vendredi 31 janvier 2014

Projet PSA de véhicule hybride à air comprimé



Position du problème

Outre l’amélioration des moteurs, la recherche d’une moindre consommation des véhicules passe par l’utilisation des moteurs existants dans leur zone de rendement optimum.

Les courbes de rendement d’un moteur thermique montrent que ce rendement est optimum (plus de 40% pour un diesel moderne) dans une zone du diagramme Couple vs. Vitesse de rotation, centrée typiquement à 50% de la vitesse maximum et 70% du couple maximum, soit environ 35% de la puissance maximum.

Pour un véhicule de tourisme, cette puissance est suffisante, voire surabondante, pour atteindre les vitesses maximum autorisées sur autoroutes. Le rendement y est relativement bon, mais, pour des raisons d’agrément de conduite et de nombre de rapports, les transmissions sont en général trop courtes pour être à l’optimum. Un message du présent blog y a été consacré. La revue « Ingénieurs de l’automobile » n° 826 d’Octobre 2013, publie à ce sujet un dossier qui montre la tendance vers des boîtes à rapports plus nombreux, jusqu’à 9, avec une « ouverture » (rapport des extrêmes) accrue, et nécessairement automatiques.

En trajets urbains, tous les éléments concourent à un très mauvais rendement pour trois raisons principales :
  1. A l’arrêt (encombrements, signalisation…), le rendement est nul, mais la consommation ne l’est pas !
  2. L’énergie cinétique crée à l’accélération est rapidement gaspillée au freinage.
  3. La très basse puissance moyenne requise se situe dans une zone où le rendement se situe vers la moitié du maximum, de l'ordre de 20% seulement.
Pour résoudre partiellement ce problème, les constructeurs et équipementiers ont étudié des véhicules hybrides non rechargeables, actuellement toujours thermiques / électriques, qui apportent des solutions aux trois problèmes ci-dessus, plus un quatrième avantage :
  1. Arrêt automatique du moteur thermique quelques secondes après l’arrêt du véhicule, et redémarrage du véhicule, et éventuellement du moteur thermique, dès l’action sur la pédale d’accélérateur.
  2. Récupération de l’énergie cinétique par l’alternateur rechargeant la batterie.
  3. Dans les modèles les plus évolués, fonctionnement intermittent du moteur thermique dans une zone de rendement amélioré, l’énergie excédentaire étant renvoyée dans la batterie, puis arrêt total, le véhicule fonctionnant alors en mode électrique.
  4. L’hybridation permet le « downsizing » du moteur thermique (rendu acceptable par la puissance de crête toujours disponible du moteur électrique) qui repositionne le point de fonctionnement en trajet autoroutier vers l’optimum du rendement.
Cette hybridation n’est en rien un recours à l’énergie électrique, puisque finalement toute l’énergie mécanique vient du carburant. Elle s'apparente plutôt à une transmission améliorée, réversible et différée.

Bien que  toutes les réalisations actuelles utilisent l’hybridation électrique avec stockage d’énergie dans la batterie, il pourrait exister d’autres solutions correspondant à d’autres modes de stockage de l’énergie. Citons :
  • Le volant d’inertie, qui a été utilisé sur des autobus, et est utilisé en compétition.
  • Le ressort, a priori non compétitif.
  • Le gaz comprimé, ou sa variante oléopneumatique qui fait l’objet d’un projet est développé par PSA en partenariat avec Bosch et Faurecia, objet du présent message.

 L’Hybridation air de PSA : sources d’information

Dans son même n° 826, la revue « Ingénieurs de l’automobile » publie un article intitulé :
 « Hybrid air overview – Main differences wih hybrid electric vehicle »
Quatre ingénieurs de PSA La Garenne-Colombes y détaillent le projet de PSA pour un système d’hybridation oléopneumatique. Il nous a apporté les bases pour comprendre le principe de fonctionnement, et quelques chiffres permettant à l’auteur de le modéliser les principaux paramètres. Toutefois, ses schémas sont inutilement compliqués, et ses informations incomplètes, ce qui peut s’expliquer par la protection du savoir-faire.

