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lundi 16 septembre 2013

L’électricité verte a-t-elle un sens en France ?


« Le cri d’alarme des énergéticiens européens »

Sous ce titre, le quotidien « Les Echos » rapporte dans son numéro du 12 septembre 2013 l’inquiétude des producteurs d’énergie électrique européens face à la politique européenne de subvention des énergies renouvelables au détriment du nucléaire. Selon eux, elle aboutit à :
  • une explosion des prix pour le consommateur qui prend les subventions en charge,
  • une fragilisation des réseaux pouvant conduire à des black out,
  • une augmentation des émissions de CO2 contraire aux engagements de Kyoto
  • la mise à l’arrêt de centrales au gaz performantes et relativement peu émettrices, concurrencées par des énergies subventionnées prioritaires et par le charbon importé à bas coût des USA où il est lui-même concurrencé par le gaz de schiste.

 Situation de la France

Examinons la situation de la France à ces égards : le tableau ci-dessous positionne les différentes filières de production dans un graphique :
  • En abscisses, par disponibilité décroissante
  • En ordonnées, par ordre de grandeur du coût croissant en €/MWh (échelle lograrithmique)
Les filières situées en bas et à gauche sont donc économiquement les meilleures. Toutefois, trois d’entre elles, sur fond gris à noir, sont émettrices de CO2.


Le second tableau, ci-dessous, donne l’occurrence des puissance requises par le réseau de distribution sur une année, ici l’année 2010, mais cette structure varie peu.

Rappelons qu’à l’échelle d’un réseau, le seul moyen de stockage de l’énergie électrique est dans les STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) qui sont des centrales hydrauliques de haute chute réversibles. En raison de la rareté des sites appropriés, leur capacité reste très limitée et leur apport se limite aux régions montagneuses. Les opérateurs (principalement EDF)  doivent donc produire à chaque instant exactement la puissance consommée par le réseau, laquelle varie rapidement et largement, entre 40 et 100 GW, aux échanges internationaux près.

Pour ce faire, l’opérateur utilise d’abord les énergies renouvelables fatales (éolien et photovoltaïque), dites « vertes », qu’il doit prioritairement racheter, qu’il en ait besoin ou non, à un tarif préférentiel totalement déconnecté du marché de gros de l’énergie. Le sucoût est répercuté par l’opérateur au consommateur par la CSPE en bas de facture.

Il utilise ensuite, selon leurs disponibilités, les énergies par ordre de prix croissant pour parvenir à équilibrer la  consommation du réseau. Après une petite part constituée par l’hydraulique fatale (centrales au fil de l’eau), il fait appel aux centrales nucléaires. Il peut ainsi, au niveau national, couvrir jusqu’à 60 GW, ce qui est suffisant environ 50% du temps, et contribuera à couvrir les demandes supérieures à 60 GW, notamment par temps froid, pendant les 50% restants.


Le complément de production sera assuré par les énergies de pointe : centrales hydrauliques de haute chute et centrales thermiques à charbon ou à gaz.

Cette description nationale pourra être nuancée par régions en fonction des ressources régionales de production, et des coûts et pertes de transports. Ainsi, la Bretagne et PACA, dépourvues de centrales nucléaires, feront appel plus tôt aux centrales thermiques.

Ce graphique, établi sur des moyennes, ne doit pas faire oublier que, pour chaque niveau de consommmation nationale, la contribution des énergies fatales (éolienne, solaire, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau) n’interviendra qu’à hauteur de leur production effective, sans relation avec le besoin du réseau.

Il s’en suit que l’infrastructure de production hors énergies fatales doit être dimensionnée en fonction des crêtes de consommation au cours desquelles ces énergies peuvent être absentes : Le développement des énergies dites  « vertes », toutes fatales ne permet en aucun cas de réduire le parc énergétiques des autres filières, et notamment le parc nucléaire. Une énergie intermittente ne peut évidemment pas remplacer une énergie permanente !

Il s’en suit aussi que les énergies fatales, contractuellement absorbées en priorité par l’opérateur de réseau, ont principalement pour effet de réduire la production nucléaire. Or, si le coût complet de cette dernière est de l’ordre de 40 €/MWh, essentiellement composé de frais  fixes, son coût marginal est très bas, de l’ordre de  2 €/MWh ! Ceci resitue le véritable prix de marché des énergie fatales, 50 à 100 fois inférieur à leur prix de rachat administré ! Parler d’une proche compétitivité des énergies vertes n’est pas sérieux et oublie simplement que tous les MWh ne se valent pas, mais peuvent varier entre 0 €/MWh (ci-dessous) et plus de 1 000 €/MWh (crête française de février 2012).

