mardi 16 mai 2017

Le mythe de l'autoconsommation électrique




Résumé

Selon une idée communément répandue, entre autres récemment par TF1, l’écologie nécessiterait d’évoluer vers l’autoconsommation de l’énergie électrique par ses producteurs-consommateurs. Cette autoconsommation  est en réalité un mythe d’origine idéologique qui ne peut que se fracasser contre le mur de la réalité. En effet :
  • Les arguments en sa faveur se basent sur des prix moyens après subventions, qui ne signifient rien, car seuls les prix instantanés réels ont un sens pour une énergie pratiquement non stockable : il faut produire au moment de la consommation !
  • La décentralisation augmenterait dans un facteur 10 la puissance installée nécessaire, qui devrait alors satisfaire des pointes de consommation individuelles et non des moyennes géographiques, et mettrait par surcroît en jeu des installations ayant un rendement plus faible et un coût spécifique plus élevé : on perdrait l’effet d’échelle, considérable pour un rapport des puissances de l’ordre du million : 1 GW / 1 KW.
  • Basée principalement sur du solaire PV, la décentralisation, ne permettrait pas d’assurer la continuité, la nuit pouvant difficilement être résolue par des batteries très coûteuses, de faible durée de vie et pas du tout écologiques, et l’hiver demeurant insoluble. Seule la pluralité des sources le permet, mais la plupart de celles-ci ne sont pas décentralisables (nucléaire, thermique, hydraulique…).
  • Si l’on pallie les impossibilités ci-dessus par une connexion au réseau en l’absence de production individuelle, on reporte sur ce réseau la charge de la continuité, ce qui nécessite le maintien de sa puissance de crête en production et en transport : on n'a rien gagné! La valeur marginale de l’énergie décentralisée est donc presque nulle : ses subventions et avantages fiscaux sont injustifiés et doivent être supprimés, ce qui amènerait sa disparition rapide.
Message

Mercredi dernier 10 mai 2017, en fin de son journal de 20 heures, TF1 nous a présenté l’autoconsommation électrique par les abonnés producteurs comme une tendance lourde qui se justifierait par l’augmentation du prix du KWh acheté par l’abonné et la baisse du prix de revient des panneaux solaires qui deviendraient ainsi compétitifs par rapport au réseau ERDF.

De là à conclure que demain chaque ménage produira demain sa propre électricité, il n’y a qu’un pas qui est allègrement franchi par des écologistes qui y voient je ne sais quel progrès : selon eux, plus de nucléaire qui produit des déchets radioactifs, plus de produits pétroliers qui émettent du CO2, plus de barrages qui noient les vallées et modifient les écosystèmes, rien que des énergies « douces ». Sans discuter sur le concept très subjectif  de « douceur » d’une énergie, limitons à en examiner la possibilité.

Cette idée de décentralisation repose sur 2 erreurs majeures:

1- Les prix dont on parle sont tous déconnectés de la réalité :

  • Le prix réel sur le marché de gros, d’un MWh est constamment variable entre des valeurs extrêmes de 0 à 1 000 €/MWh), avec une moyenne autour de 30 à 40 €/MWh, suivant l’offre et la demande :
    • L’offre dépend des disponibilités hydrauliques, du vent, du soleil, et donc de la saison (plus basse en hiver et la nuit)
    • La demande dépend de l’activité, de l’obscurité, du froid, de l’heure, et donc de la saison (plus élevée en hiver)
  • Le prix de revient moyen du MWh fourni par une filière ne démontre en rien sa compétitivité : encore faut-il qu’il soit produit au bon moment, celui de sa consommation, car il n’existe guère de moyen de stockage économiquement viable. La seule bonne question est : « De quel pourcentage faut-il abonder une énergie verte facturée au prix de marché pour trouver des investisseurs ? ». Elle est actuellement sans réponse faute d’avoir été posée, mais ce pourcentage est sans nul doute entre 100% et 200%.
  • Les énergies vertes bénéficient d’énormes distorsions de concurrence sans lesquelles elles n’existeraient pas :
    • Priorité d’écoulement, même quand elles sont inutiles par manque de demande,
    • Prix de rachat garanti par l’opérateur de réseau qui répercute le surcoût dans la CSPE facturée à l’abonné,
    • Avantages fiscaux à l’achat de panneaux solaires par les ménages, en plus des précédentes.
  • Les comparaisons portant sur des prix réglementés et des prix de revient de filières subventionnées n’ont donc aucun sens. La réduction des émissions de CO2 résultant de la production électrique nécessite :


2 - La décentralisation de la production a de graves inconvénients intrinsèques :

  • Chaque abonné producteur devrait avoir une puissance installée (capacité de production) égale à sa consommation maximum, typiquement 6 KW en l’absence de chauffage électrique, alors que la consommation moyenne d’un ménage abonné sur l’année est de 0,54 KW, soit un facteur 11 ! Ceci résulte de la non-coïncidence des consommations de crête, qui ramène heureusement la puissance installée des centrales électriques à la somme des moyennes de très nombreux abonnés, et non à la somme des crêtes de ces mêmes abonnés. La décentralisation généralisée aboutirait donc à un accroissement énorme de la puissance installée, avec le coût et la trace carbone associés.
  • Le rendement des installations de production croît avec la puissance unitaire. Ainsi, le rendement d’un alternateur de 1 KW n’excède pas 80%, alors qu’il dépasse 99,9% pour un alternateur de 1 GW. C’est encore plus vrai pour un groupe électrogène domestique thermique (fioul ou gaz) dont le rendement est inférieur de moitié à celui d’une centrale électrothermique.
  • Le prix spécifique d’une installation de production décroit avec sa puissance, par effet d’échelle. Un alternateur de 1 GW ne coûte pas un million de fois plus cher qu’en alternateur de 1 KW !
  • La pluralité des sources
    • permanentes (nucléaire),
    • disponibles à la demande (fioul, gaz, biogaz, hydraulique de haute chute, STEPs), 
    • fatales (éolien, solaire, hydraulique au fil de l’eau), 
          permet de pallier les intermittences plus ou moins prévisibles de ces dernières et d’assurer la                continuité de l’approvisionnement électrique.
  • La continuité de l’énergie décentralisée, essentiellement solaire, nécessiterait son stockage semi-diurne par batteries fort peu écologiques, extrêmement coûteuses, et à renouveler fréquemment en raison de leur médiocre durée de vie (5 ans?), sans oublier leur rendement (≈ 80%) qui nécessite de produire 125% de l’énergie consommée après stockage. Elle est insoluble autour du solstice d’hiver, car un stockage semi-annuel n’est pas envisageable, car 365 fois plus cher qu'un stockage semi-diurne!
  • Bien entendu, la solution mixte qui consiste à auto-consommer son énergie solaire décentralisée quand elle est disponible, et à se connecter au réseau quand elle est insuffisante ou nulle, n’a aucun intérêt global, puisqu’elle ne réduit pas les capacités nécessaires de production et de transport du réseau. Il ne faut donc cesser de la subventionner, même sous forme d’avantage fiscal, et supprimer le prix de rachat élevé garanti avec priorité d’écoulement. La vérité des prix, orientée par une taxe carbone neutre sera beaucoup plus efficace pour réduire les émissions de CO2 selon des solutions que le marché, débarrassé de ses distorsions, choisira au meilleur rapport efficacité sur coût.