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Dans
son édition du 12 avril 2017, le quotidien « Les Echos » nous annonce
par la plume de Yann Rousseau, leur correspondant à Tokyo, le démarrage
difficile des « ENE-Farms » basées sur l’hydrogène comme source
d’énergie à l’instar des préséries de véhicules à hydrogène.
Voir l’article intégral de "Les Echos" en fin du message
ci-dessous.
Selon
ces informations :
- L’énergie de base est le gaz de ville du réseau de Tokyo
- Les ENE-farms en extraient l’hydrogène qui est utilisé immédiatement pour produire de l’électricité dans une pile à combustible (PAC)
- Les pertes thermiques de la PAC contribuent au chauffage du logement.
- Le Gouvernement nippon (Mr. Shinzo Abe) considère l’hydrogène comme l’énergie du futur capable d’éviter l’importation de combustibles fossiles et de réduire les émissions de CO2.
- Le prix unitaire d’une ENE-farm est de 13 000 €.
- la puissance électrique en continu d’une ENE-farm est de 700 watts.
Une analyse
technico-économique s’impose…
- Cette architecture dans laquelle l’électricité est fournie par une PAC dont les pertes (environ 50% de l’énergie absorbée sous forme d’hydrogène) sont utilisées pour la chauffage, est un bel exemple de cogénération. On peut estimer la consommation d’énergie primaire à 700 / 50% = 1 400 watts.
- Pour extraire de l’hydrogène du gaz de ville (gaz naturel, principalement constitué de méthane CH4), sans apport d’énergie extérieure, il faut recourir au vaporeformage auto-thermique (enthalpie nulle) du méthane selon la réaction : 3 CH4 + O2 + 4 H20 à 3 CO2 + 10 H2
- L’hydrogène ainsi produit ne contient pas de carbone, mais a néanmoins une trace carbone élevée : tout le carbone du méthane est oxydé en CO2, exactement dans la même quantité que si on avait fait brûler le gaz à l’air libre. Aucun progrès à cet égard…
- Le gaz de ville japonais est entièrement importé. Le Japon étant éloigné des sites d’extraction, et en l’attente d’un possible gazoduc le reliant à la Russie, tout le gaz naturel est importé à l’état liquide par des navires méthaniers. La liquéfaction à -162°C, nécessitée par le transport non pressurisé, en augmente significativement le coût, beaucoup plus que le transport proprement dit.
- Le stockage sous pression de l’hydrogène gazeux, le plus léger de tous les gaz, est coûteux et limité. Ce stockage permettrait une production différée d’énergie électrique, mais ne semble pas envisagé ici. En effet, tant qu’à stocker l’énergie sous forme de gaz combustible, il vaudrait mieux stocker le méthane primaire que l’hydrogène, car il est 8 [car (CH4=16)/(H2=2) = 8 ] fois plus lourd bien que 2,8 fois moins énergétique en masse, donc finalement 3 fois moins coûteux à stocker . L’ENE-farm n’est donc en rien une manière de stocker l’énergie pour pallier l’intermittence des énergies renouvelables éolienne et photovoltaïque.
- L’avantage de la cogénération est à comparer avec la solution concurrente : la production électrique par une centrale à gaz à cycle combiné, trop puissante pour pouvoir être domestique, mais qui atteint un rendement de 58%. Le gain, uniquement thermique, imputable à l’ENE-farm est donc de 100% - 58% = 42% de l’énergie latente du méthane utilisé évaluée à 1 400 watts, soit 590 watts.
- L’investissement de 13 000 € à cet effet correspond à 22 K€/KW, à comparer avec celui du nucléaire post-Fukushima qui est de l’ordre de 4 G€/GW, ou encore 4 K€/KW. Il est donc 5,5 fois plus cher, avec une durée de vie très largement inférieure. Il est même environ 15 fois plus cher si l’on considère qu’un KWh électrique a 3 fois plus de valeur qu’un KWh thermique.
- L’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais un simple vecteur, tout comme l’électricité. Il souffre par apport à elle, de médiocres rendements de conversion, et d’un stockage pondéreux, mais illimité dans le temps.
- Il n’évite ni l’importation de combustible fossile, ni l’émission de CO2.
- Le seul avantage significatif de l’ENE-farm est la dualité de l’approvisionnement énergétique : elle permet à l’abonné au gaz de produire son électricité en quantité suffisantes (700 W) pour s’éclairer par des LEDs et utiliser ses appareils numériques dans un logement moyen, à l’exclusion de tout chauffage (qui est fait au gaz) ou du gros électroménager. Mais cet avantage transitoire peut être obtenu par un petit groupe électrogène portable qui coûte… 50 fois moins cher !
