mardi 22 avril 2014

Stockage d'énergie par l'hydrogène électrolytique


1. Problématique

Nous avons vu dans le message « Problématique du stockage de l’énergie » que l’équilibrage du réseau électrique entre :
  • une consommation très variable
  • et une production dont une part croissante est « fatale », c’est-à-dire intermittente et plus ou moins prévisible (énergies hydraulique au fil de l’eau, marémotrice, éolienne, photovoltaïque)
aboutira à poser le problème du stockage de l’énergie électrique excédentaire produite par les filières fatales en période de faible consommation.

L’hydrogène peut être produit par électrolyse de l’eau, et utilisé comme carburant pour un moteur à gaz ou une turbine à gaz couplés à un alternateur, ou directement dans une pile à combustible. Il a donc a été proposé depuis longtemps comme vecteur d’énergie, et ce dans trois applications bien distinctes :
  • Le stockage de l’énergie de réseau
  • Les véhicules
  • L’alimentation d’appareils électroniques portatifs, dite « mobilité »
Si la possibilité d’utiliser l’hydrogène comme vecteur d’énergie est techniquement indiscutable, et a d’ailleurs été largement démontrée par des prototypes, notamment dans l’automobile et la mobilité, elle reste économiquement incertaine, particulièrement en ce qui concerne les réseaux, auxquels nous nous limiterons ci-dessous.

2. L’hydrogène présente des avantages évidents :
  • Un record absolu de densité énergétique par rapport à sa masse : 141,8 Mj/Kg, ou 39,4 Kwh/Kg, plus de 3 fois supérieure à celle des hydrocarbures,
  • Une énergie thermique exempte de toute pollution directe
  • Une matière première qui est l’eau, disponible en quantité illimitée
  • La capacité d'être utilisée directement dans des piles à combustible
Mais aussi quelques sérieux inconvénients :
  • Le gaz le plus léger (89 gr/m3 dans les conditions normales), et donc une énergie volumique faible, égale à 30% de celle du méthane. Son stockage nécessite donc des pressions élevées, c’est-à-dire des réservoirs lourds et coûteux.
  • Une température d’ébullition de -252,8 °C, soit 20,5 °K, proche du zéro absolu. Son énergie de liquéfaction est théoriquement de 14 MJ/Kg, mais compte tenu d'un rendement de liquéfaction de l'ordre de 1/3, atteint pratiquement 47 MJ/Kg, soit  1/3 de son enthalpie de combustion.
  • Une masse volumique à l’état liquide qui n’est que de 71 kg/m3.
3. Les organisations théoriques possibles


L’hydrogène, et son sous-produit l’oxygène, résultant de l’électrolyse utilisant l’énergie électrique fatale excédentaire, peut être utilisé de différentes manières résumées dans le synoptique ci-dessus :
  • Stockage (comprimé ou cryogénique) avant utilisation  en période de pointe :
    • dans une pile à combustible
    • ou dans une centrale à gaz à cycle combiné.
  • Injection dans le réseau de gaz naturel, dans des proportions limitées car les paramètres du méthane sont assez différents.
  • Transformation de l’hydrogène en méthane par réaction exothermique  sur le CO2, dite « méthanation ». Ce méthane peut lui-même être :
    • injecté sans limite dans le réseau de gaz naturel, dit « G20 », dont le méthane est le principal constituant.
    • ou stocké (comprimé ou cryogénique) avant utilisation aux heures de pointe :
      • dans une centrale électrothermique classique ou à cycle combiné, avec émission de CO2,
      • ou dans une centrale à oxycombustion utilisant aussi l’oxygène sous-produit, avec émission de CO2 aisément recyclable.
Nous allons évaluer ces différentes possibilités en cherchant à en évaluer le coût et le rendement.

4. Electrolyse

Extrait de l’exposé de l’AFHYPAC (Association Française pour l’HYdrogène et la Pile A Combustible ayant pour membres Air Liquide, EDF, GDF-Suez, AREVA et bien d’autres…) :

« La décomposition de l’eau par électrolyse s’écrit de manière globale:
 H2O à H2 + ½ O2 avec une enthalpie de dissociation de l’eau : ∆H=285 kJ/mole. Cette décomposition nécessite un apport d’énergie électrique, dépendant essentiellement de l’enthalpie et de l’entropie de réaction. Le potentiel théorique de la décomposition est de 1,481 V à 298° K. Les valeurs classiques des potentiels de cellules industrielles sont de l’ordre de 1,7 à 2,1 V, ce qui correspond à des rendements d’électrolyse de 70 à 85 % (en se rapportant au PCS de 3,55 kWh/Nm3). La consommation électrique des électrolyseurs industriels (auxiliaires compris) est généralement de 4 à 5 kWh/Nm3 »

Plusieurs technologies existent (acide, basique, à membrane polymère, à membrane céramique….). Les installations récentes sont toutes  constituées de plaques bipolaires jouant le rôle d’anode d’un côté et cathode de l’autre, traversées par le courant électrique perpendiculairement à leur surface, donc de très faible résistance, et montées en série ce qui multiplie la tension par le nombre de plaques, et évite les intensités trop élevées nécessitant des redresseurs coûteux et de médiocre rendement. Pour plus de détails, voir le document de l’AFHYPAC et sa photo ci-dessous :


Sur ces bases, nous considérons par simplification que la tension des cellules est de 1,481 à 25°C volt plus 0,5 volt, sans prise en compte des auxiliaires, soit un rendement de 1,481 / (1,481+0,5) = 75%, ce qui aboutit à 4,7 Kwh/Nm3, appréciation plutôt optimiste, l’AFHYAPC n’étant pas suspecte de pessimisme en la matière.

