dimanche 2 mai 2021

Immeuble à énergie positive à Strasbourg

 

Samedi 1er mai à 20h20, TF1 nous présente avec enthousiasme un immeuble collectif d’habitation dont la production électrique dépasse de 4% sa consommation. Il serait le modèle parfait pour réduire nos émissions de CO2. Qu’en est-il vraiment ?

                                            Image tirée du journal de 20h - TF1

Il s’agit d’un immeuble dont le toit horizontal et les persiennes pare-soleil verticales mobiles sont entièrement couverts de panneaux photovoltaïques. Cet immeuble est décrit comme très bien isolé, muni d’une domotique gérant très bien les facteurs de production et de consommation énergétique, et pas plus cher qu’un autre grâce à une part importante d’éléments préfabriqués. TF1 le qualifie de :

  • futuriste, ce qui est vrai à réglementation constante,
  • vertueux ce qui est assez discutable
  • capable de fournir 104% de sa consommation électrique, ce qui est le plus souvent faux.

                                            Image tirée du journal de 20 h - TF1 

Faux, car il manque deux mots qui changent tout : l’immeuble, bardé de panneaux PV, ne produit évidemment RIEN la nuit, et FORT PEU d’octobre à février quand les jours sont courts et le soleil bas sur l’horizon. Il produit beaucoup, et même beaucoup trop en été, quand sa propre consommation est faible. L’immeuble est donc capable de fournir, en MOYENNE ANNUELLE, 104% de sa consommation électrique, ce qui est très différent : en l’absence de réseau ENEDIS, l’immeuble est inhabitable. Il est donc bien loin d’être autonome ! Voir message sur la production PV .

 Mais qu’en est-il au plan national ? L’excédent d’électricité verte renvoyée au réseau ne vient-il pas contribuer à réduire les émissions nationales de CO2 ? Hélas non, car sa production tombe précisément quand les besoins nationaux sont très inférieurs aux capacités de production décarbonée pilotables, à savoir l’hydraulique et le nucléaire. Les énergies fossiles ne sont alors pas utilisées. Et inversement, en hiver, notamment au cours des pointes de consommation du début et de la fin de journée, l’immeuble « vertueux » prendra toute son énergie sur le réseau, lequel sera potentiellement alimenté par des centrales électriques à énergie fossile, charbon ou gaz !

 Mais au moins, cet immeuble n’a-t-il pas un intérêt économique, puisque ses occupants ne payent qu’un montant dérisoire au titre de leur abonnement électrique ? La réponse est positive si on se limite aux seuls occupants, mais négative en termes d’intérêt général. En effet, la réglementation actuelle valorise la production individuelle au prix de détail, de l’ordre de 100 €/MWh, alors que le prix de marché de gros est de l’ordre de 50 €/MWh. Entre les deux, il y a la distribution (le réseau coûte cher et son rendement n’est pas de 100%), les frais de gestion (abonnements, facturation, recouvrement, impayés…), et la subvention aux énergies supposées vertes. C’est en réalité un énorme cadeau aux petits « producteurs » d’électricité, au détriment des autres abonnés. La soustraction "production - consommation" est donc fausse!

 Le fond du problème est que, à de rares exceptions près (les STEPs), on ne peut pas stocker l’électricité. Il faut donc la produire, au niveau national, exactement au moment où elle est consommée. C’est exactement ce que cet immeuble donné en modèle ne fait pas ! C’est malheureusement ce que le photovoltaïque dans son ensemble ne fait pas non plus, car il est contracyclique sous nos latitudes. Il est en revanche LA SOLUTION aux latitudes inférieures à 40° (pays subtropicaux) dans lesquels les pointes de consommation dues aux climatisations correspondent au pointes de production PV.