Suivre l’Allemagne dans la voie du développement éolien et photovoltaïque accompagné d’une réduction du nucléaire amènera en France, et aggravera pour l’Allemagne, les problèmes actuellement rencontrés par ce pays frontalier et interconnecté :
  • Compensation quotidienne de la non-production des énergies vertes (nuit et air calme) par de l’importation, principalement en provenance de France.
  • Compensation de la baisse de production nucléaire par le développement des centrales au charbon avec accroissement massif des émissions de CO2.
  • Fragilité du réseau par la volatilité de la production d’énergies vertes.
  • En début d’été 2013, par un dimanche matin venteux et ensoleillé, le rachat obligatoire d'une énergie électrique verte fatale qui excédait les besoins du réseau, a contraint l’opérateur allemand à revendre l’excédent de cette énergie à un prix négatif (payer pour pouvoir l’écouler!) sur le marché international ! Même si cette configuration est rare, elle est symptomatique de l’inadaptation des énergies vertes à la satisfaction des besoins réels.
Les énergies vertes ne servent à rien

Le tableau en tête de ce message montre de façon criante que :
  • Le nucléaire, dont le coût intègre les lourdes normes « post-Fukushima », reste parfaitement compétitif. Mais son énorme coût d’investissement ne permet pas son utilisation en centrales de pointes dont le taux d’utilisation est faible, et la lenteur de ses réactions ne lui permet pas de  suivre les variations rapides du besoin.
  • Les centrales thermiques (en France : gaz ou charbon) justifient leur coût plus élevé par leur capacité de réaction quasi-immédiate, notamment pour le gaz, et sont indispensables pour faire face aux variations  rapides de la demande, ou de la production fatale.
  • On est bien contraint de conclure que les énergies vertes, situées  en haut (chères) et à droite (fatales) du le tableau, n’ont actuellement aucun intérêt, sinon de satisfaire les convictions d’une partie de l’opinion publique qui, faute d’informations pertinentes, n’a pas compris cette problématique, il est vrai, assez complexe.
Dans ce contexte, fixer un objectif à long terme de réduction de 80% à 50% de la part de nucléaire dans la production électrique française est une absurdité : même  si l’on admettait que l’énergie nucléaire en France présente un risque, celui-ci serait lié à la présence de centrales nucléaires en activité, et non à leur production. Au minimum, il faudrait donc exprimer cet objectif, non pas en énergie produite, mais en capacité installée. Ainsi redéfini, le ratio est actuellement de 55%. Cette « grosse moitié » n’est pas déraisonnable : contrairement a ce qui a parfois été affirmé, la France n’est pas dans le « tout nucléaire ».

Les énergéticiens européens ont (presque) raison

Le cri d’alarme des énergéticiens européens (parmi lesquels EDF, moins concerné, était absent) est justifié. Il convient quand même de nuancer la dernière affirmation sur les centrales à gaz, qui sont concurrencées beaucoup plus par le charbon importé que par les énergies vertes. Ceci est très regrettable, car une centrale au charbon émet 3 à 4 fois plus de CO2 qu’une moderne centrale à gaz à cycle combiné, mais ceci est un problème mondial qui n’est pas lié à la politique européenne contestée par eux. Une taxe carbone pénalisant les centrales au charbon aurait pu être une solution si une telle taxe n'entraînait pas autant d'effets pervers, notamment en termes de compétitivité.

mardi 16 avril 2013

Tarification variable de l’énergie électrique domestique



Table des matières du blog

Résumé

Faute de savoir la stocker, la production électrique doit être à chaque instant exactement identique à la consommation, laquelle est très variable, alors que les moyens de production sont limités et que les prix sont très élevés pendant les pointes.

La tarification variable existe pour de nombreux produits ou services : transports aériens et ferroviaires, spectacles et compétitions, hôtels, restaurants, locations saisonnières. Le « yield management » ainsi pratiqué permet d’utiliser les capacités disponibles grâce à un prix bas, et d’écrêter les demandes excédentaires par un prix élevé, selon la loi « de l’offre et de la demande ».
Ce système serait particulièrement bien adapté à l’énergie électrique dont les capacités de production sont limitées, et dont les coûts croissent très vite avec les fortes consommations.