Selon l’approche économique de cette association, le coût de l’hydrogène produit varie évidemment avec le coût de l’énergie électrique utilisée selon le graphe ci-dessous :




Dans cette comparaison, ne pas perdre de vue que l’hydrogène, bien que produit à partir d’énergie électrique, s’apparente à une énergie primaire.
Selon cette courbe, on observe que la pente du prix de l’énergie « hydrogène » se déduit de celui de l’énergie électrique (toutes deux exprimées en €/Mwh) par un diviseur de 64% (qui est un rendement net tout compris) et addition d’un terme fixe de 25 €/Mwh, qui est le coût du processus. L’écart avec le 75% donné plus haut résulte sans doute des auxiliaires.

Nous tablerons pour la suite sur un rendement de 70%, à mi-chemin entre les deux approches, résolument optimiste.

 Ce chiffre correspond à 1,481 / (1,481+0,64) = 70%

5. Stockage de l’hydrogène sous pression

Nous avons vu que l’hydrogène a une enthalpie de combustion particulièrement élevée, de 142 Mj/Kg, mais qu’il est très léger, ce qui amène à le stocker :
  • Soit à l’état liquide, mais selon l’AFHYPAC, la liquéfaction très difficile de l’hydrogène requiert la consommation d’une énergie égale à 30% de l’enthalpie de combustion de cet hydrogène, à laquelle s’ajoutent les pertes par évaporation proportionnelles à la durée du stockage à l’état liquide. Avec juste raison, cette solution n’est généralement pas retenue.
  • Soit sous des pressions élevées, ce qui conduit à des réservoirs pressurisés que nous analysons ci-dessous. L’énergie requise par une compression isotherme de ce gaz supposé parfait (hypothèses très optimistes) à 70 GP (700 bars) ressort à environ 4% de son enthalpie de combustion, soit un rendement énergétique de 96% qui vient en facteur des autres rendements.
Réservoirs pressurisés

Calculons le rapport k entre  la masse du réservoir et la masse du gaz qu’il contient. Bien entendu, ce rapport  dépend du matériau et de la forme du réservoir. Nous nous placerons dans les conditions suivantes :
  • Le réservoir est sphérique, ce qui est l’hypothèse la plus optimiste pour deux raisons :
    • La sphère est le volume qui offre le rapport volume / surface le plus élevé
    • La contrainte dans l’enveloppe y est homogène et isotrope.
  • Le matériau de l’enveloppe, que nous ne définissons pas, est caractérisé par le paramètre w défini comme suit (en joule/Kg) : 
    • W = σe / ρe = contrainte max. effective / masse volumique
  • Son épaisseur est définie en fonction de la pression p de l’hydrogène pour atteindre exactement la contrainte maximum de travail  σe.
A partir de calculs élémentaires figurant en annexe, on aboutit au résultat suivant :
k = (3/√2) (θ/θN) (pN /w ρg)
dans laquelle :
  • pN est la pression normale (1013 Hp)
  • ρg est la masse volumique normale du gaz, soit (2,01 / 22,4) kg/m3.
  • θN est la température normale (273,3 °K = 0°C)
  • θ est la température maximum d’utilisation (323,3°K = 50 °C)
Chacun des produits entre parenthèses est un nombre sans dimension.
Tous les paramètres, sauf w, sont des constantes.
Il s’en suit que pour w = 105 qui correspond à un acier dur (σe = 760 Gp et ρe = 7600 kg/m²), ce facteur est de k = 28,5. Il ne dépend ni de la pression de l’hydrogène, ni de la taille du réservoir. Une forme différente, notamment cylindrique avec extrémités hémisphériques ne peut déboucher que sur une augmentation du rapport k, jusqu’à +58 % pour un réservoir cylindrique très allongé.

Il s’en suit que, dans ces conditions, l’enthalpie disponible par kilogramme de (combustible + enveloppe) est, au mieux, de :
  • 5 MJ/kg pour l’hydrogène comprimé en réservoir sphérique,
  • réduit à 3 MJ/Kg pour un réservoir cylindrique allongé
à comparer à :
  • 10 Mj/Kg pour le méthane comprimé, réservoir pressurisé inclus
  • 45 Mj/Kg pour un hydrocarbure liquide (pentane ou plus lourd),
  • 0,5 Mj/Kg (0,14 Kwh/Kg) pour les batteries. Toutefois, ces dernières fournissent une énergie finale dont la « valeur » est officiellement 2,58 fois supérieure  à celle d’une énergie primaire à laquelle l’hydrogène s’apparente. Le terme de comparaison serait donc plutôt 1,3 Mj/kg.
Le seul paramètre qui reste disponible est le paramètre w, c’est-à-dire le matériau. Le passage à des matériaux exotiques (titane, aramide, carbone…) pourrait réduire un peu le facteur k, mais encore faudrait-il :
  • Vérifier que la résilience reste bonne (accidents d’origine extérieure...)
  • Rester dans des prix de revient  « industriels » qui n’obèrent pas trop le coût de la compression et du stockage.
6. Piles à combustible

La pile à combustible est physiquement l’exact inverse de l’électrolyse. Elle présente l’avantage de principe de produire une énergie finale, l’électricité, en s’affranchissant (bien que ce sujet fasse débat) du principe de Carnot-Clausius et de ses mauvais rendements.
Admettant que les hypothèses de pertes posées pour l’électrolyse restent valables, le rendement de la pile est alors :
(1,481-0,64)/1,481 = 57%. Ce raisonnement suppose que l’hydrogène soit entièrement transformé, sans aucune perte, ce qui reste à vérifier.

A cet égard, un fonctionnement à l’oxygène pur (sous-produit de l’électrolyse) améliore-t-il le rendement par rapport à un fonctionnement à l’air ? Nous recherchons la réponse.

Le tableau ci-dessous issu de Wikipedia donne un panorama des technologies de piles à combustible :

Un autre tableau ci-dessous, issu de l’AFHYPAC, confirme ce chiffre de 57% N) comme le meilleur compromis de fonctionnement avec une température plus élevée qui réduit le « 1,481 » volt compensée par une intensité plus élevée.

Le rendement de la filière par électrolyse et pile à combustible complète, est donc :
Rendement  = 70% x 96% x 57% = 38%
Indépendamment des coûts du process, du seul fait de son rendement, le coût de l’énergie électrique restituée sera donc 1/38% = 2,6 fois celui de l’énergie initiale.