Une très bonne vidéo PSA est aussi disponible en ligne.

Le système « Hybrid air », qui est destiné à de petits véhicules (segment B) à usage essentiellement urbains, pourrait être moins cher qu’un système hybride électrique, pour des résultats voisins. Il cherche essentiellement à récupérer l’énergie de freinage et à la réutiliser pour le redémarrage du véhicule. L’énergie cinétique d’un véhicule urbain à 55 km/h est de l’ordre de 180 Kj, soit 10 Kw pendant 18 secondes. C’est l’ordre de grandeur du stockage par air comprimé envisagé.

Stockage d’énergie dans un gaz

L’ensemble du système « Hybrid air » est représenté par le schéma ci-dessous :



Le système se compose principalement de :
  • Un moteur à essence [1], 3 cylindres, 60 Kw
  • Une boîte de vitesse [5] à transmission continue (pas d’information sur son principe),
  • Une pompe hydraulique [3] qui mène la couronne de différentiel par un pignon dont le rapport nécessite le découplage au-delà de 60 km/h
  • Un moteur hydraulique [2] en parallèle sur la pompe, qui mène la couronne par un pignon plus grand, toujours couplé semble-t-il,
  • La pompe et le moteur hydrauliques sont en parallèle au point de vue du circuit hydraulique,
  • Un réservoir haute pression [4] dans lequel de l’azote est plus ou moins comprimé selon la quantité d’huile qui s’y trouve, et qui constitue le réservoir d’énergie,
  • Un réservoir basse pression [10], analogue au précédent mais avec des dimensions et pressions différentes.
 Son principe de fonctionnement est simple :
  • En entrée en stock, par exemple au freinage, la pompe hydraulique absorbe l’énergie cinétique du véhicule qui ralentit de ce fait, et refoule l’huile sous pression dans le réservoir HP.
  • En restitution, par exemple à l’accélération, l’huile sous pression sortant du réservoir HP alimente le moteur hydraulique qui, agissant seul ou en complément du moteur thermique, accélère le véhicule
  • Toute entrée d’huile dans le réservoir HP, sous l’action de la pompe, augmente la pression dans ce dernier, mais se traduit par une sortie identique d’huile du réservoir BP dont la pression baisse. Ce processus est inversé si le moteur fonctionne.
  • Malgré son nom « hybrid air », le gaz comprimé n’est pas de l’air, mais de l’azote, principal constituant de l’air. Pourquoi ce choix dont l’article ne dit rien?
    • Pas pour des propriétés physiques : L’azote et l’oxygène sont deux gaz diatomiques (même comportement thermodynamique) qui peuvent ici être considérés comme parfaits.
    • Probablement pour ses propriétés chimiques : l’azote, peu réactif aux températures envisagées, évitera l’oxydation de l’huile et des métaux.
  • Malgré les apparences, le rôle des deux réservoirs n’est pas du tout symétrique: 
    • Le réservoir HP stocke l’énergie sous forme d'azote à haute pression.
    • Le réservoir BP n’est nécessaire que pour maintenir une basse pression suffisante pour assurer le bon fonctionnement des organes hydraulique (pas de cavitation) et pour réduire les variations relatives de la haute pression dans sa zone d'utilisation (voir courbe noire du graphe ci-dessous). Il permet aussi d'isoler l’azote de l’air atmosphérique. Sans ces impératifs, un simple bac à huile (appelé « bâche ») non pressurisé aurait suffi.

 Modélisation des compressions

Les 3 schémas superposés ci-dessous montrent :
  • A gauche la situation des niveaux d’huile dans les réservoirs (ici supposés verticaux et identiques), successivement :
    • à l’équilibre, quand la pression est la même dans les 2 réservoirs,
    • en cours de charge,
    • à charge maximum.
  • A droite, en remplaçant l’huile qui détermine les compressions dans les deux réservoirs, par un piston mobile dans un réservoir cylindrique, dans les trois mêmes situations.
On verra plus loin que la position d’équilibre ne sera pratiquement pas réalisable. Sa prise en compte reste cependant éclairante pour comprendre et modéliser le fonctionnement  dans une plage plus large que la réalité.