Tout ceci
illustre parfaitement le bien-fondé de la position de Jean Tirole qui préconise
de fixer un prix unique et universel du carbone
et de laisser le marché, qui intègre ce prix, choisir les solutions les moins
onéreuses, et donc les plus efficaces. Les actions dirigistes des états,
toujours entachées de considérations politiques, voire démagogiques, ne sont
jamais à l’optimum économique et écologique, et peuvent même s’avérer être à
son antipode : voir notre message : « Le contre-exemple allemand »
Texte intégrale de l’article de « Les
Echos » du 12 avril 2017
Au Japon, 200.000 maisons sont branchées
sur des piles à combustible
Le gouvernement nippon rêve d’une
société fonctionnant à l’hydrogène mais n’arrive pas à faire décoller les
ventes des «ENE-farms»
Yann Rousseau
@Yannsan — Correspondant à Tokyo
Si Toyota et Honda veulent croire que
l’hydrogène pourrait remplacer l’essence dans les berlines du futur, des
électriciens nippons et des géants de l’électronique estiment, eux, que les
familles de l’Archipel pourraient bientôt massivement choisir d’alimenter leurs
maisons et leurs appartements avec des piles à combustible. Dans les quartiers
en pleine mutation, comme près d’Ikebukuro dans le nord de Tokyo, de plus en
plus de hauts placards blancs marqués des mots « ENE-farm » font ainsi leur
apparition au dos des maisons neuves. Reliés au réseau de Tokyo Gas, ces
générateurs extraient l’hydrogène du gaz de ville et produisent lors d’une
interaction avec de l’oxygène de l’électricité ainsi que de la chaleur pour le
logement. Sur le papier, cette énergie est une aubaine pour le Japon. Le
Premier ministre japonais, Shinzo Abe, aime ainsi décrire l’hydrogène comme «
l’énergie du futur » pour l’Archipel, qui doit importer pour le moment, au prix
fort, la totalité du charbon, du gaz et du pétrole qu’il consomme dans ses
centrales électriques. Avec ces piles à combustible qui ne rejettent que de
l’eau, le pays pourrait aussi réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Cette technologie pourrait, enfin, lui permettre de garantir un minimum de
production de courant lorsque des catastrophes naturelles endommagent le réseau
électrique conventionnel. Le prix, barrière à l’entrée Pourtant, les ventes de
cette technologie ne progressent que très lentement au Japon. L’an dernier,
Panasonic, qui contrôle plus de 50 % du marché, n’a écoulé que 23.700
ENE-farms. En cumulé, cela représente 100.000 installations pour la marque
depuis le lancement de cette solution en 2009, sur un marché total évalué à
200.000 unités. « Cela ne correspond qu’à 0,5 % de foyers équipés », note un
analyste. « Nous anticipons une croissance un peu plus rapide avec le recul du
prix des installations et l’offre de systèmes moins encombrants », assure Kyoko
Ishii, une porte-parole de Panasonic. Les objectifs gouvernementaux sont encore
lointains. Tokyo avait espéré 1,4 million de logements équipés en 2020 puis 5,3
millions en 2030. Les dernières projections n’anticipent qu’un demi-million
d’unités en place dans trois ans. « Nous ne voyons pas le pays atteindre ses
objectifs de déploiement », confirme Ali Izadi-Najafabadi, un analyste de
Bloomberg New Energy Finance à Tokyo. Le prix reste une barrière à l’entrée
élevée pour les familles. Une « ferme » coûte encore environ 1,6 million de
yens (13.000 euros) dans le pays. « Le Japon étant le seul pays à promouvoir
les ENE-farms, le rythme de réduction des coûts est lent », note l’expert.
Profitant d’une intense compétition internationale, les installations couplant
des panneaux solaires à des batteries lithium-ion pour les maisons de
particuliers ont dans le même temps vu leurs prix s’effondrer au point de
devenir meilleur marché que les technologies à l’hydrogène, que le gouvernement
subventionne de moins en moins généreusement. Par ailleurs, la dérégulation en
avril 2016 du marché de l’électricité au Japon a enfin permis aux géants du gaz
de vendre directement de l’électricité aux particuliers. « De ce fait, ils ont
moins de motivation à vendre des ENE-farms », note Ali Izadi-Najafabadi.
Conscients de ces résistances, les acteurs japonais de la filière se lancent à
la conquête des marchés étrangers. Panasonic a ainsi commencé la promotion,
avec le groupe Viessmann, de systèmes à l’hydrogène en Allemagne. Dans les
prochains mois, le leader japonais s’intéressera à la Grande-Bretagne, l’Autriche
et la France.