lundi 16 septembre 2013

L’électricité verte a-t-elle un sens en France ?


« Le cri d’alarme des énergéticiens européens »

Sous ce titre, le quotidien « Les Echos » rapporte dans son numéro du 12 septembre 2013 l’inquiétude des producteurs d’énergie électrique européens face à la politique européenne de subvention des énergies renouvelables au détriment du nucléaire. Selon eux, elle aboutit à :
  • une explosion des prix pour le consommateur qui prend les subventions en charge,
  • une fragilisation des réseaux pouvant conduire à des black out,
  • une augmentation des émissions de CO2 contraire aux engagements de Kyoto
  • la mise à l’arrêt de centrales au gaz performantes et relativement peu émettrices, concurrencées par des énergies subventionnées prioritaires et par le charbon importé à bas coût des USA où il est lui-même concurrencé par le gaz de schiste.

 Situation de la France

Examinons la situation de la France à ces égards : le tableau ci-dessous positionne les différentes filières de production dans un graphique :
  • En abscisses, par disponibilité décroissante
  • En ordonnées, par ordre de grandeur du coût croissant en €/MWh (échelle lograrithmique)
Les filières situées en bas et à gauche sont donc économiquement les meilleures. Toutefois, trois d’entre elles, sur fond gris à noir, sont émettrices de CO2.


Le second tableau, ci-dessous, donne l’occurrence des puissance requises par le réseau de distribution sur une année, ici l’année 2010, mais cette structure varie peu.

Rappelons qu’à l’échelle d’un réseau, le seul moyen de stockage de l’énergie électrique est dans les STEP (Stations de Transfert d’Energie par Pompage) qui sont des centrales hydrauliques de haute chute réversibles. En raison de la rareté des sites appropriés, leur capacité reste très limitée et leur apport se limite aux régions montagneuses. Les opérateurs (principalement EDF)  doivent donc produire à chaque instant exactement la puissance consommée par le réseau, laquelle varie rapidement et largement, entre 40 et 100 GW, aux échanges internationaux près.

Pour ce faire, l’opérateur utilise d’abord les énergies renouvelables fatales (éolien et photovoltaïque), dites « vertes », qu’il doit prioritairement racheter, qu’il en ait besoin ou non, à un tarif préférentiel totalement déconnecté du marché de gros de l’énergie. Le sucoût est répercuté par l’opérateur au consommateur par la CSPE en bas de facture.

Il utilise ensuite, selon leurs disponibilités, les énergies par ordre de prix croissant pour parvenir à équilibrer la  consommation du réseau. Après une petite part constituée par l’hydraulique fatale (centrales au fil de l’eau), il fait appel aux centrales nucléaires. Il peut ainsi, au niveau national, couvrir jusqu’à 60 GW, ce qui est suffisant environ 50% du temps, et contribuera à couvrir les demandes supérieures à 60 GW, notamment par temps froid, pendant les 50% restants.


Le complément de production sera assuré par les énergies de pointe : centrales hydrauliques de haute chute et centrales thermiques à charbon ou à gaz.

Cette description nationale pourra être nuancée par régions en fonction des ressources régionales de production, et des coûts et pertes de transports. Ainsi, la Bretagne et PACA, dépourvues de centrales nucléaires, feront appel plus tôt aux centrales thermiques.

Ce graphique, établi sur des moyennes, ne doit pas faire oublier que, pour chaque niveau de consommmation nationale, la contribution des énergies fatales (éolienne, solaire, marémotrice, hydraulique au fil de l’eau) n’interviendra qu’à hauteur de leur production effective, sans relation avec le besoin du réseau.

Il s’en suit que l’infrastructure de production hors énergies fatales doit être dimensionnée en fonction des crêtes de consommation au cours desquelles ces énergies peuvent être absentes : Le développement des énergies dites  « vertes », toutes fatales ne permet en aucun cas de réduire le parc énergétiques des autres filières, et notamment le parc nucléaire. Une énergie intermittente ne peut évidemment pas remplacer une énergie permanente !

