GM lance en
Europe sous le nom d’Opel Ampera, un
véhicule identique à la Chevrolet Volt,
qui appartient à la catégorie encore peu représentée des véhicules hybrides série. Son schéma utilise
astucieusement les propriétés des engrenages planétaires, rejoignant en cela la Toyota Prius, mais
selon des modalités assez différentes :
Chevrolet Volt ou Opel Ampera
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Toyota Prius
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Couronne périphérique
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Bloquée par C1,
ou couplée par C2 à
la machine électrique réversible…
…liée ou non par C3
au moteur thermique 63 KW
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Moteur électrique
63 kw solidaire de la
sortie
vers les roues
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Soleil (entrée centrale)
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Moteur électrique
111 KW
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Machine électrique
réversible
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Planétaires (épicycloïdaux)
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Sortie
vers les roues
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Moteur thermique 76
KW
|
GM a eu recours à
deux machines électriques:
- L’une est toujours motrice, sauf en freinage récupératif, et mécaniquement couplée à l’entrée centrale du système planétaire.
- L’autre peut être indifféremment motrice ou génératrice selon les cas. Elle peut être mécaniquement couplée à un moteur thermique, ou à la couronne périphérique du système planétaire, ou aux deux, par deux embrayages C2 et C3.
- Rappelons que les Toyota n’ont pas d’embrayage.
(images empruntées à Opelblog)
En mode électrique monomoteur normal, à vitesse modérée (probablement moins de 100 km/h) la
batterie alimente le moteur qui est couplé à l’entrée centrale de la boîte de
vitesses. L’autre entrée (la couronne) est bloquée par l’embrayage C1. Le
rapport de démultiplication du moteur aux roues est alors fixe, et les
propriétés des systèmes planétaires ne sont pas utilisées.
Quelle est la puissance du moteur principal de
traction ?
GM annonce 111 KW et
370 Nm sans indiquer à quelles vitesses ces valeurs sont obtenues. Mais on a vu
que la puissance d’un moteur électrique, contrairement à celle d’un moteur thermique, nécessite d’être définie, ce qui n’est pas le cas. Essayons d’y
voir plus clair.
- Une telle puissance, avec une transmission adaptée, devrait être capable d’entraîner une carrosserie aussi bien profilée à plus de 200 km/heure, ce que la batterie ne pourrait supporter que pendant 16 kwh x 75% / 111 kw = 0,11 heure = 7 minutes. D’ailleurs le véhicule est limité à 160 km/h, ce qui nécessite environ 47 KW soit une autonomie de 16 kwh x 75% / 47 kw = 0,25 heure = 15 minutes. Ni 111 kw, ni 47 kw ne peuvent donc être des puissances permanentes.
- En régime permanent dans le mode « prolongateur » qui s’affranchit de la capacité de la batterie (voir ci-dessous), il n’est pas nécessaire que le puissance permanente du moteur de traction excède les 47 KW ci-dessus, à réduire selon la dérivation de puissance directe du moteur thermique dans le système planétaire que les données disponibles ne permettent pas de calculer.
- En revanche GM annonce que ce véhicule de 1730 kg est capable d’accélérer de 0 à 100 km/h en 9 secondes. Belle performance! Notons ici que, le rapport de transmission étant fixe pendant cette accélération, celle-ci s’effectue :
- au couple maximum du moteur, très probablement constant dans la plage basse dans laquelle la puissance fournie est donc proportionnelle à la vitesse, jusqu’à 65 km/h,
- et à la puissance maximum du moteur, et donc à couple décroissant, dans la plage haute, supérieure à 65 km/h.
Dans ce mode, le
véhicule est nerveux malgré sa masse imposante, capable d’accélérations de
l’ordre de 3,5 m/s² jusqu’à 65 km/h, et restant supérieures à 2 m/s² au delà.
Toutefois, l’utilisation de cette capacité d’accélération très
« énergivorace » ne se fera qu’au détriment de l’autonomie
électrique.