Or les tarifs actuels comportent des prix très peu différenciés, sauf le tarif Tempo dont les paliers sont très différenciés, mais ne collent pas à la réalité d’une demande fluctuant beaucoup plus rapidement.
Nous préconisons un tarif à 13 échelons en progression de 20% par intervalle, qui apporterait une ouverture des prix analogue au Tempo, mais avec fixation de l’échelon par tranche uni-horaire, et prévision sur 24 heures plus 6 jours permettant à la fois :
  • des éliminations de consommation, familièrement appelées « négawatts », par réduction de certaines consommations (chauffage, certains éclairage) selon le niveau de l’échelon horaire,
  • des décalages de consommation hors des pointes par anticipation ou report, que nous baptisons « décalwatts », notamment pour l’eau chaude, l’électroménager, les recharges de batteries d’appareils ou demain de véhicules.

L’exploitation du tarif et des prévisions serait réalisée par des pilotes, souvent intégrés dans les appareils, pouvant aller du plus simple (commutation en fonction de l’échelon) au plus sophistiqué, utilisant l’intelligence numérique pour exploiter au mieux les prévisions en relation avec les caractéristiques de l’appareil piloté. 

Une tarification par région (à l’intérieur de règles communes) permettrait de prendre en compte les conditions météorologiques parfois très différentes entre régions, et de sensibiliser ces régions à la nécessité d’accueillir des infrastructures de production et de distribution.

Les projets de « smart grids » (réseaux intelligents) comportent en plus la gestion de la production décentralisée d’énergie, qui pour sa majeure partie n’existe que grâce à des subventions dont la pérennité est incertaine. Pour réduire les émissions de CO2, il est beaucoup plus important de développer des « décalwatts » par l’intelligence numérique et d’aboutir rapidement à des résultats significatifs, rapides et peu coûteux.

Exposé

Production consommation

La problématique majeure de la production et de la distribution électrique se trouve dans la nécessité absolue de faire coïncider la production et la consommation à chaque instant.

Nous avons déjà abordé ce sujet dans de nombreux messages de notre blog, et notamment :

Résumons les en rappelant que la seule manière de stocker de l’énergie autre que fossile à l’échelle d’un réseau est l’utilisation de centrales hydrauliques réversibles à haute chute, dites STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) qui consomment de l’énergie électrique quand la consommation est faible et la restituent avec un rendement acceptable, de l’ordre de 80% pendant les pointes de consommation. Voir à ce sujet :
  
                                   Document « Usine Nouvelle »

L’idée, déjà ancienne, du stockage de l’énergie électrique sous forme d’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau, et de sa restitution sous forme thermique (moteur ou turbine à gaz, ou après méthanisation) ou électrochimique (pile à combustible), avec un rendement très médiocre et un stockage problématique, est au mieux une perspective à très long terme qui débouche sur un prix extrêmement élevé de l’énergie restituée. Voir nos messages à ce sujet :

Une nouvelle idée consiste à utiliser demain les batteries des véhicules électriques en charge / décharge comme un tampon régional entre la capacité de production et la consommation.

                                                           Photo Toyota (Prius plug-in)

Elle se heurte à de nombreux problèmes :
  • L’utilisateur peut avoir besoin d’une charge sans délai : la totalité des véhicules connectés ne sera pas disponible.
  • Le cyclage des batteries réduit leur durée de vie, puisque celle-ci s’exprime principalement en en nombre de cycles : ce facteur, prépondérant sur le coût moyen de l’énergie électrique, doit être compensé par une tarification très élevée de l’énergie restituée
  • Un chargeur réversible est beaucoup plus cher et compliqué qu’un chargeur unidirectionnel, et son rendement, s’ajoutant à celui de la batterie, est loin de 100%.
Il n’est pas sûr que l’écologie soit gagnante si l’on réduit un peu le CO2 au prix d’un accroissement de la production de batteries, qui ont aussi leur trace carbone et font partie d’une industrie assez peu verte.

Pour ces raisons, cette solution ne semble pas beaucoup plus réaliste que les précédentes.