7. Centrale thermique à hydrogène

La transformation de l’hydrogène en énergie électrique peut aussi se faire par une centrale électrothermique à cycle combiné conventionnelle. En effet, la substitution de l’hydrogène au gaz naturel (principalement du méthane) change relativement peu les caractéristiques thermodynamiques. Comparons les réactions dans les différents cas de combustion dans l’air :

Gaz naturel, stœchiométrique :
CH4 + 2 O2 + 8 N2 àCO2 + 2 H2O +  8 N2 + 800  Kj
(fumées =                     44   + 18x2    + 28x8  = 304 g, soit 2,6 Kj/g)

Hydrogène, stœchiométrique :
4 H2 + 2 O2 + 8 N2 à           4 H2O +   8 N2 + 968  Kj
(fumées =                                 18x4  +   28x8 = 296 g, soit  3,3 Kj/g)

Hydrogène avec 25% d’excès d’air :
4 H2 + 5/2 O2 + 10 N2 à     4 H2O + 10 N2 + 968  Kj
(fumées =                                  18x4  + 28x10 = 352 g, soit 2,7Kj/g)

Pour avoir, si nécessaire, les mêmes températures de fonctionnement avec l’hydrogène qu’avec le gaz naturel, le premier devra être brûlé dans un excès d’air d’environ 5/4 en volume, soit 25%.
Ce raisonnement est un peu théorique car le gaz naturel n’est pas du méthane pur. Il montre néanmoins que les ordres de grandeur sont aisément compatibles. Rappelons au passage que :
  • Les hydrocarbures ne sont jamais brûlés dans les proportions stœchiométriques, mais toujours dans un excès d’air pour prévenir la formation de CO, extrêmement toxique.
  • Ce problème n’existe pas avec l’hydrogène utilisé seul.
  • La température est le plus souvent limitée par la résistance à celle-ci des premiers étages de la turbine, qui sont soumis aux températures les plus élevées après compression adiabatique et combustion.
Ces digressions montrent que l’hydrogène peut se substituer au gaz naturel dans les centrales existantes, sans modification significative.
Une centrale à hydrogène à cycle combiné aura donc un rendement au moins égal aux centrales à gaz à cycle combiné existantes, soit 58%.
Le coût du process est évalué à 15 €/Mwh (ce qui, après prise en compte du gaz naturel à environ 40 €/Mwh, aboutit à 55 €/Mwh qui est bien l’ordre de grandeur du Mwh thermique au gaz).
Le cycle complet à partir d’hydrogène électrolytique affiche donc dans les deux cas un rendement de 70% x 96% x 58% = 39%, avant prise en compte du coût de la filière.

Ce rendement est du même ordre que celui des piles à combustible. Ceci ne signifie pas que les turbines combinées soient interchangeables avec les piles à combustible :
Les turbines à gaz et à vapeur utilisées dans ces centrales sont nécessairement de puissance très élevées, pratiquement plusieurs dizaines de Mw, car il n’est pas possible de concevoir des turbines de faible puissance ayant un bon rendement. Il n’est pas envisageable, avant un avenir lointain, de produire par voie électrolytique la grande quantité d’hydrogène nécessaire à l’alimentation de centrales de telles puissances, faute de disposer des excédents suffisants. Ces puissances élevées sont pourtant nécessaires aux heures de pointes extrêmes (100 Gw ou plus) au cours desquels les besoins supplémentaires se chiffrent en dizaines de Gw.
Malgré un coût du procédé qui restera probablement beaucoup plus élevé, les piles à hydrogène ont donc leur place pour la restitution d’énergie dans le domaine des faibles et moyennes puissances, jusqu’à quelques  Mw.

Il existe une autre solution, non répertoriée sur le synoptique : les moteurs « 4 temps » à gaz. Etant à simple étage, leur rendement ne dépasse pas 40%, inférieur d’environ 1/3 aux précédents. Ils ne peuvent donc pas concurrencer les piles à combustible en termes de rendement. Ils sont en revanche notablement moins chers et leur technologie éprouvée depuis plus d’un siècle peut s’adapter à ce nouveau carburant sans difficulté majeure. Pour plus de détails, voir le document de l’AFHYAPC à ce sujet.

8. Méthanation

La difficulté de stockage liée à la légèreté de l’hydrogène amène à envisager son stockage sous une forme chimique différente, et notamment sous forme de méthane (CH4).

La transformation d’hydrogène en méthane peut se faire selon une  variante de la réaction de Sabatier, par réaction sur du gaz carbonique CO2, à température et pression élevées, avec un catalyseur de ruthénium sur alumine selon la réaction:

CO2 + 3 H2 --> CH4 + H2O


Ce procédé présente des avantages et des inconvénients :

Avantages :

  • Le méthane a une enthalpie de combustion par unité de volume 3 fois supérieure à celle de l’hydrogène.
  • Sa température d’ébullition à l’air libre est de 112 °K au lieu de 20°K, ce qui permet une liquéfaction beaucoup moins difficile
  • Sa masse volumique liquide est de 422 Kg/m3 au lieu de 71 Kg/m3.
  • Sa combustion n’augmente pas les émissions de CO2 dans la mesure où il a été produit à partir de la même quantité de CO2.

Inconvénients :
  • La réaction nécessite du CO2 pur.
  • Un tiers de l'hydrogène  sert à fabriquer de l'eau de synthèse.
  • La réaction est exothermique (qui produit de la chaleur). Ceci se vérifie par le fait que l’enthalpie de combustion du méthane produit est inférieure (63%) à l’enthalpie de combustion de l’hydrogène utilisé. Le rendement global est donc nécessairement inférieur à la valeur théorique de 63%. A défaut d’information sur le rendement réel de cette réaction, nous tablerons sur 63%, valeur théorique extrêmement optimiste.
  • Une étape de plus dans la mise en stock, avec les coûts associés. 