Il s’en suit aussi que les énergies fatales, contractuellement absorbées en priorité par l’opérateur de réseau, ont principalement pour effet de réduire la production nucléaire. Or, si le coût complet de cette dernière est de l’ordre de 40 €/MWh, essentiellement composé de frais  fixes, son coût marginal est très bas, de l’ordre de  2 €/MWh ! Ceci resitue le véritable prix de marché des énergie fatales, 50 à 100 fois inférieur à leur prix de rachat administré ! Parler d’une proche compétitivité des énergies vertes n’est pas sérieux et oublie simplement que tous les MWh ne se valent pas, mais peuvent varier entre 0 €/MWh (ci-dessous) et plus de 1 000 €/MWh (crête française de février 2012).

Suivre l’Allemagne dans la voie du développement éolien et photovoltaïque accompagné d’une réduction du nucléaire amènera en France, et aggravera pour l’Allemagne, les problèmes actuellement rencontrés par ce pays frontalier et interconnecté :
  • Compensation quotidienne de la non-production des énergies vertes (nuit et air calme) par de l’importation, principalement en provenance de France.
  • Compensation de la baisse de production nucléaire par le développement des centrales au charbon avec accroissement massif des émissions de CO2.
  • Fragilité du réseau par la volatilité de la production d’énergies vertes.
  • En début d’été 2013, par un dimanche matin venteux et ensoleillé, le rachat obligatoire d'une énergie électrique verte fatale qui excédait les besoins du réseau, a contraint l’opérateur allemand à revendre l’excédent de cette énergie à un prix négatif (payer pour pouvoir l’écouler!) sur le marché international ! Même si cette configuration est rare, elle est symptomatique de l’inadaptation des énergies vertes à la satisfaction des besoins réels.
Les énergies vertes ne servent à rien

Le tableau en tête de ce message montre de façon criante que :
  • Le nucléaire, dont le coût intègre les lourdes normes « post-Fukushima », reste parfaitement compétitif. Mais son énorme coût d’investissement ne permet pas son utilisation en centrales de pointes dont le taux d’utilisation est faible, et la lenteur de ses réactions ne lui permet pas de  suivre les variations rapides du besoin.
  • Les centrales thermiques (en France : gaz ou charbon) justifient leur coût plus élevé par leur capacité de réaction quasi-immédiate, notamment pour le gaz, et sont indispensables pour faire face aux variations  rapides de la demande, ou de la production fatale.
  • On est bien contraint de conclure que les énergies vertes, situées  en haut (chères) et à droite (fatales) du le tableau, n’ont actuellement aucun intérêt, sinon de satisfaire les convictions d’une partie de l’opinion publique qui, faute d’informations pertinentes, n’a pas compris cette problématique, il est vrai, assez complexe.
Dans ce contexte, fixer un objectif à long terme de réduction de 80% à 50% de la part de nucléaire dans la production électrique française est une absurdité : même  si l’on admettait que l’énergie nucléaire en France présente un risque, celui-ci serait lié à la présence de centrales nucléaires en activité, et non à leur production. Au minimum, il faudrait donc exprimer cet objectif, non pas en énergie produite, mais en capacité installée. Ainsi redéfini, le ratio est actuellement de 55%. Cette « grosse moitié » n’est pas déraisonnable : contrairement a ce qui a parfois été affirmé, la France n’est pas dans le « tout nucléaire ».

Les énergéticiens européens ont (presque) raison

Le cri d’alarme des énergéticiens européens (parmi lesquels EDF, moins concerné, était absent) est justifié. Il convient quand même de nuancer la dernière affirmation sur les centrales à gaz, qui sont concurrencées beaucoup plus par le charbon importé que par les énergies vertes. Ceci est très regrettable, car une centrale au charbon émet 3 à 4 fois plus de CO2 qu’une moderne centrale à gaz à cycle combiné, mais ceci est un problème mondial qui n’est pas lié à la politique européenne contestée par eux. Une taxe carbone pénalisant les centrales au charbon aurait pu être une solution si une telle taxe n'entraînait pas autant d'effets pervers, notamment en termes de compétitivité.

La Taxe Carbone : 1 - Nécessité

LA TAXE CARBONE : 1 - Nécessité


Plan du chapitre « LA TAXE CARBONE »

Situation du géopolitique problème

Le gaz carbonique, rebaptisé dioxyde de carbone, CO2, est à l’origine de la vie végétale à travers la photosynthèse. S’il était absent, la vie végétale, et donc toute vie animale et humaine disparaîtraient. A proprement parler, il n’est donc pas un polluant.