La commercialisation de produits ou services dont la quantité disponible est limitée, est quelque chose d’assez banal. Citons des exemples très variés :
  • Les transports aériens et ferroviaires qui offrent des billets à bas prix quand la demande est faible, cherchant ainsi à remplir les avions ou trains, et augmentent beaucoup ce prix aux périodes de forte affluence afin de limiter une demande qu’ils ne peuvent satisfaire, tout en améliorant leurs marges. Ceci a largement contribué à la baisse considérable des tarifs les plus bas pour un trajet déterminé, car ceux-ci se rapprochent du coût variable : mieux vaut remplir un train ou un avion à très bas prix que de le faire rouler ou voler vide !
  • Les spectacles ou compétitions sportives, qui attirent plus de spectateurs que la salle ou les tribunes ne peuvent en accueillir, voient leurs prix s’envoler.
  • De nombreux tronçons d’autoroutes ont désormais des péages variables, plus élevés en forte affluence et inversement, ce qui permet à la fois de réduire les encombrements aux heures de pointe, et de réduire les prix aux heures creuses. Et pourtant, le coût d’une autoroute, largement constitué d’amortissements, dépend peu du trafic.
  • En raison des voyages d’affaires le plus souvent du lundi au vendredi, les hôtels, notamment dans les grandes villes, peinent à remplir leurs chambres pendant 3 nuits du week-end, et affichent donc souvent des prix plus bas.
  • Les restaurants de luxe, plus fréquentés en soirée, remplissent fréquemment leurs salles en proposant, à midi uniquement, des « formules » ou « menus affaires » 30 à 50% moins chers que le soir.
  • Les locations saisonnières varient couramment dans un facteur 4 ou 5 entre haute et basse saison.
Ces tarifications très différenciées d’un même produit ou service sont appelées « yield management », locution difficilement traduisible, sinon par « gestion de l’élasticité marché / prix », puisque  « yield » signifie à la fois « rendement » et « acceptation ». Ce n’est qu’une application  très simple du principe de la loi de l’offre et de la demande, qui a fait ses preuves depuis des siècles, et dont la négation, à travers les prix administrés, ne manque pas d’apporter systématiquement d’innombrables effets pervers : absence de concurrence, mauvaise qualité, pénurie… Il appartient toutefois à l’Etat de s’assurer de la libre concurrence et de l’absence de position de rente ou de monopole, comme l’a très bien analysé l’économiste américain J.E. Stiglitz, prix Nobel.

Application à l’énergie électrique

Par surcroît aux exemples précédents, le prix de revient de l’énergie électrique est éminemment variable selon sa filière de production. Résumons leur situation dans le tableau ci-dessous qui donne pour chacune une évaluation sommaire des coûts variable et complet du MWh, et de la maîtrise de l’opérateur sur leur production.

Filière
Coût direct variable
Coût complet
Taux maximum utilisation
Maîtrise de la produc.
Temps disponib. ou prévision de la production
Thermique gaz
Elevé
Elevé
100%
100%
Dispon. imméd.
Thermique charbon
Elevé
Elevé
100%
90%
Dispon. 1 heure
Nucléaire
Bas
Moyen
100%
80%
Disp. qq. heures
Hydraul. hte chute révers.
Nul
Bas
Faible
120%
Dispon. imméd.
Hydraulique haute chute
Nul
Bas
Faible
100%
Disponi. imméd.
Hydraulique éclusée
Nul
Bas
Variable
50%
Prévis. qq.jours
Hydraulique au fil de l’eau
Nul
Moyen
Variable
0%
Prévis. qq.jours
Eolien terrestre + offshore
Nul
Très élevé
Faible
0%
Prévis. qq. heures
Photovoltaïque
Nul
Très élevé
Faible
0%
Prév. qq. hrs/min.
Marémotrice – Hydrolien.
Nul
Extr. élevé
Faible
0%
Totalt. prévisible.

Coût direct variable : il résulte de l’écart de coût entre une centrale qui produit et une centrale au repos. C’est donc  en principe le critère économique à prendre en compte pour utiliser une filière plutôt qu’une autre (sauf dispositions législatives contraires…).

Toutes les filières utilisant les éléments naturels (eau, air, soleil) ont des coûts variables nuls, puisque leur matière première est gratuite (ce qui ne veut dire ni illimitée, ni constamment disponible).
L’uranium est assez cher, mais produit une quantité d’énergie colossale, ce qui en fait finalement une matière première bon marché. Voir Rapport de la Cour des Comptes et Enseignements de ce rapport
A contrario, le gaz et le charbon sont chers, particulièrement le gaz, mais il le compense en partie par un meilleur rendement.