9. Centrale à oxycombustion

Ce néologisme désigne une combustion réalisée non pas dans l’air (qui comprend, outre l’oxygène, 79% d’azote et 1% d’argon), mais  dans de l’oxygène pur. A notre connaissance, il n’en n’existe pas actuellement. C’est un moyen de capter le CO2 : la combustion de n’importe quel hydrocarbure dans l’oxygène pur donne des fumées contenant exclusivement de la vapeur d’eau et du CO2, à l’exclusion de l’azote habituellement majoritaire. Après  condensation de l’eau, le CO2 peut être capté directement.

Examinons l’oxycombustion du méthane issue de la méthanation de l’hydrogène. La réaction a déjà été vue plus haut, mais elle est ici sans azote :

Gaz naturel, stœchiométrique :
CH4 + 2 O2  àCO2 + 2 H2O   + 800  Kj
(fumées =         44   +  18x2  =  80 g, soit 10 Kj/g)

La même enthalpie de combustion (800 Kj) s’applique à une masse de fumées de 80 g au lieu de 304g, l’azote majoritaire étant ici absent. Sans chercher à la calculer bien au-delà du domaine des gaz parfaits, la température des fumées sera considérablement plus élevée, très au-dessus de ce que les meilleurs alliages de turbines peuvent supporter. On perdra ainsi la possibilité théorique d’améliorer le rendement de Carnot-Clausius (égal à 1-T2/T1) par augmentation de T1. Reste que l’énergie thermique pourra être utilisée comme dans une combustion à l’air, avec un rendement du même ordre, selon un processus thermodynamique spécifique, probablement mixte, qui reste à développer par les concepteurs de turbines à gaz et à vapeur.

Elle n’a probablement d’avantage déterminant en termes de rendement et nécessite le développement d’une nouvelle famille de turbines. Son seul avantage reste la captation aisée du CO2, qui reste insuffisant aux cours actuels des émissions.

10. Synthèse économique de la filière à hydrogène

Le synoptique ci-dessous reprend l’organisation et les chiffres  justifiés ci-dessus. Pour chaque phase du process :

  • Energie sortante = énergie entrante x rendement
  • Coût énergie sortant = coût énergie entrant/rendement + coût du process.
     

La filière à hydrogène alimentée à partir des excédents d’énergies fatales aboutit aux résultats (optimistes) suivants :
1000 Kwh d’électricité
  è 698 Kwh thermiques d’hydrogène avant stockage
  è 670 Kwh thermiques d’hydrogène après stockage
  è 382 Kwh d’électricité après pile à combustible, ou
  è 389 Kwh d’électricité après centrale à hydrogène à cycle combiné
Après prise en compte des coûts de process sur des bases très optimistes, le stockage étant compté pour zéro hors énergie, les coûts énergétiques sont (au minimum) les suivants :
100 €/Mwh d’électricité verte
  è 168 €/Mwh thermique avant stockage
  è 175 €/Mwh thermique après stockage
  è 357 €/Mwh électrique après pile à combustible, ou
  è 317 €/Mwh électrique après centrale à hydrogène à cycle combiné

La filière à hydrogène et méthanation fait pire :
1000 Kwh d’électricité
  è 698 Kwh thermiques d’hydrogène avant stockage
  è 443 Kwh thermiques de méthane avant stockage
  è 434 Kwh thermiques de méthane après stockage
  è 252 Kwh d’électricité après centrale à gaz à cycle combiné

Avec un prix de revient, process inclus :
100 €/Mwh d’électricité verte
  è 168 €/Mwh thermique après électrolyse 
  è 285 €/Mwh thermique après méthanation
  è 291 €/Mwh thermique après stockage
  è 517 €/Mwh électrique après centrale à gaz à cycle combiné

Conclusion écoomique : Partant d’une énergie déjà trop chère, qui n’existe que grâce à des prix administrés qui traduisent son coût réel de production, achetée autour de 100 €/Mwh, pour un prix de marché de gros à 40 €/Mwh, cette filière arrive, après stockage et restitution, à des prix au moins 9, 8 ou 13 fois supérieurs aux prix de marché, selon ses modalités. Même en pointe, il existe des solutions moins coûteuses.


En variante, considérons la même filière alimentée à partir de l’énergie nucléaire à 40 €/Mwh.  La même filière aboutit alors à des prix au moins 5, 4 ou 7 fois supérieurs au prix de marché. Le cours de l’énergie électrique en pointe atteint très rarement ces niveaux, ce qui rend cette filière impossible faute d’être utilisée avec un facteur d’utilisation suffisant. 

11. Conclusion

Dans l’état actuel des prix et des technologies, la filière à hydrogène n’est envisageable dans aucune de ses variantes. Même :
  • en multipliant par 4 le prix des carburants fossiles utilisés par les centrales de pointe,
  • et en l’alimentant à partir d’électricité nucléaire,
elle aboutirait à des prix égaux (version turbine à CC) ou supérieurs (PàC) à ceux des centrales thermiques de pointe qui seraient alors à :
        (40 x 4) + 15 = 175 €/Mwh

A fortiori son usage pour stocker les excédents d’énergies fatales n'est pas envisageable dans un avenir prévisible.


Annexe : calcul des réservoirs pressurisés

mardi 1 avril 2014

Le "carburant électrique" est-il moins cher?


Table des matières du blog www.8-e.fr

Résumé

Contrairement à un préjugé courant, l’énergie électrique est loin d’être compétitive si on la compare, hors taxes et subventions, et coût de batterie inclus, à celle des carburants.

Sur la base du brut à 108 $/baril, le prix du Kwh thermique issu du  gazole hors TVA et TICPE est de 0,063 €. Il croît avec le prix du brut sans lui être proportionnel car ce prix intègre un terme fixe d’environ ¼ correspondant au raffinage, traitements et transports.
  
Malgré la variété des contrats proposés par ERDF aux particuliers, le prix moyen du Kwh électrique pour l’usager ressort pratiquement à 0,12 €HT qui intègre une part d’abonnement de 0,02 €HT. Les réseaux dédiés à la recharge des véhicules seront plus onéreux, car ils comporteront inévitablement un montant élevé d’amortissement de leur création. L’usage de caténaires sur autoroute, pas du tout en vogue, présente des avantages spectaculaires en contrepartie d’une infrastructure lourde et d’une utilisation contraignante.

