre (40 MTEP), il faut évidemment de l’énergie mécanique et non de la chaleur. Or cette conversion est faite par des  moteurs thermiques dont le rendement effectif en situation n’excède pas environ 20%, chiffre pris par hypothèse dans le synoptique. Le rendement d’un turboréacteur, plus difficile à définir puisqu’il fournit une poussée statique et non une puissance, n’est pas meilleur pour les mêmes raisons. Tout le reste, soit 39 MTEP, est dissipé en chaleur perdue.


































On ne peut pas raisonner correctement sur la problématique de l’énergie sans examiner ces pertes en elles-mêmes 
  • Elles sont monstrueusement élevées : 140 MTEP, soit 52% de la puissance primaire totale consommée en France. Qui sont les coupables ? Les moteurs, au sens large : moteurs de véhicules, turbines à gaz ou à vapeur, qui transforment l'énergie thermique (d'origine chimique) en énergie mécanique:
  • Mais ces moteurs ont deux avocats, ou plutôt deux physiciens qui en on fait la théorie:
    • Le français Sadi Carnot (1796-1832) a posé le 2ème principe de la thermodynamique selon lequel le rendement de conversion de l’énergie thermique en énergie mécanique ne peut pas dépasser  1 - T2 / T1, où T1 et T2 sont les températures initiale et finale du fluide thermodynamique, exprimées en ° Kelvin (= °C + 273).
    • Partant des travaux du précédent, l’allemand Rudolf Clausius (1822-1888) a généralisé cette théorie avec la fonction entropie : (E = dq / T). Nous y reviendrons dans un message ultérieur.
La pratique étant toujours moins favorable que la théorie, les rendements de conversion  d’un moteur thermique à pistons sont souvent inférieurs à 20%, et n’atteignent 35% que dans les conditions idéales de fonctionnement. Les turbines à gaz et à vapeur ne font pas beaucoup mieux, seules les récentes turbines à cycle combiné (gaz + vapeur) arrivent à dépasser les 50%. Les progrès technologiques ont permis, et permettront encore, de grapiller quelques points, mais sans changer radicalement la face des choses.

  • Ces loi de la physique n’ont pas que des inconvénients : elles permettent la pompe à chaleur, qui restitue 2 à 3 fois plus d’énergie thermique qu’elle ne consomme d’énergie mécanique. C’est un frigo à l’envers : on refroidit l’air ou le sol, voire l’eau si on en a, et l’énergie thermique gratuite ainsi récupérée dans la nature vient s’additionner à l’énergie mécanique (d’origine électrique) consommée.
  • Il faut retenir de tout cela que :
    • Il y a des énergies nobles (mécanique et électrique), aisément convertibles l’une dans l’autre, avec un très bon rendement, et en chaleur, avec un rendement de 100%.
    • L’énergie thermique est d’autant moins noble, c'est-à-dire d’autant plus difficile à transformer en énergie mécanique, qu’elle est disponible à basse température : l’eau tiède, même en grande quantité, ne permet pas de faire de la vapeur à haute pression pour faire tourner des turbines.
    • C’est vrai à l’envers : le rendement d’une pompe à chaleur utilisant de l’énergie mécanique sera d’autant meilleur que les températures T1 (fluide de chauffage)  et T2 (air ou sol) seront proches.
  • Il ne faut pas perdre de vue les autres pertes, même si elles sont minoritaires :
    • Les rendements de conversion : cokéfaction du charbon, distillation du pétrole, transformation  de tension électrique…
    • Les rendements de transport : énergie consommée, perte en lignes électrique…