Coût complet : C’est le coût moyen du MWh produits au cours de la vie de la centrale, amortissements et frais indirects inclus. C’est donc le critère à prendre pour décider de construire un type de centrale plutôt qu’un autre. Il est très impacté par :

  • La durée de vie, qui réduit les amortissements, particulièrement pour le nucléaire.
  • Le taux d’utilisation réel, qui peut être soit subi (éolien, photovoltaïque), soit voulu en raison du coût variable élevé (gaz et charbon).
Dans un tel contexte, on ne s’étonnera pas de ce que le coût, et donc le prix de marché de gros, du MWh soit extrêmement variable, de quelques euros, voire négatifs, quand les énergies fatales produisent plus que le besoin du réseau, jusqu’à dépasser 1000 € lors de pointes historiques conduisant à importer dans un marché très tendu. Le coût d’un MWh nucléaire, qui constitue environ 80 % de la production française, et 50% des pointes, est actuellement de l’ordre de 50 €.
Rappelons que l’hydraulique, très ancienne, et donc entièrement amortie, produit à un coût extrêmement bas, et que l’énergie éolienne ou photovoltaïque est facturée séparément par le biais de la CSPE en bas de facture. Seul le thermique, soit environ 8% de la production, coûte plus nettement plus cher. Le coût moyen de la production nationale est donc manifestement inférieur à 50 € par MWh.

On note au passage que les marges de distribution d’ERDF sont considérables, de l’ordre d’un facteur 2 ou plus. Le coût bas de l'énergie électrique en France résulte bien du choix stratégique réalisé par les gouvernements Pompidou et Giscard d'Estaing dans les années 70, et pas du tout des performances de l'opérateur majoritaire,  mais ceci est un autre débat ! 

Au vu de la variabilité des prix de revient du MWh, on peut légitimement s’étonner que le prix du KWh facturé par ERDF (chiffres arrondis, hors taxes et abonnement) à l’utilisateur domestique dans les deux types de contrats les plus répandus soit presque fixe :
Tarif de base : 125 € fixe
Tarif jour / nuit : 93 ou 135 €
Seul le tarif Tempo, explicité ci-dessous,  est très variable

Tarif Tempo

Par exception, ce tarif Tempo (rebaptisé « Bleu ») minoritaire, permet des variations beaucoup plus importantes selon la couleur (3)  et le jour/nuit (2), soit 3 x 2 = 6 paliers de 60 € à 425 €, soit encore un facteur 7. Il est le tarif est le moins éloigné de la réalité.  Mais étant dissuasif en jours rouges, il n’est pas compatible avec un chauffage tout électrique, sauf pour des résidences secondaires peu utilisées en hiver. Il est donc très minoritaire.

La large plage de tarification du tarif Tempo permet de sensibiliser fortement l’utilisateur, ce qui va dans le bons sens. Mais ses règles sont rigides et simplistes :
  • 22 jours rouges et 43 jours blancs pour faire apparaître 300 jours bleu, quelle que soit le profil et la durée des périodes de grand et moyen froid,
  • 16 heures pleines et 8 heures creuses par jour, très vaguement corrélées avec les pointes quotidiennes réelles,
  • un préavis de 8 heures seulement pour la couleur du jour suivant, ce qui ne permet guère d’anticipation. 

                                                           Graphe établi par l’auteur

L’historique publié en ligne par ERDF montre en outre que :
  • les samedis ne sont jamais rouges,
  • les dimanches et jours fériés sont toujours bleus.
Ce tarif reste très loin des variations effectives de prix de revient du MWh, et, bien qu’il aille dans le bon sens, la régulation de consommation qu’il permet est reste limitée et sommaire.

Préconisation : un tarif à 13 échelons (soit 12 intervalles)

Remarquons que les besoins d’énergie électrique d’un particulier pourraient largement être anticipés, réduits ou reportés en utilisant :

  • un peu d’intelligence numérique dans les installations domestiques :
  • un tarif variable par tranches uni-horaires selon  13 échelons en progression de 20% par échelon, de 50 € à 450 €HT /MWh, assorti d’une prévision sur 24 heures, réactualisée à chaque changement d’heure (d’autant moins  que la période prévue est proche), et complété par une prévision globale sur une semaine, basée sur le calendrier civil (semaine, week-end, vacances…) et sur les prévisions météorologiques. Ce tarif serait géré par l’opérateur à l’intérieur de règles fixant entre autres le maximum du prix moyen offert sur l’année. 