Les batteries lithium-ion ont un coût élevé et une durée de vie limitée. Le coût d’utilisation d’un véhicule électrique est donc la somme de deux termes, ici ramené au KWh :
  • Le coût de l’énergie électrique, évalué à 0,12 €/Kwh
  • Le coût de la batterie divisé par le nombre de cycles avant remplacement, ou le coût de location de batterie divisé par le nombre mensuel de recharges
Actuellement, le second terme est largement prépondérant, et le reste même si l’on double le nombre cycles tout en divisant le prix de la batterie prix par deux. Ceci est le principal frein au développement des véhicules électriques. Les prix élevés de location des batteries en sont la conséquence.

La technologie LMP (Bolloré) est performante, mais nécessite un maintien de la batterie à une température élevée qui se traduit par une dissipation thermique faible, mais permanente, fournie par le réseau, inacceptable pour le grand public, mais appropriée pour des Autolib'.

La comparaison thermique / électrique pour un véhicule doit s’effectuer après prise en compte des rendements.
  • Sur autoroute,  la vitesse est constante, les forces aérodynamiques sont prépondérantes et les forces de roulement sont significatives. La puissance relativement élevée autorise un rendement correct des diesels. Ordre de grandeur des rendements 
    • Electrique : 80% (batterie) x 90% (moteur) = 72%
    • Thermique : 36% pour un moteur diesel moderne. 
  • En fonctionnement urbain, très complexe, les forces aérodynamiques sont négligeables, les forces de roulement significatives, mais la principale utilisation des moteurs est la création d’énergie cinétique. Or celle-ci finit par revenir à zéro soit par action des freins  (dissipation thermique), soit par récupération partielle par le moteur électrique vers la batterie, soit par ralentissement naturel du véhicule (transformation en énergie de roulement). Dans cette utilisation urbaine, les rendements se dégradent un peu pour le moteur électrique (de 90% à 77%) et beaucoup pour le diesel (de 36% à 15%).
Dans l’état actuel des prix et des technologies, la comparaison HT est toujours en faveur du gazole. Des hypothèses de forte augmentation du brut accompagnée d’une moindre augmentation de l’électricité avec un doublement de la durée de vie des batteries et une baisse de moitié de leur prix amène la compétitivité de l’énergie électrique en ville, mais le gazole reste le plus compétitif sur autoroute, sauf à y installer des caténaires qu'il ne faut peut-être pas être éliminer trop vite.

Une sortie du nucléaire entraînant une hausse de prix supplémentaire de 56% sur l’électricité, rendrait presque impossible son utilisation dans les véhicules. Les écologistes devront choisir leur doctrine!

Bases de comparaison : le prix hors taxes

                                                   Image « 20 Minutes »

Il est communément admis que l’énergie électrique utilisée pour la propulsion des véhicules revient beaucoup moins cher que les carburants conventionnels. Une analyse plus fine montre que ce lieu commun s’appuie sur des chiffres biaisés, et cache une réalité complexe, le plus souvent opposée !

La TICPE, ex TIPP fort ancienne, s’appliquant aux carburants, n’a jamais cessé d’être la contrepartie de la mise à disposition par l’Etat des infrastructures et services utilisés par les transports routiers. Elle n’a jamais été un impôt écologique, qui ne pourrait qu’être qu’une taxe carbone applicable à tous les combustibles fossiles, quel qu’en soit l’objet, déjà envisagée, mais jamais décidée. Il n’y a donc aucune raison pour que les véhicules hybrides rechargeables ou électriques soient dispensés d’une taxe équivalente à la TICPE, puisqu‘ils ont recours aux mêmes infrastructures et services.

Les taux de TVA varient selon les énergies : 
  • Les carburants supportent le taux de 20% qui s’applique également sur la TICPE ainsi considéré comme une « valeur ajoutée », et aussi sur les consommations électriques. 
  • Curieusement, les abonnements restent soumis au taux réduit de 5,5%, pas même porté à 7,0%.

L’énergie électrique supporte actuellement deux taxes :
  • La CSPE (contribution au Service Public de l’Electricité) destinée à compenser les pertes  d’ERDF dans la vente, au prix tarif, des énergies vertes (éolienne et photovoltaïque) achetées à un prix préférentiel fixé par les Pouvoirs Publics.
  • La TCFE (Taxe sur le Consommation Finale d’Electricité), qui est un impôt local.
  • Une CSSE (?) (Contribution au Service Social de l’Electricité) destinée à financer les réductions de prix des abonnés jugés défavorisés, apparaîtra en application de la loi Brottes votée en 2013, dont on attend (peut-être pour longtemps !) les décrets d’application.

Il va de soi que ces distorsion d’origine politique n’ont de sens ni technique, ni économique à long terme, et que seule, la comparaison hors-taxes (TVA, TICPE et autres) est pertinente. Nous y procédons ci-dessous.

Filière thermique



L’énergie des carburants

Rappelons que le pouvoir calorifique, ou enthalpie de combustion, de l’essence et du gazole par unité de masse est la seule unité pertinente à l’exclusion du volume utilisé pour des raisons pratiques de comptage. Il est égal à 44,8 Mj/Kg, soit 12,4 Kwh/Kg

La distillation du pétrole brut donne de nombreux produits, dont l’essence et le gazole, dans des proportions qui dépendent de l’origine du brut. La distillation a un coût qu’il est impossible d’attribuer à un de ses produits plutôt qu’à un autre. Dans ces conditions, l’essence et le gazole ont, en sortie de distillation, le même coût au Kg. Les traitements complémentaires, les échanges et transports dus aux particularités de marchés nationaux, peuvent altérer cette symétrie, mais de façon relativement faible et peu significative. Le marché peut évidemment différencier les prix indépendamment des coûts, selon l’offre et la demande

Aussi, pour simplifier nos comparaisons, nous ne traiterons ci-dessous que du gazole, en sachant que l’essence n’a pas de différence significative.