En mode électrique à vitesse élevée, soit plus de 100 km/h dans l’hypothèse ci-dessus, la
batterie alimente les deux moteurs électriques qui sont couplés respectivement
directement sur l’entrée centrale (moteur primaire) et à la couronne par
l’embrayage C2 (machine secondaire). Ils ont donc des rapports de
démultiplication différents, et donc des couples à tout instant proportionnels.
Les rapports de réduction n’étant pas publiés, on ne peut pas calculer ce coefficient
de proportionnalité.
Alors qu’environ 17
kw (fournis par le moteur électrique principal à vitesse maxi et couple réduit) sont suffisants pour entraîner le
véhicule à 100 km/h, environ 47 kw seront nécessaires pour l’entraîner à 160
km/h en vitesse stabilisée. Dans le même temps la modélisation du véhicule
montre que le couple va croître d’un facteur 1,70.
La puissance du
moteur principal, toujours à la même vitesse maximum, va donc monter à environ :
17 kw x 1,7 = 29 kw par augmentation du couple.
Par les vertus des
systèmes planétaires dans les quels les vitesses d’entrée s’additionnent (à un
facteur près), la machine électrique réversible travaillant ici en moteur va
donc fournir :
47 kw – 29 kw = 18 KW.
L’une comme l’autre
sont loin de leurs limites, car la vraie limite du véhicule n’est pas la
puissance des moteurs électriques, mais la capacité de la batterie.
En mode prolongateur utilisant le moteur
thermique, la deuxième machine électrique est couplée au moteur
thermique par l’embrayage C3 et à
l’entrée de la boîte de vitesses par l’embrayage C2. Le couple du moteur thermique,
plus (moteur) ou moins (génératrice) le couple de la machine secondaire, est
transmis à la deuxième entrée de la boîte de vitesses.
Puissance du moteur thermique à essence de 1400 cm3 : 63 KW à 4800 t/min.
Réservoir 35 litres. Couplé à la machine électrique réversible par l’embrayage
C3, il tourne donc à la même vitesse qu’elle.
S’agissant ici d’une
puissance permanente, on peut raisonnablement supposer que la machine
électrique réversible associée a une puissance permanente inférieure à celle du
moteur thermique, sans pouvoir déterminer de combien.
En effet, une partie
de la puissance du moteur thermique est transmise directement à l’entrée
« couronne » du système planétaire, et la puissance électrique est
alors réduite d’autant.
D’un autre côté, on a
vu ci-dessus qu’à la vitesse stabilisée de 160 km/h le véhicule nécessite 47
kw, nécessairement fournis par le moteur thermique, et transmis simultanément:
- par voie mécanique via C3 et C2,
- et par voie électriques via la machine réversible utilisée en génératrice, et le moteur électrique principal.
A cette vitesse
maximum, une marge de puissance reste disponible (63 kw – 47 kww = 16 kw) sans
tirer sur la batterie. Elle peut être utilisée pour recharger la batterie, la
machine travaillant alors en génératrice, ou pour obtenir une accélération
jusqu’à la vitesse maximum, la machine étant électriquement à vide.
Cette accélération pourrait être augmentée en faisant travailler la machine en moteur alimenté par la
batterie, mais cette configuration très consommatrice ne figure pas sur les
schémas Opel.
Notons toutefois, au
vu du schéma ci-dessous, que la
revendication d’un véhicule dont les roues ne sont entraînées que par des
moteurs électriques est fausse : Une partie de l’énergie vient, via l’embrayage
C2, de la machine secondaire couplée au moteur thermique par l’embrayage C3.
Si cette
configuration est nuisible à l’image de véhicule « presque tout
électrique », elle est en revanche favorable au rendement, puisqu’elle
élimine une partie des pertes cumulées des deux machines électriques.
Paramètres de l’Opel Ampera
Batterie Lithium-Ion de 16 KWH pesant 200 kg. Temps de charge 4 heures avec prise 16 A. Autonomie en mode électrique 40 à 80 km. La charge complète est possible par exemple en 5 heures avec une prise ordinaires 230 V 16 A.
Dimensions :
4,50 x 1,79 x 1,44 – Masse 1732 kg à vide
Consommation mixte :
1,2 l/100 km
CO2 : 27 g/km
Performances :
Vitesse maxi 160 km/h
Accélération
0 à 100 km/h en 9 secondes.
