samedi 11 juin 2016

LAMPIRIS : une électricité verte ?





Ce distributeur fait actuellement beaucoup de publicité pour son énergie verte. Sur son site, il se présente :
« Lampiris est un fournisseur indépendant d’électricité renouvelable et de gaz naturel. Il est actif sur le marché belge depuis 2005 et y est aujourd’hui le troisième acteur derrière GDF-SUEZ et EDF.
Fort de 200 000 compteurs en France, Lampiris y commercialise depuis novembre 2011, du gaz naturel et de l’électricité 100% renouvelable aux particuliers et aux professionnels à des prix très compétitifs.
Avec Lampiris, les énergies renouvelables sont la solution d'avenir, sur le plan écologique, mais aussi économique! »

Ses publicités comportent en petites lettres, illisibles sur leur site, mais lisibles sur les affiches, des précisions juridiques importantes :
« *Electricité 100% verte = Electricité 100% renouvelable d’origine française produite à partir d’installation hydraulique : la totalité de l’électricité vendue aux clients Lampiris est couverte par des garanties d’origine achetées en fin d’année civile. A l’aide de ce mécanisme, Lampiris garantit que de l’électricité d’origine renouvelable a été produite et injectée sur le réseau en quantité équivalente à la consommation des clients de Lampiris. Détails sur lampiris.fr . »

Que faut-il en penser ?

Mix énergétique

L’énergie électrique de réseau ne pouvant pratiquement pas être stockée (à l’exception des STEPs limitées par les sites possibles), la production injectée dans le réseau est simultanément consommée de façon indifférenciée par l’ensemble des utilisateurs. L’excellent site « eco2mixrte » de l’opérateur de réseau RTE donne en temps réel, par pas de ¼ d’heure, tous les détails du mix énergétique français et des transferts entre régions,  avec leur historique sur plusieurs années.

A chaque instant, la production est assurée par de nombreuses filières auxquelles l’opérateur de réseau fait appel selon la consommation constatée, dans un ordre bien déterminé :
  • D’abord l’éolien et le photovoltaïque, fatales puisqu’on ne maîtrise pas leur production, qui bénéficient d’une priorité d’écoulement en dépit d’un prix garanti très élevé,
  • Puis les énergies dont le coût est le plus bas : hydraulique au fil de l’eau et nucléaire,
  • Puis, si nécessaire, les énergies utilisant des énergies fossiles : charbon, fioul, gaz et aussi les centrales hydrauliques de pointe (haute chute) ou éclusées (basse chute).
  • Sans oublier des disparités régionales dues aux coûts et aux limites de capacité de transport du réseau.

 Contractuellement vert ou pas ?

Le caractère vert de ces filières est très différentié :
  • Les énergies fossiles émettent beaucoup de CO2, particulièrement le charbon, le gaz étant de loin meilleur, mais pas exempt.
  • Le nucléaire n’en n’émet pas, il est « décarboné », mais pas tout à fait renouvelable car les réserves mondiales d’uranium ne sont pas infinies, quoique de très longue durée à travers des variantes techniques (surgénérateurs, thorium).

Si l’on veut être strictement vert, il ne reste plus que quatre filières :
  • L’hydraulique, en partie aléatoire
  • L’éolien, aléatoire et peu prévisible
  • Le photovoltaïque, contra-cyclique et dont la prévisibilité n'est limitée que par  la nébulosité.
  • La géothermie profonde, encore balbutiante, et limitée à certaines régions favorables.
Malheureusement, mêmes prises toutes ensemble, elles ne peuvent assurer ni le volume, ni même la continuité de la production. Dans ce contexte, prétendre ne vendre que de l’énergie électrique verte est une gageure ! Comment fait Lampiris ?

La réponse est simple : il ne le fait pas, car il ne s’est pas engagé à la faire !

Relisons attentivement son engagement :
« *Electricité 100% verte = Electricité 100% renouvelable d’origine française produite à partir d’installation hydraulique : la totalité de l’électricité vendue aux clients Lampiris est couverte par des garanties d’origine achetées en fin d’année civile. A l’aide de ce mécanisme, Lampiris garantit que de l’électricité d’origine renouvelable a été produite et injectée sur le réseau en quantité équivalente à la consommation des clients de Lampiris.

Cet engagement est clair, mais limité : une production verte équivalente a été injectée sur le réseau, mais il n’est dit nulle part que cette injection ait été simultanée avec la consommation. Il ne dit pas non plus que l’électricité vendue au client est verte, mais seulement qu’elle est couverte par de l’électricité d’origine hydraulique, supposée verte, injectée antérieurement dans le réseau.

Lampiris tient certainement ses engagements contractuels ainsi rédigés, qui sont trop subtils pour être compris par le particulier. Ce système de couverture pourrait être vert  uniquement si :
  • L’énergie électrique était stockable, ce qui n’est pas nullement le cas,
  • Ou si le mix énergétique était constant, ce qui n’est pas le cas non plus, et de loin.
Les consommations et les mix énergétiques sont constamment variables selon les circonstances (température, activité, hydrologie, vent, soleil, marées…) et selon les régions. Les différents producteurs injectent leur puissance dans un réseau unique. Le pompage, en France ou en Suisse, utilise l’énergie nucléaire française pour produire un supplément d’énergie hydraulique (verte ?). Seuls les chiffres globaux ont un sens, et aucun distributeur ne peut alléguer que son électricité, qui vient du réseau unique, est plus verte que celle de ses concurrents : tout dépend du moment et du lieu de consommation par l’utilisateur, ce dont le distributeur ne peut pas préjuger !

La publicité de Lampiris est critiquable en ceci que la définition « sur mesure » citée plus haut de « L’électricité 100% verte » ne correspond pas au sens commun : dans le texte ci-dessous, aucun utilisateur ne comprendra que l’énergie qui lui sera vendue n’a rien à voir avec elle qui a été acheté par Lampiris : elle sera au contraire évidemment fournie par un réseau dont le mix est ce qu’il est au moment de la consommation, y compris pendant les pointes au cours desquelles les filières fossiles tournent à plein, et l’électricité importée est issue de filières généralement pas vertes. Par surcroît, l’origine 100% française sera alors inexacte. Aucun lecteur ne remarquera que la garantie porte sur "chaque MWh produit" (avant et ailleurs), et non pas "vendu"!


Que faire ?

Ceci étant, l’électricité revendue par Lampiris n’est pas non plus moins verte que celle de ses concurrents, et l’utilisateur préoccupé par la planète pourra donc s’abonner chez eux après avoir vérifié l’avantage compétitif mis  en avant par Lampiris, ce que nous n’avons pas cherché à faire. Il se consolera en se rappelant que le MWh français  est le moins émetteur de CO2 de la planète, et notamment 10 (DIX) fois moins émetteur qu’un MWh allemand, malgré les énormes parcs éolien et photovoltaïque de ce pays. Il peut donc être consommé sans se poser trop de questions !

Pour accroître la part d’électricité verte de sa consommation, l’écologiste intégriste devra :
  • Habiter en France,
  • Mais ni en Bretagne, ni en PACA dépourvues de centrales nucléaires et donc plus émettrices de CO2,
  • Avoir en permanence le graphe du mix énergétique RTE sur l’écran de son ordinateur
  • Couper tous ses consommateurs dès que la part fossile dans le mix dépasse un seuil qu’il aura lui-même fixé (évidemment à moins de 8% qui est la moyenne annuelle nationale)
  • Accepter de consommer de l’électricité nucléaire toujours majoritaire en France, ou  résilier son abonnement !
Bon courage !