L’énergie thermique peut se transformer en énergie mécanique dans un moteur thermique soumis au principe de Carnot-Clausius, c’est-à-dire avec un rendement,  mauvais dans l’absolu, qui varie entre 15% et 43% suivant les conditions d’utilisation d’un moteur diesel moderne.

Nous baserons les comparaisons sur un rendement utile du moteur thermique de 36% sur autoroute, car cette utilisation correspond à un point de fonctionnement du moteur proche de l’optimum.

Le cas du trafic urbain, complexe et beaucoup moins favorable, est analysé plus loin.

Le prix des carburants

Le tableau ci-dessous donne la structure des prix actuels depuis celui du pétrole brut en dollars par baril jusqu’à celui du Kwh thermique en Euros.
Il ne fait aucun doute la demande de pétrole va croître plus vite que l’offre, et que son prix va inéluctablement monter, ce qui amène à mettre dans le tableau ci-dessous deux stades d’évolution aboutissant à un doublement du prix, les autres facteurs étant constants, et les taxes éliminées.

Le coût du raffinage et du transport n’étant pas prépondérant, le prix HT du gazole à la pompe ne double pas, mais augmente quand même de 76%.

Bien entendu, nous ne prenons pas le risque d’une prévision de délai, et nous limitons à analyser les effets de ces situations  sur la compétitivité du gazole.



Filière électrique


Prix HT d’approvisionnement au réseau domestique ERDF

La situation est complexe en raison de la multiplicité des tarifs domestiques ERDF, qui en commercialise actuellement trois :
  • Le tarif de Base, pour des puissances jusqu’à 15 KVA, avec un prix unique du Kwh
  • Le tarif Jour / Nuit,  de 6 à 36 KVA, qui différencie un peu les prix entre les 14 heures de jour et les 10 heures de nuit.
  • Le tarif Tempo, de 9 à 36 KVA, qui, en plus, différencie fortement trois types de jours, dits Bleus (300 jours), Blancs (43 jours) et Rouges (22 jours), la couleur étant connue la veille à 20h pour la journée et la nuit suivantes, soit un préavis de 10 heures. Le tarif « Jour rouge » est très dissuasif, dans un facteur 6,5 par rapport au minimum « Nuit bleue ».

Chacun de ces tarifs comporte :
  • Un abonnement, dont le prix est plus que proportionnel à la puissance souscrite, avec une rupture à 20 KVA pour des raisons mystérieuses.
  • 1, 2 ou 6 niveaux de prix du Kwh.
La logique de l’ensemble ne saute pas aux yeux, mais les tarifs s’imposent quand même. Deux graphiques résument ces tarifs HT (TVA 5,5%):


Les points ci-dessus représentent les tarifs d’abonnement. Le trait bleu, le modèle simplifié que nous utiliserons ci-dessous.
  • De 3 à 18 KVA, l’abonnement annuel ressort à 13,00 €/KVA
  • De 24 à 36 KVA, il atteint 19,50 €/KVA

Les abonnements à partir de 24 KVA étant rares, nous adopterons pour nos comparaisons le prix de 13,00 €HT/KVA.

Les tarifs HT (TVA 20%) du Kwh sont résumés par le graphique suivant :

Le calcul du prix moyen nécessite de prendre en compte dans le tableau ci-dessous :
  • La pondération des trois tarifs. Estimée, elle est incertaine, mais leurs moyennes sont peu différenciées et le rouge Tempo est très dissuasif.
  • L’occurrence de chaque tranche à l’intérieur de chaque tarif, très précise
Nous adopterons évidemment 0,10 €HT/Kwh qui correspond au trait noir horizontal sur le graphique à colonnes.

Abonnement

Pour en évaluer l’impact, considérons un véhicule électrique utilisé en milieu urbain parcourant 30 km par jour, et ce, 300 jours par an, soit 9 000 km par an. Son autonomie pratique est de 90 km. Il doit donc recevoir l’équivalent de 9 000 / 90 = 100 recharges complètes qui nécessitent 6 heures chacune, soit une durée totale de charge de 600 heures. Selon ces chiffres, l’impact de l’abonnement sur le prix du Kwh est de :
13,00 €/an  / 600 Kwh/an =  0,02 €/Kwh
Il peut varier notablement selon le taux d’utilisation, comme pour tout appareil électrique. Mais ses variations affecteront peu le coût complet du Kwh que nous prendrons en compte :
0,10  €/Kwh (variable) +0,02 €/Kwh (fixe) = 0,12 €/Kwh (complet)

Réseaux électriques dédiés

On ignore tout du prix de l’énergie électrique  dans les réseaux publics dédiés à la recharge des véhicules électriques dans l’espace public, puisqu’il n’en existe qu’un en France : le réseau Autolib’ dans lequel l’énergie électrique fait partie des prestations annexes à la mise à disposition du véhicule, laquelle est facturée à l’heure en sus d’un petit abonnement. On ne connaît donc pas le coût de la recharge qui n’est d’ailleurs que très vaguement quantifiée par la jauge de batterie.

Néanmoins, si demain des réseaux de recharge publics venaient à être développés pour les véhicules particuliers, le prix de l’énergie y serait nécessairement beaucoup plus élevé que le prix ERDF à l’abonné, pour trois raisons :
  • Amortissement d’une nouvelle structure très coûteuse
  • Longue durée des recharges interdisant une rotation rapide
  • Marché captif, notamment sur autoroute
Faute d’autres éléments, la suite de l’étude est donc limitée aux prix ERDF.

Prix du Kwh mécanique utile d’origine électrique

Le rendement d’un moteur électrique avec son électronique de commande associée est bon. Sans rentrer dans les détails des différentes technologies et conditions d’utilisation, nous considérerons un rendement de 90%, incomparablement supérieur à celui d’un moteur thermique.

