lundi 28 mars 2016

Véhicule 2,3 l/100 km : 4 - Hybridation électrique




Rappelons que l’hybridation électrique non rechargeable a trois fonctions :
  • la récupération :
    • d’énergie cinétique en ralentissement,
    • et d’énergie potentielle en descente,
  • l’apport d’une puissance supplémentaire transitoire pour réduire les inconvénients du « downsizing » du moteur thermique.
  • L’amélioration du rendement du moteur quand celui-ci travaille à un couple trop bas correspondant à un rendement inférieur à 25%, par consommation d’une puissance appropriée renvoyée à la batterie, afin d’augmenter le couple du moteur thermique.
Ces trois fonctions sont limitées par :
  • la puissance et le rendement de la machine électrique
  • et  la capacité et le rendement de la batterie
 La configuration envisagée ici est la plus simple, dite « hybride parallèle ». Les couples du moteur thermique et de la machine électrique (ce dernier positif, nul ou négatif) s’additionnent algébriquement car ils sont montés sur un arbre commun, mais peuvent être découplés. Le moteur électrique tourne toujours si le véhicule est en mouvement, alors que le moteur thermique peut être accouplé ou non au moteur électrique.

Physiquement, la machine électrique, de grand diamètre et faible épaisseur, s’intercale entre le moteur thermique et la boîte de vitesses.

Puissance d’une machine électrique

La courbe de couple d’une machine électrique a l’allure suivante, comparée à celle du moteur thermique envisagé plus haut :


Contrairement au moteur thermique inutilisable en dessous d’environ 1 300 t/min,  un moteur électrique « brushless » produit un couple constant dans une première plage de 0 jusqu’à une certaine vitesse de rotation, 62 Nm jusqu’à 2 300 t/min dans l’exemple ci-dessus.

Il dispose au-delà de cette vitesse d’une deuxième plage dans laquelle le couple maximum diminue quand la vitesse de rotation augmente, le produit des deux correspondant à une puissance constante, 15 Kw jusqu’à 6 000 t/min dans l’exemple ci-dessus.

Les couples maximum des deux moteurs sont ici choisis égaux, ce qui n’est nullement obligatoire.

Contrairement à un moteur thermique, la puissance nominale d’une machine électrique (moteur ou génératrice selon son utilisation) résulte de son échauffement qui est progressif. Elle peut être définie de deux façons :
  • La puissance nominale que le moteur est capable de fournir en permanence sans dépasser les températures admises dans ses bobinages.
  • La puissance de crête définie pour une durée déterminée en partant de la température ambiante sans dépasser cette même température admise.
Avec juste raison, c’est la seconde qui figure dans les documentations techniques des véhicules hybrides, car un véhicule hybride non rechargeable tire TOUTE son énergie du carburant, la machine électrique (tantôt moteur, tantôt génératrice) n’intervenant qu’à titre transitoire en déchargeant ou chargeant la batterie.

En première approximation, à une vitesse de rotation donnée, par exemple 2 300 t/min, l’écart de température entre les bobinages et l’ambiante, en régime permanent,  croît comme le carré de l’intensité (qui est proportionnelle au couple) selon la courbe noire du graphe ci-dessous. Depuis la température ambiante,  la température interne d’une machine  électrique croît et tend vers la température permanente selon une loi exponentielle décroissante. On voit sur l’exemple ci-dessous que, du point de vue thermique, une machine de puissance permanente de Pn, définie par 100° d’échauffement,  peut permettre 120% pendant 30 minutes, 160% pendant 20 minutes, 215% pendant 10 minutes, 390% pendant 5 minutes, etc…

Mais encore faut-il que l’électronique de commande soit conçue pour fournir  cette puissance électrique de crête, car elle n’accepte que peu ou pas de surcharge intermittente. Dans le graphe ci-dessous, nous l’avons limitée à 300%.


Cette puissance va être choisie selon les nécessités de son utilisation en récupération d’énergie potentielle ou cinétique étudiées ci-dessous.