Pour autant, on observe une croissance continue du taux de CO2 dans l’atmosphère depuis le début de l’ère industrielle (vers 1850). Sur cette période, le taux de CO2 est passé de 0,028%  à 0,038%, soit une hausse importante et prouvée de 36%.

Il ne fait guère de doute que cette hausse résulte de l’augmentation massive des émissions de CO2 anthropiques (dues à l’homme), principalement dues à :
  • la combustion, pour usage thermique, énergétique ou chimique) du carbone fossile contenu dans le charbon, le pétrole et le gaz naturel
  • la déforestation pour des raisons variées, notamment l’extension des surfaces cultivées,  l’exploitation du bois en tant que matière première, et l’urbanisation.
Il existe d’autres facteurs non anthropiques démissions de CO2 : oxydation naturelle des résidus organiques, volcans…, mais ils n’ont pas connu d’augmentation significative.

Le résultat figure ci-dessous, en haut en stock, en bas en flux


Cette situation ne présente aucun danger direct immédiat pour la vie humaine, puisque les taux de CO2 actuels ou prévisibles dans l’atmosphère sont extrêmement  loin des seuils de toxicité. Elle a même pour effet d’accélérer la photosynthèse, et donc d’augmenter un peu la vitesse de croissance des végétaux et donc la production agricole.
La dissolution d’une partie de ce CO2 dans les océans réduit son accroissement dans l’atmosphère, mais aussi d’acidifie légèrement la mer par formation d’acide carbonique dans la réaction :
CO2 + H2O à 2 H+ + CO3--
sans que les conséquences de cette très lente réduction du pH (car la masse de l’océan représente environ 300 fois la masse de l’atmosphère) soient clairement établies à ce jour. L’évolution des espèces (établie par Darwin) montre leur remarquable capacité d’adaptation aux changements pour autant que ceux-ci-soient lents et laissent les mutations suivies de la sélection naturelle rétablir les équilibres initialement menacés. 

En revanche, un faisceau de présomptions fortes et convergentes basées sur plusieurs modèles mathématiques, explique l’augmentation de température, mesurable depuis l’an 2000, par un effet de serre (rétention des infrarouges réémis par la terre) principalement dû à l’augmentation du taux de CO2, et l’extrapole pour l’avenir. Cette augmentation de température aurait des effets catastrophiques, tels que la désertification de certains pays du sud, la fonte de glaciers notamment arctiques, l’élévation du niveau de l’océan, et une adaptation problématique d’un grand nombre d’espèces animales ou végétales. Un organisme international, le GIEC, a été créé par l’ONU pour en étudier les causes et les conséquences. C’est aussi sa limite : on imagine mal un organisme nier ce pour quoi il a été créé !

Récemment, de nouvelles études de carottes de glace antarctique montrent une corrélation entre le taux de CO2 des bulles d’air incluses, et les nouvelles évaluations des dates d’anciens réchauffements atmosphériques qui n’étaient évidemment pas anthropiques. Elles renforcent donc l’hypothèse d’une corrélation entre CO2 et réchauffement, le premier étant la cause du second.

Un consensus, notamment dans les pays de l’OCDE, s’est formé afin, sinon de réduire ces émissions, du moins de ralentir leur croissance. Il n’est que peu ou pas partagé par les USA et les pays émergeants dont le BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine).

Il va de soi que, contrairement à la plupart des pollutions souvent plus ou moins locales, l’augmentation du taux de CO2 et ses possibles conséquences sont strictement mondiales : le CO2 est un gaz stable, qui circule avec les masses d’air atmosphériques en ignorant les frontières et les océans. Il s’en suit que seuls les efforts de réduction partagés par tous peuvent aboutir à un résultat. Pour autant : 
  • Il n’est pas anormal que les nations ayant initié la révolution industrielle émettrice de CO2 prennent l’initiative de cet effort, même s’il reste très peu efficace en n’étant pas suivi par les USA et la majorité des pays émergents, et notamment par la Chine.
  • La mutation vers une économie moins carbonée s’imposera de toute façon, indépendamment du problème climatique, avec la raréfaction rapide et le renchérissement, du pétrole, puis du gaz, puis beaucoup plus tard du charbon. Il est donc certainement opportun au plan économique d’anticiper ce passage et de devenir un modèle qui exportera ses idées …et ses technologies.

 C’est pourquoi le présent message ne traitera que de la France, bien qu’elle n’émette qu’environ 1% du CO2 anthropique mondial.

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