Par surcroît :
  • Le moteur est réversible, et les électroniques de commande modernes le sont aussi : il permet (dans la limite de son couple) de freiner le véhicule en récupérant, sous forme électrique, l’énergie cinétique résultant du ralentissement du véhicule, au rendement près.
  • Il ne consomme rien à l’arrêt.
  • L’énergie qu’il consomme est toujours utile, et ne sert qu’à vaincre les forces de roulement et aérodynamiques. Son rendement est bon partout. S’il pouvait utiliser directement l’énergie du réseau, le moteur électrique serait la solution idéale.
Malheureusement, les automobiles sont…mobiles ! Il faut donc :
  • Stocker l’énergie avant le départ
  • Ou utiliser des caténaires
Stocker l’énergie dans une batterie chargée avant le départ et déchargée en cours d’utilisation. C’est l’unique solution actuellement considérée. Mais ces batteries, malgré leurs progrès impressionnants, ont des gros défauts. Nous citerons ici uniquement ceux qui impactent le coût :
  • Un rendement de l’ordre de 80%
  • Un coût élevé
  • Une durée de vie limitée par le nombre de cycles

                                                  Image Toyota : Batterie Lithium-Ion

Utiliser des caténaires, comme les trolleybus d’antan. Cette solution est actuellement ignorée, peut-être à tort. Elle nécessite une infrastructure lourde, introduit des contraintes d’utilisation, mais présente aussi des avantages considérables :
  • Une technologie simple et éprouvée.
  • En biphasé 400 volts (basse tension), 1 cheval (756 w) par ampère.
  • Autonomie ilimitée et possibilité de rouler à vitesse élevée,
  • Compatibilité avec des véhicules hybrides thermique/caténaire ou batterie/caténaire, ces derniers pouvant être rechargés en temps masqué.
  • Réellement propre, contrairement à l’industrie des batteries.
  • Possibilité de d’organiser la circulation en « trains virtuels » de véhicules proches les uns des autres en pilotage automatique (dessin ci-dessous).
  • Réduction de la consommation par l'amélioration de l’efficacité énergétique (50%?) due à ces trains, et par élimination du rendement de batterie (80%), soit une éduction totale de l'ordre de 60%.
  • Grâce à ces trains, augmentation du débit des autoroutes à génie civil inchangé.
  • Confort et maintien de la liberté des horaires et de l’autonomie du véhicule individuel qui va de porte à porte sans rupture de charge, contrairement aux transports en commun.


Dans le tableau de comparaison, nous introduisons l’amortissement de l’infrastructure par un prix de l’énergie électrique majoré de 50%. Ce chiffre est évidemment discutable ! Cette énergie pourrait être décomptée, ou incluse dans le péage autoroutier.

Technologie LMP : Lithium Métal Polymère

Pour cette technologie, la nécessité de maintenir en permanence la batterie  à une température donnée (de l’ordre de 70°C) entraîne une déperdition d’énergie thermique faible, mais permanente. Nous l’avons définie par la durée pendant laquelle la capacité de la batterie permet de la maintenir en température. Pour une Bluecar (Autolib’ de Bolloré) une source journalistique donne le chiffre de 72 heures pour ¾ de charge perdue, extrapolée à 4 jours pour une charge complète. Ceci correspondrait à :
  • 365 / 4 ≈ 90 charges par an dissipées en chaleur.
  • Equivalent à 10 watts dissipés en permanence par Kwh de capacité de batterie. Ce chiffre dépend évidemment de la température extérieure.
Ces chiffres sont plausibles, mais demanderaient à être confirmés. Par prudence, nous adopterons 6 jours de maintien, soit 365 / 6 ≈ 60 charges dissipées par an, nettement plus favorable.

L’impact de cette perte sur le coût de l’énergie électrique dépend essentiellement de la durée d’utilisation des véhicules. Elle est tout à fait acceptable pour un taxi Autolib’ en libre-service qui est constamment connecté en dehors de son temps d’utilisation, et pourrait l’être pour les autobus électriques sur batterie LMP que la RATP envisage.
  • Pour un véhicule particulier parcourant 9 000 km/an et ayant une autonomie pratique de 90 Km, c’est-à-dire nécessitant l’équivalent de 100 recharges complètes par an, le rendement sur l’énergie de charge est de 100 / (100+60) = 62%
  • Pour un véhicule professionnel (taxi, livraison…) parcourant 18 000 km/an, soit 200 recharges, ce rendement monte à  200/(200+60) = 77%
Les tableaux de comparaisons sont basés sur un coefficient de 62%. La réduction de ce coefficient est peut-être possible selon deux axes :
  • Réduction de la température de fonctionnement
  • Amélioration de l’isolation
A défaut d’information à ce sujet, nous partirons de l’hypothèse d’un allongement de la durée de maintien de 50% par stade d’évolution, c’est-à-dire à des rendements de charge portés de 62% à 71%, puis 79%.

Trafic urbain

La comparaison des rendements des véhicules thermiques ou électriques en trafic urbain nécessite une analyse plus fine de ce trafic, car les rendements varient du tout au tout selon les phases du cycle. Elle ne peut donc se faire que pour un cycle déterminé, que l’on doit choisir :
  • aussi proche que possible d’une réalité qui est d’ailleurs mal connue,
  • simple, pour mettre en relief les différences de comportement entre le thermique et l’électrique au cours de ses différentes phases.
Notre exemple est constitué de :
  • une accélération de 1,4 m/s² de 0 à 14 m/s (50 km/h)
  • une vitesse constante pendant 240 m
  • une décélération « naturelle » de 0,2 m/s² pendant 240 m
  • un freinage de 2m/s² jusqu’à l’arrêt.
  • un arrêt de 1 minute

Au total, 574 m parcourus en 112 secondes (arrêt inclus), soit une vitesse moyenne de 19 km/h selon le profil du graphe ci-dessous.

Le tableau ci-dessous donne les valeurs et les résultats de calculs.