Récupération d’énergie potentielle dans les déclivités

En bas du graphe ci-dessous relatif à ce véhicule de 900 kg, la courbe noire continue donne la déclivité nécessaire à l’obtention d’une vitesse naturelle (sans moteur) constante pour laquelle la gravité est équilibrée par les forces aérodynamique et  de roulement. Les courbes rouge ou bleues donnent cette même déclivité pour une puissance récupérée donnée fixe, étagée entre 1 à 20 KW.


 Aux vitesses basses, leur allure hyperbolique résulte de ce que  « puissance constante = vitesse x force », cette dernière étant proportionnelle à la pente. Aux vitesses élevées, les forces aérodynamiques cessent d’être négligeables et viennent relever la pente nécessaire pour obtenir une vitesse donnée. Si la pente est plus faible que le coefficient de roulement du véhicule, ici 1,5%, le véhicule ralentit.

A noter que chaque pente (en ordonnées) a deux intersections avec chaque courbe de puissance, correspondant à deux équilibres très différents :
  • Instable à vitesse basse et pente élevée : si la vitesse augmente, la force récupérée  diminue et le véhicule accélère irréversiblement.  Exemple pour la courbe des 5 KW : 5% à  43 km/h
  • Stable à vitesse élevée et faible pente : si la vitesse augmente, la force aérodynamique croît plus vite que le force de récupération ne décroît. Exemple pour la même courbe des 5 KW : 5% à 134 km/h
On constate qu’une puissance de 15 KW (pointillé bleu) permet de récupérer toute l’énergie correspondant à une descente de 10% jusqu’à 65 km/h, 8% de 60 à 80 km/h, et 7% au-delà. A 10 KW, les 10% seront limités à 42 km/h, puis 7% jusqu’à 65 km/h et 6% au-delà. Ces ordres de grandeur sont acceptables, car l’occurrence des situations non entièrement récupérées est faible.

Reste la question de la durée de cette puissance de crête. Remarquons qu’un véhicule descendant une déclivité de 10% à 20 m/sec (72 km/h) perd 2 mètres d’altitude par seconde, soit 1 200 mètres en 10 minutes. L’occurrence d’une perte d’altitude plus rapide est insignifiante. 10 minutes seront largement suffisantes.

Notons enfin que, aux rendements près,  l’énergie récupérée dans cette descente est inférieure (aérodynamique, frottements, rendement…) à :
1 200 m x 900 Kg x 9,81 m/sec² ≈ 11 MJ ≈ 3 KWh.
C’est une première approche de la capacité de la batterie. 

Récupération d’énergie cinétique dans les décélérations

L’occurrence des décélérations est beaucoup plus élevée que celle des descentes, notamment en trafic urbain ou périurbain. Il est donc nécessaire de récupérer l’énergie cinétique en décélération, c’est même là le principal atout urbain des véhicules hybrides. A 90 km/h,  l’énergie cinétique de notre véhicule type est de :
900 kg x (25 m/sec)² / 2 = 280 KJ ≈ 0,08 KWh
ce qui est très inférieur à la capacité de la batterie qui sera de plusieurs KWh selon la détermination déjà faite ci-dessus.

En revanche la puissance instantanée de la machine électrique limite sévèrement l’intensité du freinage récupératif, comme l’illustrent les trois graphes ci-dessus qui donnent respectivement la distance et le temps de freinage, ainsi que la décélération maximum, en fonction de la vitesse. La modélisation comporte un plafond  du freinage récupératif à 2,5 m/sec².
    