                                          Graphe établi par l'auteur
S’agissant d’un prix moyen offert, et non d’un prix moyen consommé, ce maximum doit être notablement inférieur au prix moyen actuel (environ 120 €/MWh), probablement autour de 90 €/MWh.

En outre, il est souhaitable que la législation relative à l’unicité du tarif de l’énergie électrique soit modifiée, et ce, pour plusieurs raisons :
  • Les pointes sont fortement impactées par les conditions climatiques qui sont rarement homogènes sur l’ensemble du territoire national.
  • Une définition des échelons en cours et prévus par région améliorerait donc sensiblement la situation en diminuant les transports d’énergie, et donc les pertes et les besoins d’infrastructures de transport,
  • Elle responsabiliserait les habitants et leurs élus régionaux qui réclament la même sécurité d’approvisionnement énergétique et le même prix que les autres, mais qui refusent la construction de d’infrastructures. La Bretagne (où l’auteur de ce blog est domicilié), qui a refusé la centrale nucléaire de Plogoff dans un site parfaitement adapté (nul besoin de réfrigérants atmosphérique grâce aux forts courants marins…), et PACA, qui refuse la création de lignes THT, sont des exemples criants.

Des pilotes intelligents et communicants

Un pilote, qui agit sur un ou un groupe d’appareils électriques,  peut être :
  • un simple contacteur « tout ou rien » paramétré pour alimenter ou non un appareil utilisateur selon l’échelon tarifaire en cours,
  • un variateur de puissance (chauffage, éclairage halogène) paramétré pour limiter la dépense à un niveau prédéterminé : plus c’est cher, moins on chauffe, ou moins on s’éclaire, selon l’échelon tarifaire en cours,
  • un calculateur programmé pour anticiper ou différer, en partie ou en totalité, une utilisation en fonction de l’évolution prévue des échelons tarifaires,
  • un système doté d’une intelligence numérique informée des caractéristiques du produit piloté, de ses modalités d’utilisation et des changements d’échelon prévus, capable d’optimiser le coût d’utilisation.
Des appareils de plus en plus nombreux étant dotés d’origine de processeurs performants, la présence de ces pilotes, le plus souvent intégrés dans les appareils, n’aurait qu’un coût négligeable.

Leur accès aux données tarifaires pourrait être dual au choix de l’utilisateur, ou suivant l’évolution des technologies:
  • soit par connexion au Web par WiFi ou Ethernet,
  • soit plus probablement par CPL (courants porteurs en ligne) liés à un compteur intelligent « Linky ».
Décalage des besoins : les « décalwatts »

Beaucoup d’utilisations domestiques peuvent être décalées dans le temps, c'est-à-dire reportées ou anticipées. Exemples : 
  • l’eau sanitaire, stockée dans un ballon, doit être chauffée au plus creux de la nuit, et non pas dans les premières heures du tarif nuit.
  • Un lave-vaisselle, très silencieux, peut également fonctionner en pleine nuit.
  • Un lave-linge pourrait aussi voir son fonctionnement décalé, avec éventuellement une période interdite la nuit si son bruit peut amener une gêne.
  • Les normes de température de conservation alimentaire pourraient être assouplies : de 2°  à 6°C au lieu de 4°C pour les réfrigérateurs, et -24° à -18°C au lieu de -18°C pour les congélateurs. Si une ou des hausses d’échelon sont prévues, l’appareil les anticipe en baissant la température au minimum autorisé avant la hausse, puis s’arrête à l’arrivée de la pointe jusqu’au réchauffement naturel maximum autorisé qui sera souvent après la pointe, selon l’utilisation de l’appareil.
  • Une ou deux réglettes multiprises intelligentes peuvent se voir confier la recharge de tous les appareils électroniques munis de batteries : téléphones sans fil ou mobiles, tablettes, smart-phones, tablettes, ordinateurs portables, batteries amovibles de cycles ou autres
  • Demain, la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, s’ils se répandent, nécessitera une énergie considérable qui pourra, le plus souvent être effectuée dans une très large plage de temps
Ce déplacement des périodes de consommation en fonction du prix du MWH, qui est lui-même pratiquement lié au taux de CO2, permettrait donc à lui-seul de diviser environ par deux ce taux global de CO2 dans l’énergie électrique, le ramenant à 30 à 40 kg/MWh, à comparer aux 440 kg/MWh des centrales au charbon, les plus utilisées dans le monde. Il permet aussi d’utiliser les infrastructures existantes, et pas seulement, les centrales nucléaires, au maximum de leurs capacités, réduisant ainsi l’impact des amortissements comme l’impact écologique. Les « décalwatts » sont à la fois  écologiques et économiques.