La partie « Dynamique » est commune aux deux familles. Les forces aérodynamiques, très minoritaires en dessous de 50 km/h n’y sont pas prises en compte. Elle montre que pour parcourir le cycle, le moteur (quel qu'il soit) doit fournir 158 Kj pour vaincre les forces de roulement sur les 574 mètres, et éliminer au freinage final 64 Kj d’énergie cinétique excédentaire, soit sous forme de chaleur perdue dans les freins, soit sous forme de récupération électrique partielle.

Le moteur thermique assure un bon rendement (40%) pendant l’accélération qui peut être effectuée au régime approprié (autour de 2000 t/min) et ce avec un couple suffisamment élevé. Ce rendement se dégrade fortement (25%) dans la phase de maintien en raison d’un point de fonctionnement éloigné de l’optimum.
Il n’a pas de sens (0/0) pendant la décélération et le freinage (accélérateur relevé sur un rapport long) : le roulement ralentit naturellement le véhicule pendant que le moteur n’est plus alimenté). Il est nul pendant l’arrêt final, car le moteur, au ralenti, continue à consommer sans rien produire.
Au total il a consommé 1026 Kj thermiques, soit un rendement de 15%

Le moteur électrique est supposé avoir un rendement constant de 90% par rapport à l’énergie sortant de la batterie. La récupération d’énergie cinétique est faite à travers une cascade de rendements : 90% pour le moteur agissant en génératrice, puis 80% pour la batterie, puis à nouveau 90% pour le moteur, soit 80% x 90%² = 65%. Le moteur ne consomme rien en décélération naturelle, ni à l’arrêt. Au total, il n’a consommé que 205 Kj net après récupération de 65% de l’énergie cinétique excédentaire, soit un rendement de 77%, cinq fois supérieur à celui du moteur thermique.

Comparaison des prix thermique / électrique



 Le tableau ci-dessus part des prix HT du Kwh thermique ou électrique, leur applique les rendements qui ont été évalués plus haut et débouche sur des prix du Kwh utile, celui qui sert à vaincre les forces de roulement en ville, et aérodynamiques sur autoroute, puis du Kwh complet incluant la quote-part de batterie.


Il en ressort que l’énergie électrique des batteries est très loin d’être compétitive, même en ville malgré la supériorité évidente du moteur électrique dans cette application. Même l’alimentation par caténaire sur autoroute reste un peu plus chère que le gazole.

Si l’on avait pris en compte le coût réel de location de batteries tel que proposé par Renault sur ses Zoé et Twizy, l’impact de la batterie atteint 2,7 à 10 fois le coût de l’électricité par charge. Les hypothèses du tableau ci-dessus sont donc optimistes.


Les scénarios « Evolution 1 » et « Evolution 2 » se différencient de  l’ « Actuel » par la prise en compte, en deux évolutions successives :
  • D’une division par 2 du prix des batteries
  • D’un doublement de leur durée de vie
  • D’un doublement du prix du pétrole brut, vu ci-dessus,
  • D’une augmentation de 44% de l’électricité, ou de 125% en cas de sortie du nucléaire.
Ces scénarios sont à nouveau optimistes quant à l'évolution des batteries. Ils aboutissent aux comparaisons suivantes :

Evolution 1 : La baisse de 29% du prix des batteries composée avec l’augmentation de 41% de leur durée de vie divise le prix du stockage par 2. Le brut augmente de 41%, et l’électricité de 20% seulement. Les batteries deviennent compétitives en ville, sans plus. Elles sont très loin de l’être sur autoroute.

Evolution 2 : La division par 2 du prix des batteries composée avec le doublement de leur durée de vie divise par 4 le prix du stockage. Le brut double. L’électricité augmente de 44% seulement. Les batteries s’imposent pour l’usage urbain, mais demeurent plus chères que le gazole pour les longues distances qu’elles ne permettent pas de faire sans recharge. Les véhicules électriques s’imposent en ville, mais y demeurent cantonnés, car les éventuels caténaires n’apportent pas d’économie significative, sauf à réaliser les trains virtuels en conduite automatisée qui apportent une forte baisse des forces aérodynamiques, mais cette amélioration n’est pas liée à la motorisation électrique.

Evolution 2 avec sortie du nucléaire : Ce scénario est simultané et identique au précédent sauf en ceci que la France renonce au nucléaire. Entre des énergies renouvelables coûteuses et fatales et des énergies fossiles de plus en plus chères, le prix de l’électricité est évalué à 56% au-dessus du précédent. La compétitivité des véhicules électriques en ville demeure sans être écrasante, et l’usage de l’électricité sur autoroutes est loin d’être compétitif, même avec des caténaires.

Conclusion sur la comparaison hors taxes et subventions

Sans étonnement, on constate que le développement des véhicules électriques dans un marché libre et neutre reste conditionné par :
  • Des progrès importants des batteries en termes de coût et de durée de vie pour réduire le « coût de batterie » qui s’additionne à celui de l’énergie électrique.
  • La réduction des pertes thermiques des batteries LMP.
  • Le maintien d’un prix de l’électricité raisonnable malgré les risques de hausse :
    • Impact des énergies fossiles sur le marché global de l’énergie dont les segments sont interdépendants.
    • Directives de l’Union Européenne augmentant la part des énergies dites « vertes ».
    • Normes « Post Fukushima » augmentant le coût du nucléaire
    • Risque de sortie totale ou partielle de l’énergie nucléaire sous la pression d’une opinion publique inquiète.
  • A l’inverse, l’adoption du « yield management » pourrait déboucher sur une baisse des prix du Kwh en heures creuses, favorable à la charge des batteries de véhicules.
On peut s’attendre voir les véhicules se développer dans des applications strictement urbaines, en particulier professionnelles, mais pas sur les longs trajets, notamment autoroutiers. Ce manque de polyvalence laisse présager un bel avenir aux véhicules hybrides, rechargeables ou non, qui améliorent les rendements et réduisent les coûts et inconvénients des moteurs thermiques en ville, tout en conservant l’autonomie.

La sortie du nucléaire est incompatible avec le développement des véhicules électriques, sauf à accepter une augmentation massive des émissions de CO2

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