Autonomie
La limitation de
vitesse à 160 km/h, qui correspond probablement plus à la vitesse maximum des
deux moteurs qu’à un bridage au sens des moteurs thermiques, apparaît
absolument nécessaire et relativement optimiste : ceux qui l’utiliseront
n’iront pas loin. La modélisation réalisée par l’auteur donne le graphe suivant
de résistance sur sol plan qui croît très vite au-delà de 60 à 80 km/h. L’autonomie, qui est l’inverse,
décroît alors très vite.
L’automomie annoncée
en mode électrique de 40 à 80 km s’entend à faibles puissance et vitesse :
typiquement, 80 km parcourus en 1 heure et 20 minutes avec une puissance
moyenne inférieure à 12 kw, soit 15 CV. Rappelons d’ailleurs que 16 KWH = 58 MJ dans la batterie, qui produiront
environ 54 MJ d’énergie mécanique, alors qu’un litre d’essence contient environ
30 MJ d’énergie primaire dont on peut tirer environ 10 MJ d’énergie mécanique. La batterie équivaut à un peu plus de 5 litres d’essence.
L’Ampera stocke ainsi
35 litres d’essence dans son réservoir, plus l’équivalent de 5 litres sous
forme électrique, soit au total l’équivalent de 40 litres. C’est peu, et cela
caractérise une voiture résolument destinée à une utilisation urbaine ou
périurbaine.
Emissions
La consommation mixte
à 1,2 l/100 km et les émissions de 27 g/km, qui résultent d'un essai normalisé qui n'a pas été prévu pour un véhicule rechargeable, n’ont strictement aucun sens : cela revient
à dire que quand la voiture marche en mode tout électrique, elle ne consomme
pas d’essence et n’émet donc pas de CO2. C’est oublier un peu vite qu’elle
consomme alors autant d’énergie mécanique que n’importe quel autre véhicule, et même
un peu en plus cycle urbain puisqu’elle est plus lourde, et que cette énergie vient de quelque part!
Selon l’origine de
l’énergie électrique, le fonctionnement en mode électrique pourra aboutir à des émissions de CO2 :
- nulles (électricité nucléaire, hydraulique ou autres renouvelables)
- du même ordre qu’un véhicule conventionnel (électricité thermique gaz ou fuel)
- deux fois supérieure (électricité thermique au charbon).
Pratiquement, par rapport
à un véhicule conventionnel, l’Ampera
émettra moins de CO2 si elle est rechargée en France, et plus si elle est
rechargée hors de France. Pour assurer son avenir et celui de ses cousines,
encore faut-il ne pas renoncer à l’énergie nucléaire !
Le bilan carbone doit intégrer aussi les émissions sur l’investissement, pas toujours négligeables par rapport à celles qui résultent de l’exploitation. Ici, faute de donnée précise, nous nous limiterons à appliquer au coût supposé des batteries (10 000 €) le ratio usuel d’une tonne de CO2 émis par 1000 € d’investissement. La batterie « vaut » donc 10 tonnes de CO2 qui auraient pu être produites par la combustion de gazole fournissant 40 Mwh thermiques, soit environ 12 Mwh électrique, soit encore l’énergie stockée par 750 cycles successifs qui correspondent à peu près à la durée de vie de la batterie. En termes plus simples, l’émission de CO2 liée à la fabrication de la batterie sera tout juste compensée par son utilisation en lieu et place d’un moteur thermique.
Mais il ne faut pas perdre de vue
que ce type de véhicule fera sans doute au moins la moitié de sa distance
parcourue en mode
« prolongateur ». L’amélioration probable du rendement du moteur
par un meilleur point de fonctionnement sera grevée par le rendement de la transmission électrique qui ne
dépassera probablement pas 90%, voire moins. Cette configuration, moins
favorable que l’hybride parallèle, n’apporte donc rien en utilisation routière.