Selon PSA, les compressions et détentes seront isothermes, et non adiabatiques. Si cette condition n’était pas, ou pas totalement, satisfaite, le rendement du système s’en trouverait significativement affecté. Sa réalisation a aussi l’ « avantage » de nous permettre une modélisation très simple : à température constante, les pressions dans chaque réservoir sont proportionnelles aux volumes :
  • Vh = (Vb0 + Vh0) – Vb
  • Ph = P0 Vh0 / Vh
  • Δv = Vb - Vb0
Ces relations permettent d’établir le graphe des pressions Ph et Pb de chacun des réservoirs HP et BP, ainsi que leur écart ΔP (qui est la pressions utile au système), en fonction de ΔV qui est la variation de volume commune aux deux réservoirs (au signe près), c’est-à-dire le volume ayant traversé l’une ou l’autre des machines hydraulique :




Sans surprise, on constate que, depuis l’équilibre (ΔV = 0) :
  • La pression HP croît de 14 à 35 Mp, valeur que PSA ne souhaite pas dépasser
  • La pression BP décroît de 14 à 4 Mp
  • Leur écart ΔP croît de 0 à 32 Mp
Ci-dessous, les valeurs sur fond jaune sont données par l’article, les autres résultent du calcul qui figure en annexe ci-dessous.
L’énergie en stock est l’aire entre la courbe et l’axe des abscisses. Au vu de ce graphe, on comprend que PSA envisage de limiter la zone d’utilisation effective aux abscisses supérieures à ΔV = 8,5 dm3  matérialisées par le trait rouge vertical sur le graphe, cette valeur étant dans la pratique l’état initial caractérisé par :
  • ΔV = 8,5
  • Ph = 20,2 Mp avec Vh = 20 dm3
  • Pb = 5,3 Mp avec Vb = 13,6 dm3

L’état final (réservoir complètement chargé) est obtenu avec :
  • ΔV = 16,9
  • Ph = 35,1 Mp avec Vh = 11,5 dm3
  • Pb = 11,5 Mp avec Vb = 22,0 dm3

L’énergie disponible est l’aire entre la courbe et l’axe des abscisses dans l’intervalle de 8,5 à 16,9 dm3, c’est-à-dire 187 Kj.

A titre indicatif, les volumes, températures et pressions étant connus, il est facile de calculer la masse d’azote dans chacun des réservoirs :
  • HP : 470  grammes
  • BP : 84 grammes

Hydraulique

Le paragraphe précédent ne préjuge pas de quelle manière les pressions et débits peuvent être transformés en énergie mécanique utilisable, c’est-à-dire couple x vitesse angulaire.
  • L’utilisation d’un couple compresseur et moteur alternatifs est théoriquement possible, mais se heurterait à un mauvais rendement pour cause de frottement et de transformations adiabatiques (car rapides) indésirables.
  • L’utilisation d’un couple compresseur et turbine rotatifs nécessitant des débits très élevés, des pressions relativement basses et des puissances très importantes, aux antipodes du problème posé, est impossible.
  • L’intermédiaire hydraulique s’impose donc sans surprise. Rappelons la puissance fournie par un fluide hydraulique :Puissance (watts) = ΔPression (Mpascal) x débit (cm3/sec). Rappelons qu’un mégapascal vaut 10 bars.
L’utilisation d’une machine hydraulique réversible unique vient à l’esprit. PSA en a décidé autrement, probablement en raison des puissances et plages d’utilisation assez différentes des deux machines :
  • La récupération d’énergie est limitée à l’énergie cinétique usuelle en trafic urbain, et « bénéficie » des pertes de toutes sortes qui contribuent à ralentir le véhicule. Elle intervient probablement dès le relevé complet de l’accélérateur.
  • La propulsion est au contraire pénalisée par ces mêmes pertes. La présence du moteur hydraulique autorise un « downsizing » du moteur à condition que la puissance de crête de moteur hydraulique puisse maintenir la capacité d’accélération, et donc l’agrément de conduite.
Aucun détail n’est fourni sur le circuit hydraulique : vannes, anti-retours…, ni sur le rendement du moteur et de la pompe qui peut poser problème.