Réduction des besoins : Les « négawatts »

Le chauffage électrique direct, premier consommateur d'énergie électrique, est plus difficile à étaler. Il existe quand même des éléments de solution :
  • les chauffages à inertie, pas parfaits, mais qui vont dans le bon sens,
  • une bonne isolation qui, si elle n’élimine pas le besoin d’apports calorifiques, rend du moins son heure moins critique,
  • anticiper le chauffage matinal en fin de nuit,
  • réduire ou supprimer tout ou partie des radiateurs pendant une ou deux heures, au plus fort d’une pointe,
  • mais surtout, réduire le chauffage par un pilote paramétré selon le coût horaire du °C supplémentaire que l’utilisateur est prêt à payer. Les économies de chauffage sont d’autant plus acceptables qu’elle sont passagères !
L’éclairage est plus complexe car il ne peut pas être différé, et comporte de nombreux points de consommation répartis dans le logement. Il est néanmoins possible de prévoir, notamment pour les très voraces lampadaires halogène, un niveau réduit qui intervient par défaut au dessus d’un échelon tarifaire prédéterminé.

La cuisson ne peut être décalée que dans le cas de plats préparés à l’avance. Mais la mise en route d’une plaque de cuisson ou d’un four électrique pourrait être interdite par défaut au dessus d’un échelon prédéterminé, et n’être obtenue que par une commande « forcée » explicite pour l’utilisateur qui pourra parfois attendre, ou lui préférer des appareils à bon rendement : four à micro-ondes ou plaque à induction : ces dernières sont très puissantes, mais fonctionnent très peu de temps à leur puissance maximum. Elles consomment finalement beaucoup moins que des plaques à résistance ou halogènes, par ce qu’elles ne chauffent que la casserole, sans chauffer ni elles-mêmes, ni l’air ambiant, et sans rayonner.

Les applications audio et vidéo ne peuvent pas être décalées, sauf à s’en passer, mais elles restent de petits consommateurs, avec une tendance à la baisse par amélioration des rendements des appareils récents.

Il importe de comprendre qu’en France, où plus de 80% de l’énergie produite est d’origine électronucléaire, et plus de 90% est produite sans CO2, les « négawatts » électriques apportent peu en termes de CO2. Ils peuvent en revanche contribuer à réduire les factures, les moyens de production et les lignes de distribution. 

Les Smart Grids

Cette expression que l’on peut traduire par « Réseaux de distribution électrique intelligents », désigne un processus qui optimise la consommation comme décrit ci-dessus, mais qui intègre en plus la gestion des productions décentralisées et fatales, principalement éoliennes et photovoltaïques, accessoirement certains types d’hydraulique. Cette appellation est un peu prétentieuse : les réseaux actuels sont bien loin d’être idiots, et n’ont pas attendu cet anglicisme pour se perfectionner grâce à l’intelligence numérique.

On peut s’interroger sur le bien-fondé de cette extension complexe, qui a pour objet principal de gérer des sources d’énergie électrique supposées "vertes" qui n’existent qu’à travers la garantie sur une longue période par l’Etat, du prix de rachat de l’énergie produite, et ce à un niveau totalement déconnecté du prix moyen du marché. Ce dernier serait encore excessif puisque l’énergie ainsi produite l’est le plus souvent à contre-cycle (l’éolien surtout la nuit, le photovoltaïque surtout en été). Ces énergies fatales ne valent pratiquement rien au prix de marché. 

Il faut se convaincre que l’écologie ne consiste pas à faire payer de mauvaises solutions par le contribuable ou l’abonné, mais à promouvoir des solutions efficaces et intelligentes, donc compétitives ou capables de le devenir à moyen terme, éventuellement après introduction d’une taxe carbone raisonnable.

Il ne nous semble donc pas opportun d’investir en études et en infrastructures pour optimiser des productions décentralisées dont le poids est extrêmement faible, et dont la pérennité n’est nullement garantie une fois passée la mode verte. Il est beaucoup plus urgent de gérer l’étalement de la consommation domestique qui peut apporter des avantages économiques et écologiques considérables au moindre coût, et pour ce faire, de promouvoir à la fois les « négawatts » et les « décalwatts ».