Sujets connexes
Le nombre annuel de tués est disponible depuis
1958, mais la circulation seulement depuis 1973, année à peine postérieure à la
pointe des décès de 1972 qui a marqué une prise de conscience et le début des
réactions. L'évolution du taux d'accidents sur 40 années depuis 1973 est le suivant (ordonnées
logarithmiques):
Le modèle, en rouge, très simple, est une
décroissance exponentielle de 5,7% par an, soit une division par 2 tous les 12 ans. L’écart-type par rapport au modèle
est de 6,2%, et il est courant d’avoir plus ou moins 2 écarts types dans une
loi de dispersion « normale » (dite de Laplace). Il ne faut donc pas s’étonner du
« bruit » sur la courbe, incluant même des hausses, heureusement
moins fréquentes et moins marquées que les baisses. Les accidents ont un
caractère aléatoire, sans lequel le métier d’assureur n’existerait pas ! A
fortiori, l’écart-type sur un mois étant de 6,2% x √12 = 21,5%, les
commentaires mensuels sur
l’évolution des décès d’une année sur l’autre sont le plus souvent dénués de
fondement, d’autant qu’ils ne prennent pas le trafic en compte.
Le chiffre
de 2015 est provisoire : le nombre de tués (3 464, en hausse) est connu, mais pas encore le
kilométrage parcouru, qui a ici été supposé en progression de 5%, compte tenu d'une baisse des prix TTC des carburants de 10% en 2015 vs. 2014. La hausse des décès pour la deuxième année consécutive est
évidemment déplorable, mais ne permet absolument pas de parler d’une rupture de
tendance : le point est juste sur
la courbe. En outre, le chiffre des décès inclut l'incendie d'autocar qui a fait 43 victimes, sinistre tout à fait atypique qui pèse à lui seul 1,3% de l'année.
Ainsi, on peut raisonnablement penser que
l’accroissement du nombre de décès depuis l’été 2014, c’est-à-dire depuis la
baisse du prix des carburants, résulte principalement d’une probable augmentation
du trafic, et accessoirement du fait que la partie de la population qui
cesse de retreindre ses trajets est aussi celle, moins fortunée, qui dispose
des véhicules les plus anciens dont la sécurité passive est significativement
inférieure. La publication des statistiques de trafic 2015 confirmera, ou non,
cette hypothèse.
Reste que plusieurs pays européens, ayant plus ou moins connu les mêmes évolutions de prix des carburants, et donc de kilométrage parcouru, ont poursuivi la baisse du nombre des victimes. L'analyse de cet écart n'est pas simple. On note quand même une aggravtion plus marquées dans le réseau secondaire qui connaît des problèmes d'entretien, mais insuffisante pour pouvoir conclure.
L’auteur a pris le risque d’extrapoler le modèle
jusqu’en 2016 + 10 = 2026, année au cours de laquelle, à trafic constant, le nombre de tués devrait, selon le modèle, descendre jusqu’à 3 388 / 2 = 1 694.
La loi exponentielle décroissante ayant une intégrale finie, on pourrait aussi,
en l’extrapolant sans limite à partir de 2014, calculer que le nombre cumulé de
décès sur les routes de 2015 à l’infini serait de 60 000, sorte de
« solde de tout compte » de l’insécurité routière, qui peut être
considéré avec :
- optimisme, l’insécurité devant ainsi avoir une fin, sinon dans le temps, du moins en nombre cumulé de victimes,
- ou pessimisme, car il faudra préalablement subir la disparition de l’équivalent de la ville de Lorient !
En réalité, tout comme la courbe de baisse des
coûts dans l’industrie automobile selon la théorie du Boston
Consulting Group, cette courbe de réduction des décès n’est pas automatique, et
doit être constamment alimentée :
- Pendant quelques années, le simple remplacement des véhicules anciens par des véhicules récents poursuivra le progrès résultant des véhicules, mais deviendra vite insuffisant si de nouveaux équipements de sécurité ne sont pas introduits.
- Si la réduction des dépenses publiques, ou l’opposition systématique d’extrémistes écologistes, se traduisait par un arrêt des investissements en infrastructures, cette source d’améliorations serait tarie.
- L’homme restant faillible, distrait, fatigable, imprévisible, parfois agressif ou irresponsable, l’amélioration des comportements pourra se poursuivre grâce à la sensibilisation, à la répression, au changement de culture, mais ne sera pas exponentielle !
- Les véhicules intelligents, capables de simplifier le travail du conducteur, de le surveiller, de reprendre la main si nécessaire, voire de l’éliminer, deviendront probablement la principale nouvelle source de sécurité.
- A l’inverse, une crise économique majeure, avec arrêt des investissements publics, moindre entretien des infrastructures, vieillissement du parc, croissance des véhicules basiques, réduction des moyens d’intervention après accident, pourrait fort bien inverser la tendance à la baisse des taux. Il existe entre pays une corrélation (qui n’est pas une causalité) entre niveau de vie et sécurité routière.