Les chiffres donnés par l’article sont partiels. Les autres, calculés, peuvent être approximatifs ou incertains:

Moteur hydraulique :
  • Cylindrée 56 cm3
  • D’où couple à 20 MP de 180 Nm de 0 à 2 500 t/min (60 km/h)
  • Puissance maximum : 50 Kw de 2 500 à 5 000 t/min (120 km/h)


Pompe hydraulique :
  • Puissance 20 Kw à 60 km/h (5 000 t/min)
  • Couple 40 Nm de à 60 km/h (à 20 MP ?)
  • Cylindrée 11 cm3 ?
  • Découplée au-dessus de 60 km/h
  • Permet un ralentissement de 1 m/sec² pour un véhicule de 1 500 kg à 60 km/h.
  • Temps de ralentissement : 17 secondes
  • Distance parcourue : 140  mètres ou 700 tours
  • Energie absorbée = 175 Kj soit l’énergie cinétique du véhicule ci-dessus.

On peut raisonnablement supposer que la gestion du système sera assurée de manière à ce que toute variation d’énergie cinétique soit compensés par une variation opposée de l’énergie stockée par le système, au moins dans la limite de 60  km/h qui caractérise le trafic urbain.

Le système offre les différents modes de fonctionnement, comme un hybride électrique :
  • Moteur thermique seul
  • Mode combiné
  • Mode zéro émission (air comprimé seul), inévitablement limité à quelques centaines de mètres
  • Mode freinage avec récupération d’énergie




Conclusion

Ce principe devrait aboutir à un gain en consommation urbaine proche d'un hybride électrique.

PSA revendique les chiffres suivants :
  • « 69 g CO2/km en homologation soit 2,9 l/100 km (référence thermique BVM* à 104 g CO2/km) sur une silhouette conventionnelle du marché de type Citroën C3 ou Peugeot 208 (sans adaptation spécifique) »
  • « Gain de 45 % à l'usage en conditions urbaines permettant une autonomie accrue de 90 % par rapport à une motorisation conventionnelle »
Si ces chiffres sont atteints, et les prix effectivement inférieurs à une hybridation électrique, ce projet pourrait connaître un bel avenir sur son segment du petit véhicule urbain économique.
Il restera cependant limité et ne pourra pas être considéré comme « zéro émission » en raison de son stockage énergétique très réduit, de l’ordre de 0,05 Kwh au lieu de 1 à 2 Kwh pour un véhicule « full hybrid » usuel.

Ce projet a été abandonné par PSA en 2016, probablement parce qu'il est insuffisant pour satisfaire les normes UE d'émissions WLTP. de 2020 et suivantes.

Annexe : Calcul des volumes, pressions et énergies en 10 intervalles.
Les chiffres sur fond jaune sont des données PSA
les chiffres sur fond vert sont les bases du calcul, compatibles avec les précédents.

Pond Vb
1,00
0,90
0,80
0,70
0,60
0,50
0,40
0,30
0,20
0,10
0,00


Initial








Final
dm3
Vb
5,1
6,8
8,5
10,2
11,9
13,6
15,2
16,9
18,6
20,3
22,0
dm3
Vh
28,4
26,7
25,0
23,3
21,6
20,0
18,3
16,6
14,9
13,2
11,5
dm3
Δv
0,0
1,7
3,4
5,1
6,8
8,5
10,1
11,8
13,5
15,2
16,9
Mp
Ph
14,2
15,1
16,1
17,3
18,6
20,2
22,1
24,3
27,1
30,6
35,1
Mp
Pb
14,2
10,7
8,5
7,1
6,1
5,3
4,8
4,3
3,9
3,6
3,3
MP
ΔP
0,0
4,4
7,6
10,2
12,5
14,9
17,3
20,1
23,2
27,0
31,8
Kj
ΔH
0,0
3,7
10,1
15,0
19,2
23,2
27,2
31,6
36,6
42,4
49,7
Kj
H





0
27
59
95
138
187