En utilisation urbaine, et en l’absence de toute donnée constructeur, on
peut penser que la présence de machines électriques très puissantes et d’une
batterie de capacité importante permet de disposer d’un freinage récupératif capable de décélérations jusqu’à -4 ou -5m/s²,
pratiquement suffisantes dans le trafic urbain, évidemment hors l’indispensable
freinage d’urgence conventionnel, rarement utilisé.
Economie
Se plaçant au point
de vue de l’utilisateur, de nombreux articles de presse (au titre parfois
humoristique : « Qui Ampera l’addition ? » ) ont
souligné que l’économie due au faible coût marginal de l’énergie
électrique du réseau ne pourra jamais amortir le surcoût très élevé du
véhicule. Voir :
http://automobile.challenges.fr/essais/20110720.LQA1054/essai-opel-ampera-qui-ampera-l-addition.html
L’énergie électrique n’est pas vraiment moins coûteuse….
En se plaçant au
niveau macroéconomique, c’est plus grave : on compare le coût marginal de
l’énergie électrique à 7% de TVA, avec celui du carburant chargé d’une très
lourde TIPP, avec en facteur une TVA à 20%.
Rappelons que la TIPP, taxe très ancienne, est la légitime contrepartie
de la mise à la disposition des infrastructures routières et des services
associés, dont les véhicules électriques ont le même besoin. Une comparaison
équitable doit donc porter sur les prix marginaux HT :
- 1 kg de carburant (essence ou gazole) coûte 0, 80 € HT et apporte 43 MJ thermiques, soit environ 13 MJ mécaniques (rendement 30%), soit 3,6 Kwh à 0,22 € l’unité.
- Après rendement de 80% de charge /décharge de batterie, le kwh électrique, pour être compétitif, doit coûter moins de 0,17 € HT, soit 0,18 € TTC. Ce sera généralement le cas en France, mais pas nécessairement à l’étranger, notamment en Allemagne. L’écart reste faible et ne permet absolument pas d’amortir le surcoût du véhicule.
… et ne permet pas d’amortir le surcoût lié aux batteries
!
Un facteur
supplémentaire doit être pris en compte : le renouvellement des batteries.
En se plaçant dans l’hypothèse optimiste d’une durée de vie de 800 cycles, soit
environ 50 000 km en mode électrique, soit encore 4 ans d’utilisation
pendant 200 jours par an et 60 km par jour, il faudra changer les batteries au
moins une fois dans la durée de vie de la voiture. Le prix de ce remplacement
n’est pas connu, mais un ordre de grandeur de 10 000 € n’est pas absurde.
C’est le prix de 80 000 kwh au tarif français, soit 5 000 recharges
de 16 kw. Pour 800 cycles réellement effectués!
Le coût de l’énergie
électrique contenue dans une batterie est 5 à 10 fois inférieur au coût de
remplacement de la batterie ramené au nombre de charges !
Conclusion
L’Ampera, alias Volt,
malgré une conception innovante et intéressante, affiche des résultats décevants en matière économique, écologique et
d’autonomie. Ses performances routières sont correctes quoi qu’inférieures à
celles d’un véhicule conventionnel de même prix. Il n’est pas sûr que son
agrément de conduite urbain, son silence, son caractère innovant et son image
soient suffisants pour en faire un succès commercial.
Le choix d’un
fonctionnement durablement tout électrique s’ajoutant à une autonomie
essentiellement thermique, faisant appel à trois modes cinématiques, vient
compliquer la conception et pénaliser le prix, le poids et l’autonomie sans
apporter d’avantage déterminant.
Finalement, elle est pénalisée par le poids, le prix et la
durée de vie de ses batteries de
grande capacité qui ne lui apportent pas grand-chose de plus qu’une hybride non
connectable muni d’une petite batterie, si ce n’est une autonomie augmentée en
mode électrique qui ne présente qu’un intérêt limité : l’absence
d’émissions locales, sans baisse des émissions totales.
L’avenir des
véhicules électriques rechargeables passe par la poursuite de l’amélioration de la durée de vie des
batteries et de la baisse de leurs coûts. Le niveau requis pour une
compétitivité sans subvention, ni réglementation contraignante, est encore lointain!