On y voit clairement que le freinage récupératif est très loin d’être un freinage d’urgence : à la vitesse maximum du véhicule, il n’apporte qu’une décélération de 0,15 à 0,30 m/sec², là ou un freinage classique apporterait jusqu’à 8 m/sec² sur sol sec. Ce dernier conserve donc son rôle essentiel, sans oublier que son occurrence est faible, donc peu importante dans le bilan énergétique. En situation normale, les distances d’arrêt, selon la courbe 15 KW du premier des graphes ci-dessus, peuvent aisément être anticipées par le conducteur :
  •         Arrêt à un péage autoroutier depuis 130 km/h en 1 000 mètres
  •         Arrêt sur encombrement en voie rapide urbaine depuis 90 km/h en 380 mètres
  •        Arrêt à un feu rouge en trafic urbain depuis 50 km/h en 75 mètres

3 graphes temps distance vitesse freinage

La presque totalité de l’énergie cinétique peut ainsi donner lieu à récupération, sans oublier la perte due au rendement de la batterie (≈ 80%) et à deux fois le rendement de la machine électrique (≈ 90%² = 81%), soit au total environ 60% réellement récupérés.

Apport de puissance complémentaire transitoire

L’analyse du 4ème rapport de transmission a montré qu’en mode thermique et à 130 km/h, la capacité en côte se limitait à 3%, alors que les côtes autoroutières atteignent couramment 4% et parfois 6%. A cette vitesse, le régime moteur est de 3 250 t/min pour un couple maximum de 62 Nm. Le moteur électrique de 15 KW au-dessus de 2300 t/min peut y ajouter 44 Nm, soit un doublement de la capacité en côte : le véhicule maintient sa vitesse de 130 km/h jusqu’à des côtes de 6%. Il exploite l’autoroute au maximum licite en toutes circonstances.

Si une telle côte a une longueur de 6 km, soit une dénivellation de 6 000 x 6% = 360 mètres, ce qui est déjà beaucoup, parcourue en 6 000 m / 36,1 m/sec =  166 sec, l’énergie mécanique produite sera 15 000 w x 166 sec = 2,5 MJ, et l’énergie consommée 2,5 MJ / 90% = 2,8 MJ = 0,7 KWh. On est très loin de la capacité de la batterie,

Fonctionnement urbain en hyper-centre

Il peut arriver, et il arrivera de plus en plus, que des centres ville soient interdits à tous les véhicules thermiques. Analysons l’autonomie de notre véhicule en mode électrique.

Sa consommation urbaine (50 km/h maxi et arrêt tous les 500 mètres) est de l’ordre de 30 KWh aux 100 km. La décharge à 75% d’une batterie de 10 KWh, soit 7,5 KWh effectifs, permet donc de parcourir 25 kilomètres, alors que la traversée de Paris intra-muros fait moins de 15 km. Si ce trajet de 25 Km est effectué en 60 minutes, la puissance moyenne consommée est de 7,5 KW, compatible avec les 7 KW permanents admis par le moteur.

Selon une autre approche, la puissance requise à une vitesse constante de 50 Km/h est inférieure à 3 KW. La différence avec les 7,5 KW résulte du rendement (≈60%) de récupération de l’énergie cinétique qui intervient 24 fois selon le modèle utilisé..

Côtes en mode électrique sur le premier rapport

Le couple du moteur électrique doit permettre la même capacité en côte que le moteur thermique. La marche arrière est obtenue sur le premier rapport de transmission par inversion du sens de rotation du moteur électrique. Il permet de gravir 30% (très rare) à 18 km/h, ou 18% à 30 km/h en mode électrique, ce qui est largement suffisant.

Conclusion : Puissance de la machine électrique et capacité de la batterie
Compte tenu de ce qui précède, il est raisonnable d’adopter :
  • une machine électrique de 7 KW permanents, ou 15 KW pendant 10 minutes depuis l’état froid, avec une plage à puissance constante de 2 300 à 6 000 t/min, et une plage à couple constant (62 Nm) de 0 à 2 300 t/min.
  • Une batterie Li-Ion  de 10 KWh dont la masse est de l’ordre de 70 kg. Une étude serait évidemment nécessaire pour réduire ce chiffre, notamment selon la longévité de la batterie.